Trouvailles

Mourir pour des idées (Brassens)

Mourir pour des idées
Georges Brassens, 1972

Mourir pour des idées,
L’idée est excellente.
Moi j’ai failli mourir
De ne l’avoir pas eu
Car tous ceux qui l’avaient,
Multitude accablante,
En hurlant à la mort
Me sont tombés dessus.
Ils ont su me convaincre
Et ma muse insolente
Abjurant ses erreurs,
Se rallie à leur foi
Avec un soupçon de
Réserve toutefois:
Mourons pour des idées
D’accord,
Mais de mort lente,
D’accord
Mais de mort lente.

Jugeant qu’il n’y a pas
Péril en la demeure
Allons vers l’autre monde
En flânant en chemin
Car, à forcer l’allure,
Il arrive qu’on meure
Pour des idées n’ayant
Plus cours le lendemain.
Or s’il est une chose
Amère, désolante
En rendant l’âme à Dieu
C’est bien de constater
Qu’on a fait fausse route,
Qu’on s’est trompé d’idées
Mourons pour des idées
D’accord,
Mais de mort lente,
D’accord
Mais de mort lente.

Les singes en bouches d’or
Qui prêchent le martyre
Le plus souvent, d’ailleurs,
S’attardent ici bas.
Mourir pour des idées,
C’est le cas de le dire
C’est leur raison de vivre,
Ils ne s’en privent pas
Dans presque tous les camps
On en voit qui supplantent
Bientôt Mathusalem
Dans la longévité
J’en conclus qu’ils doivent
Se dire, en aparté:
Mourons pour des idées
D’accord,
Mais de mort lente,
D’accord
Mais de mort lente.

Les idées réclamant
Le fameux sacrifice,
Les sectes de tout poil
En offrent des kyrielles
Et la question se pose
Aux victimes novices:
Mourir pour des idées,
C’est bien beau, mais lesquelles?
Et comme toutes sont
Entre elles ressemblantes,
Quand il les voit venir
Avec leurs gros drapeaux,
Le sage en hésitant
Tourne autour du tombeau.
Mourons pour des idées
D’accord,
Mais de mort lente,
D’accord
Mais de mort lente.

Encore s’il suffisait
De quelques hécatombes
Pour qu’enfin tout changeât,
Qu’enfin tout s’arrangeât!
Depuis tant de grands soirs
Que tant de têtes tombent,
Au paradis sur terre
On y serait déjà.
Mais l’âge d’or sans cesse
Est remis aux calendes
Les dieux ont toujours soif,
N’en ont jamais assez
Et c’est la mort, la mort
Toujours recommencée
Mourons pour des idées
D’accord,
Mais de mort lente,
D’accord
Mais de mort lente.

Ô vous, les boutefeux,
Ô vous, les bons apôtres
Mourez donc les premiers,
Nous vous cédons le pas
Mais, de grâce, morbleu!
Laissez vivre les autres!
La vie est à peu prés
Leur seul luxe ici bas
Car enfin, la camarde
Est assez vigilante
Elle n’a pas besoin
Qu’on lui tienne la faux
Plus de danse macabre
Autour des échafauds!
Mourons pour des idées
D’accord,
Mais de mort lente,
D’accord
Mais de mort lente.

Les droits d’auteurs de ce texte appartiennent aux instances concernées. Il est publié ici, sur un espace citoyen sans revenu et libre de contenu publicitaire, à des fins strictement documentaires et en complète solidarité envers son apport intellectuel, éducatif et progressiste.

4 réflexions sur “Mourir pour des idées (Brassens)

  • Yvan le terrible

    c’est l’une de mes favorites de Brassens, et c’est bien entendu encore d’actualité, je la rechanterai bien en immitant son accent à la condition d’avoir un guitariste qui en maîtrise les partitions et l’exécution !
    Mais voyez-vous, Brassens c’était un autre monde, un monde qu’on a cru eternel avec sa poésie et ses appels à la paix et l’émancipation sociale, un monde rempli d’espoir, d’amitié, d’amour, et de nostalgie. Un monde ou l’on pouvait bander, baiser à deux, s’apprécier, se fondre l’un dans l’autre et jouir en même temps…puis fumer une clope, ou même un joint, parfois en plein air et s’étendre sur l’herbe pour regarder les étoiles et oublier le monde…savourer le moment et être heureux. Peut-on en dire autant de maintenant ? bander à notre époque est quasiment rendu un acte politique qui ne procure que peu de sensations vraies, encore faut-il y arriver; bander et faire bander l’autre, chacun jouissant dans son coin, solitaires même pendant l’acte de communion ! un monde de stress, d’angoisses, de préjugés et de calculs minables. c’est ce monde qui est le nôtre et ne me demandez pas comment ni pourquoi on y est !
    restons optimistes. quoique !
    et pour quitter sur une bonne note de Brassens, je chanterai bien le supplique pour être enterré à la plage de Sète, sous un pin parasol pour un brin de bonheur posthume !

    Répondre
  • keg

    Il est bien spécifié « mais de mort lente ». D’ailleurs effectivement ne meure t-on pas pour des idées (fussent-elles les siennes propres) ?
    et pour un peu que d’autres nous y aident… et dire que l’on interdit l’euthanasie individuelle et que l’on favorise la collective!
    Preuve que nous ne nous appartenons pas, mais appartenons à un état (alors que nous n’en sommes que composante).
    https://wp.me/p4Im0Q-61U La troïka révolutionnaire des BRICS à l’assaut des BRICS…. Elles-mêmes et entre elles

    Répondre
  • Sam

    Petite dédicace a l’équipe de l’édition et aux lecteurs-commentateurs des 7 du Québec… un petit clin d’oeil a une sommité de la guitare et de la poésie epagnole, un symbole aussi de la gauche anti-fasciste et anarchiste d’Espagne…qui lorsque la famille fuit la guerre civile et Guernica pour Paris, se retrouve le prisonniers des Nazis, la mère doit fuire en Espagne avec les enfants, pendant que le père et envoyé aux camps de concentration…

    Voici donc l’une des chansons culte et magifique du légendaire Paco Ibanez,  »No Sirves para nada » ou  »Tu ne sers a rien » qui était aussi copain de Brassens et le chantait aussi ! …

    https://www.youtube.com/watch?v=7Qfp5EpJMfA

    Paroles en Français ;

    Lorsque j’étais petit
    J’étais toujours triste
    Et mon père très sérieux
    Et remuant la tête

    Me disait; mon fils,
    Tu ne sers à rien
    Me disait; mon fils,
    Tu ne sers à rien
    Il me disait; mon fils,
    Tu ne sers à rien

    Ensuite je suis allé à l’école
    Avec du pain et des aurevoirs
    La tristesse à mes côtés
    Et le maître hurlant

    Ce garçon est inutile
    Il ne sert à rien
    Ce garçon est inutile
    Il ne sers à rien

    Ensuite est arrivée la guerre
    La mort je l’ai vue
    Et quand elle s’est terminée
    Et que tous l’ont oubliée
    Moi, toujours j’ai continué à entendre
    Tu ne sers à rien
    De tristesse en tristesse
    Dans les barreaux de la vie je suis tombé

    Et un jour
    La fille que j’aime
    M’a dit et elle était joyeuse
    Tu ne sers à rien
    M’a dit et elle était joyeuse
    Tu ne sers à rien

    Maintenant je vis avec elle
    je vais propre et bien coiffé
    et nous avons une fille
    À qui je dis parfois
    Aussi avec joie
    Tu ne sers à rien
    Ma fille tu es inutile
    Tu ne sers à rien

    (Bref, si vou aimez, il y a tout un concert sur Youtube sous le titre
     »Paco Ibañez Palau Musica Barcelona 2002 » )

    Bonne journée a tous !

    Répondre
  • Sam

    Pour ceux et celles qui n’ont rien pigé a cette chanson de Paco Ibanez… le sens profond de cette chanson est de dire un peu que  »l’amour » est dangereux ! … un peu comme nos parents ou nos grands parents ne se disaient que rarement  »je t’aime » entre eux…ou a leurs enfants…. car pour eux qui avaient tout compris… l’amour justement, se démontre et se pratique, il se déploie dans la vie ordinaire avec ses hauts et ses bas, il s’exprime a travers la résilience, l’engagement, le dévouement, la complicité…mais ne se dit pas ! … d’ailleurs, la tristesse ou la solitude comme dans cette chanson, est un gage bien plus crédible de l’amour que l’on a pour ceux qu’on aime… n’est-ce pas …! :)))

    Ainsi… tout amour immature qui s’exprime avec zèle… peut conduire a la haine, au déni de la réalité, au rejet et parfois a la destruction ou au crime !  »crime passionnel » disent les juristes… et ceci, n’est que l’exemple des couples, car au dela des couples, la même règle s’applique entre humains….

    …. et c’est pas comme ces idiots qui nous vendent  »la Saint Valentin » et toute ces foires de commerce, qui n’ont rien de crédible ! ou tous ces romans et films a l’eau de rose… qui nous idéalisent l’amour, comme un objet de toc, qui ne vaut que peu… et ne vaut rien en fait !

    Yallah bye !

    Répondre

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