Des décennies de désindustrialisation

Recherche menée par Robert Gil

L’organisme de coopération et de développement économique (OCDE) et la Banque centrale Européenne (BCE) publient chaque année un indice établissant un lien entre taux de chômage et inflation. Celui-ci, le « Non accelerating inflation rate of unenployement » ou Nairu, indique à chaque pays développé, le taux de chômage minimum nécessaire à la stabilisation de l’inflation.

Deux prix Nobel d’économie dénonçaient déjà au début des années 2000, l’inefficacité de cet indicateur dont Joseph Stiglitz (« Cet indice n’est plus pertinent pour déterminer le lien entre chômage et inflation »,« La foi en ce lien a pour effet d’empêcher les gouvernements de mettre en œuvre des politiques qui réduiraient le chômage ») et Franco Modigliani, qui fut, au milieu des années 70, l’un des deux créateurs du Nairu (« Le chômage est principalement le résultat de politiques macroéconomiques erronées inspirées par une crainte obsessionnelle de l’inflation et une attitude considérant le chômage comme quantité négligeable »).

Le chiffre de 1 million de demandeurs d’emploi atteint en 1977, représentait un taux de chômage de 4,3 % de la population active. On estime généralement que ce niveau s’apparente au plein emploi. Mais la désindustrialisation et la délocalisation de l’industrie manufacturière dés le début des années 70, menées de concert par les gouvernements et les groupes industriels, ont fait bondir le taux de chômage quelques années plus tard. Le premier choc pétrolier de 1973 et la constante et importante augmentation de la population active, notamment due à l’incidence de l’évolution démographique, ont accentué cette tendance.

Le discours politique promettait déjà de lutter contre le chômage et prédisait une mutation vers une nouvelle ère qui générerait les emplois de demain. L’antienne néolibérale d’une nouvelle France qui remplacerait l’industrie manufacturière des biens de consommation par une nouvelle industrie aux contours flous et incertains, mais s’appuyant sur l’innovation, les R&D, l’énergie, la formation, les nouvelles technologies et autres produits à haute valeur ajoutée, était, et demeure récurrente.

Après quatre décennies de politique économique néolibérale européiste et mondialiste, le bilan est amer : des générations entières de Français ont subi de graves difficultés d’emploi tout au long de leurs vies professionnelles et des millions de travailleurs, moins qualifiés, moins jeunes ou demeurant dans des régions sinistrées, ont connu des vies de misère, alternant petits boulots, emplois temporaires et minimas sociaux.

Aujourd’hui, bon nombre de leurs enfants ont hérité de cette précarité. La paupérisation semble maintenant s’être définitivement installée dans de nombreux territoires entièrement dévastés et économiquement exsangues. La délocalisation n’épargne aucun secteur : produits de transition énergétique, hautes technologies, automobile, électroménager, industrie pharmaceutique, luxe, hélicoptères et avions Airbus ou Dassault, TGV, énergie et centrales nucléaires, R&D, services etc.

Les transferts de technologies de nos derniers fleurons, l’absence d’aide à l’industrie manufacturière traditionnelle et la vente à nos concurrents des dernières usines et de leurs savoir-faire, pourraient bientôt, si la France ne change pas fondamentalement sa politique économique, venir à bout de ce qu’il reste de l’industrie et de la population ouvrière mais ainsi condamner définitivement notre pays au chômage de masse et à la régression sociale.

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