Pourquoi donc les femmes abandonnent-elles leurs études avant les hommes?

YSENGRIMUS — On observe de plus en plus et ce, partout (y compris dans le tiers-monde) que les filles réussissent brillamment leurs études mais ne persévèrent pas dans leurs formations académiques et dans le cheminement professionnel qui s’ensuit. Pourquoi? Bon sang de bonsoir, pourquoi? Dans l’ambiance généralisée d’indigence intellectuelle de ce temps, il faut se taper les explications proposées par certains de nos folliculaires. Tout est en question. Les hormones? Les grossesses? Les carences agressives de l’estrogène rendant inapte à la fatalité de l’espace compétitif? Oh, oh, calmons-nous… L’explication de la contradiction lancinante entre les résultats scolaires des filles (par rapport à ceux des garçons) et la non-durabilité de leur temps d’études n’est pas biologique mais historique, en ce sens qu’elle indique la crête d’un moment (cent ou cent cinquante ans à l’échelle de l’Histoire c’est un moment) de fracture historique. Par pitié, méfiez-vous de toutes tentatives d’explication de ce genre de problème académique ou intellectuel sur des bases biologiques, car c’est là une sinistre déviation réactionnaire. Mâle Alpha, à la niche…

Le flux des changements historiques se compare à un immense incendie dans une plaine. La paille sèche brûle et cela soulève d’épaisses volutes de fumée. Longtemps après l’extinction des flammes vives de l’incendie, la fumée perdure et c’est seulement l’intervention d’autres forces (vent, pluie) qui en viennent à finalement la dissiper, alors que c’est la fin de l’incendie, et rien d’autre, qui la condamne au départ. Dans la division sexuelle du travail qui caractérise les dizaines de millénaires agraires d’où nous venons tous, la femme, en sa qualité de version humaine de la génisse reproductrice, fut restreinte à la maison et au potager tandis que l’homme gardait les troupeaux, faisait la guerre et montait à la conquête des citadelles matérielles et intellectuelles. Depuis le début du siècle dernier, l’incendie patriarcal est bel et bien éteint mais la fumée est encore fort épaisse. Irréversiblement libérées de la division sexuelle effective du travail rural par l’industrialisation puis, en notre temps, par la tertiarisation de la civilisation, les femmes ont cependant encore les yeux embrouillés par une fumée patriarcale (souvent soufflée dans leur visage par un papa effectif) dont les fondements socio-économiques se sont pourtant bien éteints. Les idéologies retardent. Dirons-nous assez que les idéologies retardent et que cela fait desdites idéologies des représentations retardataires du monde? Les femmes se font donc éventuellement rattraper par des priorités et des représentations de nature domestique qui gagnent d’ailleurs en importance dans la société civile mais qu’on pose encore, pour elles, en une criante dichotomie (artificiellement maintenu par les priorités de production du capitalisme) avec leurs activités de nature académique. Elles quittent donc la citadelle «des hommes» (qui n’en est pourtant plus une) pour retourner vers celle «des femmes» (qui n’en est plus une non plus). Les vieux réflexes intellectuels perdurent, dans un monde matériel nouveau. Il y a encore fumée sans feu. Et cette contradiction fondamentale déchire tragiquement la vie de la femme moderne. Mais, comme on le constate de plus en plus, leurs résultats scolaires augmentent. Tiens donc, tiens donc, ils augmentent, par rapport à ceux de leurs mères et de leurs grand-mères… Cette augmentation de leurs compétences académiques ne vient pas de nulle part non plus et n’est en rien le fruit du hasard. C’est de fait un indice cardinal de la capacité croissante des femmes à s’intégrer dans les nouveaux cadres sociaux qui, inexorablement en évolution à leur avantage, ne les discriminent plus. La qualité de leur travail vrille donc son chemin au sein de l’instruction et de la production et le jour viendra où leurs décisions subjectives archaïques tomberont, au profit de choix plus conformes aux capacités objectives qu’elles manifestent désormais sans ambivalence. Il ne faut pas se demander pourquoi les femmes se retirent encore des facultés malgré de bons résultats académiques. Il faut plutôt se demander pourquoi elles ont soudainement de très bons résultats académiques malgré le fait qu’elles se retirent encore des facultés. Et la réponse, au problème ainsi remis sur ses pieds, est alors que, chez les jeunes femmes de notre temps, la propension OBJECTIVE à ne plus se retirer des facultés se met fermement en place DE PAR ces susdits résultats, indices polymorphe moins de la conformité scolaire des petits filles, comme certains voudraient tellement le croire, que de leur intérêt croissant pour les choses du vaste monde. La force objective de leurs compétences fissurera bientôt les idées anciennes. Ce qu’elles peuvent et ce qu’elles veulent se rejoindra, non sans introduire une profondes révolution de nos représentations intellectuelles et émotives au passage. C’est une simple question de temps. La réponse à ma question en titre est que les vieilles valeurs perdent graduellement prise face à la puissance du fait encore tout nouveau et tout chaud, devant l’histoire, de l’émergence sociale et intellectuelle de la femme.

Maintenant attention. En détruisant le vieux mode de production agraire, le capitalisme a imposé l’égalité objective de l’homme et de la femme. En ce sens, il est une étape décisive vers quelque chose comme le socialisme. Mais, comme dans le cas des discriminations sur fondement ethnique ou racial, le capitalisme a aussi intérêt à perpétuer toutes les pratiques archaïques susceptibles de légitimer le profit et l’extorsion de la plus-value. Le mythe sexiste de la faiblesse intellectuelle ou matérielle des femmes est une de ces pratiques archaïques fort intéressantes pour le capitalisme. Si la femme travaille mais est moins qualifiée parce qu’ayant renoncé tôt à ses études, voilà, par transposition intellectuelle du vieux mythe, au réceptacle encore vivace, de la faiblesse physique de la femme, un prolétariat frais, compétent mais complexé, moins coûteux et fragilisé par la fumée de l’ancien mode de production qui l’étouffe encore. Le capitalisme voit que tout ce fatras réactionnaire et traditionaliste sur la femme est bon à prendre et n’oeuvre pas trop vite à parachever, dans les consciences, l’égalité en sexage qu’il a lui même imposée dans les faits, car, pour le capitalisme, dans sa logique socialement nivelante, égalité en sexage cela signifie égalité SALARIALE et rien d’autre. Le plus tard possible alors, dans la logique de notre cher Capi… Combien de chefs d’entreprises vous diront, sans faire de farces plates, qu’ils aiment embaucher des femmes parce que c’est une catégorie de personnel à la fois moins coûteux et plus fidèle à l’entreprise. L’entreprise investit des efforts fantastiques à perpétuer facticement les faiblesses et les douceurs dont elle entend profiter. Mais tout n’est pas joué, il s’en faut de beaucoup. Notre nouveau millénaire, je vous le redis, sera le millénaire de la femme. Et l’ordre qui va s’instaurer de par la mise en place, historique et collective, des femmes et des priorités intellectuelles et matérielles des femmes ne sera pas nécessairement un ordre entrepreneurial…

Les filles ne peuvent pas… euh… quoi?

7 réflexions sur “Pourquoi donc les femmes abandonnent-elles leurs études avant les hommes?

  • 25 mai 2018 à 2 h 54 min
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    J’ai bien peur que le changement dont vous parlez ne se produise totalement que par le remplacement de la sexualité naturelle des hommes et des femmes par une sexualité artificielle, celle qui est justement recherchée par le Business (voir les travaux de Maria Poumier), dont le seul moteur pour transformer peuples et nature est la recherche du profit et du pouvoir . C’est exactement le Meilleur des Mondes. C’est le cauchemar qui arrive lorsque l’homme se croit Dieu après l’avoir inventé et veut rendre semblable ce que la nature a créé différent.
    PS: Vous ne parlez pas de la division sexuelle des tâches, fondamentale, dans les sociétés de chasseurs primitives modernes et dans la Préhistoire, qui a duré infiniment plus longtemps que les sociétés agraires. On retrouve aussi cette division des tâches dans nombre d’espèces animales, bien sûr.

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    • 25 mai 2018 à 7 h 39 min
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      Le poncif social-darwinien de la libération des femmes comme astuce d’exploiteurs capitalistes. Il est toujours saisissant d’observer que, le temps d’une ou deux semonces sur les visées progressistes des bonne-femmes, tout le monde et son frère (pas sa sœur) subitement (surtout à droite) se transforme (tout temporairement) en un Karl Marx hirsute…

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      • 25 mai 2018 à 9 h 54 min
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        Ysengrimus, est-ce à moi que vous vous adressez ? Si oui, votre réponse n’a aucun sens pour moi; vous faites de la dérision et votre discours est creux. J’ai vécu très longtemps parmi des peuples non-occidentaux, non-industrialisés, non capitalistes en Amérique du Nord et en Amérique du Sud et je me suis toujours intéressé aux modes de vie et de pensée préhistoriques. Je parle de ce que j’ai vu, vécu et compris. Comme Pierre Clastres (« La société contre l’Etat ») en son temps. Libre à vous de croire que ces mondes et ceux qui en font partie sont « hirsutes »; s’ils ne l’étaient pas dans votre imagination, vous ne voudriez certainement pas les changer. Mais que cela vous plaise ou non, le monde immédiat est une écume en comparaison de l’océan du passé. Et comme les Amazoniens, je pense que l’Un est la mort et que le Divers c’est la vie. L’Un, l’unification, c’est le socialisme capitaliste, un système redoutablement destructeur, le rouleau compresseur du « Progrès », qui n’est jamais le progrès spirituel, bien au contraire. J’ajoute que j’ai une immense sympathie pour ce que sont, pensent et font les femmes, qui sont en général mes interlocuteurs (trices) préférés (difficile de dire cela en français). Comme vous êtes Ysengrimus (comme le loup) et pas Ysengrima, c’est peut-être pour cela que ça bloque. En plus du fait que vous vous cachez derrière un pseudo, ce qui est toujours un très mauvais signe pour moi.

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  • 25 mai 2018 à 9 h 11 min
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    @ tous
    Je me permet une embardée dans cet échange instructif.
    Ma thèse sur le sujet de la sexualité – les femmes – et leur libération de genre va comme suit:
    1) Les rapports de production (ce qui inclut la famille, la sexualité, la religion, la division du travail) repose sur le développement des forces productives y inclut les moyens de production = ET = beaucoup moins l’inverse (dialectiquement parlant)
    2) Dans le développement du mode de production capitaliste (on s’en tient à celui-là pour aujourd’hui) il vint un moment où les moyens de production y compris les forces productives adaptées – formées adéquatement – vinrent à manquer (même s’il demeurait du chômage chez les moins instruits – un manque criant se faisait sentir) = 1968 fut de ce temps 2008 – 2018 aussi
    3) La soi-disant « libération sexuelle » des années soixante et la présente furent le moyen par lequel le système INCONSCIEMMENT = JE NE SUGGÈRE PAS ICI UN COMPLOT PLANIFIÉ MALICIEUX – un besoin existait de beaucoup plus de main-d’oeuvre qualifiée – le système réagit en donnant à la moitié des forces productives mondiales (femme) le moyen de contribuer aux forces productives
    4) L’entrave à cette participation – exploitation était et est toujours cette responsabilité physique que la femme doit assumer de porter et d’élever la progéniture. Pilule – avortement – contraception – plus d’enfant – bébé éprouvette – garderies – éducation aussi pour les femmes – salaire égal – égalité des genres – féminisme petit-bourgeois etc. etc. furent autant de méthodes – de thématiques « libératrices » utilisées pour rendre les femmes disponibles sur le marché du travail-exploitation.
    5) Oh bonheur aujourd’hui l’Allemagne égalitaire a la chance d’être dirigée par Angela Merkel, et in England she’s Theresa May et ici la nouvelle générale en chef de la GRC anti-ouvrier est une dame qui baragouine le français ce qui ajoute à son humanisme très caporal mon commandant – Quoi demander de plus à l’évolution de la race québécoise (sic) ???
    Pardonnez mon intrusion
    Robert Bibeau http://www.les7duquebec.com

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  • 31 mai 2018 à 21 h 37 min
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    JAJAJAJA… C’est drôle de voir Céline Dion à la tête de cet article!

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