GOUVERNEUR(E) GÉNÉRAL(E) DU CANADA, l’art si mièvre et si nunuche de gérer un «grand» symbole en pense-petit

YSENGRIMUSPar Claudio Buttinelli cet article est disponible  en anglais, en italien et en espagnole ici:
Articles du 22 Septembre 2023

Élizabeth II d’Angleterre, l’Ultime Impératrice du Commonwealth en avait indubitablement plus de fait qu’il ne lui en restait à faire. Et son fils, le Prince Charles, montait en graine dans la salle d’attente, avec tous les problèmes symboliques et sémiologiques qu’il allait drainer avec lui dans les ci-devant ex-Dominions… De fait, Charles Windsor fut, pour un long laps de temps, une véritable brèche humaine dans la facade monarchique. William Windsor vient de colmater ladire brèche. Charles et Diana s’étaient en effet fréquentés pendant six mois. Tout les concernant était toc, «arrangé» et friable. William et Kate se sont fréquentés pendant huit ans. Tout les concernant se veut vrai, authentique et solide. Or, au niveau du fantasme profond, le roy d’Angleterre est le roy d’Angleterre et il est UN. Aussi, le «roy d’Angleterre» est en train de tout simplement réparer l’ultime gaffe du roy. «Il» œuvre à remettre en place la dignité détruite et émiettée suite à la catastrophe indicible Charles/Diana. Le jeune roy mûr d’aujourd’hui colle les pots cassés du vieux roy juvénile de jadis. Une fois cette ultime expiation consommée, Charles Windsor pourra enfin s’asseoir sur le trône que lui ouvre en grande la mise en ordre rassérénée de sa succession symbolique… L’ordre du père rétabli par le fils, rien de moins. Ceci dit, Charles ou William, je n’ai vraiment jamais eu envie de mettre ce genre de roy là, roitelet local désormais, style Espagne, Norvège, Belgique ou Monaco, sur mon $20 (dernier bifton canadien ne mettant pas en vedette un portrait de premier ministre)… Il va falloir y penser très sérieusement… Non vraiment, toc pour toc, mettons Pierre Elliot Trudeau (1919-2000) sur le $20 et n’en parlons plus. Il ne restera alors que le côté face des piécettes pour se chicaner au sujet de Charles et de William… et nous serons enfin heureux… Bref… C’est bien là, au demeurant, le seul débat de durabilité coloniale sur la monarchie albionne aujourd’hui… de là à en faire une migraine… euh… non… et je ne suis pas ici pour vous parler de ça de toute façon. Restons en là de ces byzantines question de frappes de monnaie et surtout, laissons la Douce Rose Fanée des Windsor (qui nous rappelle tellement nos vieilles matantes et nos vieilles mamans du siècle dernier) assurer l’intendance de son ultime bouquet de fonctions régaliennes début de millénaire, fin de règne dans le nuage floconneux de nos souvenirs vagues. Elle en avait toujours plein les bras mais… les choses avaient tellement changé pour elle depuis 1952…

La Douce Rose Fanée des Windsor assurant l’intendance de son ultime bouquet de fonctions régaliennes. Elle en avait toujours plein les bras…
La Douce Rose Fanée des Windsor assurant l’intendance de son ultime bouquet de fonctions régaliennes. Elle en avait toujours plein les bras…

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Alors, bon, maintenant, causons chef(fe) de l’état canadien. Des «monarchistes canadiens» de moins en moins empiriques et de plus en plus mythologiques continueraient –quelque part- de considérer que la reine ou le roy d’Angleterre est toujours le chef absolu de l’état au Canada et qu’il ou elle n’est que «représenté(e)», symboliquement toujours, in situ, par le ou la Gouverneur(e) Général(e) du Canada. Les anti-monarchistes, souverainistes québécois et autres aigrefins américanophiles, mordent aussi à cette idée, vieillotte et parcheminée, la perpétuent, en fait, par leur anti-dévotion, et n’en ratent jamais une pour réclamer tapageusement la disparition de cette fonction symbolique unilatérale, coûteuse et archaïque qui nous survivra tous. Mais que diront nos monarchistes! c’est une ritournelle qu’on ressasse un peu partout au Canada, sans grande imagination et surtout, sans grand sens de l’observation sémiologique. Car, de fait, des grandes manœuvres, aussi discrètes qu’indubitables, prouvent que la position de gouverneur général canadien est en train de devenir la position de chef de l’état canadien, point final. En préparation de la disparition imparable d’Élizabeth II d’Angleterre, le serpent rouge et blanc se love gentil-gentil sur son petit lui-même et mue en catimini. On se façonne, graduellement et sans trompette, un chef de l’état canadien qui inaugurera les chrysanthèmes (certains de ceux-ci ne manquant pas parfois d’une certaine force symbolique), comme, disons, le président de l’Allemagne, mais un chef de l’état tout de même, de plus en plus suprême et final (le Premier Ministre étant chef du gouvernement et dirigeant effectif du Canada).

On pourrait énumérer difficultueusement et taponneusement toute la salade polychrome et tarabustée des changements d’armoiries et de devises et autres ajustements de notre fatras de brimballes canadianistes plaçant graduellement le ou la gouverneur(e) générale(e) au sommet de la pyramide étatique canadienne mais je vous coupe le détail vétillard pour ne donner qu’un seul exemple, flamboyant, hautement parlant et pétaradant. En 1976, les Jeux Olympiques de Montréal furent inaugurés par la Reine d’Angleterre. En 2010, les Jeux Olympiques de Vancouver furent inaugurés par la Gouverneure Générale du Canada. Et patatras… La Charte Olympique est pourtant ferme et explicite sur ce point. Elle dicte que c’est le chef ultime et suprême de l’état hôte qui ouvre le Grand Bal Planétaire des Stéroïdes. Point barre. Aucun «monarchiste canadien» ne marqua ce coup symbolique, pourtant aussi discrètement planétaire que passablement fumant, quand on y médite un peu, dans cette toute petite logique de rangement des bibelots sur l’âtre. C’est indubitable, le Canada est doucement, à petit pas, sans faire de vague, à se donner un chef d’état qui devra éventuellement combler le vide obtus qu’entraînera la disparition effective de l’internationalisme monarchique britannique et sa mutation inexorable en Roc de Monaco potineur, anglo-anglais et intégralement localisé.

Maintenant, un mot, si vous me permettez, sur l’ingénierie symbolique de nos récentes gouverneures générales. Les visites, proches ou anciennes, de la Reine d’Angleterre au Canada ne doivent pas masquer certaines tendances de fond de la ci-devant gouvernance-spectacle canadienne. Si on regarde les deux dernières gouverneures générales en exercice, Madame Adrienne Clarkson et Madame Michaëlle Jean, la similitude de leur bouquet symbolique ne peut que frapper. Deux femmes (respectivement la seconde et la troisième femme à occuper cette position, la première ayant été Madame Jeanne Sauvé), deux personnalités sans antécédent militaire ou politique d’aucune sorte, deux journalistes (l’une à CBC, version canadienne de BBC, l’autre à Radio-Canada, version canadienne de Radio-France), deux réfugiées politiques de seconde génération (l’une ayant fuit enfant l’invasion de Hong Kong par le Japon Impérial, l’autre ayant fuit enfant la répression duvaliériste en Haïti), deux immigrantes de souche «visible» (Madame Clarkson, sino-canadienne, de Hong Kong, Madame Jean, afro-canadienne, d’Haïti), deux figures centristes (Madame Clarkson, admiratrice explicite du grand médecin révolutionnaire canadien Norman Bethune, Madame Jean critique fort explicite des abus du capitalisme spéculatif style pré-2009). Hum, hum… Pas fortuit, ça… Ces deux Cheffes d’État apparaissent, quand on y regarde avec l’attention tataouinante requise, comme une version «anglophone» et une version «francophone» du même compendium d’options sociales et de valeurs «canadiennes» (si tant est). Il est limpide qu’une telle symétrie symbolique ne s’improvise pas. Quelqu’un quelque part assure et synchronise une intendance bien huilé et totalement non monarchiste du subreptice virage canadianisant du Lecteur ou de la Lectrice du Discours du Trône (intégralement rédigé, au demeurant, par les hauts fonctionnaires du premier ministre). Mesdames Clarkson et Jean furent nommées toutes les deux pour un mandat respectif de cinq ans (Le ou la gouverneur(e) général(e) est nommé(e) par le premier ministre du Canada, avec approbation automatique de Buckingham).

C’est ici que nos conservateurs canadiens pense-petits, livides et vides de sens entrent en piste. Ils viennent de nommer leur tout premier gouverneur général et ils ont bien vu à ne pas rater leur… ratage symbolique. De fait, ils font tout ce qu’ils peuvent pour bien montrer urbi et orbi que les canadiens sont bien de droite, rétrogrades, pro-ricains, pro-fric, anti-environnement, militaristes, boy-scouts, égoïstes, gérontophiles, petits-blancs, ancillocrates et crétins. Ils vont donc se donner un gouverneur général aussi résurgent, affairiste, faux-bon-gars, homme-de-paille et nouvelle-droite que ce qu’ils promeuvent avec leur veulerie usuelle. Le sens du «grand» symbolisme et des saines mutations, rien à foutre. Ils choisissent donc tariiii-taraaaa: David Lloyd Johnston, relent direct des trois grandes pourritures sociologiques élitaires et vieillottes de notre temps: Le Droit, la Finance et l’Université. Le nouveau fantoche nunuche et fétide est donc indubitablement campé. Perpétuation monarchiste ou pas, la sauce blanche gotha putride continue de bien flotouiller au dessus du baril rouge et blanc. Continuons, nous aussi, donc, de bien dormir. au fond de notre fier lagon bitumineux et potassier néo-colonial. Qui a jamais osé croire avoir jamais arrêté de pioncer en la terre faussement pure de nos aïeux…

Question conclusive: qui de Mesdames Clarkson et Jean ou de Monsieur Johnston véhicule l’image la plus hypocrite, faux jeton et malhonnête du Canada début de siècle? Attention, oh attention, comme, en matière de symboles étatiques, rien ne se fait très vite au Canada, ne… répondez pas trop vite, justement, à cette question aussi cornélienne que hautement perfide.

Retour aux questions cruciales. Cherchez l’incongruité ès biftons -. $5: Premier Ministre canadien Wilfrid Laurier (1841-1919), $10: Premier Ministre canadien John Macdonald (1815-1891), $20: Reine Elizabeth II d’Angleterre (1926-20xx), ben oui, $50: Premier Ministre canadien William Mackenzie King (1874-1950), $100: Premier Ministre canadien Robert Borden (1854-1937)…

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2 réflexions sur “GOUVERNEUR(E) GÉNÉRAL(E) DU CANADA, l’art si mièvre et si nunuche de gérer un «grand» symbole en pense-petit

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