A quand l’éclatement de la prochaine bulle mondiale et de la zone euro?

Par Frank Pengam.  Le 20.04.2018.  Sur Agoravox. 
Nombre d’entre nos lecteurs se demandent quels motifs expliquent  l’évolution chaotique – incompréhensible – invraisemblable même – de la politique mondiale. Les hommes politiques jouent aux apprentis sorciers, les généraux jouent avec la bombe, les milliardaires jouent avec le numéraire, la populace, passive, regarde faire impuissante, incrédule, atavique, résignée, sachant bien qu’elle ne peut s’objecter ni par pétition ni par élection. On ne lui a jamais demandé son avis et les prochaines élections bidon seront semblable aux précédentes – une forfanterie. Prenez la peine de lire le texte qui suit qui bien que difficile à comprendre révèle le motif profond de cette agitation. Plus personne ne maitrise l’économie (surtout pas la bourgeoisie) et notre avenir collectif semble se jouer à la roulette capitaliste. Voilà camarades français les raisons des réformes Macron, de même pour  tous les autres prolétaires d’Occident.  Robert Bibeau.  http://www.les7duquebec.com

La zone euro sur la sellette

Bridgewater, le plus gros hedge fund (fonds d’investissement — gère 160 Mds $ d’actifs) du monde a misé 22 Md $ contre la zone euro : les positions à la baisse (« vendeuses  ») du fonds prouvent qu’il parie contre de nombreuses entreprises européennes (Airbus), allemandes (Siemens, Deutsche Bank) françaises (Total, BNP Paribas) et italiennes (Intesa Sanpaolo, Enel et Eni), entre autres. La société n’est pas connue pour s’attaquer à des entreprises en particulier, mais plutôt pour parier sur la santé de l’économie en général.

 

Depuis 2011, 4 000 Mds € ont été injectés dans la zone euro (c’est-à-dire au sein des banques commerciales) par la Banque Centrale Européenne (BCE), ce qui représente plus d’un tiers du PIB de la zone. La majorité de cette monnaie se situe principalement en Allemagne et au Luxembourg, pays qui, vous en conviendrez, ne sont pas les plus en difficulté de la zone. Plus grave, une grande partie de ces liquidités n’ont pas financé l’économie réelle par le biais du crédit aux particuliers et aux entreprises. À la place, les banques commerciales ont épargné 2 000 Mds € de cet argent frais sur leur compte à la BCE jusqu’à fin 2017 (contre 300 Mds € début 2011) pour « respecter leur ratio de liquidité » (avoir suffisamment de dépôt en cas de crise de monnaie liquide). Comme aux États-Unis, l’assouplissement quantitatif a permis à la banque centrale de renflouer les banques privées en rachetant leurs créances. Autrement dit, les dettes du secteur privé sont payées par le contribuable sans aucun retour sur investissement. Parallèlement, François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, a lancé un appel en faveur de moins de régulation et plus de fusions-acquisitions bancaires dans l’UE, en prenant pour modèle… le secteur bancaire US.

 

La BCE prévient aussi que la zone euro risque carrément d’éclater à la prochaine crise si elle n’est pas renforcée. Autrement dit les États membres doivent d’ici là réformer leur économie, dégager des marges budgétaires et intégrer les marchés et les services à l’échelle de la zone pour mieux absorber les pertes potentielles sans faire appel aux contribuables. Un instrument fiscal comme un budget de la zone euro contrôlé par un ministre des finances européen, comme le défend le président Emmanuel Macron, aiderait également à faire face à un choc économique majeur qui semble inévitable. Autant dire que cela s’avère problématique au vu du peu de consensus sur le sujet et notamment une frilosité allemande. La Banque centrale européenne a émis l’idée fin 2017, prévue de longue date par les économistes sérieux, d’abolir la limite de 100 000 € garantis en cas d’opération de sauvetage ou de faillite bancaire (Faits & Document n° 443, 15/11/17–15/12/17 p.8 et 9).

 

La Bundesbank juge également que l’économie allemande est plus fragile qu’il n’y parait, avec des prix immobiliers survalorisés de 15 % à 30 % et des banques parmi les moins rentables du continent avec un rendement des actifs parmi les plus bas et un ratio coût/bénéfice parmi les plus élevés de la zone euro (74,9 %). En lien, le rapport confidentiel gouvernemental allemand Prospective stratégique 2040 a été révélé par l’hebdomadaire allemand Der Spiegel  : le Ministère fédéral allemand de la Défense a officiellement entériné la possibilité d’un effondrement de l’UE (!)

 

Fin 2017, le solde Target 2 de l’Allemagne a dépassé les +900 Mds €, un record depuis la création de l’euro. Ce terme de Target 2 traduit, entre autres, l’état des balances des paiements courants intra-zone euro, et donc dans notre cas, le solde de la balance de l’Allemagne sur les autres pays membres. Si la France est presque à l’équilibre, le solde négatif de l’Italie avoisine les -450 Mds € et celui de l’Espagne les -400 Mds €. La classe politico-financière germanique est très inquiète des capacités du bilan de la Bundesbank à absorber les créances (douteuses) des autres banques centrales des pays du sud de l’Europe.

 

Le parti politique Union Populaire Républicaine a traduit un article du journal allemand Die Welt (15/03/18) traitant d’une récente conférence à Berlin, réunissant plusieurs économistes allemands célèbres. Le thème de la conférence annonce la couleur : « L’euro peut-il vraiment survivre et, sinon, que va-t-il se passer ? ». C’est la viabilité de la monnaie unique et l’asymétrie des soldes Targets qui y ont été questionnées. M. Fuest, n°1 du prestigieux institut d’études économiques Institut für Wirtschaftsforschung (IFO), y a plaidé pour l’introduction d’une clause de sortie de la monnaie euro. Hans-Werner Sinn, ancien patron de l’IFO a y notamment déclaré : « Je ne sais pas si l’euro va tenir dans la durée, mais son système de fonctionnement est condamné. »

 

Les conséquences inéluctables de l’économie financiarisée

 

C’est la seconde fois en un siècle que l’indice de Shiller (qui analyse les probabilités de bulles financières) dépasse son record : la dernière fois qu’un tel niveau d’euphorie boursière avait été atteint, c’était juste avant le krach de 1929, soit la plus grande crise économique du XXe siècle. Des points communs avec l’avant-crise de 2008 sont également à signaler. La Banque des règlements internationaux (« la banque centrale des banques centrales »), la Banque d’Angleterre et le célèbre gestionnaire de fonds Neil Woodford relèvent des signaux économiques inquiétants dans le monde : surchauffe des marchés financiers, dette des consommateurs et des devises et actifs financiers surévalués. Tandis qu’une énième étude prouve que les inégalités socio-économiques et la concentration des capitaux se sont accrues dans le monde entier ou presque depuis plus de 30 ans, selon un rapport du World Wealth and Income Database (travail collectif de plus d’une centaine de chercheurs).

 

Suite à la chute récente et vertigineuse du dollar (une baisse comme on n’en avait pas constaté depuis 2003), les banquiers centraux auront besoin de désigner un responsable pour se dédouaner en cas d’éclatement de bulle, qui serait concevable à court terme. Certains analystes postulent même que la Réserve fédérale des États- Unis a désormais son excuse pour augmenter ses taux d’intérêt rapidement maintenant que le dollar chute, pour que cette bulle explose rapidement sous l’administration Trump. En 2018, le cours du dollar a perdu 4 % de sa valeur par rapport aux six principales devises mondiales et la tendance continue. Le FMI avait d’ailleurs assuré au dernier Forum économique mondiale (ou forum de Davos), que la prochaine crise frappera plus fort et plus tôt que prévu. De même que l’augmentation importante de la cotation de l’or ne laisse présager rien de bon pour l’économie internationale.

 

Patrick Artus, économiste directeur de la recherche et des études de Natixis, montre dans une récente étude que les économies développées de l’OCDE sont entrées dans la dynamique finale décrite par Karl Marx. La baisse du rendement du capital s’accroît (les investissements rapportent de moins en moins) et les baisses de salaires pour compenser le phénomène commencent à s’essouffler. Les opérations spéculatives (rachat d’actions, spéculations immobilière et financière, achats d’actifs risqués, bitcoins, etc.) explosent, car la productivité réelle ne suffit plus. Les prochaines étapes se résumeront donc en une hausse des inégalités de revenu et une énorme crise financière, selon Artus et Marx.

 

 

Franck Pengam, Avril 2018.

www.geopolitique-profonde.com

Robert Bibeau

Auteur et éditeur

4 réflexions sur “A quand l’éclatement de la prochaine bulle mondiale et de la zone euro?

  • 23 avril 2018 à 9 h 50 min
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    @ tous
    S’il fallait un autre indice pour attester de cette décrépitude boursière – monétaire – financière sachez que plusieurs pays rapatrient prestement leur OR (Allemagne – Turquie) d’autres font des réserves (Chine – Russie) en prévision de la grande dépréciation du dollar américain qui amorcera probablement le cataclysme.
    Les USA ont bien accepté de remettre la moitié de l’or allemand qu’ils détenaient depuis 1945 mais ils conservent l’autre moitié – 1 700 tonnes d’or en lingots – histoire de tenir la bride de dame Merkel et du grand capital allemand. La prochaine fois que vous l’entendrez parler rappelez-vous ce mord aux dents.
    robert bibeau http://www.les7duquebec.com

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  • 23 avril 2018 à 11 h 07 min
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    Cette « anarchie » de l’argent prouve que le capitalisme ne peut plus réguler son système sans utiliser des méthodes de voyou . Les milliardaires anglo-saxons sont sur une montagne d’argent inutile et sans valeur réelle axée sur la production de biens et de services . Le but du capital qui est le profit devient inutile sur le plan économique et il se maintient péniblement par des systèmes boursiers artificiels en déconnexion totale avec le système productif . Le travail ne peut plus avoir comme finalité l’argent scripturale et fiduciaire mais plutôt la satisfaction des besoins matériels et culturels des populations , d’où la nécessité de la nouvelle société communiste qui se met en place progressivement sous différentes formes dans le monde . Le problème c’est que la bourgeoisie , comme jadis la noblesse , ne veut pas remettre en cause son système fini sur le plan historique et qu’elle utilise tous les moyens à sa disposition (police-armée-médias) pour corseter les oppositions et si possible les supprimer . Mais comme toujours dans l’histoire le rapport de forces , à un moment donné , s’inverse par la prise de conscience populaire d’en finir avec cette classe qui est devenue « inutile » pour vivre dignement . Cette prise de conscience des « exploités » est diverse en fonction de la place que chacun a dans la société capitaliste , mais elle devient une force dévastatrice pour nos bourgeois lorsqu’elle devient un tsunami énorme à un moment donné des contradictions de leur système . Nous en sommes peut-être là aujourd’hui ???

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    • 23 avril 2018 à 20 h 39 min
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      @ sARTON
      jE SUIS D’ACCORD avec plusieurs de tes affirmations mais pas avec le développement d’ensemble.
      La question qui nous confronte n’est pas d’écarter la bourgeoisie parasitaire de notre chemin, cela se fera je crois relativement facilement si ce n’est de l’État bourgeois fétiche – qui au nom de cette classe bourgeoise et du système global à préserver se mettra en travers de la route révolutionnaire. Celui-là – dépendant de la puissance du mouvement insurrectionnel – sera possiblement à renverser par la force.
      Mais rapidement la question ne sera pas de renverser la classe capitaliste qui sera en déroute face à l’insurrection populaire étendue , la question sera plutôt QUE FAIS-T-ON DE CE POUVOIR RÉCUPÉRER ? QUELLE NOUVEAU MODE DE PRODUCTION VOULONS-NOUS CRÉER ?
      La première manche c’est l’insurrection, elle opposera à mon avis la population en général à l’État bourgeois
      La deuxième manche – la plus importante – c’est la révolution prolétarienne, elle opposera à mon avis le prolétariat d’avant-garde à différentes factions – groupuscules – sectes – au nom parfois très gauchiste mais qui seront contaminées d’idées bourgeoises et petites-bourgeoises – issues des luttes passées
      La question de la bourgeoisie parasitaire sera vite réglée et sans grande importance – car ce n’est pas le fait que la bourgeoisie soit oisive inutile ou parasitaire qui fera s’effondrer leur système c’est le fait que le système ne permet plus la valorisation du capital dont le système devient inutile – contre-productif- pire il devient nuisible à ses propres finalités.
      Le plus grand ennemi du capital c’est le capital lui-même (qui a écrit cela ?)

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  • 24 avril 2018 à 9 h 54 min
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    En effet c’est après l’insurrection et la prise du pouvoir par les masses populaires en colère , avec tous les groupes gauchisants et aussi nationalistes fascisants , que les problèmes de construction de la nouvelle société socialiste-communiste seront posées au quotidien . Et là il faudra des militants bien trempés idéologiquement et économiquement pour réussir à entraîner le peuple vers plus d’égalité et de fraternité . D’autant plus que les résidus de la valetaille capitaliste seront toujours là pour mettre des bâtons dans les roues comme nous l’avons vu à Cuba-Bolivie-Vénézuéla et même en Russie . Le choix chinois et vietnamien plus vertical avec une population très rurale au départ est une réussite pour l’heure , mais dans les pays anglo-saxon et européen cela exigera un haut niveau de combat idéologique avec des populations plus éduquées et opportunistes , ce qui peut développer un certain individualisme carriériste petit-bourgeois . Mais à chaque jour suffit sa peine avec un déroulé historique que l’humanité contrôle plus ou moins …amitiés …

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