Schmitt: Ma vie avec Mozart
DANIEL DUCHARME — Les coïncidences ne sont jamais aussi fortuites qu’on le dit. Alors que je viens de m’offrir l’intégrale des œuvres de Mozart en 170 disques chez Brilliants Classics, je suis tombé par hasard sur ce livre inclassable d’un auteur qui l’est tout autant, car Éric-Emmanuel Schmitt assume tour à tour les rôles de philosophe, d’écrivain, de dramaturge et, plus récemment, avec la sortie de ses films Odette Toulemonde (2007) et d’Oscar et la dame en rose (2010), de cinéaste. Du coup, je n’ai pu résister à l’envie d’en partager la lecture avec vous.
Ma vie avec Mozart n’est ni un roman ni un essai. Et encore moins un ouvrage de musicologie sur le compositeur. Non, il s’agit plutôt d’un récit autobiographique qui raconte la relation qu’entretient l’écrivain avec la musique de Mozart. Pour ce faire, l’auteur emprunte la voie épistolaire et fait de ses 16 chapitres autant de lettres qu’il adresse au génial compositeur du 18e siècle. Cette relation – intime, dirais-je –, Éric-Emmanuel Schmitt l’a fait débuter au début de son adolescence alors que, aux prises avec des idées suicidaires, il entend un passage des Noces de Figaro (acte 3, air de la Comtesse), ce qui révèle en lui toute la beauté du monde. Comment peut-on mourir, se dit-il, alors qu’il y a tant de jolies choses à découvrir? La thérapie par la beauté… Peut-être vaudrait-il la peine de la tenter au Canada, pays où le taux de suicide est un des plus élevé de monde.
Ainsi, à chaque étape de sa vie, à chaque difficulté qu’il rencontre sur son parcours, la musique de Mozart permet à Éric-Emmanuel Schmitt de franchir le passage, de passer au travers. À mes yeux, cela illustre plus que n’importe quelle théorie l’idée – très chère, d’ailleurs, à écouter lire penser – d’un art qui aide à vivre… et à écrire aussi ! En témoigne la citation suivante : « Mozart… Tu me semblais une clé secrète pour ouvrir ces portes. Quoique par timidité je conservais cette conviction au fond de moi, mon silence ne t’empêchait pas d’accomplir ton œuvre, me libérer, me convaincre que c’est en écrivant qu’on devient écrivain […] Je me suis donc cherché, heure par heure, page après page, au bout de ma plume » (p. 95).
Disons-le d’emblée, Ma vie avec Mozart n’est pas un grand livre, je veux dire un livre qui passera à l’histoire. D’aucuns le jugeraient convenus, naïfs. D’autres, plus insidieux, diraient que l’auteur a habilement profité de l’année du bicentenaire de la mort de Mozart (2005) pour publier un livre sur le compositeur, s’assurant ainsi un gain facile. Mais à ceux-là je répondrais : Calmez-vous, taisez en vous cette voix malveillante et laissez-vous emporter par les phrases toutes simples, par le style direct d’un auteur qui va droit au but. Et surtout, écoutez le disque qui vient avec le livre et, à la fin, si vous êtes honnêtes, vous vous direz que vous n’avez peut-être pas lu le livre de l’année… mais que vous avez découvert la musique d’un grand compositeur, une musique qui aide à vivre.
Né en 1960, Éric-Emmanuel Schmitt enseigne la philosophie dans un établissement universitaire français et, en parallèle, se passionne pour la lecture, le théâtre et la musique. Ce n’est pourtant qu’au début des années 1990, après un voyage au Sahara, qu’il commence à écrire. Il compte déjà plusieurs romans, pièces de théâtre et essais à son actif dont La secte des égoïstes (1994), L’Évangile selon Pilate (2000), La part de l’autre (2001), Si j’étais une œuvre d’art (2002), L’enfant de Noé (2004), Ulysse from Badgad (2008), etc. Ces œuvres sont toutes publiées aux éditions Albin-Michel. Pour en savoir davantage sur l’auteur, je vous invite à visiter son site web.
Éric-Emmanuel Schmitt. Ma vie avec Mozart. Paris, Albin-Michel, 2005