The Economist : L’humanité au bord de la guerre mondiale

Par James COGAN. Le 1.02.2018. Sur Le Grand Soir.
 

Maintenant que The Economist (un média de gouvernance) l’écrit nous serons peut-être compris. J’invite les lecteurs à lire attentivement  le rapport que James Cogan fait de l’article du journal The Economist, notamment la description très plausible de l’amorce du conflit, d’abord régional, puis prenant une dimension mondiale. Évidemment, The Economist ne révèle pas les raisons profondes de cette nouvelle guerre mondiale. Ce rôle nous revient à nous économiste prolétarien. L’amorce, l’étincelle qui mettra le feu à la plaine des déshérités mondiaux, sera allumée par un krach boursier d’envergure qui dégénérera en Grande Dépression qui entrainera les désordres sociaux et politiques que décrits The Economist. Il serait surprenant que l’armée américaine se déploie partout pour réprimer puisque l’insurrection populaire commencera probablement aux États-Unis où elle prendra des proportions colossales, incontrôlables, d’une violence inouïe. Le prolétariat américain est archi armé, jusqu’au dent. La comparaison avec les batailles de Mossoul et d’Alep est pertinente.  Contrairement à ce qu’écrit The Economist, Les États-Unis n’ont pas entrepris une série de guerres pour étendre leur hégémonie mondiale mais pour tenter d’enrayer la dégradation inéluctable de leur hégémonie économique. Un pays ne peut maintenir son hégémonie politique s’il ne possède pas l’hégémonie économique.  Nous ne croyons pas que de « construire un vaste mouvement anti-guerre » stoppera la guerre. Il faudrait alors croire que le prolétariat international a une influence quelconque sur la politique des États capitalistes. Les deux premières guerres mondiales, et les suivantes, sans interruptions depuis 1945, démontrent qu’il n’en n’est rien. La crise économique et la guerre amèneront l’insurrection populaire qui entrainera la révolution prolétarienne. Voilà l’avenir du prolétariat international. Bonne lecture. Robert Bibeau http://www.les7duquebec.com

 

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Le magazine The Economist, l’influent hebdomadaire londonien décrit par Karl Marx il y a plus de 150 ans comme « l’organe européen » de « l’aristocratie des finances », a consacré son dernier numéro à « The Next War » (la prochaine guerre) et « The Growing Threat of Great Power Conflit » (la menace grandissante de conflit entre grandes puissances). Son éditorial principal démarre sur un avertissement effrayant :
 

« Au cours des 25 dernières années, la guerre a coûté trop de vies. Pourtant, alors même que les luttes civiles et religieuses ont fait rage en Syrie, en Afrique centrale, en Afghanistan et en Irak, un affrontement dévastateur entre les grandes puissances mondiales est resté presque inimaginable. »
« Ce n’est plus le cas […] de changements puissants et à long terme de la géopolitique et la prolifération des nouvelles technologies érodent la domination militaire extraordinaire dont jouissent l’Amérique et ses alliés. Un conflit d’une ampleur et d’une intensité jamais vues depuis la Seconde Guerre mondiale est encore une fois plausible. Le monde n’est pas préparé. »
 

The Economist envisage un futur dystopique, violent, avec le déploiement de l’armée américaine pour intimider ou détruire les prétendus défis à sa domination partout.
Au cours des 20 prochaines années, The Economist prédit que « le changement climatique, la croissance démographique et les conflits sectaires ou ethniques » sont susceptibles de faire plonger une grande partie du monde dans des « guerres intra-étatiques ou civiles ». De tels confits se dérouleront de plus en plus dans les villes entourées de « taudis » peuplées de millions d’habitants, donnant lieu à de « combats rapprochés, quartier par quartier ». L’avenir réservé à de grandes parties de l’humanité est celui du carnage qui a été observé lors des batailles meurtrières de l’an dernier contre la ville irakienne de Mossoul et la ville syrienne d’Alep.
Mais plus effrayant encore, c’est la série de scénarios qu’il décrit comme une escalade majeure des tensions entre les Etats-Unis et la Russie et la Chine, présentés comme ses adversaires stratégiques, qui menacent à tout moment de provoquer un holocauste nucléaire.
En juillet 2016, Mehring Books a publié A Quarter Century of War(Un quart de siècle de guerre) de David North, qui notait :
 

« Depuis le premier conflit du golfe Persique de 1990-1991, les États-Unis sont en guerre sans interruption depuis un quart de siècle. Tout en utilisant des slogans de propagande comme la défense des droits de l’Homme et la guerre contre le terrorisme pour dissimuler les véritables objectifs de leurs interventions au Moyen-Orient, en Asie centrale et en Afrique, ainsi que leur confrontation avec la Russie et la Chine, les Etats-Unis se sont engagés dans une lutte pour l’hégémonie mondiale. Alors que les États-Unis tentent de compenser leur faiblesse économique et contrer les tensions sociales internes, leur escalade incessante des opérations militaires menace de déboucher sur une guerre mondiale à grande échelle, entre États dotés d’armes nucléaires. »
 

Moins de deux ans plus tard, une grande partie de cette évaluation a été reprise par l’un des organes politiques les plus importants du capitalisme anglo-américain. Mais les conclusions tirées par The Economist, s’exprimant en tant que représentant sans faille des oligarques financiers et du grand patronat dont la richesse est liée à la domination mondiale impérialiste américaine, sont exactement le contraire de l’objectif déclaré par David North, celui d’aider à la construction d’un « nouveau mouvement anti-guerre ».
Au contraire, The Economist exhorte les Etats-Unis à développer le hard power (la puissance dure) pour se défendre contre des « rivaux déterminés et capables », présentant l’argument digne d’un sociopathe selon lequel la meilleure garantie de paix est la capacité de l’Amérique à détruire complètement ses adversaires.
La prémisse de l’article spécial est que des mesures urgentes doivent être prises par les États-Unis pour endiguer le déclin de son hégémonie. Elle affirme que si les classes dirigeantes chinoise et russe sont autorisées à réaliser leur ambition d’influence dominante dans leurs propres régions, alors la conséquence « plausible » sera un « affrontement dévastateur entre les grandes puissances du monde » – une guerre mondiale avec des armes nucléaires.
La Chine et la Russie, déclare le magazine dans son éditorial du 27 janvier, « sont maintenant des États révisionnistes qui veulent remettre en cause le statu quo et considèrent leurs régions comme des sphères d’influence à dominer. Pour la Chine, cela signifie l’Asie de l’Est ; pour la Russie, l’Europe de l’Est et l’Asie centrale. »
 

La conclusion avancée par The Economist est que l’Amérique doit mettre fin à « 20 ans de dérive stratégique » sous les gouvernements successifs, qui auraient « fait le jeu de la Russie et de la Chine ». Dans une série d’articles, son rapport spécial préconise que les États-Unis dépensent des sommes vertigineuses sur les nouvelles armes nucléaires et conventionnelles, y compris les technologies d’intelligence artificielle (AI) robotique, pour s’assurer qu’ils conservent la supériorité militaire qui, jusqu’à présent, a inspiré « la peur chez leurs ennemis ».

 
Il met en garde contre : « Le danger pressant qui est la guerre dans la péninsule coréenne, peut-être cette année […] Des dizaines de milliers de personnes périraient, beaucoup plus si des armes nucléaires étaient utilisées. »
L’armée américaine est prête à lancer une telle guerre. Elle a déployé en position offensive des bombardiers nucléaires B-2 et B-52 à Guam, et des centaines d’avions de chasse et une armada de navires de guerre dans d’autres bases du Pacifique. Il y a de bonnes raisons de croire que le face à face que Washington a provoqué avec la Corée du Nord, en exigeant que Pyongyang abandonne son programme d’armes nucléaires, est une répétition générale massive pour un futur bras de fer nucléaire avec la Chine.
The Economist pense qu’une « guerre pour empêcher l’Iran d’acquérir des armes nucléaires semble être une perspective plus spéculative pour l’instant, mais pourrait devenir plus probable dans quelques années ».
Il affirme que les Etats-Unis sont menacés par la soi-disant « zone grise » dans laquelle la Chine, la Russie, l’Iran et d’autres pays cherchent à « exploiter » les « vulnérabilités » américaines dans certaines parties du monde sans provoquer un conflit ouvert. Il donne comme exemples les prétentions territoriales chinoises dans la mer de Chine méridionale, l’annexion de la Crimée par la Russie et l’influence politique de l’Iran en Irak, en Syrie et au Liban.
L’ingérence impérialiste américaine, cependant, est considérée comme entièrement légitime par The Economist. En Syrie, les États-Unis ont mené sept années d’intrigues en vue d’un changement de régime visant à renverser le gouvernement soutenu par les Russes et les Iraniens. L’annonce par Washington de son intention d’occuper de facto un tiers du pays et de rassembler une armée par procuration de 30 000 hommes des milices kurdes et islamistes a créé des conditions non seulement pour des affrontements directs avec l’Iran ou la Russie, mais aussi avec la Turquie, censée être un de ses alliés dans le cadre de l’OTAN.
Comme on pouvait s’y attendre, sur fond de mesures frénétiques aux États-Unis et internationalement visant à imposer un contrôle étatique et la censure sur Internet, le magazine accuse la Russie de chercher à « saper la confiance en les institutions occidentales et à encourager les mouvements populistes en se mêlant des élections et en utilisant des bots informatiques et des trolls sur les réseaux sociaux pour attiser des griefs et des préjugés. »
Les entreprises de technologie, insiste-il, doivent être encore plus intégrées à l’armée, tandis que les entreprises d’Internet doivent travailler avec l’appareil étatique pour supprimer l’accès aux vues oppositionnelles, sous le prétexte frauduleux de combattre les « opérations d’influence » et la « manipulation de masse de l’opinion publique ».
Il note en passant que pour le gouvernement américain, qui affiche déjà des déficits budgétaires annuels proches de 700 milliards de dollars, « trouver l’argent sera un autre problème ».
La vérité est que la subordination de tous les aspects de la société aux préparatifs de guerre sera financée par la destruction continue des niveaux de vie et conditions de vie de la classe ouvrière américaine, combinée à l’élimination de ses droits démocratiques et à la répression de l’opposition.
Dans un écho involontaire au Newspeak de George Orwell, The Economist conclut qu’« une Amérique forte » – armée jusqu’aux dents et menaçant de façon permanente ses rivaux d’anéantissement – est « le meilleur garant de la paix mondiale ».
L’aspect le plus effrayant de l’article, cependant, est qu’il est pessimiste de son propre pronostic que l’impérialisme américain peut intimider ses rivaux à la soumission. Le développement même d’une position militaire de plus en plus agressive à l’égard de la Chine et de la Russie augmente, et non diminue, la probabilité d’une guerre.
« Le plus grand danger », dit-il, « réside dans une erreur de calcul due à une incapacité à comprendre les intentions d’un adversaire, conduisant à une escalade imprévue qui échappe à tout contrôle ».
Ce dont il s’agit, c’est une escalade vers un holocauste nucléaire. L’article cite Tom Plant, analyste du groupe de réflexion RUSI : « Pour la Russie et les Etats-Unis, les armes nucléaires ont conservé leur primauté. Vous n’avez qu’à regarder comment ils dépensent leur argent. »
Les États-Unis vont moderniser tout leur arsenal nucléaire au cours des prochaines décennies pour un coût de 1200 milliards de dollars. La Russie modernise ses missiles, ses bombardiers et ses sous-marins nucléaires. La Chine augmente rapidement la taille et la capacité de ses forces nucléaires beaucoup plus petites, tout comme la Grande-Bretagne et la France. Des discussions sont en cours dans les cercles dirigeants en Allemagne, au Japon et même en Australie sur l’acquisition d’armes nucléaires afin que ces pays puissent “résister” aux États dotés d’armes nucléaires. »
La folie d’une course aux armements nucléaires au XXIᵉ siècle découle inexorablement des contradictions du système capitaliste. La lutte entre les États-nations rivaux pour la domination géostratégique et économique mondiale est le résultat inévitable de sa crise ingérable et du conflit féroce pour le contrôle des marchés et des ressources.
L’époque de la guerre mondiale, écrit le révolutionnaire marxiste Vladimir Lénine, est l’époque de la révolution mondiale. Le renversement du système capitaliste qui engendre le danger de guerre est une nécessité urgente pour la survie de la civilisation humaine.
Le Comité international de la Quatrième Internationale et ses sections se battent pour construire un mouvement ouvrier socialiste international anti-guerre. La discussion ouverte sur la perspective d’une guerre nucléaire dans les pages de journaux comme The Economist devrait motiver tous les travailleurs et jeunes sérieux à se joindre à notre lutte.
James Cogan
(Article paru en anglais le 30 janvier 2018).

Robert Bibeau

Auteur et éditeur

4 réflexions sur “The Economist : L’humanité au bord de la guerre mondiale

  • 3 février 2018 à 11 h 04 min
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    Merci de nous éclairer sur les enjeux de ce monde. C’est terrifiant. Rien n’a changé: les EU pratiquent la stratégie: «la raison du plus fort est toujours la meilleure». Alors, dans un premier temps: «si vis pacem para bellum». Pour réaliser cette stratégie, le plus fort établit une relation nécessaire entre la quantité des armements et sa qualité du plus fort. Ainsi, la détermination qualitative du plus fort n’est pas étrangère à la quantité d’armes. Dans un deuxième temps, la détermination qualitative du plus fort change de nature si la quantité de ses armements dépasse la dimension limite de la stratégie «si vis pacem para bellum» et échappe à tout contrôle sous-jacent à cette stratégie. L’utilisation des armes est la conséquence logique de cette stratégie.

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  • 3 février 2018 à 11 h 40 min
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    @ M. Lefebvre
    Je vous invite à voir les choses autrement monsieur.
    1) D’abord vous devez savoir qu’un État – un pays – un gouvernement des riches qui ne possède plus l’hégémonie – la haute main sans conteste sur l’économie NE PEUT GARDER TRÈS LONGTEMPS L’HÉGÉMONIE MILITAIRE – Invariablement son armée ira à la débandade même s’il y engouffre des sommes faramineuses.
    2) CECI pour vous dire que votre phrase : « Pour réaliser cette stratégie, le plus fort établit une relation nécessaire entre la quantité des armements et sa qualité du plus fort.  » CE QUE CROIT LE PLUS FORT QUI N’EST DÉJÀ PLUS LE PLUS FORT. C’est ce que les gouvernants des USA commencent à comprendre. et les jérémiades de Trump ne trompe personne. Une économie en décadence s’illustre par une armée et une politique de décadence… comme l’Allemagne Nazi à la fin de son agonie
    3) Cherchez la première économie mondiale vous trouverez notre prochain ennemi mondial
    robert bibeau http://www.les7duquebec.com

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    • 3 février 2018 à 13 h 41 min
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      SVP, lisez mon commentaire sous l’angle que, au-delà d’une certaine dimension limite une réalité donnée se modifie quantitativement en changeant de nature ou de manière d’être. Par exemple l’eau devient vapeur sous l’effet d’une certaine quantité de chaleur. Application? La fable de la grenouille: «Ce récit presque entièrement fictif insinue que, lorsqu’un changement s’effectue d’une manière suffisamment lente, il échappe à la conscience et ne suscite ni réaction, ni opposition, ni révolte. Les phénomènes d’adaptation, généralement bénéfiques à l’individu et aux sociétés, se révèlent finalement nocifs.» Ainsi, le plus fort se piège lui-même et piège ses semblables dans sa course aux armements . Lisez mon commentaire sous l’angle de, … «Hannah Arendt aurait pu voir dans le président américain non pas un déviant, mais un être terriblement normal» Le Devoir 03.02.18 p. 10. «Trump ou la banalité du mal». Acceptez mes salutations.

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  • 4 février 2018 à 10 h 59 min
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    Mr BERNARD
    Comme si la Russie n’utilisait pas la même stratégie que les USA

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