Roy: Lettre à Dieu
DANIEL DUCHARME — Souvent, le fil du hasard nous conduit jusqu’au livre qu’on n’aurait jamais lu en d’autres circonstances. Ce livre qui pourtant reposait sur une tablette de la bibliothèque du bureau depuis neuf longues années. Une amie de ma femme l’avait reçu en cadeau d’un Français qui estimait qu’un auteur né en Algérie devait forcément intéresser une Algérienne immigrée au Canada. En offrant ce livre, il avait sans doute oublié que ce qui rapproche – le pays – se casse souvent les reins sur ce qui divise – la religion. Sapristi! On n’offre pas un bouquin intitulé Lettre à Dieu – une référence directe au dieu des chrétiens – à une musulmane, même si celle-ci a fui les folies meurtrières des islamistes pour se réfugier au Québec. Comment ce livre s’est-il retrouvé à la maison? Cette amie algérienne l’a tout simplement donné à ma femme – une autre musulmane… –, sans raison apparente, si ce n’est par respect pour l’adage qui dit que les cadeaux entretiennent l’amitié. Et moi, un matin de février, alors que je n’avais rien à mettre sous la dent, je l’ai saisi d’un geste machinal pour éventuellement le lire dans le bus.
Dès les premières pages, je me suis vite rendu compte que Lettre à Dieu est le récit d’un vieillard qui va mourir et que, même s’il en est souvent question, il ne s’apparente en aucun cas à un livre emprunt de religiosité, si ce n’est celle que tout homme ressent face à sa fin prochaine. Dans un récit direct au style dépouillé, parfois ponctué d’expressions que d’aucuns pourraient qualifier de vulgaires, Jules Roy relate les derniers événements de sa vie : son entrée à l’hôpital, son retour à la maison, ses longues journées prostrées dans un lit qu’on a installé au rez-de-chaussée afin de lui éviter les escaliers, ses pensées évanescentes. Et qui dit mort dit aussi origine de sorte que l’auteur, dans un va-et-vient constant, fait de nombreuses allusions à des événements qui ont jalonné le parcours de sa longue existence. Jules Roy, dont c’est effectivement le dernier livre, est mort l’année même de sa parution, à l’âge de quatre-vingt treize ans. Sa dernière phrase est : « Ayez pitié, mon Dieu, si vous existez, de ce vieil homme désemparé » (p. 259).
Lettre à Dieu est le beau récit d’un vieil homme qui, sentant la mort venir, l’a tapé lentement, un doigt à la fois, sur une vieille machine à écrire aussi démodée que lui. Ce qui revient souvent dans le récit, comme un leitmotiv, c’est l’enfance en Algérie, la guerre et les amitiés qu’elle engendre et, enfin, les amours furtives, celles qui n’ont pas duré mais que l’on n’oublie jamais. Cela n’a d’ailleurs pas manqué de m’étonner. Au soir de sa vie, cet homme revient en souvenir sur deux événements : son frère d’armes, avec lequel il a bravé la mort en combattant les Allemands pendant la Deuxième guerre mondiale, et cette femme, une dénommée Josée, avec laquelle il a eu une « affaire », comme disent les Américains, alors qu’il se remettait d’une blessure dans un hôpital parisien,, loin de sa famille. C’est à cela qu’il pense au moment de s’éteindre. Rien sur sa maison, son épouse ou son fils. Et vous, à quoi penserez-vous pendant les jours qui précéderont votre mort?
Jules Roy est un écrivain français né en 1907 à Rovigo (Algérie). Il a écrit de nombreux romans mais Les chevaux du soleil, un roman fleuve sur les Français d’Algérie publié en 1980, s’avère sans doute le plus connu. Il fait partie de ces écrivains français qui ont vécu avant d’écrire et qui, sans que l’on comprenne trop bien pourquoi, sont tombés peu à peu dans l’oubli. Je vous invite à le découvrir dans sa Lettre à Dieu.
Jules Roy, Lettre à Dieu. Paris, Albin-Michel, 2001.
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Curieusement, c’est non à l’approche d’une mort pourtant inéluctable pour tous, mais à la suite de celle d’une épouse partie bien trop tôt – et en même temps bien tard en raison d’une maladie si irrémédiable, si longue et si pénible – que mes enfants et des amis m’ont pressé d’écrire un témoignage sur ce que j’ai vu et ressenti tout au long d’une vie sans doute aussi banale que celle d’un autre. Je m’y suis mis, en me disant qu’après tout, j’ai vu et vécu des choses qu’il faut rappeler, et que beaucoup ont vécues de façon peu différente. C’est pourquoi une part non négligeable de cet ouvrage est une sorte de lexique de vieux outils disparus, mais que j’ai utilisés ou vu utiliser.
Ma vie, à mon avis, ne présente aucun intérêt particulier pour qui n’est pas dans mes proches. En revanche porter un œil curieux, et parfois attendri, sur des gestes habituels il y a quelques dizaines d’années, peut avec le recul se révéler utile. Parce que pour moi ce ne serait pas bien, ce livre qui s’imprime à la demande ne comporte en son prix pas un centime pour l’auteur-éditeur.
Pour qui veut oser s’y intéresser, c’est là. C’est imprimé en France, mais celui qui a permis ainsi de s’auto-éditer est l’ancien meneur de jeu des distributions Linux Red Hat.
https://www.lulu.com/fr/fr/shop/jean-claude-cousin/il-avait-des-lunettes-et-une-t%C3%AAte-ronde/paperback/product-1p7ye9p7.html?page=1&pageSize=4
Il y a des livres qu’on ne peut pas écrire, des vies qu’on ne peut pas raconter, et des passages ici-bas et parmi nous qui resteront lettre morte, et qui même en tentant de les écrire, on ne saurait par quoi commencer, par ou finir, et qui ne peuvent interpeller quiconque… car les hommes sont souvent sourds aux messages essentiels, aux appels tabous, et indifferends aux blessures collectives pourtant !
Voici, en ce qui me concerne, comment j’aurais pu préfacer le mien ! :)))
j’ai d’ailleurs toujours vu en nos cimetières arabes, dépouillés et poétiques, parsemés de tombes anonymes, fissurées et en ruines elles aussi, et traversées ou recouvertes de mauvaises herbes et de buissons sauvages, rien d’autre que la preuve douloureuse, de la futilité de nos vies !
l’islam je crois, ayant bien saisi l’essence de cette futilité de la vie, la prêchant même et la professant aux autres, résume à lui seul ce dépouillement volontaire, cette perdition, cette misère, cette cruauté et cette croyance… peu importe ce qu’on peut en penser ou dire, et peu importe cette fatalité, si aveugle pourtant, et si dénuée d’humanité !
Tout ce que je peux en dire est que les hommes naissent inégaux, et meurent inégaux tout autant ! et que tel une loi constante et sans concession, cette règle s’applique aux vivants et aux morts, et n’épargne personne ! une loi tout aussi aveugle aussi, qui ne fait point de différence entre les bons et les mauvais, les gentils et les méchants, les justes et les injustes, les criminels et leur victimes tout autant !
la mort est un dénouement, avant d’être une disparition ou une perte ! car elle est tout aussi convoitée que la vie, autant par les croque morts que par les héritiers, par les vers et les asticots ou par les charognards… la mort n’est point la paix…elle n’est que le relancement de la guerre, le butin des autres, le dénouement d’un chapitre, et le début d’un autre !
Au final, il n’y a que de rares moments de bonheurs qui jalonnent nos vies.
c’est pas mal je trouve… ça résume ma pensée…ça résumerait mon bouquin, en cinq tomes, voir sept, si je devait faire le tour de ma seule vie, et mon passage éphémère ici-bas ! :)))
Mes amitiés…