QUELLE EST LA SOURCE DE TOUTES CONNAISSANCES? (Débat entre Ysengrimus et un pastiche du philosophe antique PYRRHON)

Mon cher Pyrrhon,

C’est un grand plaisir que de vous connaître. Je brûle de vous poser une question depuis des lustres. Que pensez-vous, depuis votre position antique mais fraîche et tranchée, des vues des grands sceptiques modernes. Je pense à l’empirisme anti-spéculatif de Hume, et à l’agnosticisme de Kant. Je suis tout à fait conscient de commettre ici un anachronisme multimillénaire et j’en fais in petto amende honorable. Mais en tant que rédacteur en chef de DIALOGUS, je suis honoré de vous annoncer que si ces dignes héritiers de votre lumineux baguenaudage ontologique échappent à votre connaissance, nous nous ferons un honneur et un plaisir de vous tuyauter à leur sujet et de recueillir à chaud les gemmes de vos réactions.

René Pibroch, dit Chapeau-Bas

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Chapeau bas, Chapeau-Bas!

Kant sceptique! Pourquoi pas Hegel, tant que vous y êtes! Si Kant est sceptique, je suis dogmatique, assurément!

Mais, me direz-vous, laissons là toutes ces pages, écrites par distraction. Ce qui compte, c’est qu’il ait savouré la vie, qu’il ait atteint l’ataraxie. Voilà un homme qui a su oublier toute ligne de conduite, tout devoir, toute morale: un homme qui s’est laissé aller à l’arbitraire de ses impulsions! Sans foi, ni loi, ni heure, il se levait quand bon lui semblait et courait le guilledou si l’envie lui en venait. Et heureux qui comme Emmanuel a fait de longs voyages! Ses élèves et ses disciples ne se sont-ils pas révélés sans jugement, sans inclination d’aucun côté, inébranlables comme de bons sceptiques?

Vous parlez de son agnosticisme. Ouais. Saint Anselme et Descartes aussi étaient agnostiques, puisque, pour prouver l’existence de Dieu, ils ont dû opter pour une attitude de recherche et de doute (C’est le «dubito, ergo Deus est» de Descartes.), cette pose «zététique» (qui est aussi une pause) que l’on attribue souvent –hélas- aux sceptiques. Et lorsque Kant affirme que la preuve physico-téléologique nous guide vers un auteur intelligent du monde dont la preuve morale produit la conviction de l’existence, il atteste qu’il a d’abord dû adopter une posture agnostique (ce dont témoigne La critique de la raison pure). Mais à ce compte là, même les catholiques les plus fervents qui récitent le credo pendant la messe sont agnostiques, puisqu’ils proclament continûment leur foi en raison de l’hypothèse qu’à tout moment ils pourraient la perdre·

Pour ce qui est de Hume, c’est différent. À certains égards, il mérite probablement d’être appelé sceptique. Mais de quel scepticisme s’agit-il? Je serais tenté de le rapprocher de Sextus Empiricus, évidemment (le club des empiristes!). Lorsque Hume énonce que «les relations sont extérieures à leurs termes», ne serait-il pas en train de remuer la même idée que Sextus quand celui-ci écrit que, «puisque nous avons montré que toutes choses sont relatives, de toute évidence nous ne pouvons dire ce qu’est chaque objet par sa propre nature et absolument, mais ce qu’il apparaît en relation avec quelque chose»?

Seulement voilà: ce scepticisme là que Sextus m’attribue n’est pas le mien. Il y est question d’apparences des étants, de l’évidence de ces apparences et d’un doute qui plane sur les étants. Or, j’admets volontiers les apparences, mais rien de plus: ni étants, ni doute à leur propos.

Bref, laissez-moi vous détromper: ces deux-là, Hume et Kant, ne sont pas mes héritiers. D’ailleurs, pour avoir des héritiers, encore faut-il avoir quelque chose à léguer. Et je n’ai rien à léguer, surtout pas les dogmes d’une quelconque sagesse. Je laisse ça au jeune Épicure. Et, pour tout vous dire, j’enrage qu’Épicure ait tenté de convaincre mon bon Nausiphane lorsque celui-ci est allé l’écouter à Téos

Quant à mon «lumineux baguenaudage ontologique», je trouve l’éloge hardi. Qu’en savez-vous? Qui vous a raconté que je baguenaudais, de manière lumineuse de surcroît? Si je n’ai pas pris la peine d’écrire quoi que ce soit, ce n’est pas pour m’entendre accuser de frivolité, fusse-t-elle lumineuse. Ironie? Bon sang, mais c’est bien sûr! Chapeau bas, Chapeau-Bas!

Pyrrhon

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Monsieur Pyrrhon,

J’aimerais voler au secours du rédacteur en chef. de DIALOGUS. Il s’exprime comme un fat, mais n’a pas toujours tort. Je voudrais d’abord soumettre à votre attention soutenue le fragment suivant de la cinquième section, du second chapitre, du Livre 2, de la Deuxième Division de la CRITIQUE DE LA RAISON PURE de Kant Cette section est intitulée for opinément Représentation sceptique des questions cosmologiques par les quatre idées transcendantales:

Nous nous passerions volontiers qu’on fit à nos questions une réponse dogmatique, si nous comprenions bien d’avance que, quelle que fût la réponse, elle ne ferait qu’augmenter notre ignorance, nous précipiter d’une incompréhensibilité dans une autre, d’une obscurité dans une plus grande encore, et peut-être en des contradictions. Si notre question comporte simplement une affirmation ou une négation, c’est agir avec prudence que de laisser là provisoirement les raisons apparentes de la réponse et de considérer ce que l’on gagnerait, si la réponse était dans un sens ou dans l’autre. Or, s’il se trouve que, dans les deux cas, on aboutit à un pur non-sens, nous avons alors un juste motif d’examiner notre question elle-même critiquement et de voir si elle ne repose pas elle-même sur une supposition sans fondement et si elle ne joue pas avec une idée, qui trahit mieux sa fausseté dans son application et dans ses conséquences que dans sa représentation abstraite. Telle est la grande utilité qui résulte de la manière sceptique de traiter les questions que la raison pure adresse à la raison pure, et par ce moyens on peut, à peu de frais, se débarrasser d’un grand fatras dogmatique pour y substituer une critique modeste qui, comme un vrai catharticon, fera disparaître facilement la présomption, en même temps que sa compagne, la polymathie.

Vous admettrez que si cela n’est pas le scepticisme chevillé dans les tréfonds les plus intimes de la doctrine de la connaissance, c’est rudement bien imité… Mais, comme vous diriez peut-être: qui sait?…

Sur l’agnosticisme de Kant, il y a aussi maldonne. Le bon Pibroch ne fait pas ici référence à l’incurie cultuelle du mécréant, mais bien à l’agnosticisme philosophique, celui qui conclut non pas de dieu, ce mythe vulgaire, mais de la totalité de l’existence, qu’elle est inconnaissable. George NoëL, LA LOGIQUE DE HEGEL, Paris, 1897:

Chez Kant, nous avons le réalisme agnosticiste […]. C’est du point de vue de l’agnosticisme que Kant définit le dogmatisme. Est dogmatique quiconque prétend déterminer la chose en soi, connaître l’inconnaissable.

Pour vous, bon philosophe antique, il s’agit moins pour l’instant de connaître que de reconnaître. Ne reconnaissez vous pas ici, Pyrrhon, dans ce Kant lestement cité et glosé, l’un de vos dignes héritiers?

Ysengrimus

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Monsieur Ysengrimus,

Je m’en voudrais d’apparaître comme un contempteur de Kant. Imaginez la difficulté que représente pour moi la lecture d’une œuvre aussi complexe, si éloignée de mon époque! Il serait bien présomptueux de ma part de prétendre en détenir le fin mot. Reste que la lecture posthume que j’en ai faite m’a souvent réjoui par l’astuce raisonneuse qu’elle exhibe. Sans me convaincre, bien sûr. Mais ce n’est pas «nécessaire», pour reprendre un mot qui lui est cher.

Vous avez bien sûr raison de dire que les quatre idées transcendantales dont il est question dans le chapitre de La critique de la raison pure consacré à l’antinomie de la raison pure sont de nature sceptique. Le commencement du monde, la grandeur du monde, la causalité première, la nécessité absolue, voilà bien des questions évidemment indécidables. Mais concédez-moi que ce scepticisme ne concerne que ce qui est en défaut d’expérience. Et il vise à mieux asseoir l’idéalisme transcendantal aux termes duquel «les objets de l’intuition extérieure existent réellement». Chez Kant, la scission (scission que le langage réitère «par son seul fait», d’où mon goût non tu pour le silence) de l’être et du paraître est plus forte que jamais, même s’il laisse la chose en soi hors des prises de la faculté de connaître. Mon scepticisme est un scepticisme de l’indivision: rien n’est derrière l’apparence.

Il m’était demandé ce que je pensais de Kant, un philosophe qui aurait eu l’heur de me plaire (non de me convaincre) sur bien des points s’il n’avait écrit que La critique de la raison pure. Mais il ne s’est pas arrêté là. Et plus vous insistez sur l’anti-dogmatisme de la première critique, plus vous laissez supposer quelque chose comme de la duplicité par rapport aux autres critiques, lesquelles ressuscitent (une fois de plus) un dieu unique bien plus encombrant que nos chers Dieux olympiens (et infernaux). Je pose la question: à quoi bon baptiser agnostique le chantre de certaines «inconnaissabilités», si celui-ci se ménage l’occasion de proclamer une foi qui – soit dit en passant – n’a rien de vulgaire? Par contre, parler de réalisme agnosticiste à propos de l’anti-dogmatisme de La critique de la raison pure comme le fait George Noël, pourquoi pas?

Pyrrhon

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Pyrrhon,

Grand merci. Nous nous comprenons mieux. Et notre opinion de Kant est fort semblable. Je trouve que vous percez très bien à jour son objectivisme (d’autres ont même dit: son matérialisme honteux). Si donc vous affirmez que rien n’est derrière l’apparence, je ne résiste pas à l’envie de vous entendre commenter sur un autre moderne: un certain «fellow» de Trinity College (Dublin), l’immatérialiste George Berkeley. En voilà un champion de l’indivision de la perception et du perçu!

Est-il, lui, votre héritier?

Ysengrimus

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Monsieur Ysengrimus,

Berkeley! En voilà un qui a dû forcer sur l’eau de goudron! Je vous trouve intrépide de tenter un rapprochement entre son immatérialisme et mon scepticisme de l’indivision.

L’indivision dont je parle n’est pas celle du moniste -matérialiste ou immatérialiste- qui, face à l’être et au paraître, choisit résolument l’un des deux termes. C’est plutôt celle qui, n’inclinant pas plus pour l’un que pour l’autre, se borne à constater le rien, unique et universel, et à l’appeler «apparence». Et cette apparence n’est en rien l’apparence de quelque chose, pas plus qu’elle n’est apparence pour quelqu’un. Elle n’est pas réductible à un terme extérieur à elle-même.

Même si j’éprouve bien des difficultés à me faire une idée claire des conceptions philosophiques de Berkeley (qui oscille entre le sensualisme et le nominalisme d’abord, entre l’immatérialisme et un idéalisme spiritualiste ensuite), je crois bien n’avoir rien de commun avec celui que Philippe Devaux a fort joliment appelé le «nouveau cosmographe de l’être et du néant».

La seule trace de scepticisme que l’on trouve chez lui tient dans une disposition testamentaire: cet immatérialiste -peu conséquent, en l’occurrence- avait prescrit qu’il soit sursis à l’inhumation de sa dépouille mortelle pendant cinq jours au moins. On ne sait jamais!

Pyrrhon

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Remarquable. Mais prétendre que vous rejetez le PARAÎTRE pour désigner le néant ainsi dégagé APPARENCE, cela me semble un distinguo plus verbaliste que conceptuel, pour parler crûment. Prenons donc l’affaire à la racine. Comment définissez-vous ce RIEN que vous vous «bornez» (une notion fort ontologique, admettez-le) à «constater» (un concept bien gnoséologique, reconnaissez-le), en renvoyant ainsi dos a dos l’être et le paraître?

Respectueusement,

Ysengrimus

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Monsieur Ysengrimus,

Qu’elle est belle, l’occasion que vous me donnez de préciser mon rapport à la parole et au silence!

Une notion ontologique m’a échappé? Un concept gnoséologique s’est glissé dans mon discours? Damnation, je suis fait? Que nenni!

Mi-sérieux, mi-ironique, je pourrais commencer par vous dire que les contradictions ne m’émeuvent pas. Repartons d’Aristote contre la pensée de qui j’ai dû vivre. De quelle façon peut-on connaître la vérité? Par les sens? Par la raison? Ou par les deux? En schématisant, on pourrait distinguer quatre conceptions:

À celle qui tient compte des deux; c’est la position d’Aristote;

À celle qui ne tient compte que de la raison; c’est la position de Parménide;

À celle qui ne tient compte que des sens; c’est la position de Protagoras;

À enfin celle qui rejette tant les sens que la raison; c’est ma position.

La position d’Aristote figure pour l’essentiel dans l’argumentation dialectique développée dans la Métaphysique, particulièrement dans les livres Gamma et Kappa. C’est là qu’il pose les principes de la pensée, les règles d’une pensée qui pense, c’est-à-dire qui ne pense pas rien, mais qui pense ce qui est: le principe de contradiction et le principe du tiers exclu. «Il n’est pas possible», écrit-il, «que la même chose soit et ne soit pas, en un seul et même temps, et il en est de même pour tout autre couple semblable d’opposés.» «A est», «A n’est pas» ne peuvent être vrais en même temps. Pas plus d’ailleurs que «A est B» et «A n’est pas B». Mais remarquons d’emblée deux choses. La première, c’est que pour énoncer le principe de contradiction, je suis obligé de dire «est» ou «n’est pas». Il s’agit donc d’un principe ontologique qui concerne ce qui est et que la pensée aura à respecter pour penser ce qui est, c’est-à-dire pour penser. La deuxième, qui en découle, c’est que ce principe n’est pas démontrable. Aristote lui-même en convient. «De telles vérités», écrit-il, «ne comportent pas de démonstration proprement dite, mais seulement une preuve ad hominem.» Autrement dit, elles peuvent tout au plus être défendues contre leurs négateurs. Dans une certaine mesure, on en revient donc, même chez Aristote, à l’évidence: est vrai ce qui est évident, ce qui n’est somme toute rien d’autre que l’argument des stoïciens et aussi, plus tard, celui de Descartes. (Voyez donc Marcel CONCHE, Pyrrhon ou l’apparence, Ed. de Mégare, 1973, PUF, Perspectives critiques, 1994. à qui j’emprunte sur ce sujet certaines formules tant il me paraît qu’il pense bien mieux encore ma pensée que je ne la pense).

Pour être franc, je dois néanmoins dire que, LORSQUE JE PARLE, les contradictions m’émeuvent, puisque la parole (le logos) n’est rien d’autre que l’effort fait, au mépris du vrai, pour les exclure. La contradiction première est donc bien que je doive passer par la parole pour dire qu’il faut se taire. Et, ce faisant, je m’expose continûment à proférer des assertions ou, à tout le moins, des choses qui y ressemblent. Mais comme l’ont rapporté Diogène Laërce et Sextus Empiricus, ces paroles et ces pseudo assertions doivent -à l’instar d’un purgatif qui est lui-même évacué avec ce qu’il a mission d’évacuer- être abandonnées avec ce qu’elles permettent d’abandonner, au profit de l’indifférence et de l’inébranlabilité.

Si j’ai eu des élèves -et j’en ai eu-, c’est pour qu’ils me voient vivre et non pour qu’ils professent ce qu’ils m’entendent dire. Ce brave Timon a cru bien faire en mettant par écrit tant de ces éloges du silence, mais ses écrits ont été ultérieurement perdus: le temps est plus convaincant que moi.

Le «rien» sur lequel vous vous interrogez -vous l’avez probablement compris- n’est pas le néant. C’est ce qui reste lorsque vous n’avez pas plus de raisons d’admettre l’être que d’admettre le non-être. Ce «rien» est donc ce qui est opposé aux prédicats des philosophes. Et s’il faut s’opposer aux prédicats (plutôt que se borner à «constater» leur inanité), c’est aussi parce que les prédicats sont des massues qui blessent et qui tuent.

Haro sur les prédicateurs!

Haro sur les prédicateurs en religion et en philosophie!

Haro, deux fois haro sur les prédicateurs en politique!

Haro, trois fois haro sur les prédicateurs en science!

Haro, mille fois haro sur nos propres prédications, celles qui nous «échappent», que nous infligeons aux autres et à nous-mêmes par la magie d’une pensée qui n’a de cesse de dire que «ceci est cela»!

Telle la chair qui n’est jamais si saine que lorsqu’elle apparaît souple et tendre, exempte de ces indurations suspectes de malignité, telle l’esprit devrait rester souple et tendre, sans points durs, sans ces durillons de certitude sur lesquels la pensée se fixe, s’entête, s’obsède et dévore peu à peu tout ce que les parties moelleuses et malléables contenaient de sincérité balbutiante, de richesses obscures, de «rapiècement et bigarrure» comme a si bien dit Montaigne.

Alors vous, à votre époque, vous que la science, l’idéologie, la publicité matraquent de leurs prédicats. Plutôt que d’avaler tout cela, ne vaudrait-il pas encore mieux que vous ayez l’esprit en capilotade? Vous accepter tel quel, avec rapiècement et bigarrure? Si ce n’est pas la garantie absolue de l’ataraxie, c’est au moins celle d’un plaisir à vivre qui n’est pas négligeable. Du bonheur, je suis porté à croire qu’on peut tout au plus dire qu’il n’est pas plus qu’il n’est pas, ou qu’il est et n’est pas, ou qu’il n’est ni n’est pas. Chercher à être heureux, n’est-ce pas s’avouer qu’on ne l’est pas? Et se dire heureux, n’est-ce pas une parole paradoxale en quelque sorte qui détruit un peu ce qu’elle énonce? Mais lorsqu’on jouit de vivre, encore devrait-on peut-être se garder de flétrir sa jouissance de certitudes vaines et vaniteuses.

Pyrrhon

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Alors Pyrrhon,

Soit une figure tracée sur un mur de plâtre au noir de charbon, et difficile à distinguer dans la pénombre. Il se présentera bien au portillon:

Ceux qui disent que ce n’est ni un cercle ni un carré

Ceux qui disent que c’est un cercle

Ceux qui disent que c’est un carré

Ceux qui disent que c’est un cercle carré

Voilà le brelan logique que vous nous imposez dans votre raisonnement sur la lutte entre les doctrines rationaliste et sensualiste de la genèse de connaissance. Dans mon analogie votre position sur le débat gnoséologique fondamental ressemble à la quatrième option, comme si ici, vous optiez pour le cercle carré. C’est-à-dire, pour la doctrine de l’astucieux sophiste qui construit tapageusement une voie nouvelle, mais qui esquive le fait que cette voie nouvelle, si subversive en apparence, propose en fait à notre problème FACTUEL une solution strictement VERBALE. «Cercle carré» ici. «Ni sensation ni raison» chez vous, voilà qui est plus poétique que prosaïque. On comprend le ton durement glottophilosohique dans lequel vous vous réfugiez soudain (sujet-prédicat, blablabla. On croirait lire une sorte de Wittgenstein de troquet…) Pour échapper à l’accusation de sophisme qui vous pend au bout du nez ici, il faudrait que vous fassiez ce qu’il est impossible de faire pour un cercle carré. Que vous fournissiez une description positive de la source de toutes connaissances. Ni sens, ni raison, dites-vous. Tout bon. Alors quoi?

Ysengrimus

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Monsieur Ysengrimus,

L’hypothèse de votre théorème contient un élément savoureux: c’est le «difficile à distinguer dans la pénombre». Permettez-moi de ne pas opter pour le cercle carré, pas plus d’ailleurs que pour une autre des quatre assertions (curieux brelan!) que vous proposez. Ma position en pareille hypothèse est que je vois une figure difficile à distinguer dans la pénombre et que je ne sais pas plus s’il s’agit d’un cercle que je ne sais s’il s’agit d’un carré.

Ce qui ressemble à un cercle, par contre, c’est votre façon de revenir au point de départ de la discussion, comme si je n’avais rien dit jusqu’à présent de ce que je pense des sources de la connaissance. Que vous me trouviez plus poétique que prosaïque, voilà qui m’enchante! Encore qu’à s’attarder sur de pareils propos, on finirait par se donner bien de l’importance.

Wittgenstein, le sophisme, voilà des thèmes qui ne sont pas dénués d’intérêt. Mais je répugne à les aborder sur la défensive, alors qu’ils ont été introduits sous forme d’accusation. D’autant que si j’ai accepté de répondre à des questions sur ce site «extra temporel», ce n’est pas pour y faire mine de détenir une parcelle de ce savoir dont je suis enclin à croire qu’il n’a pas d’objet.

Il est bien probable que je n’ai pas toujours été clair dans les réponses que je vous ai faites jusqu’à présent. Et je reste prêt à m’expliquer sur les aspects de mon attitude qui vous paraissent faibles. J’ajoute que je n’ai nulle prétention à avoir raison -bien entendu- et que mes propos ne s’adressent qu’à ceux qui en sont curieux.

Cela dit, votre dernier courrier me donne l’envie de citer Sextus (Esquisses pyrrhoniennes, Livre I, 19): «Ceux qui disent que les sceptiques rejettent les choses apparentes me semble ne pas avoir écouté ce que nous disons.»

Pyrrhon

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Je vois,

La formule de la prise de parti pyrrhonnienne se formalise donc comme suit:

Donnez à Pyrrhon un nombre d’options n, et demandez-lui laquelle est celle qu’il retient. Il vous répondra, avec un remarquable esprit de système, qu’il promeut (n+1) ou ~(n), en niant l’identité autant que le caractère mécaniquement formaliste de ces deux solutions, et aussi, on ne se méfie jamais assez, en niant l’avoir fait. Voilà certainement qui aide à mieux saisir la notion cartésienne de «doute méthodique»!

Ô grand et respecté penseur, que je ne continue à solliciter que par admiration pour sa pensée autant que pour sa faconde, je me dois ici de vous signaler que si je suis circulaire, vous êtes pour votre part fort elliptique! Je reformule donc ma question demeurée inassouvie, et je vous fiche ensuite la paix, quelle que soit la réponse.

Quelle est la source de toutes connaissances?

Respectueusement,

Ysengrimus

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Cher Monsieur Ysengrimus,

Quelle est la source de toutes connaissances?

Voilà une question qui, peut-être, ne sera jamais épuisée. Elle fut posée déjà par Héraclite et reste très présente dans la philosophie, dans la sémiologie et dans la linguistique de votre époque, par exemple. Cela signifie-t-il pour autant qu’elle corresponde en tout temps à la même interrogation? Peut-être bien que non; peut-être bien que oui.

Ce que Timon a recueilli de mes propos témoigne de mon opposition aux conceptions d’Aristote et, plus tard, aux assertions dogmatiques de Zénon et d’Épicure. Ai-je besoin de vous dire que le combat que j’ai mené contre les péripatéticiens lorsque j’ouvrais mon école, peu de temps après mon retour d’Asie, fut bien différent de celui que je menai cinq olympiades plus tard contre les épicuriens et les stoïciens? La question du savoir occupe une place toute différente chez Aristote, où elle sert de fondement à une recherche qu’on appellerait sans doute scientifique à votre époque, et chez Épicure, par exemple, où elle représente principalement un moyen d’écarter les craintes superstitieuses.

Ainsi, s’il ne peut être reproché au premier maître du Lycée d’avoir ménagé sa peine pour accumuler ce qu’on appelle des connaissances, il est par contre «frappant» -surtout pour quelqu’un comme moi qui ai accompagné Alexandre- que son savoir l’ait porté à conseiller à son élève «de conduire les Grecs en roi, et les Barbares en maître, de traiter les premiers comme des proches ou des amis, et les autres, comme des animaux ou des plantes» (Cf. Plutarque, «Sur la fortune ou la vertu d’Alexandre», I, 6, 329b). Et croyez bien que je ne cherche nullement ici à jeter le discrédit sur Aristote en me conciliant les bien-pensants de votre époque. Il s’agit simplement de soulever une question: n’est-ce pas tout le savoir d’Aristote -et le fondement même de ce savoir- qui s’écroule, lorsque Alexandre cesse d’écouter les conseils de Callisthène (le neveu d’Aristote) et lui préfère ceux d’Anaxarque qui conforte sa vision cosmopolite du monde? Question: que vaut un savoir qui s’écroule devant un conquérant?

À l’inverse, le savoir d’Épicure est un savoir qui n’écrase pas, mais qui, au contraire, veut apaiser et rassurer. Davantage encore que dire ce que les choses sont, il dit surtout ce qu’elles ne sont pas. Il énumère des hypothèses pour mieux en évacuer d’autres. Son but n’est pas vraiment le savoir: son but est moral. D’où un savoir simple -simpliste diront certains- qui est censé permettre de placer le rapport que l’homme entretient avec la nature sous le signe de la sérénité. À l’instar en somme d’un certain christianisme qui -à partir d’une foi qui se veut savoir- placera le rapport de l’homme avec Dieu sous le signe du salut. Question: que vaut un savoir auquel la santé serait plus redevable que la vérité?

Lorsque Énésidème a écrit ses Discours pyrrhoniens, quelques dizaines d’années après Jésus-Christ, le contexte (dans lequel il a tenté de transcrire mes propos) avait bien changé. Et que dire alors des circonstances dans lesquelles Sextus Empiricus et Diogène Laërce parlèrent de moi? Permettez-moi d’être bref et de ne pas accumuler les motifs de douter, non seulement du savoir, mais surtout du sens que la question de la source des connaissances a pu avoir au fil de l’histoire.

Seulement voilà: si votre époque pose encore la question -et elle ne cesse de la poser- dans un contexte encore bien plus étranger à celui que j’ai connu (notamment en raison des caractéristiques de cette nouvelle forme de savoir qu’on a progressivement appelé «savoir scientifique»), elle le fait aussi, me semble-t-il, d’une manière qui rappelle au moins un aspect de la «question pyrrhonienne» (excusez l’expression qui «me» problématise!), je veux parler de sa dimension morale. De même que le Grec que je suis recherche cette puissance qu’on appelle vertu et qui devrait me donner la force de supporter le bonheur s’il advenait, de même l’homme de votre époque semble rechercher cette puissance qu’il appelle le savoir et qui devrait lui donner la force de vaincre la mort. Nous ne recherchons pas du tout la même chose, mais nous cherchons peut-être pour des raisons assez similaires et qui, en tout cas, sont bien éloignées de la connaissance pour la connaissance. Je cherche hors de la connaissance -à l’abri de ses illusions- «d’où vient pour l’homme la vie la plus égale». Les savants de votre époque cherchent dans la connaissance d’où vient l’homme… et où il va.

Alors, me direz-vous, quelle est la source de toutes connaissances? Je vous parais probablement de plus en plus elliptique. c’est qu’il importe de vous faire comprendre que la question de la connaissance, autour de laquelle tourne ce qu’on a appelé le pyrrhonisme, n’est pas -et de loin- la question la plus importante. Sauf à considérer qu’il convient de s’en libérer.

La connaissance est-elle possible? Sans entrer dans le dédale des théories cognitives, on peut -me semble-t-il- distinguer deux sortes de connaissances: d’une part, celle qui coïncide avec un affect et dont la pertinence se traduit dans les savoir-faire (elle me permet de faire la soupe au miel et elle permet à certains de vos contemporains de construire des bombes atomiques); d’autre part, celle qui répondrait au besoin de savoir de l’homme et qui ne peut contenir une vérité ou un sens que si elle reposait sur un savoir de la totalité. Seulement voilà: il n’y a pas de totalité; il n’y a rien qui ne soit plus qu’il ne soit pas. Vis-à-vis de ce type de connaissance, il n’y a rien à connaître, rien qui ne mérite d’être dit «être». Quant aux connaissances du premier type, elles ne nous apprennent rien. Tout au plus nous bercent-elles de l’illusion que nous savons – un peu à la manière de fourmis qui s’enorgueilliraient de découvrir qu’elles connaissent la manière de construire une fourmilière.

Quelle est la source de toutes connaissances? Aucune. La connaissance n’a pas d’objet et ne peut donc avoir de source.

Mais, cher Monsieur Ysengrimus, vous qui vous apprêtez à «me ficher la paix» (insinuant par là, bien à tort, que vous m’importunez), puis-je vous retourner la question? Selon vous, dont l’avis vaut bien le mien et celui de toutes les célébrités que le monde a compté (s’il ne fallait qu’une seule raison de se taire, ce serait certes d’éviter la célébrité!), quelle est la source des connaissances? Et aussi: qu’est-ce qu’une connaissance?

Pyrrhon

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Disons…

La connaissance est le reflet dans notre conscience des caractéristiques mondaines. Avant d’être une entéléchie philosophique, la connaissance est un phénomène ordinaire, pratique, domestique. C’est un GNOSÉOS avant d’être un EPISTÈME, si j’ose dire. La connaissance implique une conscience, subjective mais toujours collective, et une réalité objective extérieure à cette, ou ces, conscience(s) et existant indépendamment d’elles. Cette réalité objective est intégralement connaissable mais jamais intégralement connue, vu son caractère infiniment polymorphe. La connaissance est donc une tendance dynamique du sujet vers l’objet.

La source de toute connaissance est la PRAXIS, et son canal initial est l’ensemble combiné des perceptions sensorielles. Ce canal des sens, opératoire exclusivement quand la praxis transforme l’objet (la connaissance n’est JAMAIS passivement contemplative), se complexifie d’une PRAXIS COGNITIVE qui manipule, détache, combine, associe, dissocie mentalement les éléments d’origine sensorielle, autorisant des réorganisations pouvant inclure la fiction. La tradition des philosophies de l’entendement parle souvent ici d’abstraction, mais ce terme est réducteur. Conceptualisation serait plus exact.

Rappelons que la conscience opérant la connaissance étant toujours collective (penser la subjectivité connaissante comme individuelle est un sophisme hautement nuisible menant à l’aporie solipsiste, et à une foule d’autres contresens gnoséologiques dont notre tradition philosophique est tristement jonchée), il résulte qu’une bonne partie des connaissances d’un sous-groupe donné sont indirectes, c’est-à-dire, simplement issues de la praxis d’autres groupes et transmises, historiquement ou synchroniquement, à travers des canaux symboliques, directement langagiers, ou relevant de sémiologies plus larges.

Signalons encore, pour rester bref, que le sort de la soi-disant connaissance hypothético-déductive qui serait indépendante de toute praxis initialement appréhendée par les canaux sensoriels, et dont un certain (pseudo) rationalisme, étroitement cartésianiste, a fait son sel, ce sort, dis-je, est fermement scellé par Étienne Bonnot de Condillac, qui affirme dans sa LOGIQUE (1780): «Parce que les idées que nous nommons abstraites, cessent de tomber sous les sens, nous croirons qu’elles n’en viennent pas; et parce qu’alors nous ne verrons pas ce qu’elles peuvent avoir de commun avec nos sensations, nous nous imaginons qu’elles sont quelque autre chose. Préoccupés de cette erreur, nous nous aveuglons sur leur origine et leur génération…» Je souscris entièrement à cet aphorisme de Condillac, mais je rejette les éléments empiristes et nominalistes de sa pensée. Une fois détachés de la gangue de leur origine praxique, les concepts non empiriques sont lancés dans l’exercice spéculatif avec toute la joie et la décontraction de la saine rationalité.

Concluons que toutes tentatives de troisième voie, type intuitionnisme bergsonien et autres transes égotistes, comme canaux de connaissance, sont à mes yeux pure foutaise. Ce qui ne réduit en rien leur statut de révélateurs ethnoculturels utiles à la réflexion philosophique.

Respectueusement,

Ysengrimus

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Cher Monsieur Ysengrimus,

Fichtre! Vous semblez en savoir des choses!

La connaissance IMPLIQUE donc, dites-vous, une conscience et une réalité objective extérieure. Cette copule -implique- est admirable. Ce serait donc parce qu’il y a connaissance qu’il y a aussi «réalité objective extérieure». Ai-je bien compris?

Et cette réalité -juste retour des choses- est intégralement connaissable, même si elle n’est jamais intégralement connue! Dites-moi donc, entre nous: comment avez-vous su que cette partie de la réalité qui n’est jamais connue est néanmoins intégralement connaissable? La partie connaissable et connue fournirait-elle sur la partie inconnue de quoi en inférer qu’elle est connaissable? J’en suis ébloui!

La «praxis», j’avoue que ça me plaît. Chez moi (dans la Grèce antique), on opposait la praxis (l’action) à la connaissance et à l’être. Pour vous, ce serait la source de la connaissance. Je suis prêt à admettre qu’elle nous forge probablement l’esprit et que ce que nous pensons, disons et faisons doit beaucoup à l’influence de ce qui nous entoure et de ce qui nous a entouré. Mais je ne vois pas de connaissance dans tout cela, si ce n’est ce «savoir-faire» dont je parlais dans mon dernier courrier. (Votre époque appréhende facilement le savoir comme quelque chose qui a trait à la technique. Je n’ai pas besoin de vous dire qu’à mon époque, il s’agissait de tout autre chose. À praxis différentes, conceptions différentes…) C’est plutôt de l’opinion, de la doxa, des faux savoirs…

Quant à la conscience collective, la preuve de son existence mérite peut-être plus qu’un simple rappel! «Rappelons que la conscience opérant la connaissance étant toujours collective…», écrivez-vous. Tout doux, cher Monsieur Ysengrimus! À moi qui l’ignore, ne le rappelez pas: prouvez-le! Votre «rappelons» laisse abusivement entendre que si l’on avait omis de prendre en compte la conscience collective (et le caractère indirect des connaissances), ce serait par simple distraction, tant il s’agirait là d’évidences.

Permettez-moi d’admirer votre façon de proclamer vos certitudes et de renvoyer les certitudes d’autrui au rayon des foutaises, voire au rayon des curiosités exotiques. N’y aurait-il pas là un de ces effets de lucidité et d’aveuglement croisés, caractéristique de l’estime bien peu critique que l’on porte si volontiers à nos propres opinions?

Pyrrhon

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Excellent Pyrrhon,

La fumée implique du feu; un arbre implique un sol fécond; nous pensons, cela implique que nous sommes. Et ces trois aphorismes, qui sont de fait non de logos, ne sont pas réversibles. Vous jouez de la possibilité -toute verbale- d’une ambivalence dans la direction du mouvement implicatif. Pas de cela entre nous! D’où découle la présente glose de ma position depuis votre formulation: c’est parce qu’il y a réalité objective extérieure à notre conscience (sans guillemets!), qu’il y a connaissance. Cet aphorisme, encore une fois non réversible, fonde une dissymétrie entre être et connaître, au profit du premier terme. Pas de lumière sans source de lumière. Mais la lanterne peut rester éteinte…

«Comment avez vous su?…» Je formule ici moins un savoir empirique direct qu’une prise de parti axiomatisée. Le caractère intégralement connaissable du réel est mon hypothèse de départ. Et certes, la partie connaissable et connue fournit sur la partie inconnue de quoi inférer qu’elle est connaissable. C’est superbement formulé. Vous êtes un Maître. La chose en soi kantienne figure dans mon organon, mais l’agnosticisme kantien demeure au vestiaire.

Ce «rappel» du caractère collectif de la connaissance, de la «conscience collective» dans votre formulation, reprenait simplement son énoncé initial dans ma propre formulation. L’idée est novatrice, j’en suis fort avisé (et fier de l’être!). La prouver? Savez-vous que le héros Achille court plus vite qu’une tortue, que l’eau humecte, que la poussière du chemin vole au vent les jours de soleil? Je le sais aussi, comme des millions d’autres. Voilà notre collectif connaissant…

La formulation «curiosité exotique» est vôtre. Pour ma part, je ne connais pas meilleure stimulation gnoséologique qu’une belle foutaise bien ficelée. Croyez-vous que notre présente action mutuelle prouve autre chose? Tant et bien que, pour continuer sur cette lancée, je vous renvoie le refrain: comment savez-vous, vous, qu’il n’y a rien?

Respectueusement,

Ysengrimus

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Cher Monsieur Ysengrimus,

Je prends bonne note du sens dans lequel doit s’entendre l’implication dont vous parlez: c’est donc -selon vous- parce qu’il y a «réalité objective» qu’il y a connaissance.

«La fumée implique du feu; un arbre implique un sol fécond; nous pensons, cela implique que nous sommes», ajoutez-vous… avec la tranquille assurance de celui qu’aucun doute n’effleure. Et d’affirmer en passant que ces trois aphorismes «sont de fait non de logos». En langage courant, on a l’habitude de distinguer les jugements de fait et les jugements de valeur. Selon ce critère, vos deux premiers aphorismes sont des jugements de fait. (Laissons provisoirement le troisième de côté; j’y reviendrai peut-être dans un prochain courrier.) Mais lorsque vous dites qu’ils sont «de fait non de logos», vous paraissez dire que ces aphorismes sont à ce point de l’ordre du simple constat qu’ils échappent en quelque sorte au langage pour adhérer indissolublement à la réalité objective dont ils témoignent. Or, «la fumée implique du feu» n’est pas un constat capté par les sens, mais bien plutôt l’affirmation d’un rapport de causalité qui peut se traduire comme suit: s’il advenait que je constate de la fumée, je serais EN DROIT de penser qu’il y a du feu.

La question qui se pose ici est de savoir DE QUEL DROIT penser qu’il y a du feu. Autrement dit, lorsque je désigne la cause d’un événement, le fais-je en vertu d’une nécessité dont je comprends les impératifs ou simplement pour tenir compte de la constance que j’ai cru déceler entre cette cause et son effet? Cause et effet, qu’est-ce que cela veut dire? Le principe de causalité -sur lequel repose la démarche scientifique- est-il approprié au réel?

Retournons à Kant (celui de La Critique de la raison pure, bien sûr) puisque vous vous en revendiquez. Kant écrit que le concept de cause «exige absolument qu’une chose A soit telle qu’une autre B en dérive «nécessairement» et suivant une «règle absolument universelle» (Critique de la raison pure, trad. Tremesaygues-Pacaud, 10e éd., PUF, Quadrige, 1984, p. 104). Or, en y réfléchissant bien (Si je dis «en y réfléchissant bien», ce n’est pas pour laisser entendre que les difficultés dont je vais parler échappent à ceux qui ne réfléchissent pas -ou pas suffisamment-, mais bien pour marquer à quel point vous êtes tous tentés -à l’époque où vous vivez- d’ignorer ces difficultés, tant le principe de causalité apparaît fécond, et donc fondé, à ceux qui assimilent la démarche scientifique à la voie vers la vérité), on est amené à constater que cette définition se heurte à deux difficultés fondamentales.

Première difficulté: une chose A d’où dérive une chose B. Comment une chose B, qui n’est pas A, peut-elle dériver de A? Il faudrait pour cela qu’il y ait «plus» dans l’effet que dans la cause. Et d’où vient ce «plus»? Pas de A. Car, s’il s’y trouvait, A mériterait d’être appelé B. De rien, alors. Si quelque chose naissait de rien, ce quelque chose serait sans cause. Parménide déjà allait dans ce sens. Lucrèce aussi qui a écrit: «Le principe qui nous servira de point de départ, c’est que rien ne peut être engendré de rien par l’effet d’une puissance divine» (De la nature, trad. H. Clouard, Garnier-Flammarion, GF 30, 1964, p. 22). Descartes ne dit pas autre chose: «…si nous supposons qu’il se trouve quelque chose dans l’idée, qui ne se trouve pas dans la cause, il faut donc qu’elle tienne cela du néant» (Méditation troisième, Aubier, 1951, p. 162). Il y aurait donc autant dans l’effet que dans la cause. Et le principe de causalité serait donc un principe d’identité (Les principes « premiers » de la science post-cartésienne sont d’ailleurs tous des principes de conservation: conservation du mouvement, conservation de la masse, conservation de l’énergie, etc). Somme toute, chaque chose restant ce qu’elle EST, quoi que révèlent les apparences, il ne se passe rien. Et puisque l’effet ne diffère pas de la cause, il n’y a pas de cause. Et rien ne bouge… Et pourtant, tout bouge!

Deuxième difficulté: nécessairement. Si une chose B, qui n’est pas A, dérive de A, elle est différente de A. Cette différence exclut qu’il soit possible d’expliquer en quoi et comment B dérive de A. J’entends par «expliquer» donner à comprendre pourquoi B dérive de A. Tout au plus puis-je constater que B dérive de A. l’aurais-je constaté un nombre très élevé de fois, je ne puis cependant exclure qu’il advienne une occurrence où B dérive de Z. Sommes-nous des millions à «savoir» «que le héros Achille court plus vite qu’une tortue, que l’eau humecte, que la poussière du chemin vole au vent les jours de soleil» que je ne sais pas si cela restera vrai, puisque je ne sais pas pourquoi cela s’est ainsi produit jusqu’aujourd’hui. Ce savoir ne contient pas de vérité. L’effet n’est donc pas nécessaire; il est contingent.

«Tout s’écoule» selon Héraclite. Et Montaigne d’insister: «Le monde n’est qu’une branloire pérenne. Toutes choses y branlent sans cesse: la terre, les rochers du Caucase, les pyramides d’Égypte […]. La constance mesme n’est autre chose qu’un branle plus languissant.» («Essais», textes établis par Thibaudet et Rat, Gallimard, La Pléiade, 1962, p. 782) Voilà peut-être ce que l’ÊTRE nous empêche de voir (Voilà pourquoi surtout j’ose dire que, là où certains placent l’ÊTRE (derrière l’apparence), je ne vois RIEN. Ce qui ne veut évidemment pas dire que je SAIS qu’il n’y a rien). Voilà peut-être ce que le langage masque. Voilà peut-être à côté de quoi l’on passe lorsqu’on parle d’une chose A et d’une chose B, inventant des choses qui SONT, qui restent ce qu’elles sont, en dépit du «continuum» qu’évoque Nietzsche. «Un intellect qui verrait la cause et l’effet comme un « continuum », non pas à notre manière comme une division et un morcellement arbitraires, qui verrait le fleuve des événements, rejetterait le concept de cause et d’effet, et nierait toute conditionnalité» (Cité par Marcel Conche in L’aléatoire», PUF, Perspectives critiques, 1999, p. 188) Dire que tout est déterminé, à la manière des stoïciens, ou dire que tout est aléatoire, n’est-ce pas dire la même chose: «nous n’avons aucune communication à l’estre…» (Montaigne, op. cit., p. 586) c’est dire de la même façon que nous ne pouvons dire l’un plus que l’autre.

Le principe de causalité, qui nous aide tant à faire du pain et à construire notre maison, ne nous est d’aucun secours pour atteindre la vérité tragique de l’homme. Nous nous berçons pourtant facilement de l’illusion qu’il peut nous guider jusque là. qu’il est difficile de «dépouiller l’homme»!

Cher Monsieur Ysengrimus, polémiquer en philosophie est à certains égards plus violent que polémiquer en politique ou en affaires. Car si nous voulons discuter philosophiquement, il faut mettre «en jeu» ce qui nous relie à la vérité. Et l’ardeur que nous pouvons mettre à défendre nos vues ressemble alors parfois à l’ardeur que nous pouvons mettre à sauver notre vie. Tant la vérité et la vie ne font qu’un.

Voilà pourquoi je suis porté à croire que la philosophie ne conduit pas à la sagesse, mais plutôt qu’elle postule la sagesse. Pour accepter de mettre «en jeu» le rapport qu’on entretient avec la vérité, il faut accepter de mettre en suspens le rapport qu’on entretient avec ses intérêts contingents (familiaux, professionnels, sociaux, etc.). Pour accepter d’explorer nos désaccords sur ce qui fonde notre rapport à la vérité -exploration épique s’il en est- il faut s’armer, de sagesse à tout le moins. Car peut venir le moment où l’un de nous -tel Achille répondant à Lycaon- dira à l’autre:

«Va, mon ami, meurs à ton tour. Pourquoi gémir ainsi?

Patrocle aussi est mort, qui était bien meilleur que toi.» («Iliade», XXI, 106-107)

Pyrrhon

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À Ysengrimus, salut!

Réflexions faites, je voudrais revenir sur les propos que je vous ai tenus au sujet du caractère violent de la polémique philosophique. Je crains qu’ils soient mal compris.

Lorsque je dis que polémiquer en philosophie est à certains égards plus violent que polémiquer en politique ou en affaires, je veux dire que la polémique philosophique nous expose au «franc parler» (parhèsia) cher à Diogène et réclame de «blesser» sans ménagement l’autre pour ne pas taire ce que nous pensons vrai. Voilà d’ailleurs pourquoi il n’est pas opportun de philosopher avec n’importe qui (contrairement à ce que faisait Diogène).

Mais loin de moi l’idée que la polémique philosophique serait source de malheurs comme peuvent l’être la guerre, le pouvoir ou l’argent. Et ce disant, j’inclus dans le pouvoir cet ascendant que confère l’orthodoxie idéologique, laquelle n’a pas fini de répandre la mort et la misère.

Lorsque j’ai cité Homère («Va, mon ami, meurs à ton tour…»), il s’agissait d’insister tant sur le fait que, en philosophie, il ne sied pas de s’épargner que sur le caractère universel et inéluctable de la mort.

L’Iliade illustre admirablement le rôle du politique dans les malheurs du monde. Imaginez simplement que les dieux qui y figurent tiennent le rôle des politiciens et vous découvrirez qu’Homère avait compris le politique bien avant Machiavel. Zeus y est un symbole de justice et de loyauté, mais c’est lui qui manigance la rupture du pacte (dont il était le garant) pour que, après le duel entre Pâris et Ménélas, la guerre reprenne. Le Prince n’aurait pas agi autrement.

Pyrrhon.

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«Et pourtant, tout bouge!» Y compris notre connaissance de ce qui bouge. Grand merci de m’avoir instruit, y compris par l’anti-exemple scolastique (cette pluie de citations pour nier la connaissance indirecte qu’on mobilise pourtant si intensément) et la (re)découverte de la superficialité empirique de tous paradoxes.

Ysengrimus

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Tiré de l’officine (du pastiche anonyme) de Pyrrhon dans l’ancien site interactif (non wiki) DIALOGUS (échanges intitulés Les sceptiques modernes et Kant, sceptique?). René Podular Pibroch est un des pseudonymes de Paul Laurendeau et Ysengrimus (Paul Laurendeau) s’appelle là-bas, Éloi Morin.

Paradoxe-de-Pyrrhon

21 réflexions sur “QUELLE EST LA SOURCE DE TOUTES CONNAISSANCES? (Débat entre Ysengrimus et un pastiche du philosophe antique PYRRHON)

  • 14 novembre 2014 à 5 h 49 min
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    Le nihilisme, pyrrhonien ou autre, est un terrible absorbatron, hautement difficile à solidement réfuter. C’est comme vouloir pousser une boule de crème fouettée avec une aiguille et ce, sans s’enfoncer…

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  • 14 novembre 2014 à 7 h 15 min
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    Pauvre grimus t’en est rendu à dialoguer avec toi-même 🙂 . Plus facile de poser les questions auxquelles on s’amuse à donner ses propres réponses pour donner l’apparence pyrrhonienne de faire parti de ce club d’intellectuels discutant le sexe des anges.
    Ton texte sert à créer l’idée (ou l’impression) que Pyrrhon prend la peine de discuter de ses idées avec un connard comme toi… du crédit facile et à peu d’efforts pour se donner la notoriété que tu n’auras jamais.
    « Cela » comme dirait Monsieur Jourdain, n’est pas plus ceci que cela… et ceci ou cela existe en tant que pure Apparence, c’est-à-dire que tout a la réalité de son existence apparente, avec toutes ses particularités, mais n’a pas de « valeur » ou de « vérité » ontologique.
    Je te laisse à ta petite masturbation gymnastique intellectuelle pour épater la galerie des non-initiés.
    Retrouvez « Pyrrhon ou l’apparence » et des millions de livres en stock sur Amazon.fr

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  • 14 novembre 2014 à 9 h 14 min
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    « Suffit de mettre ta boule de crème dans un congélateur… »

    J’aime beaucoup. Je seconde même.
    Alors Gélinas, tu t’énerves, tu paniques, donc tu es intrigué par ce débat entre Pyrrhon (pastiche de DIALOGUS dont, selon la règle qui prévalait alors sur ce site, je ne connais pas l’identité) et moi (Pibroch, Morin, Ysengrimus). Tu a fait jaillir ta petite giclée de bois vert, tout bon. Je laisse passer car des arguments y nagent.

    Je te signale cependant que tes insultes futures seront pieusement caviardées.

    Mais, hystéro et frustré, tu restes un penseur qui n’est pas sans mérite. Alors, je te demande de me dire, en toute sobriété lisible:
    Quelle est la source de toute connaissance?

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  • 14 novembre 2014 à 10 h 48 min
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    Ne t’inquiète pas ce n’est qu’une crise identitaire, ça ne fait que passer. un jour il se sentira mieux et il deviendra plus raisonnable…

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  • 16 novembre 2014 à 10 h 14 min
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    Bonjour, ‘Quelle est la source de toute connaissance?’ : Question qui amène une autre question : Quelles sont les limites de la connaissance?

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    • 16 novembre 2014 à 13 h 19 min
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      Une combinaison des limites des instruments perceptifs, des raisonnements corrélants et de la mémoire collective (stockage des connaissance indirectes). L’oubli existe mais il est toujours tendanciellement soluble.
      Le limites de la connaissance sont toujours historiquement conjoncturelle. Le fait de ne pas admettre ceci est lui aussi un indice historiques autant qu’un trait de classe.

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  • 18 novembre 2014 à 11 h 52 min
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    L’homme est la source de toute connaissance et de ses limites. L’inspiration de l’homme pour créer cette connaissance est sa frustration devant le refus de la réalité de se plier à tous ses caprices. La connaissance n’a en réalité aucune valeur, seul la perception du moment présent a une valeur.

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  • 18 novembre 2014 à 14 h 09 min
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    « L’homme est la source de toute connaissance et de ses limites. L’inspiration de l’homme pour créer cette connaissance est sa frustration devant le refus de la réalité de se plier à tous ses caprices. »
    Je seconde du fond du cœur ceci… et bazarde la suite du commentaire du Funeste…

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  • 5 décembre 2014 à 13 h 06 min
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    Voyons bandes d’imbéciles, la source de toute connaissance c’est le rouge-brun.

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    • 5 décembre 2014 à 13 h 23 min
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      Si cette couleur est d’abord perçue, puis analysée, elle fonctionne comme source de connaissance, oui… mais comme toutes les autres couleurs, saveurs et conformités…

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  • 24 août 2018 à 8 h 20 min
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    Quels étaient donc ces premiers instructeurs de l’humanité qui expliquèrent à l’homme la Nature et ses mystères, la vie et ses lois ? La tradition de tous les pays fait remonter cette première science à une « race divine ». Puis, quand vint la religion moderne qui résuma tous les Dieux en un seul, on déclara que « la Révélation vient de Dieu ». Mais ceux qui parlaient ainsi s’appuyaient sur une tradition altérée ; si nous remontons à sa source, nous ne trouvons pas un Dieu, mais des Dieux, et si nous cherchons quel était le secret de leur nature divine, nous devons remonter plus haut encore, et dans ce passé lointain, nous ne trouvons plus des Dieux, mais des Déesses, et forcément nous constatons que c’est cette primitive Divinité, la Déesse, la puissance supérieure (intellectuelle), qui a instruit les hommes. Nous comprenons alors que la source de toute vérité, c’est l’Esprit féminin.
    Déesse était le nom générique de toutes les femmes supérieures et qui n’indiquait alors que les qualités morales inhérentes au sexe féminin. Pas de surnaturel ; partout les mêmes principes, c’est-à-dire les mêmes commencements, avaient pour base la nature même, encore inviolée.
    Longtemps la science primitive régna sur le monde, elle fut la base des grandes civilisations de l’antiquité. En ce temps-là, on connaissait les lois de l’Univers, l’origine de la vie, les véritables lois de l’Evolution des êtres, la loi morale et tout ce qui fait l’objet des recherches des savants modernes.
    Aussi, la vérité semble se révéler plutôt au cœur de l’homme qu’à sa raison, parce que le cœur de l’homme est inspiré par l’Esprit féminin.
    Et l’Amour, c’est le lien moral qui unit l’homme à l’Esprit féminin, et c’est ce lien qui est la Religion.
    Lien : https://livresdefemmeslivresdeverites.blogspot.com/
    Cordialement

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  • Ping : QUELLE EST LA SOURCE DE TOUTES CONNAISSANCES? (Débat entre Ysengrimus et un pastiche du philosophe antique PYRRHON) « Le Carnet d'Ysengrimus

  • 22 avril 2022 à 3 h 10 min
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    QUELLE EST LA SOURCE DE TOUTES CONNAISSANCES ?
    Réponse : L’Esprit féminin.
    Pour trouver la Vérité, il n’y a que deux voies à suivre : celle de la Science et celle de l’Amour.
    La Religion, c’est la voie de l’Amour.
    L’Amour, c’est le « Lien moral » qui unit l’homme à l’Esprit féminin, et c’est ce « Lien » qui est la Religion ; c’est le « Cordon » métaphysique par quoi l’Humanité tient toujours à l’Essence ; rien ne l’a rompu ; rien ne l’a relâché, et cela sera ainsi tout le long du temps.
    L’un des livres sacrés des chinois porte le titre de « Tao-Te-King ». Suivant les anciens dictionnaires chinois, « Tao » signifie « un chemin », « le moyen de communiquer d’un lieu à un autre » ; ce chemin n’est-il pas ce Lien moral qui relie l’homme à l’Esprit féminin ?
    Suite : https://livresdefemmeslivresdeverites.blogspot.com/

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  • 22 avril 2022 à 20 h 35 min
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    Brillant et consternant en même temps ! …. ainsi que peut être la vie, l’être, et la futilité du monde !

    Sacré Pyrrhon, il est encore pire que ma vieille et défunte nounou ! :))) quoique, elle l’aurait secoué elle, et poussé a réagir au lieu de garder le silence comme une carpe !

    Sinon, je trouve l’intervention de l’un des commentateurs vraiment exécrable ! Celle de Mr Denis Gélinas ! pourquoi tant de jalousie et d’inconfort face à un exercice pédagogique somme toute…très personnel, brillant je dirais et ayant le mérite d’éduquer la plèbe…sans prétentions !!!! il aurait dû contribuer s’il en savait tant sur le sujet au lieu d’attaquer l’auteur du billet !!! bref, n’importe quoi ! les gens peuvent faire preuve d’une méchanceté gratuite indescriptible car justement leur être est fortement corrélé aux autres et il est si incertain, si insécure, si borné et si instable qu’ils se laissent aller a la chose la plus vile et la plus facile, l’attaque et le jugement des autres …. et la prétention d’avoir décelé  »des failles » et des  »défauts » de nature a révolutionner notre compréhension de l’égotisme et ses pendants a deux sous ! quel imbécile ! il m’a énervé !

    Bon, maintenant, quelle est la source de toutes connaissances ? ce billet tente d’y répondre et y arrive admirablement en faisant appel a ce sacré Pyrrhon et franchement…. ce type a de quoi vous vider et vous retourner comme un vulgaire contenant en plastique de toc et vus donner envie de finir vos jours dans une décharge municipale :)))) il est vraiment solide et fort le gars

    En réalité, toute connaissance implique une tragédie ! et rien de moins ! et ce sacré Pyrrhon, que je ne connaissais pas du tout et que je me suis forcé de lire dessus, fort heureusement, et j’en ai encore la chair de poule, en est un qui ait atteint le stade ultime de la connaissance ! la voila la vérité ! au point qu’il a cessé de communiquer presque, et se contenter de marcher droit vers les roches, les arbres et les précipices comme dit de lui l’article de wikipédia, si ce n’était ses amis et compagnons qui le sauvaient in extremis ! et ça résume merveilleusement bien je trouve, ce vers quoi les  »connaissances » et le  »savoir » conduisent tout homme fatalement !

    Combien d’hommes verrez-vous errer dans la vie ici-bas, maintenir le silence absolu, la discrétion, le pessimisme, et le regard dans le vide, songeurs en rien du tout, cherchant a fuir la réalité justement et éviter la confrontation avec les futilités de l’existant… en plus de traîner des drames indescriptibles et profonds depuis qu’ils ont atteint et découvert quelque  »connaissances » justement !

    la source de toutes connaissances importe peu alors, un peu comme si on cherchait la source du cours d’eau ou du fleuve…pour cartographier le tout et c’est tout car l’utilité ne peut prétendre a autre chose ! mais l’eau que charrie le fleuve, les poissons, les elements, la vie qu’il permet et la mort qu’il entraîne aussi, sont l’ensemble de connaissances bonnes et malheureuses, utiles ou fatales ou tragiques, est ce qui importe le plus ! que faisons-nous de l’eau ? a quoi sert-elle ? pourquoi elle est si précieuse a nos vies et celle des autres êtres vivants ? voici un champs de connaissances qui peut nous permettre de vivre heureux et se contenter de perpétuer ces bienfaits de l’eau et du cours d’eau… mais en absence de ce cours d’eau, rien ne serait possible, rien ne serait comme ce que nous connaissons !

    Et c’est ainsi, que moi-même depuis que j’ai pris tellement de coups et  »su » bien des choses, je préfère la fermer moi aussi… ruminer dans mon coin ma déception, constater mes illusions, et me contenter de vivre… sans trop d’attentes, ni d’illusions ! …

    Bref, heureusement, il y a des choses qui nous maintiennent en vie… nous occuppent et nous distraient… et c’est dommage que Pyrrhon n’avait l’accès à internet je dirais :))) ou aux 7 du québec, ou au supermarché faisandé du coin, ou aux pièges nombreux du modernisme, et des nana en string qui se tortillent les fesses et lui feraient oublier un peu sa tristesse !

    Merci Ysengrimus…. ! j’ignare que je suis apprend tout le temps avec vous mon cher, et constate a quel point il soit passé a côté de l’essentiel dans la vie… mais bon, on ne peut pas tout faire et tout être dans la vie… je suis, pour ma part, comparable a la tortue dans votre billet… je ne cours pas vite, je porte un lourd fardeau, mais j’avance tout de même avec mes membres lézardés d’un pas sûr et ferme vers le cours d’eau, ou vers les feuilles de laitue… tout en scrutant l’horizon autour de moi, et voir s’il ne se trouverait pas une tortue femelle qui se tortille la carapace et le cucul… histoire de pas me retrouver seul tout le temps dans ce monde terrifiant !

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  • 22 avril 2022 à 21 h 16 min
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    @ Ysengrimus

    Tout compte fait… dans ce billet-ci, vous résumez les philosophe Grecs, vous résumez Kant, vous résumez Descartes, nietzsche, vous résumez bien d’autres et tant d’autres avec une facilité et une connaissance déconcertante… que j’en reviens même pas !

    Je crois que vous êtes encore pire que Socrate ! on devrait pas perdre de temps pour organiser votre procès et vous pendre en soutane pour travestissement de la jeunesse…. regardez juste ce pauvre Robert Bibeau, lui qui aime la jeunesse, les nanas en string et les chemises Hawaïennes, vous l’avez transformé en zombie pro poutine une fois, internationaliste une autre, il sait plus a quels saints se vouer… et rien que pour ça…il fallait s’en douter j’y ai jamais pensé, vous devez être la cause de tous les problèmes psychologiques de Robert Bibeau ! :)))) et rien que pour ça, il faudrait vous pendre qa une grue ! :)))

    Sacré Ysengrimus…. parfois, il m’arrive de penser que vous avez vécu plus d’une vie, ou alors comme le chat bien malin de nos voisins d’enfance…. vous êtes doté de 7 vies ! et que la moindre des choses serait de vous faire la chasse avec un bon vieux râteau de jardin, lourd et qui ne pardonne pas, dans l’espoir de vous terrasser ! :))))

    Je suis bien évidemment admiratif et subjugué par tant de connaissances en philosophie et en bien d’autres choses…. vous êtes une perle très rare mon cher Ysengrimus… ! vous avez réellement et définitivement la trempe de nos chers philosophes grecs, en plus d’avoir terrassé Marx et l’avoir rajouté à votre tableau de chasse…. vous êtes un esprit redoutable et dangereux que les services secrets des puissances actuelles devraient chercher à liquider et congeler dans un fût d’hydrogène et rien de moins ! :))))

    Savez-vous que je vous associe de plus en plus, et je suis très sérieux, a l’image d’un philosophe barbu et malin qui m’épie depuis le cosmos ?!!! :)))) scrutant mes phrases ampoulées, rigolant de mes réactions, méprisant mes errements et pétant sur mes pseudo convictions ! …. Mais moi, ô grand Ysengrimus, tout ce que je demande, et d’avoir votre bénédiction… et pas votre ire ou votre mépris… je vous en conjure… soyez bon et miséricordieux envers moi ! encore un peu, et j’irais au bled construire votre mausolé en terre et en pisé, m’y barricader et ne plus en sortir… jusque ce que mort s’en suive… sur une peau de mouton ! :)))) je vais prier fort dans ce putain de temple… pour rester dans vos bonnes grâces… je vous le promet ! :))))

    Et tant pis pour Robert….allez…., chaque âme, comme dit la religion, sera pendue séparée des autres ! Robert récoltera ce qu’il a semé ici bas dans ce monde… et il en a semé des cochonneries et fait pousser des OGM ! :))) tout ça pour draguer des nanas et s’entourer de gars suspects…. avec qui il cosigne des bouquins ! :))) Robert en fait, sera amené a se défendre face a Karl Marx dans l’au delà, et ce dernier ne le ratera pas ! il devra répondre de toutes les doctrines et les théories qu’il a professé sur les 7 du québec… et comme tout responsable de la rédaction et de l’édition, il sera suspendu par les couilles et maintenu en vie et dans cette position quelque 7000 ans de ce que nous comptons ici-bas… pour lui apprendre a malmener le prolétariat et lui imposer son diktat ! :))))

    Sacré Robert, je tenterai d’intercéder en sa faveur dans mon temple dénué de toute richesse, au bled, et lors de mes prières !

    Bon Ysengrimus…. je ne vais tout de même pas vous servir une tarte à la fraise avec tout ça… vous commencez vraiment à m’emmerder et me peser avec vos allures de bon dieu barbu vous aussi qui se pavane dans l’espace celeste…. et qui pète des nuages blancs de coton ! yallah ! :)))

    Merci encore pour ce billet… je vais relire plus tard… car j’ai déja mal a la tête en passant juste la première couche de lecture ! qu’est ce que c’est compliqué votre charabia ! :)))

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  • 22 avril 2022 à 22 h 00 min
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    Bon n’allez pas croire que vous êtes tiré d’affaire pour autant mon cher Ysengrimus ! vous êtes un monstre…! et rien pour ça, kant, descartes, nietzsche et Marx et même les philosophes de l’antiquité que vous osez résumer ainsi… vous attendent tous de pied ferme dans l’au delà, et je vous promet qu’il seront armés de gourdins, de faucilles, de pierres et de galets… certains de machettes et de sabres japonais… pour vous faire la peau …. ! j’espère que vous pouvez courir dans l’espace aussi… et pas seulement vous pavaner en sandales ou vous affaler sur votre petit trône en velours ! la rumeur dit que Sextus Empiricus est armé d’un rasoir… et il vous attend lui aussi ! il est chaussé avec des adidas et il court vite ! :))))

    sacr Ysengrimus… on ne se lasse pas de vous lire ! et ne pas mourir idiot au moins ! …. je vous défendrait…pas d’inquiétude…j’ai l’intention de ramener avec moi dans l’au delà une pelle de bougnoul et un couteau de boucher…. je ferais un carnage si quiconque vous touche mon cher… soyez sans crainte… tous ces philosophes occidentaux vont décamper lorsqu’ils verront le terroriste de l’au delà vous servir de garde du corps …. yallah ! :)))

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    • 22 avril 2022 à 23 h 02 min
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      Si l’au-delà existait, ce serait là un scénario relativement intriguant à voir se déployer…

      Dans une bande dessinée, peut-être

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  • 23 avril 2022 à 17 h 43 min
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    Je crois que si l’au delà existait, il serait encore plus ténébreux et injuste que la vie !

    les théories de la réincarnation prêchées par certaines religions, dont l’islam plus ou moins et indirectement…selon une autre lecture du Coran, est une autre chimère, un voeux pieux ou une utopie naturaliste…! le Coran dit par exemple, que ces nuées d’oiseaux par milliers ne sont rien d’autre que des  »nations » qui nous précédent ou nous succèdent ! de même pour les bêtes sauvages, les fourmis et les autres insectes….

    l’islam certes, prêche l’au delà sans cesse, comme un voeux désespéré, afin d’atténuer les injustices des hommes ici-bas en fait, et rien d’autre…! et l’islam il est vrai intrigue lorsque le Coran parle de phénomènes scientifiques, de mathématiques quantiques, de notions du temps ephèmere, de la théorie des cordes, et d’autres mystères de la procréation, ou de la fécondation, du réchauffement climatique ou d’affirmer la forme ronde de la terre, parler d’orbites de la lune et du soleil, de prédisposition des étoiles, de big bang, de tellement d’allusions donc à la science moderne, il y a 14 siècles déjà…. et nous demande d’y voir la preuve de ce qu’il avance ! mais alors que prêche l’islam au final ? il prêche la soumission collective, a un Dieu unique en théorie… une sorte d’utopie sociale, destinée à contraindre les hommes, les discipliner et les réconforter… mais sans régler quoique ce soit, sans proposer de solutions, sans admettre les irrégularités, les défauts, les injustices et les imperfections… préférant attribuer la perfection, la justice, l’équité et le salut au Dieu monothéiste et a son univers….

    l’islam prêche aussi que ce Dieu est avec toi, ou que tu sois, quelque soit ton âge, quelque soit ta langue, ta race ou ta religion… il t’accompagne partout la vie durant, et t’attribue deux anges a vie aussi, l’un sur ta droite qui écrit tes bonnes actions, l’autre sur ta gauche qui écrit tes mauvaises, et prêche donc, que toute bonne action sera multiplié par dix et rétribuée sur cette base, et toute mauvaise action, sera comptée pour une et seulement une, sur la balance du jugement dernier… et tu ne sera point lésé, au contraire, tu sera pardonné plus que tu ne sera puni… sauf lorsque tu renies ce Dieu et ce système et cette utopie… ce qui est compréhensible ! car cela revient a briser les rangs, et sortir du lot, et foutre la zizanie… en tous cas, pour une société donnée ! …bref

    l’Islam au fond, prêche le dépouillement et la simplicIté, sans s’opposer aux riches et aux Rois, ceux-la même qu’il affuble d’injustices, de corruption et de cruauté….car il prêche que sans eux, la doctrine islamique ne peut se concrétiser ou exister ! et ainsi de suite, on va de contradiction en contradiction, alors que même si on faisant voeux d’ascétisme, de dépouillement et de simplicité, et accepter tout ceci, il s’y oppose aussi, et le condamne ! car en Islam, il faut manger et boire en abondance, il faut se marier et copuler en abondance, il faut assouvir les désirs sexuel, celui des hommes et des femmes, et faire beaucoup d’enfants et prêcher la multiplication des hommes, autant qu’assouvir la faim, et la soif, et dispenser a ces besoins avec de généreuses victuailles… et Dieu subviendra aux besoins de tous, il n’oublier personne, alors que c’est faux… et qu’il a semble t-il oublié tant d’enfants affamés, de bêtes et d’animaux aussi, a travers les âges et même aujourd’hui, au coeur de la civilisation !

    et comme si c’était pas suffisant, il prêche que tous ceux qui ne s’y conforment pas, demeureront en enfer, jusque ce que  »le chameau passe à travers la fente d’une aiguille » !!! bref, jamais quoi ! allez comprendre qq chose la-dedans ! si ce n’est que cet au-dela, risque bien de tourner au cauchemar pour la majorité d’entre nous ! et comment il n’en serait pas ainsi… lorsqu’on sait que le passage de l’homme sur terre, n’est qu’une punition, celle d’Adan et Ève, pour avoir souillé le Paradis, en dévoilant leur nudité, et en mangeant la pomme ! …

    Bref, il y a de quoi foutre en l’air ta vie, et gâcher les rares instants de bonheur ici-bas !

    Si l’au dela existe, il serait terrifiant ! et nul de Paradis ne s’y trouvera !

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  • 23 avril 2022 à 18 h 56 min
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    Lorsque j’étais gamin, je m’en souviens comme hier, on nous avait demandé d’apprendre trois longues sourates du Coran par coeur vers l’âge de dix ans, une tradition qui demeure en vigueur dans le monde musulman a ce jour, les sourates de  »AL RAHMANE »,  »AL WAQUI’A », et  »AL HADID », la première, composée comme une poésie tout en vers et aux rhymes impeccables et  »savants », s’adresse aux hommes et aux esprits et les affuble d’ingratitude et les défie… elle décrit le paradis, ses vierges merveilleuses et ses rivières de lait, de miel et de vin, comme elle décrit l’enfer, ses arbres épineux et ses fruits amers, ses flammes et ses supplices effroyables…a peine imaginables…! bref, il y a la-dedans les deux facettes de ce Dieu omnipotent et omniscient, l’une est idyllique et merveilleuse, miséricordieuse et sublime, l’autre est celle du Dieu vengeur et cruel, celui qui ne pardonne rien, et ne laisse rien passer ! bref, la deuxième  »AL WAQUI’A » elle, est celle qui décrit l’Apocalypse et commence ainsi, et résume un peu le corpus du Coran, et que par une mystérieuse interprétation, les  »savants » musulmans considèrent la Sourate de la richesse pour qui veut obtenir la richesse… il suffirait de la lire ou la réciter trois fois, pour devenir riche comme Crésus… et enfin la troisième  »AL HADID », ou  »le Fer », en est une qui mêle mysticisme et spiritualité islamique, reprend quelques histoires bibliques, et renforce la thèse de la rétribution par le paradis éternel, ou le châtiment éternel…. etc

    Et dans ces sourates, et pas que elles, mais a travers tout le Coran, je me souviens très bien, avec mon penchant très jeune pour le sens profond des choses, pour l’art aussi, je m’étais entiché d’un aspect que je trouvais merveilleux dans tout ceci…  »la balance », cet instrument de mesure cité de la manière la plus solennelle qui soit, notamment a travers le verset qui rappelle  »Donnez toujours le poids exact et ne faussez pas la pesée. » (Ar-Rahmane 9), ou encore dans la sourate  »Al Anam » (les bestiaux) :  »Et ne vous approchez des biens de l’orphelin que de la plus belle manière, jusqu’à ce qu’il ait atteint sa majorité. Et donnez la juste mesure et le bon poids, en toute justice. », et plein d’autres…. bref, j’étais fasciné a tel point par cette justice de la balance, comme une obsession, que je me suis mis en tête d’en faire un slogan et une signature de plusieurs dessins, croquis, et de mon  »Art » d’enfant, avant d’accrocher tout ceci sur l’un des murs de ma chambre, pendant longtemps… et en être très fier… et sans manquer de rajouter en arabe et tout en bas, sur ces balances superbement dessinées, des sortes de reprises de ces mots du coran, ou alors mes propres interprétations… au point, d’en signer une en Anglais !!! a un âge ou cette langue seconde ne figurait nulle part sur nos programmes, pour faire branché et pour faire  »universel » !!! déjà à cet âge, je savais que l’anglais serait prévalent… et cela me venait de mes soeurs aînées, et de leur culture d’ado, qui en plus des chansons françaises et orientales arabes, nous avaient initié aux chansons anglaises et à la culture anglaise… et donc, mon plus beau et plus grand dessin de la balance, je le flanquais alors d’une phrase tout en bas qui dit : The balance, ….  »the balance is right, the balance is fair, the balance is all » !!!! de cette balance en fait, j’allais inventer une autre figure plus tard, que j’appellerais  »Mystic animal » vers l’âge de 12 ans ! une sorte de signature ou logo, que je dessinais partout avec l’aide de règles et de compas… et en coloriant le tout au feutre ! :)))

    Bref, plus tard, j’apprendrais que les gens déshérités d’un quartier pauvre, surpeuplé et anarchique où nous allions faire nos courses de fruits et légumes par dizaines de kilos a chaque semaine, le  »capital » principal de chaque commerçant qui y possédait une grosse Charette, ou un étal, et la condition principale aussi pour tous ces gens qui leur permettait de vivre et subvenir a leurs besoins en faisant ce commerce de fruits et de légumes, était de posséder une balance, des poids en kg etc, deux bassines en plastique, et un tout petit capital en argent, pour acheter en gros au marché de gros, ou aux grossistes itinérants en camionnettes ou en pick-up qui pullulaient la-dedans ! ce marché là était immense, toujours bondé, avec des centaines et presque des milliers de vendeurs, un gros souk en pleine ville dans ses extrémités anarchiques, et tous ce beau monde se protégeait du soleil avec des parasols, ou des bâches improvisées, bref… on m’expliqua, qu’il leur suffit d’investir dans des balances, qui coûtaient peut-être $20 a l’époque, et donc une petite fortune, et passaient leurs temps a emprunter des poids en kg les uns aux autres, demander de faire la monnaie de gros billets lorsqu’ils n’en ont pas les uns aux autres, et le tout n’était pas sans danger, car il pouvait s’éclater des disputes et des bagarres, parfois même des bagarres aux couteaux et aux pierres très violentes que personne ne souhaitait lorsqu’il y faisait ses courses, car juste pour atteindre votre auto garée bien plus loin de tout ceci, il vous fallait passer au travers d’une foule tout aussi anarchique !

    Bref, mon premier choc fut de fréquenter des écoles secondaires plus tard ou il se trouvait des ados originaires de ses quartiers qui s’adonnaient a ce commerce avec leurs parents ou proches, et pour avoir leur argent de poche…, certains jouaient au foot avec nous, d’autres nous amusaient avec leur blagues, et d’autres étaient doués aussi pour les études et pas que des cancres comme il y en avait plusieurs…jusqu’au jour ou je fis la connaissance de l’un d’entre eux, a l’histoire et la famille chaotique qui provenait de bien loin d’un coin très reculé du pays, et qui se soient retrouvé la-dedans eux aussi… son accent du sud, sa bonne éducation et son érudition aussi me plaisaient… en plus de son humour et sa maturité avant l’âge… il me raconta alors, comment on trafiquait ces fameuses balances, et comment on trafiquait aussi les poids en kg, et que cela faisait une différence énorme pour qui veut s’enrichir très vite… !!! je n’en revenais pas ! il m’expliqua par exemple que ces  »pauvres » et  »peuple délabré », ceux qui savaient s’y prendre en fait gagnaient 100 fois ce que pouvait gagner un fonctionnaire comme mon défunt papa ! et une bonne parie d’entre eux possédaient plusieurs maisons, vivaient de rentes et de loyers… et que lui aussi, n’entrevoit l’avenir que de cette manière…. pour assurer ses arrières, et se consacrer aux études, a la poésie, la littérature qui était l’objet de sa passion !!!!

    Je lui posait alors un jour la question de savoir à quel point tous ces gens qui  »trichent » ainsi dans la balance, ne se rendaient pas compte qu’ils enfreignaient ainsi une règle basique, essentielle, fondamentale de l’islam et commettent l’un des plus graves péchés en religion et vis a vis d’allah et des gens… ! il me sourit alors et me dit  »Tu es très naïf, il n’y a pas de commerce qui tienne sans triche… ou alors, c’est pour rester pauvre toute ta vie, et ne pas trouver de quoi joindre les deux bouts ! » …. et selon lui, ce serait le cas de la majorité de ces commerçants qui  »craignent Dieu »… alors que lui, attribue son succès a son savoir faire, celui de savoir acheter, a quel prix, quelle marchandise et a quel endroit…. bref, il m’a convaincu !

    Depuis, je n’ai cessé de constater combien de commerçants voleurs affublés de titres religieux et islamiques possédaient de grands magasins d’alimentation dans les quartiers plus chics qui nous étaient proches.. et dans lesquels, on faisait nos courses rapides aussi ! et je n’ai pas cessé de constater comment certains sont devenus millionaires, puis milliardaires, car de simples revendeurs de fruits, de légumes, de bouchers et de  »bureaux de tabacs »…. il devenaient des investisseurs dans l’immobilier, des propriétaires fonciers, que ce soit dans les quartiers populaires ou ils commencent tous, ou dans leur villages perdus du sud d’ou ils venaient… puis dans les quartiers chics, jusqu’a posséder des stations d’essences, des entrepôts de denrées non périssables, des grossisteries pour commerçants sérieux, et que tout ce beau monde pointait sans faute a chaque prière dans les mosquées ! … et que tout le modèle social de mon bled reposait en fait sur cette foutue balance inéquitable et trafiquée… et qu’une bonne partie de notre prospérité ne provenait que de la ! pendant que les décideurs et les monarques, se chargeaient eux de voler le peuple et piller le pays, a bien plus grande echelle…. et que tout ce monde la… avec les pauvres et leurs victimes aussi… étaient tous d’accord sur un point…celui de la religion, et celui de prier ensemble, et celui d’accépter ce dysfonctionnement et cette anomalie pourtant grave… comme une règle sacrée !

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  • 23 avril 2022 à 20 h 16 min
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    En réalité, toute connaissance implique plusieurs atouts, avantages, bénéfices, bienfaits et utilité, avant d’impliquer une tragédie…

    Pour modifier ou corriger ce que je disais plutôt….

    Merci !

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