Mali: La réélection d’IBK, la preuve que les Maliens ont atteint le degré zéro de la politique

RENÉ NABA — Ce texte est publié en partenariat avec www.madaniya.info.

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L’unique mot d’ordre des prochaines consultations africaines: Sortons les Sortants et Sortons du CFA.

Partenaire éditorial de la radio malienne Radio Kafokan et de sa revue hebdomadaire «Le relais de Bougouni», René Naba, directeur du site www.madaniya.info est l’auteur du livre «Du Bougnoule au sauvageon, voyage dans l’imaginaire français» Harmattan 2002.

Entretien conduit par Seydou Koné.

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Première question: Le Relais de Bougouni: Quel est votre appréciation des résultats des élections présidentielles maliennes de 2018 ?

Réponse René Naba: IBK, un président si mal élu à la légitimité minorée.

Loin d’être un triomphe romain, la réélection d’Ibrahim Boubacar Keita, alias IBK, à la présidence malienne, apporte la preuve que les Maliens ont atteint le degré zéro de la politique en ce que le si mal élu, si pourtant décrié tout au long de sa première mandature présidentielle, a néanmoins triomphé de tous ses rivaux.

Certes, IBK n’a recueilli que 41,2 pour cent des voix des inscrits au premier tour des élections présidentielles. C’est peu, mais suffisant pour être en position de force face à Soumaila Cissé puisqu’il a recueilli le double des voix comptabilisés pour son sempiternel rival. Le 2me tour a donc été un remake de la confrontation de 2013.

Mais avec une nuance de taille toutefois: 767 bureaux de vote “neutralisés” ont privé de vote près de 245.000 électeurs essentiellement dans le nord contestataire. Sur fond de paupérisation croissante de la population, de désintérêt de la chose publique, voire même de découragement, la présidentielle de 2018 du Mali aura donc propulsé un président à la légitimité sinon minorée à tout le moins entachée. Et cela hypothéquera qu’il le veuille ou non la 2me mandature d’IBK, par ailleurs plombé par des scandales liés à l’affairisme.

Les Maliens vivent un cauchemar d’autant plus épouvantable qu’en marquant leur préférence pour deux vieux pensionnaires du marigot politique, ils ont visiblement atteint le degré zéro de la politique. Pis, en désignant comme vainqueur de la consultation présidentielle, IBK, le partenaire en affaire du casinotier corse, Michel Toumi, les Maliens se sont livrés à ce qui s’apparente à un rare cas de suicide politique en direct sous couvert de démocratie.

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Deuxième question: Quel est votre jugement sur les deux candidats du 2eme tour ?

Réponse RN: IBK versus Soumaila Cissé: Le candidat de l’Internationale socialiste contre le candidat du Medef.
IBK et Soumaila Cissé, deux anciens disciples du président Alpha Oumar Konaré se sont affranchis de leur ancien tuteur malien et de son parti ADEMA, mais jamais de leurs parrains français respectifs.

Et si les Français se sont débarrassés du parrain d’IBK, François Hollande, par abandon du socialo motoriste à la suite d’un KO technique debout, les Maliens, visiblement fétichistes, continuent eux de s’accrocher à cette vieille relique de la Françafrique. Telle est dans toute sa cruauté l’invraisemblable réalité malienne.
Son éternel rival, Soumaila Cissé, du fait de ses états de service et de sa connaissance des arcanes du pouvoir managérial en France, est apparu, qu’il le veuille ou non, comme le candidat du MEDEF en raison de son ancien parcours et des sympathies qu’il inspire en France.

Que cet ancien haut cadre des grandes entreprises françaises (IBM France, Pechiney, Thomson et Air Inter), originaire de Toumbouctou, la ville martyre des hordes djihadistes d’Ansar Eddine pro Qatar, n’ait pu faire la différence s’explique dans une large mesure par l’absence de charisme du challenger. Le vaincu devra en tenir compte pour l’avenir et se résoudre à laisser la place à plus performant.

Un autre capé de la méritocratie occidentale, Modibo Diarra, astrophysicien, ancien de la NASA et président de Microsoft Afrique, pâtit des mêmes handicaps que le challenger Soumaila Cissé. Non pas tant pour sa carrière haut de gamme internationale, mais en raison de sa citoyenneté américaine et, surtout, le fait qu’il soit le gendre du Colonel Moussa Traoré, le dictateur de sinistre mémoire, le parricide de Modibo Keita, le père de l’indépendance malienne, tâche indélébile pour l’éternité.

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Troisième question: Comment expliquez-vous la contre performance d’Omar Mariko, qui ne figure même pas dans le groupe de tête?.

Réponse RN: Le score dérisoire d’Omar Mariko, le candidat du Sadi (Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance), a laissé perplexe plus d’un observateur. Que le seul candidat véritablement contestataire, qui se soit franchement opposé à l’intervention française au Mali (opération Serval) et qui se soit de surcroît prononcé ouvertement pour la sortie du Mali du Franc CFA, Omar Mariko, l’ancien meneur de la révolte étudiante qui provoqua la chute de la dictature de Moussa Traoré, porteur du programme le moins conformiste, ne figure pas dans le peloton de tête de la compétition, pourrait paraître incompréhensible.

Mais les explications de cette contre performance sont à rechercher dans le défaut d’organisation de sa machinerie électorale et l’absence de pédagogie politique développée par le candidat en direction de son électorat potentiel.

Une explication complémentaire est à rechercher dans l’effet pervers de la pléthore des candidatures, laquelle en suggérant une apparence de démocratie, a constitué en fait une parodie de démocratie, provoquant une confusion du débat, une dispersion des forces, et partant, le brouillage du message civique, au bénéfice d’un clientélisme clanique démagogique.

Vingt quatre (24) personnes ont postulé aux élections présidentielles maliennes de 2018. Trente quatre (34) sont candidats aux présidentielles du Cameroun de 2019 pour briguer la succession de Paul Biya (84 ans) au pouvoir depuis 34 ans et qui aspire à un nouveau mandat, nourrissant sans doute le secret espoir d’égaliser Molière et de mourrir sur la scène de ses turpitudes.

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Quatrième question: Comment sortir de cette spirale de l’échec?

Réponse RN: IBK, candidat de l’Internationale socialiste, et Soumaila Cissé, candidat présumé du MEDEF, sont bel et bien les deux faces du néo colonialisme français. Sa face hideuse. Dans le prolongement de cette belle brochette de nains politiques qui se sont succédés au pouvoir au Mali depuis plus de vingt ans: Amadou Toumani Traoré (ATT), Diouconda Traoré et Amadou Aya Sanogo, auparavant le dictateur Moussa Traoré, présent à la cérémonie de la première l’investiture d’IBK.

Pour rompre avec cette spirale de l’échec, un seul mot d’ordre doit prévaloir lors des prochaines consultations africaines: «Sortons les sortants et sortons du Franc CFA». Sachons des déboires électoraux la leçon retenir. Les Maliens et les Africains doivent se pénétrer de cette vérité d’évidence, nullement sacrilège: La France a été le fardeau de l’Afrique et non l’inverse. Il importe d’en tirer les conséquences et de secouer le cocotier.

Au Mali la France est disqualifiée. Le chaos qui règne dans ce pays résulte d’une succession de faux pas de la diplomatie française.

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Voir à ce propos, ce lien

  • https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/07/26/au-mali-le-chaos-resulte-d-une-succession-de-faux-pas-de-la-diplomatie-francaise_5336048_3232.html
  • https://www.lemonde.fr/economie/article/2014/05/26/elise-huillery-la-france-a-ete-le-fardeau-de-l-homme-noir-et-non-l-inverse_4425976_3234.html

Le mot d’ordre des prochaines consultations africaines ne doit souffrir la moindre ambiguïté: Sortons les sortants pour que le Mali et l’Afrique sortent de leur sommeil dogmatique qui engendre des monstres. Sortons les Sortants et Sortons du CFA: Le Mali et l’Afrique se débarrasseront ainsi du fardeau pluri-séculaire de l’homme noir.

Telle est l’impérieuse mission que doivent s’assigner les démocrates africains à l’occasion des prochaines consultations électorales, -la République Démocratique du Congo, le Cameroun et le Sénégal-, pour ôter, dans ce dernier cas, l’envie à son président, Macky Sall, de saliver devant les pâtisseries indigestes de l’armée française qu’elle servait aux troupes sénégalaises avant de les expédier au sacrifice suprême, en substitution des soldats français. Honte à Macky Sall d’avoir voulu gommer la souillure morale absolue du sacrifice de Thiaroye pour satisfaire ses appétits présidentielles.

Une impérieuse mission que les démocrates africains doivent s’assigner pour que l’Afrique cesse d’être la risée du Monde.

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Pour aller plus loin
  1. https://www.madaniya.info/2016/09/19/mali-retablissement-de-souverainete-de-letat-malien-passe-discours-de-verite-a-legard-de-france-tuteur/
  2. https://www.madaniya.info/2014/10/18/mali-un-pays-de-cocagne/
  3. https://www.renenaba.com/mali-le-tonitruant-silence-du-planque-de-dakar/
  4. https://www.madaniya.info/2015/02/23/senegal-sous-couvert-de-religion-la-competition-entre-israel-et-les-freres-musulmans-sur-le-plan-politique/*
  5. https://www.madaniya.info/2015/09/16/l-extremisme-religieux-en-asie-et-en-afrique/

6 réflexions sur “Mali: La réélection d’IBK, la preuve que les Maliens ont atteint le degré zéro de la politique

  • 18 septembre 2018 à 4 h 01 min
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    Telle est l’impérieuse mission que doivent s’assigner les démocrates africains à l’occasion des prochaines consultations électorales, -la République Démocratique du Congo, le Cameroun et le Sénégal-, pour ôter, dans ce dernier cas, l’envie à son président, Macky Sall, de saliver devant les pâtisseries indigestes de l’armée française qu’elle servait aux troupes sénégalaises avant de les expédier au sacrifice suprême, en substitution des soldats français. Honte à Macky Sall d’avoir voulu gommer la souillure morale absolue du sacrifice de Thiaroye pour satisfaire ses appétits présidentielles.
    Une impérieuse mission que les démocrates africains doivent s’assigner pour que l’Afrique cesse d’être la risée du Monde.
    =*=
    Ou alors, l’Afrique peut se choisir elle-même comme solution ► https://jbl1960blog.wordpress.com/2018/06/26/afrique-la-solution-cest-lafrique/
    Effectivement, il n’y a pas de solutions au sein du Système, il n’y en a jamais eu, et il n’y en aura jamais puisque nous avons pu constater que les gouvernements « post-coloniaux » africains, n’étaient que des marionnettes agissant dans l’intérêt de leurs anciens maitres -et ce au même titre que la marionnette Trump ou la marionnette Macron d’ailleurs- que nous savons être le Vatican, la City de Londres et Washington D.C.
    Que la solution russe, fera glisser le continent africain d’une réalité à une autre ; D’un N.O.M. 100% Zunien, à une O.M.D. russo-chinoise, ou pire à un nouvel Ordre Mondial Démocratique sino-russe et là c’est fin de partie pour nous les peuples, indéfiniment prisonnier d’un Système étatique, au dogme orthodoxe évolutionniste affirmant que l’État est le stade évolutif de la société humaine alors que tout démontre qu’il n’est que cela : un dogme sans fondement historico-anthropologique.
    “la relevance de l’anarchisme à la société humaine n’a sans doute jamais été plus évidente qu’en Afrique…” comme l’analyse fort justement Sam Mbah et I.E. Igariwey dans le petit livre (108 pages) “African Anarchism, the History of a Movement”, éditions See Sharp Press, 1997, dont vous trouverez ici, grâce à la traduction partielle de Résistance71, une nouvelle version PDF que j’ai réalisée ► https://jbl1960blog.files.wordpress.com/2018/04/lanarchisme-africain-histoire-dun-mouvement-par-sam-mbah-et-ie-igariwey.pdf
    Pourquoi attendre les prochaines consultations présidentielles ?… Pour quoi faire ?
    Un autre exemple à étudier, en territoire ZOMIA ► https://jbl1960blog.wordpress.com/2018/09/08/lart-de-ne-pas-etre-gouverne-par-james-c-scott-en-version-pdf-gratuite/
    Une autre voie est possible, hors État et ses institutions…
    R71 a traduit de larges extraits du professeur d’anthropologie James C. Scott « The Art of Not Being Governed, an Anarchist History of Upland South-East Asia » dans le but de faire mieux comprendre au plus large public une partie de l’histoire de l’État, son développement dans une zone donnée de la planète et comment des peuples depuis des siècles vont et viennent dans et hors des États, qu’un anthropologue hollandais a nommé « Zomia » et qui regroupe près de 200 millions de personnes au travers de 6 pays allant du Vietnam à l’Inde. Scott nous fait aussi comprendre que l’État, la centralisation et les institutions inhérentes ne sont pas inéluctables et que ce processus d’origine humaine est parfaitement réversible comme cela s’est déjà produit à maintes reprises dans l’histoire de l’humanité post-« révolution néolithique ».

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  • 18 septembre 2018 à 6 h 17 min
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    UNE GUÊPE DANS UNE BOUTEILLE DE BIÈRE
    Le premier mot qui vient instinctivement aux lèvres est « Françafrique ». On n’est donc pas surpris de le voir rapidement apparaître dans le texte.
    L’idée maîtresse qui sous-tend en filigrane la suite de la lecture est double:
    on ne cesse de penser
    « pantalonnade »,
    avec le commentaire désabusé (un tantinet méprisant aussi):
    « ne dirait-on pas les « présidentielles » françaises transposées sur fond de musique exotique? ».
    Inévitablement on cherche alors chez Kipling les débats des Bandar-Logs…
    Puis l’on s’immerge une nouvelle fois dans l’étude des livres de Gaston-Armand Amaudruz (mort le 7 de ce mois) et de René Binet.
    On arrive alors à la conclusion que, dans ce passage obligé en purgatoire, on n’est pas sorti de l’auberge!
    On se souvient que soi-même, il n’y a guère plus d’un quart de siècle, de par l’incurie d’un fonctionnariat dérisoire qui achevait d’être subtilement greffe dans le pays par les tondeurs habituels de Threadneedle Street à des tondus perpétuels dont on trouve des répliques un peu partout sur la Planète – on s’est trouvé voter contre un gouvernement (« d’opportunité financière »)
    – « à mettre en place MAINTENANT! »… parce que toutes les conditions de putréfaction étaient désormais remplies…
    Ce fut donc un bulletin glissé dans l’urne (« funéraire ») en toute illégalité, n’étant soi-même nullement ressortissant du pays d’ Afrique en question. Et que cette goutte d’eau dans l’océan des illégitimes dépêchés par charters entiers par ceux d’en face n’a évidemment eu aucune utilité.
    Les tondeurs de la City ont gagné leur pari et ainsi pu mettre en place « leur » gouvernement de la couleur de peau qu’il fallait et du faux-nez politique approprié à la situation qu’ils avaient patiemment façonnée. Ce serait un gouvernement d’assoifés de limousines qui n’allaient pas manquer de se ruer à la corruption… comme l’apauvrissement sur le pays (que je vous laisse identifier).
    Remonte alors aux lèvres le mot « pantalonnade »…
    Et l’on se prend à sourire.
    Nos systèmes contraires aux lois naturelles démontrent quotidiennement leur nullité assortie de leur impéritie.
    Et nous nous agitons vainement comme autant de guêpes dans leurs bouteilles de bière; incapables de voir que LA SEULE ISSUE POSSIBLE EST PAR LE HAUT.
    Un ami financier m’avait jadis parfaitement résumé la chose: « Au fond, m’avait-il dit, il n’y a que deux lois économiques essentielles: l’offre et la demande…
    et…
    Ôte-toi de là…
    que j’m’y mette! ».

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    • 18 septembre 2018 à 8 h 36 min
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      Ah, en grands termes poétiques, tout cela est si bien décrit…

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  • 18 septembre 2018 à 10 h 40 min
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    Je connais pire… Des abrutis québécois qui ont mis au pouvoir Trudeau!

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    • 18 septembre 2018 à 12 h 05 min
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      Je vous laisse la responsabilité de votre jugement
      Je ne maîtrise pas la question canadienne pour me permettre d’émettre un jugement mais à tout prendre, Je préfère Justin Trudeau à Nicolas Sarkozy, François Hollande, voire même Emmanuel Macron, allié de l’ethnocratie israélienne et de la théocratie saoudienne

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    • 19 septembre 2018 à 21 h 09 min
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      Ah oui! Bien vu… bis! L’androïde (et encore… pour l’ « andro »… pas si sûr… disons que l’anro… pose) à la larme facile; le fils de « Petit P E T »… c’était du masochisme. Tout se passe comme si — où que ce soit — nos Zomes politiques donnent le meilleur de ce qu’ils peuvent. Ca confine au prodige. Céline avait écrit un petit livre intitulé « Guignol’s Band »… Quand à nous, nous rentrons dans le pamphlet facile mais que faire? Puisqu’il n’y a — semble-t-il — plus d’érables chez vous pour brancher les tordus. (NB… ce faisant je partais pour deux alexandrins s’il ne m’avait pas manqué six pieds.)

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