L’hérétique (Christine Machureau)

DANIEL DUCHARME — Ce roman de Christine Machureau est à l’image des précédents: il nous apprend des faits et gestes de l’histoire autant qu’il nous passionne par sa trame romanesque. Car madame Machureau écrit bien, et elle maîtrise son sujet à la perfection, en l’occurrence ces temps troubles de l’histoire associés à cet âge dit « moyen ».

Dans La Mémoire froissée, Anne Rameau a vu sa mère mourir sur le bûcher. Dans L’hérétique, la jeune Margot assiste aussi à la mort de sa mère mais, cette fois-ci, après avoir été violée par deux bons catholiques, elle périt dans l’incendie de la demeure familiale. Dans l’un comme dans l’autre roman, l’histoire personnelle des héroïnes débute par la mort de leurs mères, tuées toutes deux au nom de l’intégrisme religieux. Mais là s’arrête la comparaison car Margot, contrairement à Anne, garderait de la haine au cœur, une rancœur qui ne la quittera plus, désormais, jusqu’à ce qu’elle connaisse une fin rédemptrice.

Dans L’hérétique, Christine Machureau décrit bien la folie de cette période sombre pendant laquelle on n’hésitait pas, au nom de la papauté, à piller et à tuer ceux et celle qui adoptaient une pratique religieuse proche du christianisme primitif au lieu de la religion officielle prêchée par l’Église romaine. Cette religion, on l’appelle le catharisme et elle a été surtout pratiquée dans le sud de la France, plus précisément sur le territoire supposé de l’Occitanie qui comprend les villes de Toulouse, Béziers, Carcassonne et, bien entendu, Albi.

Devant la violence de son temps, Margot décide de prendre la route sur laquelle elle rencontre Hugues de Mandrague, chevalier de l’Ordre des Templiers qui se trouve mêlé au désordre ambiant. Animée par une volonté de vengeance (elle rend personnellement responsable Simon de Montfort de la mort de ses parents), elle va sur les routes jusqu’au bord de l’Euphrate où elle rencontrera son destin.

La lecture d’un roman historique pose toujours un certain nombre de problèmes – rarement solubles, d’ailleurs. En effet, il est difficile d’évaluer la part d’anachronisme dans un tel roman, surtout quand il est question du sentiment amoureux qui, semble-t-il, n’a pas la portée atemporelle et universelle qu’on voudrait bien nous faire croire. Heureusement, Christine Machureau échappe au piège de l’histoire d’amour au temps des cathédrales. Pour suivre Hugues de Mandrague, son héroïne quitte l’homme qui aurait bien voulu la marier, rêvant d’un destin moins commun. En effet, après la mort tragique de Simon de Montfort, elle s’écarte de la voie toute tracée pour elle et accompagne le Templier qui doit accomplir la mission qu’il a reçue de son ordre. Quelle est cette mission? Qu’arrivera-t-il à Margot au bout de sa route? Je vous laisse lire ce beau roman pour le savoir…

  • Christine Machureau, L’hérétique. Numriklivre, 2014.

Une réflexion sur “L’hérétique (Christine Machureau)

  • 2 septembre 2023 à 6 h 18 min
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    De tous temps, et pour des raisons diverses, il y a eu des résistants, des objecteurs, comme le petit gamin, qui du fond de la classe lève le doigt pour affirmer :
    — M’sieur, M’sieur, vous vous êtes trompé !
    C’est rarement bien vu.
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    Ainsi je connais un groupe (aujourd’hui ils ne sont plus que deux mille) qui en 1804 refusa le Concordat entre Pie VII et Napoléon. Au début ils avaient leurs évêques qui ordonnaient des prêtres…. Plus de deux cents ans plus tard ils se contentent d’élire les plus méritants. Ils ont leur « temple », en quelque sorte. Ils continuent à suivre scrupuleusement les canons anciens.
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    Parfois des jeunes les quittent pour convoler « ailleurs ». Mais curieusement ils mettent leurs enfants à l’école publique, où il n’y a guère qu’eux. Les écoles confessionnelles primaires abondent pourtant dans cette région, mais ils tiennent à éduquer leurs enfants selon LEURS critères. Pour autant que je sache, quand Jean-Paul II a fait une visite dans ce coin, en hommage à Louis-Marie Grignon de Montfort, il semble qu’il y ait eu des contacts, mais c’en est resté là. Oui, là, c’est le cœur de ce qu’on a appelé « la Vendée Militaire » bien que ce cœur se situe en Deux-Sèvres.
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    En somme cela ressemble à ce que pouvait être au tout départ « la Réforme » : d’ailleurs je connais un certain nombre de Protestants : on les reconnaît à leur humilité permanente, austère. Ce sont certains d’entre eux qui ont été les chevilles ouvrières des Mutuelles d’assurance et des coopératives : à la fois individualistes, et solidaires. Quand l’Anglosaxonnerie s’en est emparée, ce fut tout différent. Sans doute certains de ces Huguenots, chassés par la révocation de l’Édit de Nantes, furent-ils en Nouvelle-France les piliers des coopératives qui y existent.
    [on notera que ce pauvre Poitou fut régulièrement par sa vitalité ombrageuse un facteur d’opposition au pouvoir central, même paradoxalement quand le roitelet officiel et sa mère régente s’y réfugièrent à l’époque de la Praguerie, face aux Grands Nobles qui tenaient Paris. C’est même à cette occasion que les professeurs de l’université de Paris, exilés eux aussi, fondèrent celle de Poitiers]
    Cette indomptable opposition à l’Ordre officiel incita, au cours sans doute du VIIIème siècle, les opposants individuels à cet Ordre dans les îles de ce qui était encore à moitié le Golfe des Pictons. On les appela les Colliberts .Je ne serais pas surpris d’en descendre.

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