Les théories conspirationnistes et complotistes

Par Mesloub Khider.  Sur http://www.les7duquebec.com

« La notion de Dieu ne saurait, comme on le prétend souvent à la légère, demeurer dans le pur domaine du rêve, ni rester un sentiment personnel ; elle secrète un dogme et fabrique un culte organisé partout où elle s’implante, comme le noyau fabrique la cellule. Enfin, ceux qui croient en Dieu croient aussi, par conséquence et par analogie, à bien d’autres fétiches ou fantômes. Une fois admise cette intrusion de l’inexplicable, on peut admettre toutes les hypothèses qui déracinent l’homme de l’humain. »  Henri Barbusse

J’ajouterai pour ma part,  « Il faut avoir le courage de ses idées.  Et non pas les idées qui découragent« 

.

Que le Sieur Sioniste Bernard Henri Lévy, en cette ère d’affrontements généralisés, troque régulièrement sa célèbre et échancrée chemise  blanche immaculée pour l’uniforme militaire en alpaga, rien de nouveau sous les pavés de Paris Plage. Qu’il s’improvise  spécialiste de la polémologie pour monnayer ses expertises en matière stratégique avec les États impérialistes, rien d’étonnant de la part d’un philosophe de la spéculation physique boursière dollarisée. Il a en effet depuis longtemps abandonné  la spéculation métaphysique, délaissée aux esprits idéalistes amateurs de théories éthéréEs depuis belle lurette enterrées par le capitalisme matérialiste soucieux uniquement de plus-values solidement productives et indispensables à son accumulation. 

 

Personne n’ignore aussi que ce dandy parisien, présent sur tous les fronts de guerres des dernières années, ne participe aux combats qu’à partir d’hôtels de luxe, logé dans des suites 5 étoiles, bien loin des théâtres d’opérations meurtrières.  Cela va de soi, il ne va pas malmener son brushing. Encore moins mettre en péril sa vie.

 

   Depuis quelques temps, pour d’inavouables raisons, de nombreux auteurs  et  contributeurs algériens focalisent toute leur attention intellectuelle sur ce sinistre personnage. À notre humble avis,  ils lui accordent trop d’importance. De surcroît, ils lui attribuent des capacités d’influence politique et des pouvoirs de nuisance disproportionnés, voire illégitimes.  Prisonniers d’une vision spéculative, leurs  analyses manquent de profondeur, car elles s’appuient sur une approche idéaliste. A lire leurs contributions, toutes les  récentes et actuelles guerres ont été fomentées et attisées par cet abject notable, par la seule grâce de son agile plume trempée dans l’immense encrier sioniste empli de sang, ou à l’aide de son unique  élégante éloquence imbibée de philosophie polémologique.

Leur analyse psychologisante,  procédant par focalisation sur un personnage rendu coupable de tous les méfaits, traduit  l’impuissance intellectuelle de ces auteurs à s’élever vers une approche globale des guerres qui ensanglantent notre monde.  À désigner du doigt ce milliardaire va-t-en guerre, comme par hasard Juif, il me renforce dans l’idée qu’il contribue délibérément, et à évacuer la responsabilité collective de ce système capitaliste décadent fauteur de guerres, et à  entretenir la théorie du complot sioniste. Des BHL,  c’est-à-dire des intellectuels au service du capital, partisans invétérés de l’impérialisme,  noircissant des milliers de pages par jour pour soutenir  et conseiller les pays impérialistes en guerre, se comptent par centaines de milliers à travers le monde. 

 

En effet, Il suffit de pénétrer dans une librairie pour constater sur les étalages le nombre de livres publiés ces derniers temps sur les guerres actuelles. Tous ces thuriféraires développent une approche apologétique des guerres, notamment sur l’Irak et la Syrie. Aucun ne les dénonce. Et ils sont de toutes les nationalités. Et de différentes obédiences confessionnelles. Pourtant, jamais un de ces plumitifs sanguinaires (français, américains, anglais, allemands) n’est cité.  Ainsi, par leur contribution  délibérément réductrice de la Guerre appréhendée par le bout de la lorgnette islamique, ils escamotent les responsabilités du système capitaliste dans son ensemble.  Et par extension, participent à cet enfermement idéologique des Algériens dans une vision complotiste de l’histoire, de la politique.  Certains auteurs, en employant des phrases comme  » ils font la guerre à la terre d’islam », dévoilent leur vraie inclination islamiste. Contribuant à  réduire ces guerres à des combats contre l’islam.  Aussi, les transforment-t-il  implicitement en guerres de religions. Dès lors, il ne s’agit plus de  guerres impérialistes menées par le Capital pour le contrôle du pétrole et du gaz, pour des motivations géostratégiques. Mais de simples « sataniques » guerres dirigées par l’Occident contre les musulmans. Fomentées par les complotistes juifs Sionistes.  La conséquence de cette argutie coule de source : faisons donc la guerre aux mécréants  et aux juifs qui souillent la « terre d’islam », et non au capitalisme mondial. 

 

Quel fourvoiement.   Quel dévoiement. Nos auteurs confortent ainsi à leur insu de plein gré la théorie du « Choc des civilisations« , chère à Samuel Huntington. En tout état de cause, de façon évidente, par leur positionnement idéologique religieux islamique affirmé ou voilé, nos auteurs n’ont rien à envier à BHL. A leur manière, ils servent d’autres entités tout autant réactionnaires engagées dans les conflits inter-impérialistes, d’autres Maîtres, avec toute la déférence qu’il leur sied.  Rien d’étonnant à cela de la part d’auteurs, représentant  la petite bourgeoisie intellectuelle algérienne en particulier,  et arabe en général, qui se divertit à philosopher sur le monde, plutôt qu’à le transformer. Qui implore le Ciel par les prières pour apaiser les souffrances de la terre, au lieu de soulever la terre par la force des bras pour la bâtir de bonheurs débordant au-delà du ciel.

 

De manière générale, ces auteurs participent à leur manière à la propagation de la théorie complotiste. Cette nouvelle religion du complot, très prisée par les esprits fatalistes, résignés. En réalité, toutes les théories conspirationnistes et complotistes sont des fumisteries destinées aux paresseux intellectuels incapables de transcender l’apparence des phénomènes pour s’atteler en quête  (enquête) de l’essence des faits au moyen d’une laborieuse et rigoureuse analyse radicale (radical=qui va à la racine du problème).  Par cette bouc-émissarisation de l’actualité, le coupable est tout désigné. En effet,  selon ces adeptes du conspirationnisme, derrière chaque événement se dissimule la  main invisible complotiste du Sionisme, de la  Franc – maçonnerie, ou de la CIA (ou de El Ghoula). (1)  Dès lors, nul besoin d’explorer  en profondeur les tenants et aboutissants des faits pour les saisir dans leur complexité. 

 

Cette manière d’appréhender et de traiter l’information est affligeante, et même nauséabonde. Au lieu de désigner le système capitaliste et impérialiste dans sa globalité comme responsable des malheurs de toute l’humanité, la théorie conspirationniste se contente de jeter toujours et uniquement  en pâture la même communauté, la même entité, le même pays, coupables de tous les méfaits.   Paradoxalement, sans se rendre compte, par la récurrente désignation du sionisme comme responsable de tous les méfaits et malheurs du monde, ces théories confortent les sionistes dans leur entreprise d’amalgame entre antisionisme et antisémitisme. Sans oublier le fait de les renforcer dans leur prétendue puissance de domination. Et corrélativement, elles distillent l’idée de la faiblesse de leurs adversaires, emmurés  dans leurs  lamentations, tout juste capables de protestations geignardes.

 

Le conspirationnisme est une pensée décadente, produit de la décomposition du capitalisme. Cela n’a rien d’étonnant, les théories conspirationnistes se répandent aussi bien à propos des faits divers que des évènements politiques.  De manière ironique, au rythme de l’aggravation de cette paranoïa complotiste aiguë, on ne serait pas étonné d’apprendre bientôt que certains algériens, trompés par leur épouse ou escroqués par leur frère, accuser le sionisme d’être responsable de l’infidélité de leur femme et de la trahison de leur frère. D’accuser  les sionistes d’avoir fomenté ces diaboliques conspirations pour déstabiliser la cellule familiale algérienne, nuire à la sécurité de l’Algérie. 

 

Le conspirationnisme est un classique de l’anticapitalisme nihiliste, œuvre de la petite bourgeoisie déclassée en voie de prolétarisation et de paupérisation.  C’est une forme habituelle de  critique stérile de la part de personnes qui – en fait – sont incapables de remettre en cause le capitalisme. Incapables d’avoir une vision historique globale, donc de développer une analyse radicale du capitalisme, cette catégorie en déshérence sociale et en errance idéologique s’accroche à des théories complotistes ramassés dans les caniveaux des réseaux sociaux (pas dans les livres bien évidemment, car ces gens ne lisent pas de livres). À leurs yeux aveuglés par le dogmatisme religieux, tout événement est le fruit d’un complot (des services secrets israéliens, ou alors encore le produit d’une manœuvre de l’État français ou américain ou autre pays). Ces théories  relèvent en vérité d’une forme de pseudo analyses  totalement déraisonnés, de fausses critiques complètement irrationnelles et délirantes. Par définition, les théories conspirationnistes n’expliquent jamais les situations. Elles sont par essence anti-scientifiques, elles défient la Raison pour laisser place à l’interprétation subjective. La bourgeoisie, qui est la classe dominante dans le monde capitaliste, est une classe décadente, en pleine décomposition. C’est prêter à la bourgeoisie des capacités d’élaboration manipulatrice excessives. Elle n’a absolument pas les capacités de mettre en place des artifices aussi gros que ce que prétendent les conspirationnistes.

 

Ce n’est pas innocent que les théories complotistes se répandent à notre époque de capitalisme décadent.

 

Dans cette période de décomposition sociale, de putréfaction morale, d’explosion des maladies psychiatriques. De délitement du tissu social. De découragement politique. De la montée des incivilités, des relations marquées par la violence. Une époque en proie au doute, au pessimisme, au désarroi, au défaitisme. En effet, les théories conspirationnistes sont  le produit de personnes aigries et haineuses, qui en fait ne veulent rien comprendre à la société, mais plutôt soumettre la réalité à leur vision du monde macabre et morbide, à leur conception religieuse, leur mentalité fataliste, voire leur raison paramagique comme le disait le grand psychiatre algérien Khaled Benmiloud dans son livre éponyme.

 

Le conspirationnisme existe précisément comme vision correspondante à la décadence du capitalisme, au triomphe du glauque et du morbide sur les valeurs positives, progressistes et démocratiques qui sont portées par les masses populaires. Le conspirationnisme, c’est chercher à voir le mal systématiquement. Cela revient à voir le « diable » (vision religieuse par excellence ou essence) partout. Et se complaire dans la dénonciation plutôt que de critiquer le capitalisme de manière positive, de vouloir abattre la bourgeoisie pour faire triompher l’émancipation de l’humanité,  de renouer avec la quête du bonheur. 

La motivation première des théories conspirationniste est de relativiser la responsabilité du capitalisme, la culpabilité  du système politique.  D’une manière ou d’une autre, le conspirationnisme relève de la vision du monde fasciste (le fascisme se fonde toujours sur la désignation d’un bouc émissaire).

 

C’est d’ailleurs ce genre de pensées délirantes et décadentes qui sont à l’origine du fascisme. Le fascisme fait appel aux instincts, et jamais à la raison. Et l’adepte de la religion du complot fonctionne sur le même registre. Il n’aime pas réfléchir.  Sa pensée est réfléchie par la ténébreuse boîte à idées obsessionnelles instinctives puisées à même source mortifère.

 

« Moi, je dis qu’il existe une société secrète avec des ramifications dans le monde entier, qui complote pour répandre la rumeur qu’il existe un complot universel. »  Umberto Eco, Le Pendule.

 
Mesloub Khider
(1)  L’ogresse.
 

9 réflexions sur “Les théories conspirationnistes et complotistes

  • 10 septembre 2018 à 21 h 35 min
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    « toutes les théories conspirationnistes et complotistes sont des fumisteries destinées aux paresseux intellectuels »
    Je suppose que Guy Debord, qui avait dénoncé l’attentat de Piazza Fontana et bien d’autres comme ayant été fomentés par l’État du pays où ils avaient lieu est à ranger parmi les complotistes paresseux et fumistes.
    Guy Debord – Préface à la quatrième édition italienne de « La Société du Spectacle » :
    http://mai68.org/spip/spip.php?article8452

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    • 11 septembre 2018 à 11 h 40 min
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      @ DO et aux autres
      Cette phrase de Mesloub n’est pas la phrase critique – qui résume nos objections contre le complotisme et les théories du complot. Il faudrait relire ce texte très étoffé qui cristallise ces théories petites bourgeoises.
      1) Y a-t-il des complots ourdis par les puissances impérialistes qui dominent l’économie-politique mondiale ??? OUI Certainement. Là n’est pas la question.
      2) L’ensemble de l’économie politique mondiale se résume-t-elle à une série de complots ourdis par des oligarques – comploteurs – alliés et amis – et qui manipuleraient en sous-main le monde entier – ennemis – concurrents – amis – résistants – opposition – collaborateurs – alliés – partisans – etc et les autres ??? NON évidemment … l’histoire n’est pas écrite à l’avance et les comploteurs sont les premiers concurrents – traitres et manipulateurs des comploteurs… car chacun de ces oligarques espère secrètement coiffer son concurrent au fil d’arrivée = et pire ils arrivent rarement au fil d’arrivé.
      3) EXEMPLE : le pseudo complot du NOUVEAU GRAND MOYEN-ORIENT OURDI DU TEMPS de Reagan puis de Bush et Bush, puis de Clinton avec les « juifs » (sic) tout puissants dirigeant le monde y compris les juifs chinois et japonais (sic) et bien tout a foiré = totalement foiré = et la Russie imprévue dans le portrait et l’Iran que l’on donnait perdu-perdante-et Bachar que l’on donnait mort et les afghans que l’on disaient fini et les milices irakiennes que l’on disait manipulé – et Israel qui tremble dans ses bottes du retour des milices Hezbollah après la bataille d’IDLIB et la Turquie qui s’apprête à changer de camp et l’Arabie qui sera défaite par les gueux Yéménites BREF, pas une ligne du complot du Grand Moyen-Orient à gogo qui ne tient la route de Compostelle excusez je voulais dire de Damas
      4) Debord et son spectacle de la Société du spectacle peut aller changer son accoutrement de scène le bobo pour intello en mal de complot
      Les prolétaires du monde entier vous savez ce qu’ils vous disent avec vos amusettes complotistes ? (:-)) « C’est nous qui faisons l’histoire »
      Robert Bibeau Éditeur http://www.les7duquebec

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      • 12 septembre 2018 à 7 h 35 min
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        Salut,
        Si le prolétariat était seul à faire l’histoire, ça fait bien longtemps qu’il aurait fait la révolution. Pour voir comment celle-ci peut être constamment retardée par la manipulation du terrorisme, je conseille cette vidéo des « Guignols de l’info » :
        http://mai68.org/spip/spip.php?article8377
        Bien à vous tous,
        do
        http://mai68.org/spip2

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        • 12 septembre 2018 à 8 h 33 min
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          @ Do
          Tu as raison DO Le prolétariat ne fait pas seul l’histoire et je m’excuse si j’ai laissé pensé cette idée fausse. Chaque classe sociale contribue à façonner l’histoire et c’est pourquoi on peut affirmer que l’histoire de l’humanité n’est pas l’histoire des complots fomentés par le grand capital mais l’histoire de la lutte des classes… tu as raison de me le rappeler
          Par contre NON Do, le prolétariat n’a pas fait la révolution prolétarienne pour la simple et unique raison que les conditions objectives – matérielles en terme de forces et moyens de production – et rapports de production – donc les conditions subjectives de la révolution ne sont jamais arrivés à pleine maturité.
          La popularité des théories complotistes (que tu confonds avec le fait avéré de certains complots évidents mais qui ne constituent pas une théorie du complot) est un signe apparent de la non maturité des conditions subjectives (idéologie – théorie et organisation révolutionnaire) de la révolution.
          Robert Bibeau http://www.les7duquebec.com

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          • 12 septembre 2018 à 10 h 59 min
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            Les conditions subjectives nécessaires à la révolution ne seront jamais réunies tant que le prolétariat se laissera berner par la manipulation du terrorisme par l’État.

  • 11 septembre 2018 à 15 h 23 min
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    Qu’épisodiquement l’Etat (le capital), par ses sbires agents de renseignements, fomente des complots pour servir ses intérêts dans la guerre économique et impérialiste, c’est évident. Qu’il soit capable d’ourdir constamment des conspirations pour orienter l’histoire en sa faveur, c’est une aberration. Quant à Guy Debord, s’il est parvenu à déduire des éléments en sa possession que les attentats de… étaient l’œuvre. .. (et la postérité lui a donné raison), cela relève de son exceptionnelle perspicacité à démasquer la conspiration. Pas plus.
    Pour répondre de manière approfondie, je vous livre un texte que j’ai rédigé pour Algériepatriotique au lendemain des manifestations de fin décembre 2017en Iran, publié début janvier 2018. Le voici. Il va compléter mon présent article(Les théories conspirationnistes et complotistes).
    La vision policière de l’actualité
    Dopés aux séries policières très en vogue ces dernières décennies, les médias et leurs fidèles adeptes lectorats et téléspectateurs, ont tendance à dégainer, à la moindre irruption intempestive d’un événement d’actualité inexpliqué, leur fumeuse théorie du complot pour appréhender l’information au moindre effort réflexif. Mus par une paresse intellectuelle constamment en activité, ces médias à la pauvreté analytique abyssale, exhibent avec promptitude leur arme favorite conspirationniste. Embusqués derrière leur écran d’ordinateur comme des espions en service commandé, ils scrutent l’actualité avec leurs lunettes aux verres déformants. Et formant une vision tronquée et truquée du monde. Chaussés de leurs lunettes journalistiques à courtes vues, ces médias affublés de leurs affabulations narratives habituelles, nous livrent régulièrement leurs fictions en guise d’informations. Rien n’échappe à leur imagination débordante de réalisme politique. La réalité, grâce à leurs chatoyantes analyses, prend souvent des couleurs éclairantes de vérité. Éclatantes de sincérité. Écrasantes d’honnêteté.
    Á leurs yeux candides, le peuple, perçu comme une masse moutonnière, ne s’éveille à la conscience politique que sous l’instigation de quelque gourou meneur de foules. Ou de quelques professionnels spécialistes de la manipulation politique œuvrant au service d’occultes puissances maléfiques.
    Ainsi, dès lors que les masses populaires laborieuses investissent la rue pour revendiquer leurs droits à la vie, réclament l’amélioration de leurs conditions d’existence, œuvrent à l’instauration d’une société sociale et égalitaire, elles sont aussitôt taxées d’être à la solde de pays étrangers. D’être manipulées par des forces obscures. Étrangement on n’accuse jamais la main invisible étrangère d’être responsable de l’habituelle résignation de ces mêmes masses. De leur longue soumission. De leur effacement de l’histoire. On applaudit même leur résignation, leur soumission. Signes de leur ferveur nationaliste. De leur fidélité au pouvoir dominant. Tant qu’elles demeurent silencieuses, oublieuses de leurs droits, les masses laborieuses sont acclamées pour leur accalmie. Dès lors qu’elles se réveillent de leur léthargie pour se lancer dans une synergie de luttes collectives, ces masses deviennent objet de calomnies. Sont couvertes d’ignominies.
    L’Iran vient de nous offrir le dernier exemple sur le traitement différentiel de l’actualité saisie de manière policière par certains médias.
    Les prolétaires iraniens sont descendus spontanément dans les rues le 28 décembre pour dénoncer la cherté de la vie. Aussitôt ils ont dû affronter la répression policière, les milices religieuses. Au cours de leurs manifestations, ils ont fustigé la corruption, le mépris du gouvernement du mollah Hassan Rohani. Comme l’insubordination a été cette fois vraiment politique, des femmes iraniennes se sont engouffrées dans la brèche pour revendiquer également la liberté d’ôter le voile religieux imposé policièrement. Ce voile qui mutile leur personnalité. Ce voile qu’elles doivent porter comme l’étoile de David imposée aux juifs au cours des siècles, pour leur signifier leur singularité humaine, leur incongruité personnelle, leur infériorité sociale.
    Ces manifestations de protestations diffèrent du mouvement de 2009, limité de lui-même à la protestation contre la tricherie électorale. Et il a pu être liquidé finalement parce qu’il opposait deux factions bourgeoises, dictateurs religieux contre bourgeois libéraux. Cette fois-ci, les causes sont plus « prolétariennes ». La protestation est partie surtout des villes de province, comme en Russie en 1917. On oublie que les révolutions commencent loin de la centralisation étatique ; les capitales sont en général très embourgeoisées.
    En outre, il est un autre signe frappant, inquiétant pour l’ordre mollahrchique, que toute la presse occidentale n’a pas manqué de relayer : tout le monde déplore l’absence de « dirigeants » ou même de « leaders » dans cette masse qui s’attaque violemment aux institutions de l’Etat.
    Cette révolte aussi soudaine qu’inattendue inquiète toutes les chancelleries du monde capitaliste, tous les oligarques et despotes de la planète. Voilà que la
    misère sociale se pointe en fanfare et sans crier gare, sans craindre les balles – une vingtaine de tués déjà – ni les emprisonnements par centaines. Ce ne sont plus les simples étudiants mais bien la classe ouvrière qui entre dans le combat.
    Néanmoins, contrairement aux informations diffusées par de nombreux médias, on ne peut pas soutenir que la cause est due à la seule « corruption » du régime, laquelle est réelle, 40.000 soudards dits « gardiens de la révolution » (bigote et spoliatrice des travailleurs) s’engraissent sur 80 millions d’habitants. La cause en est l’état de guerre permanent auquel est soumis le pays, qui inclut le long embargo américain.
    Une nouvelle manipulation de la CIA comme lors des « printemps arabes » est aussi franchement exclue, à moins qu’on ne considère la misère comme fruit vénal d’un complot.
    Les mêmes mesures de répression que celles de 2009 sont de retour, mais on va s’apercevoir qu’elles jettent de l’huile sur le feu, car l’Iran est au carrefour du jeu terrible des impérialismes et de l’indignation de l’immense prolétariat de la région, avec de plus l’étiolement de daesch, qui était la créature de plusieurs Etats de la région.
    Aujourd’hui les enjeux de généralisation de la lutte sont autrement plus prégnants et avec des prolétaires en première ligne qui en ont marre des religieux, et n’ont plus du tout envie de se mettre à genoux.
    L’Arabie saoudite semble avoir anticipé les mouvements de protestations en coupant l’herbe sous les pieds des potentiels protestataires.
    Contrairement à leurs homologues iraniens, les dictateurs saoudiens semblent bien avoir anticipé le mouvement de fond qui gronde dans les tréfonds de ces sociétés encasernées par les vieux carcans religieux. Même avec timidité, le régime saoudien a lancé la « révolution » du permis de conduire pour les femmes, sans oublier d’autres réformes en vue.
    De toute évidence, les jours de la Mollahrchie chiite iranienne et des monarchies sunnites des pays du Golf sont comptés. Rien n’est impossible. Avec l’oppression islamique qui vole en éclats, et l’étiolement de Daesch, les populations laborieuses réclament la fin de la disette, et le début de la séparation de la religion de l’État. Tout est possible. En octobre 1917 en Russie des prolétaires moins nombreux suivis par des millions de paysans analphabètes ont bien réussi déboulonner l’aristocratie capitaliste corrompue.
    Ainsi, pour minimiser l’ampleur de la révolte sociale en Iran et dénaturer sa nature de classe, on n’hésite pas, par paresse intellectuelle ou par accointances politiques avec les puissants, à confectionner des théories du complot pour discréditer ce mouvement de protestation sociale. Les uns y voient la main invisible de l’étranger. D’autres, internes à l’Iran, un complot d’une faction bourgeoise. En effet, certains affirment que les manifestations auraient été initiées en sous-main par les conservateurs qui contestent la politique libérale du président Hassan Rohani.
    Quoi qu’il en soit, le peuple iranien relève la tête. Et sa frange la plus opprimée, la Femme, ne va pas tarder d’ôter cet obscur voile de sa tête. Et bientôt, après avoir éliminé du pouvoir ces têtes enturbannées, ces nouveaux hommes et femmes iraniens trôneront fièrement à la tête d’un pays moderne débarrassé de tous les dictateurs, oppresseurs, exploiteurs.
    Mesloub Khider

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    • 12 septembre 2018 à 10 h 24 min
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      Salut Mesloub,
      Il ne faut pas confondre le moment dialectique où la bougeoisie accuse la révolte du prolétariat d’être manipulée, avec celui où le prolétariat devrait accuser la bougeoisie de manipulation du terrorisme. L’exemple que tu cites correspond au premier et le mien au second.
      Tu dis : « Qu’épisodiquement l’Etat (le capital), par ses sbires agents de renseignements, fomente des complots pour servir ses intérêts dans la guerre économique et impérialiste, c’est évident. Qu’il soit capable d’ourdir constamment des conspirations pour orienter l’histoire en sa faveur, c’est une aberration. Quant à Guy Debord, s’il est parvenu à déduire des éléments en sa possession que les attentats de… étaient l’œuvre. .. (et la postérité lui a donné raison), cela relève de son exceptionnelle perspicacité à démasquer la conspiration. Pas plus. »
      Pas plus ? si fait, as-tu lu « La société du spectacle » de Guy Debord ? Ce livre a été écrit fin 1967, et en mai 1968 des passages entiers en ont été recopiés sur les murs de Paris.
      Si Guy Debord a « une exceptionelle perspicacité », comme tu dis, pour démasquer les conspirations, il a aussi une perspicacité exceptionnelle pour comprendre en quoi elles servent le pouvoir.
      Si le pouvoir n’était pas capable d’ourdir constamment des conspirations pour orienter l’histoire en sa faveur, ça fait bien longtemps que le prolétariat aurait fait la révolution. Pour voir comment celle-ci peut être constamment retardée par la manipulation du terrorisme, je conseille cette vidéo des « Guignols de l’info » :
      http://mai68.org/spip/spip.php?article8377
      Bien à vous tous,
      do
      http://mai68.org/spip2

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  • 19 septembre 2018 à 8 h 40 min
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    @ L’auteur
    « Qui paie les théoriciens du « complot » et ceux du « chaos » et vous saurez quels intérêts économiques ils servent ou desservent. »
    je suis d’accord bien sûr sur le principe quand on va voir qui paie qui ou quoi.
    mais je dirais: autant la question « qui finance quoi » mène très directement aux rouages d’une entité imaginaire (expression d’Harari assez commode pour l’histoire contemporaine), autant la question « qui est payé par qui » est beaucoup moins efficace car un être humain est bien plus compliqué. Si mon homme, pour faire simple, dit à des amis que tel producteur de vin est bon, le fait de savoir que c’est telle entreprise ou telle collectivité etc qui le salarie, lui qui ne travaille pas du tout dans le commerce ni dans le vin, ne donnera aucune explication réelle sur son approbation de tel ou tel vin, car il y a toutes les chances pour que son appréciation n’ait strictement rien à voir avec le fait qu’il travaille pour x ou y!!!!
    Ainsi il peut être trompeur d’aller voir de quels subsides vivent les penseurs quels qu’ils soient pour en conclure quoi que ce soit: car même si leurs théories sont soutenues ou pas, selon les cas, par des oligarques qui trouvent ces théories bonnes à donner en pâture aux gens, cela ne veut pas dire que ces oligarques ont payé les penseurs en
    question: car il y a plein de théories, d’hypothèses, de pensées, qui courent dans le monde, et il n’y a qu’à regarder et pêcher ce qu’on veut et lui donner un haut-parleur médiatique, c’est beaucoup plus simple et ça coûte moins cher, et c’est beaucoup plus efficace (parce qu’on leur laisse leur statut d’indépendance qui est vitale pour que ça fonctionne) et c’est beaucoup moins risqué (ils pourraient dire bien fort qu’on a essayé de les acheter) que d’aller chercher un intellectuel pour le payer pour qu’il dise ci ou ça; donc ces penseurs ne font pas exprès de servir ci ou ça, ils sont instrumentalisés c’est différent, et leur pensée est souvent réduite et dévoyée pour servir l’idéologie qu’on veut faire passer, en se servant de leur autorité intellectuelle et de leur indépendance

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  • 22 juin 2022 à 6 h 10 min
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    Il est intéressant d’écouter ces points de vue où chacun y va se son construit mental en rejetant au non de l’insanité, c’est à dire de ses besoins de se rassurer sur sa solidité, le complotisme.

    Le mot sert précisément à ça, il n’y a pas de complotisme, il y a un esprit critique, fondé ou erroné sur tel ou tel sujet.

    il y a des comploteurs et des complots sans cesse, certains énormes au point qu’ils sont difficiles à croire, autant qu’à démasquer, d’autres, ordinaires, très aisément concevables, au point qu’ils ne dérangent personne et qu’on refuse de prendre du temps à vérifier leur réalité.

    Il n’y a pas de complotistes, il peut y avoir des esprits dérangés, pour qui tout est forcément complot, comme dogme qui n’a pas besoin de validation par la démarche critique.

    Ces personnes sont-elles dangereuses ?

    Il y a en revanche des manipulateurs, qui s’emploient à limiter le sens du mot qu’ils utilisent comme arme psychologique, pour écarter les gêneurs, c’est à dire précisément ceux qui voient un complot non par dogme mais par un travail critique d’analyse des faits.

    Les complotistes dérangés ne les dérangent nullement, leur vœu serait au contraire qu’ils pullulent et non les autres.

    Le complotisme et le complotiste, sont des termes nouveaux d’un méta langage, un outil, un concept clé de manipulation de masse apparu avec elle pour les besoins de mener les batailles cognitives. C’est un bouclier et une lance, selon les situations.

    Maintenant répondre à la question, le monde est-il gouverner par des comploteurs, autre thème abordé par l’article, me paraît ne pouvoir recevoir une réponse de principe.

    Dire, en s’appuyant en outre sur des références idéologiques de classe ou tout autre construction intellectuelle dialectique ou non, que personne n’est assez puissant contrôler le cours de choses me paraît une position dogmatique et inopérante.

    Dogmatique, car il est impossible de le prouver par des raisonnements abstraits et que la question ne peut trouver sa réponse que par le réel. C’est où ce n’est pas. Dire que ce n’est pas possible est un postulat, d’ailleurs de plus en plus fragile.

    Mais surtout, dire que c’est impossible ne peut suffire à établir que ça n’existe pas :

    Ce n’est pas parce que c’est impossible que des êtres humains ne s’y emploient pas.

    Je dirais même que les complots existant à toutes les échelles, il serait curieux qu’au plus haut sommet des pouvoirs, il n’y en ait pas.

    Je dirais plus encore que l’humanité étant construite mentalement et socialement sur la suprématie, la domination et l’appropriation de tout,

    Il serait bien étonnant que les plus dominants, les plus usurpateurs, les plus spoliateurs du moment ne conçoivent pas des plans pour mener à bien d’autres spoliation, asservissements et dominations, ce qui du reste s’observe en permanence de l’extérieur.

    Ce n’est pas parce que nous ne connaissons pas leurs projets ou leurs plans de l’intérieur et que nous n’en voyons que les résultats que nous pouvons affirmer qu’ils n’existent pas.

    Certains existent, d’autres sont des idées fausses. À nous d’identifier ce qui tient.

    Le plus dérangé est bien celui qui adhère à l’idée de complotisme. Il est dérangé à l’idée que ce qu’il tient pour vrai puisse être remis en cause.

    C’est avant tout de cette réaction psychologique banale de peur de perte de repères dont se sert le manipulateur, comploteur ou non.

    Aujourd’hui, qui ne voit pas comme ça fonctionne à plein ?

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