La Chine le prochain maître d’une économie toujours mondialisée
Par Dr Faustroll. Le 24.08.2018. Source : Agoravox.
L’article qui suit est remarquable de lucidité et il étaye sa thèse sur des données précises. Son seul défaut réside dans le fait que l’auteur croit réellement que ces transformations de la nouvelle économie-politique mondialisée sont le fruit de stratégies planifiées de longue date de la part de dirigeants politiques clairvoyants. De fait, ces dirigeants (Xi Jinping, Trump, Poutine) sont remarquables parce que capables de subodorer les transformations en cours et de développer des politiques allant dans le sens du mouvement plutôt que de tenter de se braquer contre ces évolutions du mode de production capitaliste internationalisé. Ainsi, même si nous n’adhérons pas à toutes les affirmations et surtout aux interprétations de l’auteur, nous vous proposons ce texte qui fournit des données intéressantes. La plus importante de ces données étant que si l’Amérique représentait 50% de l’économie mondiale en 1950, elle n’en représente plus que 15% aujourd’hui – et tout le reste en découle, ce que ne comprend pas Dr Faustroll. Bonne lecture Robert Bibeau. Éditeur http://www.les7duquebec.com
De l’autre côté de l’Océan Pacifique, les États-Unis sont une puissance hégémonique en déclin qui a laissé son infrastructure son système éducatif se dégrader et représente une portion de plus en plus réduite de l’économie mondiale, avec une population profondément divisée.
Xi Jinping est devenu le président de la Chine en 2013. Il a une vision internationaliste ambitieuse de l’intégration économique de l’Asie, de l’Afrique et de l’Europe fondée sur d’énormes investissements dans les infrastructures de ces contrées que la Chine construit ou achète. Donald Trump a pris ses fonctions en 2017 et défend un nationalisme américain sans concessions. Il est déterminé à perturber, et même démanteler, un ordre international jusque là dominé par son propre pays dont il prétend maintenir les forces opérationnelles tout en diminuant les budgets en faisant supporter les charges à ses alliés surendettés.
Ces dernières années, les relations entre la Chine et les États-Unis ont évolué vers une concurrence militaire et un conflit économique ouvert. Lorsque la Chine a été admise à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001, Washington était convaincu que Pékin deviendrait un des gentils membres du club qu’il gérait et maîtrisait. Aucun « stratège » américain n’avait évalué l’impact un implant représentant un cinquième de l’humanité.
Quand Xi Jinping accédait à la présidence de la Chine, une décennie de croissance économique fulgurante de 11% par an et des réserves de devises de 4 000 milliards de dollars avaient créé un potentiel économique permettant un changement rapide et radical du rapport de force mondial, ce qui lui a permis de lancer un défi géopolitique qui remet en question la domination américaine sur. Aveuglée par sa propre propagande, la superpuissance mondiale de l’oncle Sam se croyait invulnérable depuis l’implosion de l’URSS qu’elle avait interprétée comme sa victoire à l’issue d’une « guerre froide » largement fantasmée. Elle a eu du mal à percevoir la réalité et a tardé à réagir.
Après presque 70 ans de suprématie, la domination de Washington sur l’économie mondiale commençait à s’effondrer et le « savoir-faire » de sa main-d’œuvre avait perdu tout avantage concurrentiel après plusieurs vagues de délocalisations. L’humanité était entrée dans une nouvelle phase dans l’ordre mondial.
L’ordre mondial que Washington avait construit après la Seconde Guerre mondiale reposait à la fois sur un impérialisme militaire et économique brutal et sur une « clientèle » de nations vassales régies par des lois dites « internationales » regroupées au sein d’institutions institutions telles que l’Organisation des Nations Unies et l’Organisation Mondiale du Commerce, courroies de transmission onéreuses mais efficaces.
L’appareil qui reposait sur des centaines de bases militaires en Europe et en Asie présentait quatre niveaux : militaire, diplomatique, économique et occulte (services secrets et lobbies). Après la disparition de l’URSS en 1991, l’ancien conseiller à la sécurité nationale de Jimmy Carter, le sinistre mais clairvoyant Zbigniew Brzezinski avait attiré l’attention sur le fait que Washington ne resterait la puissance dominante du monde qu’en maintenant sa domination géopolitique sur l’Eurasie. Pourtant, vingt ans plus tard, on pouvait déjà observer des signes de déclin de la domination américaine : sa part du pouvoir économique mondial était passée de 50% en 1950 à seulement 15% en 2011. Pour de nombreux observateurs, la Chine devrait dépasser les États-Unis en tant que première économie mondiale d’ici 2030, voire avant.
C’est d’ailleurs ce qui ressort du flux ininterrompu des tweets de Trump qui laissent une impression somme toute cohérente et sombre de la place que tient l’Amérique dans l’ordre mondial actuel. Il n’a pas comme ses prédécesseurs le sentiment de régner sur des organisations internationales, des alliances multilatérales et une économie mondialisée, mais voit l’Amérique isolée et assiégée dans un monde de plus en plus perturbé, exploitée par des alliés qui profitent de sa générosité, se goinfrent sur son dos et trahie par des dirigeants égoïstes trop lâches ou corrompus pour défendre les intérêts de la nation.
Au lieu de pactes commerciaux multilatéraux comme l’ALENA, le TPP ou même l’OMC, Trump est favorable à des accords bilatéraux avantageant les États-Unis (ce qui suppose que les partenaires sont idiots ou corrompus eux-mêmes). Au lieu d’anciennes alliances comme l’OTAN, Trump préconise des coalitions non contraignantes avec des pays ayant des intérêts convergents ou des conceptions similaires. Pour lui, l’Amérique débarrassée de ses parasites entrainera le monde entier dans sa renaissance, en écrasant les « terroristes » ou autres « conspirationnistes » et en réglant leurs comptes aux états voyous comme l’Iran et la Corée du Nord sans s’embarrasser des entraves laissées par des accords officiels préalables que lui juge néfastes.
De son côté, Xi Jinping a demandé au sommet de l’APEC (Asia-Pacific Economic Cooperation ) en Novembre 2017 de devenir « une organisation économique plus ouverte, accueillante et équilibrée. » Il a présenté les projets économiques de la Chine comme une tentative historique de » développement interconnecté pour parvenir à une prospérité commune … sur les continents asiatique, européen et africain « . Il a assuré que la Chine était prête à faire « 2 000 milliards de dollars d’investissements à l’étranger », en grande partie pour le développement de l’Eurasie et de l’Afrique. Son discours ressemblait à celui d’un président américain du vingtième siècle, alors que les conceptions de Donald Trump évoquent plutôt Bolivar ou Peron, les médailles en moins. Non content de saper l’OTAN, le président America First a annulé le pacte commercial transpacifique et enfonce le clou en taxant les importations japonaises d’acier, comme il l’a fait pour l’Europe et la Turquie. De même, il a traité le premier ministre canadien de « malhonnête » et s’est moqué de l’accent du Premier ministre indien Modi, alors même qu’il faisait un câlin avec Kim Jong-un qui ne représentait plus pour lui « une menace nucléaire ».
Tous les ingrédients sont réunis pour un déclin plus rapide que prévu.
Pendant ce temps-là, Pékin avance ses pions. Alors que ses réserves de change passaient de 200 milliards de dollars en 2001 à 4 000 milliards de dollars en 2014, la Chine a relancé la route de la soie visant à intégrer économiquement l’énorme masse continentale eurasiatique autour de son leadership. Grâce à un « commerce sans entraves » et à des investissements dans les infrastructures, il serait possible de relier « le Pacifique et la mer Baltique » dans une « ceinture économique », « un territoire habité par près de 3 milliards de personnes » qui pourrait devenir « le plus grand marché au monde avec un potentiel sans précédent ».
Pékin a décidé d’investir la somme effarante de1 3oo milliards de $ dans cette initiative d’ici 2027, le plus important investissement dans l’ histoire de l’humanité, plus de 10 fois le trop célèbre plan Marshall, le seul programme comparable, qui a représentait 110 milliards de $ (après ajustement pour tenir inflation) pour « reconstruire » une Europe ravagée après la Seconde Guerre mondiale, mais surtout pour en faire un dominion redevable et endetté.
Pékin a déjà acheté le port du Pirée en Grèce, le plus gros port de la Méditerranée, une centrale nucléaire en Grande-Bretagne, un réseau de chemin de fer au Laos, et un réseau d’autoroutes au Pakistan. Ces investissements dans les infrastructures devraient permettre de développer des échanges pour 70% de la population mondiale dans un marché unifié sans concurrent sur la planète.
Pour annihiler l’obstacle des distances entre l’Asie de l’Europe, Pékin a commencé par mettre en place un réseau complet d’oléoducs et de gazoducs transcontinentaux pour transporter des carburants de Sibérie et d’Asie centrale vers ses propres métropoles. Ce réseau énergétique intégré qui intègre le vaste réseau russe de pipelines s’étendra sur 10 000 kilomètres à travers l’Eurasie, de l’Atlantique Nord à la mer de Chine méridionale. Ensuite, Pékin travaille à relier le vaste réseau ferroviaire de l’Europe avec son propre système ferroviaire à grande vitesse complété par des lignes transcontinentales à travers l’Asie centrale, et des bretelles en direction de Singapour et du Pakistan.
Pour faciliter le transport maritime autour du continent, la Chine a déjà acheté ou construit plus une trentaine de complexes portuaires, à travers l’océan Indien, en Afrique et le long du littoral européen. Pour profiter de l’ouverture des routes maritimes de l’arctique à la faveur du réchauffement de la planète, Pékin envisage une « Route de la soie polaire » compatible avec les projets russe et scandinaves.
Bien que l’Eurasie soit son objectif principal, la Chine poursuit également son expansion économique en Afrique et en Amérique latine dans une stratégie des quatre continents. L’extraction de matières premières du sous-sol africain a déjà fait du continent la deuxième source de pétrole brut de la Chine. En Amérique latine, la Chine contrôle plus de 90% des réserves de pétrole de l’Équateur, ce qui a fait doubler son commerce avec ce continent en une décennie, pour atteindre 244 milliards de dollars en 2017, dépassant le commerce américain avec ce qu’il appelait autrefois son « arrière-cour ».
Au cours des quatre dernières années, la Chine et les Etats-Unis se sont livrés à une rivalité militaire croissante et à une concurrence commerciale acharnée. Si des affrontements invisibles opposent les deux puissances pour la domination de l’espace et du cyberespace, une course aux armements navals bien visible et dangereuse a pour but de contrôler les voies maritimes entourant l’Asie, en particulier dans l’océan Indien et la mer de Chine méridionale. Dans un livre blanc de 2015, Pékin déclarait : « Il est nécessaire que la Chine développe une structure de force militaire maritime moderne à la mesure de sa sécurité nationale. » Soutenue par des missiles terrestres, des chasseurs à réaction et un système mondial de satellites, la flotte chinoise modernisée compte 320 navires, parmi lesquels les sous-marins nucléaires et ses premiers porte-avions.
Dans le domaine du commerce et des tarifs, la concurrence a pris une tournure de conflit ouvert. En Mars, pour mettre en pratique son credo assénant que « les guerres commerciales sont bonnes et faciles à gagner », Trump a imposé une taxation lourde sur les importations d’acier ciblant la Chine en priorité et, quelques semaines plus tard, il a accusé le même pays de vol de propriété intellectuelle pour justifier l’annulation d’un contrat de 50 milliards de dollars d’importations chinoises. Lorsque les nouveaux tarifs ont été appliqués en juillet, la Chine a immédiatement riposté contre ce qu’elle a appelé un « harcèlement commercial typique » en imposant des taxes similaires sur les produits américains. Cette guéguerre peut dégénérer en une guerre commerciale intégrale qui serait catastrophique pour l’économie mondiale. Conscient des risques liés à la dette américaine contractée auprès de la Chine, le président de la Réserve Fédérale, peu loquace d’accoutumée, a lancé un appel à la raison en considérant que « les tensions commerciales […] pourraient constituer des risques graves pour l’économie américaine et mondiale ».
Mais s’il apparait de plus en plus clairement que le rayonnement mondial de Washington a pâli, Trump ne représentant tout au plus qu’un révélateur ou un accélérateur du processus, le profil de la future carte géopolitique de la planète reste incertain. Or, le fait que la Chine soit le seul état qui affiche des ambitions évidentes pour devenir le nouvel hégémon de la planète permet de dégager certaines probabilités. Son essor économique phénoménal, son expansion militaire et à ses prouesses technologiques croissantes, lui sont des attributs caractéristiques du statut de superpuissance.
En théorie, cela ne voudrait pas dire pour autant que ce pays ambitionne de supplanter les Etats-Unis dans leur position de capitale impériale. Les constructions d’empires ont toujours été fondées sur une puissance militaire et financière, mais elles se sont toujours appuyées également sur une maîtrise de la conquête culturelle pour une asseoir une domination mondiale durable et réussie. L’Espagne y est parvenue à travers le catholicisme et la diffusion linguistique, les Ottomans se sont appuyés sur l’Islam et l’alphabet arabe de la même manière sans toutefois imposer la langue turque, la France sur la francophonie dans son empire colonial et la Grande-Bretagne sur une culture anglophone dans son propre empire puis dans le Commonwealth. Même si beaucoup de Français auront du mal à l’admettre, c’est la Grande-Bretagne qui, durant son siècle de domination mondiale de 1850 à 1940, a exercé un tel pouvoir en proposant (ou en imposant) une philosophie culturelle séduisante de fair-play et une économie de marché propagés à travers l’église anglicane, la langue anglaise et sa littérature, et l’invention de l’athlétisme moderne (cricket, football, tennis, rugby et aviron) . De même, à l’aube de leur domination mondiale, les États-Unis ont courtisé leurs futurs alliés dans le monde entier par le biais de programmes d’aide favorisant la mise en place de structures élues et le développement économique. Hollywood a été mis à contribution pour assurer la diffusion du message, mais également des organisations officieuses comme le Rotary International et l’encouragement à la pratique de sports populaires comme le basketball et le baseball.
La Chine ne possède pas de tels atouts. Son système d’écriture complexe et ses fondements philosophiques et religieux sont spécifiques à sa population et paraissent peu exportables. Elle est en bonne position pour supplanter la puissance économique et militaire de Washington, mais sa capacité à assumer le leadership par cet autre aspect de la dualité du pouvoir mondial en s’appuyant sur un réseau d’organisations internationales dites « non-gouvernementales » n’apparait guère, si ce n’est à travers une diaspora qui, le plus souvent, préfère s’intégrer dans la population d’accueil que de cultiver sa spécificité.
Toutefois, la conception de Donald Trump à propos du désordre mondial peut être interprété comme un signe prémonitoire de l’avenir américain, et si Pékin réussit à unifier le commerce et le transport de l’Asie, de l’Afrique et de l’Europe, le pouvoir et le leadership mondial seront inexorablement transférés vers Pékin, le plus naturellement du monde. Mais si cette initiative échoue, alors, pour la première fois depuis cinq siècles, le monde pourrait se retrouver sans successeur clair au rôle de « maitre du monde », à moins que d’autres signes comme la surpopulation et la destruction de son propre environnement soient des prémices à une nouvelle phase de l’histoire sans visées hégémoniques. On peut toujours rêver, mais la lucidité tend à faire penser que les stratèges de Pékin se préparent de longue date à tenir ce rôle.
Ca fait plaisir de lire un condisciple pataphysicien… enfin presque, puisque j’ai cessé de l’être quand j’ai constaté consterné que la grande majorité des membres du collegium pataphysicum en étaient arrivés à se prendre au sérieux. J’ai donc choisi de faire l’école buisonnière sans me voir décerner aucun diplôme de danse de Saint-Guy… pourtant j’étais l’homme qui avait poussé le Cri… en cette qualité, je pouvais donc prétendre à trois fois Rien… ce qui aurait bien fait marer Oulipo.
le monde libre va gagné les 2 dictateur de chine et de russie on biento perdu vive le monde libre et honte au collabo