La puissance de la musique
CAROLLE ANNE DESSUREAULT :
Un talentueux pianiste et chef d’orchestre est un jour foudroyé par une impitoyable encéphalite herpétique qui le plonge dans l’amnésie. Cela se passe en 1985 et Clive Wearing n’a pas encore cinquante ans ! Sa mémoire perdue ressemble à un disque dur qui se reformate toutes les trente secondes ! Avec l’âge, celle-ci va s’effacer toutes les sept secondes…
Il ne se souvient plus de sa vie. Il sait que la femme qui se tient auprès de lui à l’hôpital est sa compagne (parce que c’est ce qu’on lui dit), il est bien avec elle, mais ne se rappelle pas de leur vie conjugale. Deborah le visite chaque jour. Un livre « Forever Today » décrit sa vie et le désespoir dans lequel son mari est plongé.
Il ne se souvient pas des personnes qui le visitent et avec lesquelles il échange. Absolument rien. Il oublie au fur et à mesure ce qu’il vit, les émissions qu’il regarde à la télévision, l’heure de son réveil, les amis qui viennent le voir. Clive Wearing sait dans sa conscience qu’il a perdu la mémoire et il en souffre. Les spécialistes lui recommandent de noter ce qu’il vit afin de croire ses interlocuteurs lorsqu’ils lui disent qu’ils sont venus le voir.
Il ne se souvient pas de sa vie, néanmoins, il se souvient comment jouer du piano et il en joue toujours encore à ce jour. Il lit les partitions. Cependant, après avoir joué, il ne se souvient pas qu’il a joué. Après avoir joué, il est secoué de spasmes.
Comment peut-il encore jouer du piano ? Cela est dû à sa mémoire procédurale – mémoire implicite qui porte sur les habiletés motrices, savoir-faire, gestes habituels – qui n’a pas été complètement endommagée par le virus. Je ne rentrerai pas ici dans les complexités du cerveau qui ne sont pas de ma compétence; le cas de Clive Wearing est étudié par des spécialistes à travers le monde depuis de nombreuses années, et sont d’avis que leur sujet est incapable de contrôler ses émotions, d’où ses crises de spasmes après ses séances de piano.
En pensant à cet homme, je suis touchée jusqu’au fond de l’âme par son cheminement. Je suis spontanément contente – sans motif objectif – de savoir que la musique vit en lui. Des personnes ont décrit l’effet de la musique dans le corps humain : comme Tolstoï qui l’a appelée « la sténographie de l’émotion » ; Richter qui la nommait « la poésie de l’air » ; Arnold Bennett a écrit que la musique est « un langage que seule l’âme comprend, langage que l’âme ne peut jamais traduire » ; et enfin, Goethe croyait que « la musique est l’un des principaux moyens pour produire sur l’homme un effet d’émerveillement. » Si les mots sont le langage de l’esprit, la musique est le langage de l’âme.
Les mystiques vont même plus loin en parlant du chant de l’univers, ce que Pythagore appelait « la musique des sphères.
Dans ma vie, la musique occupe une place primordiale, tout comme les sons de la nature : chutes d’eau, les vagues de l’océan, le vent qui agite les feuilles, le chant des oiseaux, l’air qui frémit, la glace qui craque… et des milliers d’autres. La musique a un pouvoir extraordinaire pour évoquer l’émotion. Il y a des musiques si belles qu’on se sent transporté dans une énergie élevée et puissante avec une émotion qui nous coupe presque le souffle, tant le cœur palpite de bonheur.
Dans un article intitulé La musique, le langage de l’âme, Rav. Jonathan Sacks raconte son expérience des dix dernières années où il a fait partie d’une mission de chant en Israël avec une chorale. Le groupe allait chanter pour les victimes du terrorisme ainsi que pour des personnes dans les hôpitaux, les centres sociaux et les soupes populaires. Pour les blessés, les endeuillés, les malades et les cœurs brisés. Ils dansaient même avec des gens en fauteuil roulant. « Un garçon, raconte-t-il, qui avait perdu la moitié de sa famille ainsi que sa vue dans un attentat suicide a chanté un duo avec le plus jeune membre de la chorale, arrachant des larmes aux infirmières et aux autres patients. Ces moments sont des révélations, ils sauvent un fragment d’humanité et d’espoir des expériences traumatisantes. »
Enfin, Beethoven écrivait sur le manuscrit du troisième mouvement de son Quatuor en La Mineur les mots Neue Kraft fühlend, « Sentiment de puissance renouvelée ». Des mots qui témoignent de la force de l’esprit humain.
En conclusion, peut-être que Clive Wearing témoigne du fait que la musique est une forme de continuité ressentie qui peut parfois briser les plus accablantes déconnexions de l’expérience du temps. Car, le philosophe et musicien Roger Scruton, a écrit que « la musique est une rencontre avec le sujet pur, libéré du monde des objets, se déplaçant en n’obéissant qu’aux seules lois de la liberté. C’est ainsi que j’aime voir la musique.
SOURCES :
http://www.fr.chabad.org/library/article_cdo/aid/2447818/jewish/La-musique-le-langage-de-lme.htm
Wikipedia
Tout n’est que « fréquence » dans l’univers ……