Bienvenue dans la Politz

ALLAN ERWAN BERGER  —  Grâce à Claudio Buttinelli cet article est disponible en anglais, en italien et en espagnole ici:
Articles du 29 juillet

Ce discours est traditionnellement tenu à toutes les nouvelles recrues des forces de Politz du Mordoristan, un pays où la loi règne et où le citoyen vote dans le bon trou. Nous ferions bien d’en prendre de la graine.

Bienvenue dans la Politz

Vous êtes ici pour servir l’État. Quoi que vous pensiez, abandonnez vos idées au vestiaire car ici l’on obéit, et l’on ne fait rien d’autre.

On vous ordonne de protéger la réputation d’une crapule parce que l’État y trouve son intérêt : vous protégez. On vous ordonne de découvrir comment tel fouille-merde a réussi à démontrer qu’un pourri corrompu a menti en public : vous découvrez parce que l’État le veut. L’État vous ordonne d’organiser la destruction des pièces d’une enquête judiciaire, ou de faire en sorte que celle-ci soit bâclée, torchée, sabotée, mutilée : vous organisez la mutilation et le sabotage, vous protégez les saboteurs et les torcheurs, et vous attaquez toute personne qui réclamerait de la lumière.


Vous êtes dans la Politz, et pas dans une ONG ! Vous êtes ici pour protéger les intérêts des puissants, et certainement pas ceux des citoyens. Ne confondez jamais la morale et le devoir.

Il est reconnu que l’État est le bras légal des Dieux : ce que les Dieux ordonnent, l’État l’ordonne, et vous l’exécutez. Les Dieux veulent un tunnel une centrale un aéroport, vous protégez ceux qui construiront la centrale le tunnel l’aéroport, et l’on vous lancera violemment contre les défenseurs du bon sens, avec ordre d’être méchants et injustes.

Vous êtes les exécuteurs des caprices de l’Olympe. Si telle catégorie de la population doit être jetée parce qu’elle empêche les Dieux de se goinfrer plus fort, on commencera par l’assimiler à une horde dangereuse, puis à ses membres on refusera le qualificatif de citoyens, et pour finir on leur collera l’épithète de terroristes, dont nos maîtres les Allemands ont si bien su se servir durant l’Occupation.

Vous êtes des fliks, pas la Croix-Rouge ! Le très grand nombre est fait pour être gouverné par les 0,1%. Il est fait pour être contrôlé, surveillé, immobilisé la tête dans la mangeoire tandis qu’on le tond et qu’on lui pompe son sang vaillant. C’est vous qui immobilisez les têtes, et c’est vous qui punissez celles et ceux qui ne veulent pas être tondues ou tondus, et qui ne veulent pas donner leur sang.


Vous les épris de justice, qui pensez être ici pour protéger la vertu, vous allez dégager ! Le Corps n’a nul besoin de vous, merdasses ! Nous avons besoin de crapules, nous avons besoin d’ennemis du genre humain, nous avons besoin de rancuniers, de frustrés, d’aigris, et nous ne voulons surtout pas de gens sages et équilibrés ! Car l’État, qui est au service exclusif des Dieux, n’est pas le serviteur du peuple mais son contremaître, et vous êtes les garde-chiourmes ! Voilà pourquoi, sur toute la planète, le flik est l’ennemi du citoyen.

J’insiste, car je veux que tout ceci soit très clair : n’oubliez jamais que vous servez l’État, et pas vos voisins. L’État est le larbin des Dieux. Or, les Dieux sont, par leur nature, ennemis des populations terriennes. Donc l’État est l’ennemi de la population. Donc la population est votre ennemie.

Car vous êtes les larbins de l’État. C’est pour ça qu’on vous paye, vous et les journalistes de la presse muselée. Vous êtes des enfoirés de pitt-bulls, pas des bons Samaritains. Soyez prêts à tabasser père et mère, à coller en prison des innocents, à fabriquer des fausses preuves, à insulter les honnêtes gens, à traquer sans pitié les petits resquilleurs tout en vous inclinant bien bas devant ceux qu’on vous désignera comme intouchables. Ne laissez passer ni les petites infractions ni les révoltes des gens droits : collez ces derniers contre un mur, fourrez-leur des seringues dans la poche et envoyez-les en tôle, ou balancez-les à vos camarades de l’Antiterrorisme. Vous êtes des fliks, pas des putains d’apôtres. Vous êtes les forces de l’oppression et de la répression.

Prenez exemple sur vos camarades Grecs qui savent si bien combattre toute espèce de morale et de droiture, et plongent leur maudite population de gémisseurs, décrétée coupable par trois gredins et deux farceurs, dans le plus impitoyable des purgatoires, car telle est la volonté des Dieux qui veulent une Grèce morte, éventrée, écartelée, offerte aux appétits libidineux des crapules dorées qui sont vos lointains maîtres.

Vous êtes les serviteurs du chaos car le chaos plaît aux Dieux ; c’est là-dessus qu’ils prospèrent. L’outrance est leur style de vie, le chaos est leur mine d’or. Le chaos est leur ordre. Or, vous êtes les forces de l’Ordre. Rompez !


Voilà. Être flik et honnête, en Mordoristan, c’est incompatible. Et il n’y a pas que dans cette petite république, car songez qu’en France même… Du côté de Marseille, on réintègre les ripoux, mais pas le lanceur d’alerte. En somme, bien des choses m’ont énervé ce matin, et m’ont jeté sur ce clavier alors que j’avais prévu d’écrire autre chose. Toutefois, pour nous détendre avec les cognes (mais si, c’est possible), je vous propose de vous replonger quelques minutes dans le bain de Tarnac, avec cette bonne lettre d’un forgeron taquin, à son juge d’instruction : La lettre du forgeron au juge.

On lira avec profit ce petit billet dudit terroriste, qui, ayant été innocenté de tout, est par conséquent amené à comparaître au tribunal de Rouen très bientôt : Le procès du forgeron.

Et je vous glisse le blogue de l’auteur, car vraiment, indubitablement, irrésistiblement et même surtout car j’y tiens profondément, fermement et sauvagement, il vaut le détour ! Le blog du forgeron. Tremblez, grenaille.

2 réflexions sur “Bienvenue dans la Politz

  • 29 juillet 2023 à 1 h 29 min
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    Pour être en phase avec la peau lisse, il faut d’abord passer par l’attendrisseur. Attention ! C’est un acte volontaire, mais irréversible. Et tant pis pour vous si en arrivez à la peau de chagrin, voire l’apothéose si vous en arrivez vous casqué, jambièrisé, boucliérisé, à vous faire démolir à mains nues par un spécialiste des salles avec quatre cordes…. M’man y m’a fait mal…. bouh ouh ouh….

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