Consommation (LeVayer)

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J’ai tellement peur de toi parce que tu vas me consommer
Me fendre le trou et, alors, ensuite me jeter.
Je suis une gouine narcissique, livrée sans sommation
Aux ardeurs indifférentes de ta consommation.

J’ai tellement aimé. Qu’est-ce que j’ai pu m’abandonner.
Puis je me suis refroidie. J’ai pas mal déchanté.
Je ne suis qu’un cul commode planté tout près d’un con
Ça facilite la saisie, pour fins de consommation.

Mes yeux, des bijoux. Mes mots, des paroles de chansons.
Un film ou un roman volé lors de nos conversations.
Ma graisse, un élixir pour t’embellir ou te soigner.
J’ai tellement peur de toi parce que tu vas me consommer.

Mes tenues vestimentaires virent à l’exhibition.
Mon métier, ma profession, de la prostitution.
Mes terreurs s’amplifient par la voix de ta publicité
Mon corps, on me propose de bien le démantibuler.

Je suis une gouine narcissique, livrée sans sommation
Aux ardeurs indifférentes de ta consommation.
Je tends à promouvoir mon corps. Je ne peux plus aimer.
Je vends mon âme. On me consomme. Je ne sais plus rêver.

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Tiré de: Corinne LeVayer (2012), Gouines coquines de ce monde, ÉLP Éditeur, Montréal, format ePub ou PDF.

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Les droits d’auteurs de ce texte appartiennent aux instances concernées. Il est publié ici, sur un espace citoyen sans revenu et libre de contenu publicitaire, à des fins strictement documentaires et en complète solidarité envers son apport intellectuel, éducatif et progressiste.

3 réflexions sur “Consommation (LeVayer)

  • 13 mars 2019 à 12 h 20 min
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    @ Ysengrimus
    je seconde ! et je ne vous cache pas que ce billet m’a ramené tout droit au carnet d’Ysengrimus ou j’ai découvert non sans émotions cette perle rare et cette fontaine de jouvence qu’est la poésie et la personne de Madame Corinne LeVayer !
    le mérite vous revient en partie ! si vous n’étiez pas là, on l’aurait probablement jamais connue ! et je vais vous dire franchement que je trouve injuste qu’un type comme vous ne soit pas en première ligne pour révéler au troupeau du Québec toute la richesse subtile de son pays qu’il ignore ou néglige… pour continuer à brouter du foin sec comme il fait !
    Madame LeVayer à tout mon respect, ma sympathie et mes meilleurs voeux du bonheur qu’elle mérite !

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