Les peuples qui n’ont plus de voix n’en ont pas moins de la mémoire.” Benjamin Constant
En ces temps des crispations identitaires et des replis communautaires, d’obscurantisme islamique et de reflux de la combativité politique révolutionnaire prolétarienne, il est de la plus haute importance de se tourner vers des personnalités algériennes exemplaires et emblématiques en matière d’engagement politique, pour se ressourcer au plan du militantisme et au niveau de la théorie politique. Et parmi les nombreux révolutionnaires que compte l’Algérie émerge un grand homme totalement méconnu du paysage politique algérien et ignoré de l’historiographie algérienne.
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Assurément, longtemps , Saïl Mohamed n’était connu que des historiens de l’anarchisme. Ignoré par l’histoire officielle algérienne, Saïl Mohamed a été pourtant un militant anticolonialiste de la première heure. Au reste,il se singularise surtout par son combat internationaliste. En effet, Saïl Mohamed était un militant anarchiste, plus précisément communiste libertaire. Réputé pour son intransigeance, il est demeuré fidèle à ses convictions anarchistes libertaires jusqu’à sa mort en 1953. Certes, il a été un militant actif de l’anarchisme libertaire participant même à la Guerre d’Espagne en 1936, mais il a également lutté infatigablement contre le colonialisme français, depuis la métropole où il était expatrié. Malheureusement, il est mort quelques mois avant l’insurrection de novembre 1954. Nul doute qu’il aurait assurément pris part à la lutte pour l’indépendance, s’il était encore vivant à l’époque du déclenchement de la révolution algérienne. De surcroît, il n’est pas inutile de relever que, grâce à sa prodigieuse et perspicace intelligence, Mohamed Saïl avait décelé et mesuré, dès les années 1920, les dangers du stalinisme et de l’islamisme, au moment où ces deux hydres embryonnaires étaient glorieusement adulées, vénérées.
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Saïl Mohamed, de son nom complet Mohand Amezian ben Ameziane Sail, est né le 14 Octobre 1894 à Taourirt Béni Ouaghlis (en Kabylie), en Algérie, et mort en avril 1953 à Bobigny (France). Militant anarchiste (libertaire communiste), volontaire dans le groupe international de la colonne Durruti durant la Révolution espagnole, il était également un authentique militant révolutionnaire anticolonialiste.
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Jacques Prévert lui a dédié le poème Étranges étrangers. (1)
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Saïl Mohamed a fait ses études primaires en Algérie. Très jeune, il s’est établi en France. Dans un premier temps, il a exercéla profession de chauffeur mécanicien, ensuite le métier de réparateur de faïences. Pendant la première guerre mondiale, il est interné pour insoumission puis désertion. A sa libération, il s’installe dans la région parisienne et adhère à l’Union Anarchiste. En 1923, il fonde avec Slimane Kiouane le Comité de défense des indigènes algériens.
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Dès 1924, dans ses premiers articles, publiés dans Le Libertaire, La Voix Libertaire, il dénonce le colonialisme, le centenaire de la conquête de l’Algérie.
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En 1932, il devient le gérant de L’Éveil social et y publie plusieurs articles où il appelle les Algériens à s’organiser et à se révolter. A la fin de l’année 1932, la publication de son article antimilitariste lui vaut des poursuites judiciaires. En 1934, au lendemain de la manifestation des ligues du 6 février 1934, il est arrêté pour possession d’armes prohibées (pistolets et grenades) et écope de quatre mois d’emprisonnement.
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A sa libération de prison, Saïl ne désarme pas et reprend son combat, ses activités militantes politiques. Il devient responsable de l’édition Nord-africaine et tente de reconstruire le Groupe anarchiste des indigènes algériens. Au début de la Guerre d’Espagne en 1936, alors âgé de 42 ans, Saïl s’engage dans le Groupe International de la colonne Durruti (CNT) crée par les anarchistes refusant de se fondre dans les Brigades Internationales qu’ils considèrent contrôlées par les staliniens. Ses premières lettres du front ont été publiées dès octobre 1936 dans L’Espagne antifasciste. En novembre 1936, il est blessé au bras par une balle explosive près de Saragosse à cent mètres des lignes franquistes. Un temps hospitalisé à Barcelone, il rentre ensuite en 1937 en France. Mutilé, il commence à exercer désormais le métier de réparateur de faïences.
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Au cours de l’année 1937, il participe à diverses manifestations : contre l’interdiction du PPA, contre la répression des manifestants tunisiens et pour le soutien de la révolution espagnole. Le 17 mars 1937, il participe au meeting organisé à la Mutualité par l’ensemble des organisations de la gauche révolutionnaire pour protester contre l’interdiction de l’Etoile nord-africaine dirigée par Messali Hadj.
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En 1938, il est arrêté et condamné pour provocation de militaire. En septembre 1938, pour avoir distribué des tracts contre la guerre il est condamné à dix-huit mois d’emprisonnement.   En 1941, sous l’occupation, il est encore arrêté et interné dans le camp de Riom d’où rapidement il s’échappe. Dans la clandestinité, il se spécialise jusqu’à la Libération dans la fabrication de faux-papiers.
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Dès la Libération, Saïl essaye de reformer des comités d’anarchistes algériens. Dans le même temps, il tient dans Le Libertaire une chronique de la situation en Algérie. En 1951, il est nommé responsable au sein de la commission syndicale aux questions nord-africaines. Dans ce cadre, il produit une série d’articles notamment sur « Le calvaire des indigènes algériens ».
Mohamed Saïl meurt à la fin avril 1953. Au lendemain de sa mort, son journal libertaire lui a consacré un article d’hommage : article paru dans Le Libertaire, n° 390, 20 mai 1954.
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« Voici un an disparaissait notre camarade Mohamed Saïl, militant exemplaire. Quelques semaines avant sa mort, il collait encore le Lib à Aulnay. Nous lui disions de se reposer, nous le sentions faible. Il n’y avait rien à faire. Il voulait militer, il voulait se battre jusqu’au bout. Sa vie a été un éternel combat. Il a vécu notre idéal, il a été de toutes les actions. Il a payé durement. Pour notre idéal, il a passé onze années de son existence brève dans les prisons et les camps de la République. (…). Partout, à tout instant, il n’avait qu’un seul but : répandre autour de lui, les graines de la révolution.
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Il incarnait l’anarchisme social, le communisme libertaire, pour lui les deux termes étaient synonymes. Son combat était prolétarien et révolutionnaire.  Il souffrait au plus profond de lui-même la vie injuste, la vie mauvaise imposée par les puissants de l’heure. Il souffrait surtout pour ses frères algériens, pour ses frères colonisés du monde.
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Voici ce qu’il leur disait (Lib n° 273) :
« Toutes les plaines fertiles sont enlevées aux travailleurs, et en récompense, le colon bourgeois “élu” octroie généreusement un salaire de famine et des journées de labeur de dix à quatorze heures. Gare aux fortes têtes ! Oser déclencher une grève revendicatrice avec occupation d’usine est puni non de prison, mais de la balle salutaire d’un CRS… au nom d’une civilisation bienfaisante ! De plus, en l’absence du présumé coupable, l’arrestation d’otage est coutumière. Voilà les exploits courants des colonialistes assassins, avides de carnage… Que tous reconnaissent que les travailleurs originaires des pays d’outre-mer, venant chercher en France un peu plus de bien-être et de liberté, sont vraiment des hommes braves qui méritent bien des égards.  Malheureusement, au contact de leurs frères de misère de la métropole, qu’ils distinguent nettement des tueurs d’outre-mer, ils se heurtent souvent à l’incompréhension ou au dédain. D’où leur méfiance vis-à-vis des “roumis” (sans toutefois généraliser).  (…) Oui ! sachez, camarades, que les anarchistes sont vos réels amis qui ne vous demandent rien d’autre que d’être à leurs côtés, pour mener la lutte contre le Capital, l’État, et le Colon, qui ne sont qu’un seul monstre, sous un même bonnet. » (…) C’est un autre aspect de Mohamed Saïl : le désir de connaissances. Toute sa vie, il a travaillé pour se cultiver. Il avait été très peu à l’école mais en remontrait sur bien des points à ceux qui se piquent d’avoir de l’instruction. (…) En 1939, après une distribution de tracts contre la guerre, il était encore interné et commençait sa dixième année de prison. On perquisitionnait chez lui et on volait une partie de sa bibliothèque qu’il affectionnait particulièrement. »
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De toute évidence, Saïl Mohamed était dotée d’une prodigieuse intelligence, et surtout faisait preuve d’une très grande perspicacité dans ses analyses. Quoique né à la fin du XIXème siècle, c’était un homme en avance sur son temps.  À lire les quelques extraits de ses écrits, on croirait qu’ils ont été rédigés à notre époque, en 2018, tant les enjeux politiques, économiques et géostratégiques intelligemment décrits et analysés sont toujours d’actualité. Les grands esprits et les révolutionnaires sont immortels. Sail Mohamed, en dépit de son faible niveau d’instruction scolaire, a publié de nombreux textes dans des périodiques anarchistes et libertaires. Il a beaucoup écrit. C’était un autodidacte.
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« Tous ensemble, nous édifierons un règne sans classes, […] où il n’existera ni maîtres ni valets, mais seulement des hommes égaux. », a écrit Sail Mohamed.  « La République, écrit-il, n’a rien à envier au fascisme : tous deux communient dans l’arbitraire et le désir de rabaisser. »
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En 1924, il publie dans Le Flambeau, journal libertaire ( « des Groupes libertaires d’Afrique du Nord »), un réquisitoire contre la France coloniale, ces « pirates rapaces » et ces « canailles sanguinaires » qui asservissent l’Algérie au nom de la Civilisation. Dans de nombreux articles Saïl dénonce l’asservissement colonial : « l’ignorance, l’abrutissement dans lesquels vous nous maintenez pour mieux nous tenir sous votre joug », sous le régime « de servitude et de trique ».   « C’est notre sol natal, que de pères en fils nous fécondons de notre labeur : vous êtes venus nous déposséder, nous voler nos biens et, sous prétexte de civilisation, vous nous obligez maintenant, pour ne pas mourir de faim, de trimer comme des forçats, pour votre profit, contre un salaire de famine. », écrit-il. Saïl Mohamed fustige aussi le Code de l’indigénat : « Une honte pour une nation moderne. ».
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Il ne cesse de solliciter la solidarité internationale  pour inviter les bonnes consciences à lutter pour « la suppression de l’odieux régime de l’Indigénat qui consacre notre esclavage ». Il revendique le droit à la dignité et à la liberté pour le peuple algérien. Dans un de ces articles, il conclut son texte par cette proclamation prodromique : « Prenez garde gouvernants, au réveil des esclaves ! » (dans d’autres articles, il emploie fréquemment cette sentence visionnaire : « Prenez garde qu’un jour les parias en aient marre et qu’ils ne prennent les fusils »). Le 1 novembre 1954, ses frères révolutionnaires algériens prennent les fusils.
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En 1929, Saïl fustige dans La Voie libertaire « les folliculaires appointés des grands bourreurs de crânes [qui] proclameront, en de massives colonnes, les vertus civilisatrices de la France ». En 1931, lors de l’exposition coloniale internationale organisée à Paris, Mohamed Saïl est alors secrétaire du Comité de défense des Algériens contre les provocations du centenaire.
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Saïl proteste contre cette foire coloniale: « Que nous a donc apporté cette France si généreuse dont les lâches et les imbéciles vont partout proclamant la grandeur d’âme ? Interrogez un simple indigène, tâchez de gagner sa confiance. L’homme vous dira de suite la lamentable situation de ses frères et l’absolue carence de l’administration française devant les problèmes d’importance vitale. La presque totalité de la population indigène vit dans la misère physique et morale la plus grande. Cette misère s’étale largement. Dans les villes d’Algérie, ce ne sont, la nuit venue, que gens déguenillés couchés sous les arcades, sur le sol. Dans les chantiers, les mines, les exploitations agricoles, les malheureux indigènes sont soumis à un travail exténuant pour des salaires leur permettant à peine de se mal nourrir. Commandés comme des chiens par de véritables brutes, ils n’ont pas même la possibilité de recourir à la grève, toute tentative en ce sens étant violemment brisée par l’emprisonnement et les tortures. N’ayant aucun des droits de citoyen français, soumis à l’odieux et barbare code de l’indigénat, les indigènes sont traînés devant des tribunaux répressifs spéciaux et condamnés à des peines très dures pour des peccadilles qui n’amèneraient, dans la métropole, qu’une simple admonestation. Toute presse indigène étant interdite, toute association étant vite dissoute, il ne subsiste, en Algérie, aucune possibilité de défense pour les malheureux indigènes spoliés et exploités avec la dernière crapulerie qui puisse exister. »
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Quelques temps après, il publie une nouvelle diatribe dans le même journal contre « les caïds (fonctionnaires algériens œuvrant pour l’État français), la vieille aristocratie féodale et les représentants religieux algériens » (en mai 1925, il a été incarcéré en Algérie après avoir conspué dans un café kabyle « le régime des marabouts qui bernent les populations »). En tant que anarchiste ( communiste libertaire), internationaliste, son combat anticolonialiste était étroitement lié à son engagement anticapitaliste. Le sort du peuple algérien colonisé était lié à celui des travailleurs français dominés et exploités. Pour Saïl Mohamed, le peuple français (les travailleurs et humbles français) ne sont pas coupables des ignominies coloniales. C’est pourquoi il appelait de ses vœux le peuple algérien colonisé et les masses françaises exploitées à unir leurs forces pour lutter respectivement contre le colonialisme et le capitalisme (qui est une seule et même chose), pour renverser leurs maîtres. Le combat de Saïl se place par-delà les divisions communautaires, ethniques ou religieuses.« Les bourreaux, de partout, sont de la même race. »
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En 1932, dans son journal L’Éveil social, il exhorte le « peuple algérien, peuple esclave » à se lever, à se révolter.
Quelques années plus tard, traitant de la question de l’exil (l’expatriation en France), il s’oppose à l’émigration des Algériens. En effet, il évoque comme raison le déchirement du déracinement, l’éclatement des familles, la souffrance de l’exil, et surtout le traumatisme de l’exploitation patronale en métropole : « On se débrouille mieux lorsqu’on est chez soi, et en Afrique du Nord la solidarité jouerait à plein»).
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Voici quelques extraits des écrits de Saïl Mohamed

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« Messieurs les bourgeois et vos valets de tous poils, et malgré la haute prétention du napoléon et (…) qui espère museler les «subversifs » (…), le groupe anarchiste algérien est décidé à démontrer à l’opinion publique vos crimes, vos ignominies que vous voulez baptiser du mot « civilisation». »
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(1929)
« Les colonisateurs et les marchands ont suivi la route tracée dans le sang du peuple arabe par les conquérants ; les uns ont dépossédé les indigènes et courbé sous leur joug hommes, femmes et enfants ; les autres se sont efforcés d’acquérir pour rien les produits naturels tout en vendant fort cher ce qu’ils apportaient. Concessionnaires et banquiers sont venus doubler l’ancien esclavage et, unis à la féodalité indigène, ont fait régner dans le pays conquis la plus dure exploitation. »
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« Ainsi ce peuple, qui ne demandait rien à personne, a vu s’ajouter à la tyrannie de ses anciens maîtres celle des maîtres nouveaux. »
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« Économiquement et politiquement, le peuple algérien est absolument esclave, deux fois esclave. Il ne possède réellement que deux droits : souffrir et payer, souffrir en silence et payer sans rechigner. »
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« Les Algériens qui ont pu quitter ce pays inhospitalier sont solidaires de leurs frères restés de l’autre côté de la Méditerranée. »
« Ils espèrent que leur appel sera entendu tout particulièrement par leurs frères : les travailleurs français. Et, en revanche, ils assurent ceux-ci de leur solidarité dans les luttes qu’ils entreprendront pour la libération commune. Ils savent que Français et Algériens n’ont qu’un ennemi : leur maître. Fraternellement unis, ils sauront s’en débarrasser pour fêter ensembles leur affranchissement. »
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(1930)
« Non, n’attendez rien d’Allah, les cieux sont vides et les dieux n’ont été créés que pour servir l’exploitation et prêcher la résignation… »
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« Nous ne sommes pas adversaires de l’organisation de groupes d’autodéfense du prolétariat… Coup pour coup ! Œil pour œil ! Dent pour dent ! Tels doivent être les mots d’ordre de lutte antifasciste… »
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« Vos exploiteurs ne vous considèrent pas comme des hommes, mais comme des esclaves bons à tout supporter… »
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« Aux travailleurs algériens ! Bravo ! Tu commences à te réveiller, tu entres dans la lutte sociale après avoir compris que tu es trop opprimé. Mais, hélas ! Croyant te libérer de la peste française qui te ronge, tu veux te rejeter vers le choléra islamique, qui te détruira pareillement, ou vers la politique, qui te dévorera […]. Anarchistes, nous te disons : À bas tous les gouvernements et tous les exploiteurs, qu’ils soient roumis ou musulmans, car tous veulent vivre sur le dos des travailleurs… »
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(1935)
« Jaloux des lauriers du pape Staline qui est en train d’imposer sa dictature au monde arabe, tel l’Iran et la Turquie dont il veut s’accaparer, en vertu sans doute du droit des peuples à se diriger eux-mêmes, nos communistes repartis de France tentent de vous imposer avec une fausse doctrine dont le but est de profiter de votre crédulité… Travailleurs algériens ! Pour qu’il n’y ait plus de caïds, de députés ou de marabouts endormeurs du peuple venez avec nous ! »
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(1946)
« Pour l’indigène algérien, la discipline est une soumission dégradante si elle n’est pas librement consentie. Cependant, le Berbère est très sensible à l’organisation, à l’entraide, à la camaraderie mais, fédéraliste, il n’acceptera d’ordre que s’il est l’expression des désirs du commun, de la base. Lorsqu’un délégué de village est désigné par l’Administration, l’Algérie le considère comme un ennemi. »
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« Tout le monde parle encore de Dieu, par habitude, mais en réalité plus personne n’y croit. »
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« J’avoue que le dieu arabe de nos sinistres pantins d’Algérie a bien fait les choses, puisque la guerre judéo-arabe nous révéla que les chefs de l’islamisme intégral ne sont rien d’autre que de vulgaires vendus aux Américains, aux Anglais, et aux Juifs eux-mêmes, leurs prétendus ennemis. Un coup en traître pour nos derviches algériens, mais salutaire pour le peuple qui commence à voir clair. »
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« Rien à faire, les Algériens ne veulent ni de la peste, ni du choléra, ni d’un gouvernement de roumi, ni de celui d’un caïd. D’ailleurs, la grande masse des travailleurs kabyles sait qu’un gouvernement musulman, à la fois religieux et politique, ne peut revêtir qu’un caractère féodal, donc primitif. Tous les gouvernements musulmans l’ont jusqu’ici prouvé. »
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« Quant au nationalisme que j’entends souvent reprocher aux Algériens, il ne faut pas oublier qu’il est le triste fruit de l’occupation française. Un rapprochement des peuples le fera disparaître, comme il fera disparaître les religions. Et, plus que tout autre, le peuple algérien est accessible à l’internationalisme, parce qu’il en a le goût ou que sa vie errante lui ouvre inévitablement les yeux. On trouve des Kabyles aux quatre coins du monde ; ils se plaisent partout, fraternisent avec tout le monde, et leur rêve est toujours le savoir, le bien-être et la liberté. »
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« Le Kabyle est capable d’entraîner le reste du peuple algérien dans la révolte contre toute forme de centralisme autoritaire. »
« Les Algériens se gouverneront eux-mêmes à la mode du Village, du douar, sans députés ni ministres qui s’engraissent à leurs dépens, car le peuple algérien libéré d’un joug ne voudra jamais s’en donner un autre, et son tempérament fédéraliste et libertaire en est le sûr garant. C’est dans la masse des travailleurs manuels que l’on trouve l’intelligence robuste et la noblesse d’esprit, alors que la horde des « intellectuels » est, dans son immense majorité, dénuée de tout sentiment généreux. »
« Prenez garde qu’un jour les parias en aient « marre » et qu’ils prennent les fusils pour les diriger contre leurs véritables ennemis, au nom du droit à la vie… »
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(1951)
“Le plus bel hommage que nous puissions rendre à un auteur n’est pas de rester attachés à la lecture de ses pages, mais plutôt de cesser inconsciemment de lire, de reposer le livre, de le méditer et de voir au-delà de ses intentions avec des yeux neufs.” Charles Morgan
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Mesloub Khider

1- Le poème de Jacques Prévert «Étranges étrangers » peut être entendu sur YouTube : https://youtu.be/r0iuoPzkXg4