Le mépris

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ALLAN ERWAN BERGER  —  Voici quel est l’état de la rivière Vilaine à Rennes, en amont du bief de centre-ville. Après avoir été un égoût puant, qui a produit des millions de bulles de méthane tout l’été, interloquant les ouvriers du puits Duhamel qui soupçonnaient là les effets du tunnelier tout proche (à Rennes on creuse une seconde ligne de métro qui passe sous la rivière), voici que la Vilaine s’enlise d’une boue verte d’algues microscopiques, des Cyanophycées empoisonnées, sur lesquelles pullule en radeaux infects la Ludwigia, ou Jussie, une plante envahissante qui tue tout ce qui vit dessous. Les premières sont le signe certain d’une eutrophisation terrible de la rivière (l’eau est chargée de nutriments, phosphates, nitrates) ; les secondes, en se répandant partout sur cette bouffe, cachent la lumière, piquent l’oxygène et la nourriture, et désertifient les fonds qui n’étaient déjà pas grandioses.

Plus aucun pêcheur, évidemment, n’ose venir tremper ses cannes dans cette sentine.
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La faute en est connue avec certitude. Elle en revient à quelques industriels de l’agroalimentaire, installés en amont, et dont on sait parfaitement les noms ; mais les autorités s’abstiennent de constater que ces fumiers ne respectent pas les lois environnementales les plus élémentaires. Alors, que voulez-vous, ils polluent sans retenue.

Quant à la municipalité de Rennes, qui est tout de même ce qui se fait de plus gros en matière de personne morale située en aval, elle s’abstient – c’est tellement socialiste ça, de s’abstenir. Alors rien ne se passe, et l’adjoint à la propreté publique, un politique dont on fera mine de croire qu’il est sincère, fait ce qu’il peut avec ce qu’il a pour effacer les résultats visibles de cette pollution énorme qui fait, de la Vilaine et de sa voisine la Seiche, les deux rivières les plus dangereuses de France. La mairie s’abstient, elle aussi… Mais elle sait frapper sur qui proteste, on l’a vu tant de fois cette année.

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Ah, mais c’est qu’à Rennes, vivre en intelligence trouve vite ses limites. Lorsqu’en milieu de semaine dernière, des usagers et des employés de la Poste sont venus manifester contre la fermeture programmée de neuf bureaux (putain, neuf bureaux !) dans la ville, et qu’ils ont apporté à la maire Nathalie Appéré la plus récente vague d’une pétition citoyenne réclamant l’arrêt pur et simple du massacre, eh bien Madame la maire a ordonné de fermer les portes.

Mais oui, les portes de la mairie ont été fermées au nez de la délégation. Puis la maire a fait fermer les fenêtres. Mais oui, au balcon de la mairie, les fenêtres se sont rabattues : clac, cloc, cric. Et les employés des bureaux du rez-de chaussée jetaient par les vitres condamées des regards désolés à la foule qui, dehors, essuyait cette humiliation.

Alors voilà. La rage s’embacle comme s’embaclent en rivière les déchets de la vie moderne, les morts de la pollution, les ordures industrielles que les autorités s’acharnent à refuser de voir pour ne pas avoir à faire respecter la loi. Et quand on crie pour que cette pauvre loi soit simplement respectée, et qu’on défile pour que la morale, la morale sacrée que nous avons tétée quand nous étions tout petits, entre nos mères et les assistantes maternelles de la petite école, quand on crie pour que cette morale qui est le ciment de notre société soit pour une fois respectée, les flics nous insultent, ils nous sifflent des paroles de haine et de mépris, ils chargent nos banderoles, ils nous comparent à Daesh, ils nous tabassent, ils nous coincent et nous torturent tandis que politiciens et journalistes font mine de nous prendre pour des émeutiers. Et toutes ces insultes de la flicaille, et tout ce mépris de la racaille politique, tout ce poison des médias corrompus, tout cela forme radeaux, barrages et décombres, et sera vomi. Les plus polis d’entre nous feront ça dans l’isoloir des prochaines élections, et les autres déverseront leur foutoir dans la rue. Dans la rue ! Dans la rue, comme ils le font déjà, un peu, presque symboliquement encore, avec leurs pavés, leurs canettes et leurs bouts de plastique.

Car le mépris, ça se paye en haine. Nulle autre monnaie n’est plus acceptable. On vous poursuivra, tas de pourritures, et il vous faudra donner enfin à vos flics, ces sous-hommes qui n’attendent que ça, la joie sans mélange de pouvoir nous tirer dessus à balles réelles. Eux, qui ne savent pas résister à un forcené armé sans se pisser dessus et appeler le RAID, ils pourront enfin faire les fiers.

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Voilà où en est la France. Et la rivière Vilaine en est une image parfaite : un pourrissoir tellement encombré que les oiseaux marchent dessus pour en picorer les ordures que transporte cette lave verte ennemie de toute existence respectable.

Je vous chie à la gueule, politicards ; en 2017 je ferai tout pour que vous dégagiez. Je ne suis plus soumettable. À bon entendeur, salut et fraternité.

Une réflexion sur “Le mépris

  • 2 octobre 2021 à 16 h 56 min
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    Des nouvelles de l’état actuel de la rivière vilaine depuis 2017 ? j’ai fait un tour rapide d’internet sans y relever qu’on parle de pollution en particulier… mais encore de  »tourisme » uniquement ! :)))

    Je vous épargne l’état de nos cours d’eau au Maroc, après nous avoir  »étonné » et stupéfaits avec une politique de  »Zéro tolérance » pour les sacs en plastique qui ont pollué terres et cours d’eau pendant des décennies jusqu’à faire partie intégrante du paysage, les sacs en plastique n’existent plus en effet et sont interdits dans le commerce dans tout le pays depuis 2016 et remplacé depuis par d’autres en matières recyclables, qui coïncidait avec  »la Cop22 » organisée à Marrakech la même année, et donc aujourd’hui, pendant que les  »autorités » ne cessent de vanter leur  »bilan positif » ou encore prétendre qu’ils sont certains de rencontrer les objectifs antipollution de la Cop22 avant tout le monde et avant les occidentaux grâce notamment aux projets d’énergie solaire aussi…., tout ce beau marketing et ce tapage aurait bien du mal à cacher l’état réel des cours d’eau s’étant transformé à certains endroits en dépotoirs et eaux stagnantes ou des eaux noires et puantes servent d’abreuvoirs aux vaches et autres ovins et caprins ou encore oiseaux qu’on retrouve morts le lendemain… il n’y a en fait que des pluies torrentielles rares et dispersées qui viennent sauver le topo en général, dans un pays ou les stations de traitement des eaux usées manquent cruellement partout ! Et dans une ville comme Casablanca et bien d’autres qui servent d’eldorado aux promoteurs immobiliers, il peut exister des décharges immenses et incroyables ceinturées par des  »villas » ! il parait que l’une d’entre elle, géante, que je connais pour avoir longé la route qui la traverse malgré moi, serait la plus grande d’Afrique ! vous traversez sur des kilomètres une route bordée par des immeubles de détritus de chaque côté et une puanteur impossible à décrire, tout en apercevant des  »gens » y vivre au dessus de tout ça… des enfants y jouer et des baraques en tôle érigées au dessus en guise d’habitation ! le problème était déjà devenu tellement ingérable il y a vingt ans que les soumissionnaires européens ou asiatiques pour d’éventuels projets d’incinérateurs se sont d’eux même retiré à la même époque …  »mission impossible »…quoi ! et lorsqu’ils vendent des terrains stratégiques de l’état pour un dirham symbolique aux riches investisseurs du golf et bordant des rivières jadis belles et majestueuses, pour y bâtir des  »marinas » de luxe et des complexes immobiliers de même que personne n’habite et servent de lupanar pour les fêtards occasionnels et leurs copains et copines, l’état n’hésite pas a engager le fric du contribuable pour y envoyer des barges et des bateau spécialisés pour nettoyer les fonds de ces cours d’eau uniquement dans ces parties justement, afin de  »clarifier l’eau et dépolluer pour les beaux yeux des mecs en  »Abaya » et arceaux sur la tête (habit traditionnel des arabes du golf » bourré de fric et de scandales… et sans la moindre plus value économique ou sociale pour les locaux ne serait-ce qu’en termes de jobs ! …bref, on est passé maître dans l’art d’entretenir la vitrine… pour un genre de touriste pressé qui vient  »tirer un coup » et disparaître le lendemain !

    et dans des villes ou le stress hydrique est inquiétant depuis des décennies car il n’y a plus d’eau dans les nappes phréatiques profondes, les  »golf 18 trous » peuvent-être aussi nombreux qu’une vingtaine dans une ville comme Marrakech et ses alentours, les piscines sont légion, et les jardins luxuriants aussi, pendant que les  »Douars » et villages alentours par centaines doivent acheter une eau potable suspecte par citernes et se la faire livrer dans leur taudis cernés par les golfs, les palmiers et la  »dolce vita » comme a  »Palm Springs », a Beverly hills ou encore récemment la mode du paysagement urbain s’est aussi mise à reproduire des lagons  »thaï » et des complexes immobiliers et hôteliers qui y ressemblent comme deux goutte d’eau en y intégrant la touche artisanale locale ! :))) pendant que le tout est ceinturé de misère à peine descriptible, et d’une explosion démographique qui ne présage rien de bon !

     »on arrête pas le progrès »…. ni la spéculation foncière d’ailleurs…covid ou pas…cette machine infernale et rouleau compresseur a pu réaliser des affaires juteuses pendant que les bougnouls étaient confiné justement…. mais un jour prochain, on se réveillera comme dans une série américaine de  »Zombies » cette fois en chair et en os ! c’est garanti !

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