L’hypocrisie du discours d’Emmanuel Macron aux Nations Unies
Par Jacques Sapir. Le 29.09.2018. Sur Sputnik.
L’intelligentsia mondiale est décontenancée par le spectacle qui leur a été donné d’observer à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU la semaine qui s’achève. Donald Trump, le Président américain que nul de ces plumitifs ne comprend, semonce et dénonce l’ONU et les organisations de la tyrannie mondiale du grand capital, alors qu’Emmanuel Macron, le ministre des affaires étrangères de l’Union européenne, et Président de la France concurrente (alliée – mais surtout concurrente) défend bec et ongle l’hégémonie du camp Atlantique sur le reste de la planète via ces organismes sous-fifres. Ces deux corniauds se seraient-ils tromper de personnage ? NON évidemment! c’est simplement que les lignes de démarcations bougent et les alliances internationales sont en train de se défaire – pour se refaire, ce que l’auteur du texte ci-dessous ne semble pas comprendre. M. Sapir rappel au Président Emmanuel Macron que le passé de la France est entaché de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité… ce qui est strictement exact, mais ces remontrances nous semble hors de propos compte tenu de l’enjeux réel de ce duel Trump-Macron. Non, pardonnez-moi, je me laisse entraîner dans les travers des médias bourgeois – je dirais plutôt, dans ce combat à trois États-Unis – Union européenne – Nouvel axe asiatique. Nous y reviendrons dans nos pages sur http://www.les7duquebec.com Robert Bibeau.
L’exemple du Kosovo

Il faut rappeler ici que le droit international fut mis à mal par la décision unilatérale des pays de l’OTAN de reconnaître l’indépendance du Kosovo, une indépendance obtenue avec l’aide militaire de ces pays engagée sous des prétextes fallacieux. L’intervention extérieure, faites en violation du principe de souveraineté au nom du «principe humanitaire», a abouti à valider une démarche ethno-nationaliste. Par ailleurs, l’indépendance du Kosovo réalisée avant que la réconciliation intercommunautaire ait eu lieu, détruit les fondements du «principe humanitaire», celui-là même qui fut invoqué pour l’intervention de l’OTAN en 1999.
Elle valide son propre contraire, la primauté de la force sur le droit, de l’ethnicisme et des politiques de ségrégation sur la construction de véritables communautés nationales. On le voit, la déconstruction du droit international a des antécédents anciens. Et, cette pratique de non-respect du droit international fut inaugurée par une administration démocrate, celle du Président Clinton. Elle fut naturellement poursuivie par l’administration républicaine de George W. Bush qui lui succéda. (De fait, cette « déconstruction » du droit international est permanente, aussi ancienne que le droit international lui-même, qui ne vise qu’a légaliser, à normer, à cristalliser et à imposer à la « communauté internationale » (sic) la loi du plus fort. Le plus fort étant en train de changer mondialement, le droit international (le rapport de force dirions-nous plutôt) et les institutions qui l’appliquent est en cours de « reconstruction » M. Sapir. Robert Bibeau).
La rupture irakienne
Cette évolution de la politique américaine a donc commencé avant l’arrivée au pouvoir de George W. Bush et des neocons. Mais, là où le Kosovo était la tentative d’une administration américaine fondamentalement acquise à un projet global d’hégémonie de retrouver son équilibre après le choc de la crise financière de 1997-1999, l’intervention en Irak de 2003 témoigne d’une mutation radicale du projet américain. En ce sens, il y a rupture qualitative entre l’administration Clinton finissante et l’administration Bush. La victoire des néoconservateurs et la montée de ce que l’on a appelé l’isolationnisme interventionniste providentialiste américain constituent une rupture avec le cadre de représentations et d’interprétations qui s’était mis en place après 1991. La radicalisation militariste du projet hégémonique américain après 1998 a aussi contribué de manière sans doute irréversible à ce que l’on peut appeler la «désoccidentalisation du monde». Mais ce processus se fait dans la régression et non par le dépassement de ce que l’on peut appeler, à tort ou à raison, les «valeurs occidentales».
Elle a engendré, en Russie comme en Chine des réactions qui étaient légitimes, dont la constitution de l’OCS. Le refus des dirigeants occidentaux et du Président français de reconnaître cette organisation montre qu’ils n’ont pas pris la mesure des changements survenus. (Ce n’est pas tout à fait cela M. Sapir. C’est plutôt que le grand capital occidental désir négocier la nouvelle répartition du monde – les zones d’influence, les marchés, les secteurs d’exploitation de la main-d’oeuvre et de production de plus-value – l’or absolu -, les régions de ressources à se partager et dans cette démarche de marchandage perpétuel – les discours à l’Assemble générale de l’ONU vous donne l’état d’esprit actuel des deux principaux concurrents occidentaux, soit les USA (divisés entre Républicains et Démocrates) et les puissances de l’Union européenne dirigée par l’Allemagne et la France, avec leurs divisions eux-aussi). Soit, convenons que le panier de crabes grenouille ces temps-ci. Robert Bibeau).
Qui défend réellement le droit international?

La vision politique de l’environnement international et de la politique des Etats-Unis qui caractérise Vladimir Poutine et ses conseillers s’est révélée, et à juste raison, nettement plus pessimiste que celle de ses prédécesseurs(2). Le discours prononcé par le président russe lors de la conférence sur la sécurité organisée à Munich en 2007 raisonne aujourd’hui avec une dimension particulière. Il a été présenté (trop) souvent comme un retour des dirigeants russes à une mentalité de guerre froide. En réalité, il s’agit d’un texte programmatique, qui a soulevé d’ailleurs l’intérêt de nombreux participants de la conférence, et en particulier du ministre des Affaires étrangères allemand. En un sens, Vladimir Poutine est le dirigeant politique qui a certainement tiré avec le plus de cohérence les leçons de ce qui s’est joué entre 1991 et 2005. Dans ce discours, Vladimir Poutine avait plaidé pour que le monde comprenne que la tentative des Etats-Unis de reconstruire leur hégémonie était une impasse.
Mais il y avait un contenu plus profond. Vladimir Poutine constate qu’il n’existe pas de normes qui pourraient fonder l’unipolarité du monde. Evgueni Primakov ne disait pas autre chose (3).Cela ne veut pas dire que les différents pays ne puissent définir des intérêts qui seraient communs, ni même qu’il n’y ait des valeurs communes. Le discours de Poutine n’est pas «relativiste». Il constate, simplement, que ces valeurs ne peuvent fonder l’unipolarité, car l’exercice du pouvoir, politique ou économique, ne peut être défini en valeur mais doit l’être aussi en intérêts. Ceci revient à refuser la thèse d’une dépolitisation des relations internationales, qui devraient se réduire, dans l’esprit de ceux qui soutiennent cette dépolitisation, aux droits de l’homme et aux «lois» de l’économie. (Erreur M. Sapir. Il est futile de tenter de séparer ainsi « valeurs », « intérêts », droit international, politique, économie, comme s’il s’agissaient de compartiments séparés et étanches. Le fondement du mouvement c’est l’économie – qui s’exprime par les « intérêts » de chaque belligérant sous le mode de production capitaliste universalisé. Politique, diplomatie, droit international, ont pour fonction de rendre compte du rapport de force en l’état. Ce que Vladimir Poutine a fait comprendre aux puissances occidentales c’est qu’elles couraient à la faillite économique et qu’elles ne pouvaient faire comme si de rien n’était dans leurs prétentions hégémoniques. Poutine a simplement expliqué que l’OCS était désormais un joueur incontournable et à échéance avec la Chine-Russie la nouvelle puissance hégémonique. Je puis vous assurez que les puissances atlantiques le savent ce qui ne les empêchera pas de négocier durement le repartage du monde. Robert Bibeau).
Il ajoutait dans son le discours un point extrêmement important: « Nous sommes témoins d’un mépris de plus en plus grand des principes fondamentaux du droit international. Bien plus, certaines normes et, en fait, presque tout le système du droit d’un seul État, avant tout, bien entendu, des États-Unis, a débordé de ses frontières nationales dans tous les domaines, dans l’économie, la politique et dans la sphère humanitaire, et est imposé à d’autres États (4) ».
Telles sont les causes du délitement du Droit international aujourd’hui. Toute volonté de reconstruction de ce dernier, volonté par ailleurs nécessaire, doit prendre en compte ces réalités et cet héritage. Toute volonté qui ne serait pas un projet chimérique doit surtout se poser sérieusement la question d’avec qui, avec quels alliés, cette reconstruction est possible. (Totalement faux M. Sapir. Nous le répétons, nous n’assistons à aucun délitement du « Droit international » et les exemples des invasions de la Serbie-Kosovo, de l’Afghanistan et de l’Irak avaient été précédés par 200 guerres locales depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, dont notamment les génocides coréen et vietnamien… et elles ont été suivies de l’invasion de la Libye, de la Syrie, du Yémen et d’autres suivront, rien de nouveau sous le soleil. Ce qu’il faut retenir de cette 73e Assemblée générale de l’ONU c’est que les tensions sont grandes entre puissances – les cartes économiques-politiques-militaires sont brassées, les négociations pour le repartage du monde vont bon train et s’aèrent difficiles et que compte tenu de la crise économique mondialisée qui pointe à l’horizon – une guerre nucléaire mondiale pourrait conclure ces négociations ou chacun prends ses marques. Robert Bibeau.)
1. http://www.rfi.fr/ameriques/20180925-onu-macron-dresse-contre-loi-plus-fort-trump
2. Voir la déclaration du président russe lors de la conférence sur la sécurité qui s’est tenue à Munich le 10 février 2007 et dont le texte a été traduit dans La Lettre Sentinel, n° 43, mars 2007.
3. Evgueni Primakov, Le Monde après le 11 septembre et la Guerre en Irak, Paris, Presses de la Renaissance, 2003.
4. La Lettre Sentinel, n° 43-44, janvier-février 2007, p. 25 sq.