LA FAILLITE DU DOGME NÉOLIBÉRAL… et son alternative

Recherche menée par Robert Gil

painting3Dans les années 80, le Premier ministre britannique Thatcher et le Président Reagan ont dépeint le capitalisme néolibéral ou “marché-libre” comme le système idéal, un dogme qui s’est prolongé jusqu’à nos jours malgré son échec cuisant et des alternatives possibles, affirme Sam Ben-Meir.

Le 13 octobre marquait l’anniversaire du défunt Premier ministre britannique Margaret Thatcher – il serait peut-être judicieux de s’arrêter un instant pour considérer à quel point le thatchérisme continue de dominer le paysage du capitalisme mondial.

A l’apogée de sa carrière politique, durant les années 80, Thatcher affirmait que sa mission était de changer l’esprit, changer l’univers conceptuel dans lequel les gens vivent, et son idée selon laquelle “il n’y a pas d’alternative” (TINA) s’est si profondément ancrée dans nos esprits et notre conscience qu’il semble que nous ne puissions plus imaginer qu’il existe une alternative au capitalisme.

Le néolibéralisme de Thatcher était caractérisé par la dérégulation (en particulier dans le secteur financier), la suppression d’emplois, les attaques contre les syndicats et les privatisations d’entreprises publiques. Aussi bien Thatcher que Ronald Reagan ont supervisé le virage vers une version plus laxiste du capitalisme, qui, dans les faits, inversa le mouvement initié à la suite de la crise de 1929 vers plus d’interventions de l’État et un capitalisme social-démocrate.

Il est grand temps d’enterrer ce concept de TINA. Rappelons-nous que dans les années 30, il ne faisait pas de doute qu’il existait une alternative. Après la Seconde Guerre mondiale, une alternative émergea dans laquelle l’État était fortement impliqué ; et les taux d’imposition étaient très élevés aux États-Unis.

Donald Trump répéta ce mensonge au cours du deuxième débat présidentiel, mais les faits lui donnent tort. En 1945, le taux marginal d’imposition sur les plus hauts revenus était de 92% ; il ne descendit jamais sous les 70% jusqu’à ce que Reagan ne l’abaisse à 30%.

En 1981, Reagan a fortement réduit le taux d’imposition, qui affectait les foyers aux plus hauts revenus, et a abaissé le taux d’imposition marginal de 70 à 50% ; en 1986, il réduit de nouveau ce taux à 28%. De 1945 à Reagan, la croissance économique moyenne aux États-Unis s’établissait entre 4 et 5% par an : l’une des plus grandes périodes de prospérité dans l’histoire américaine, durant laquelle le taux marginal d’imposition ne descendit jamais sous les 70%.

Depuis Ronald Reagan, le taux marginal d’imposition a oscillé entre 35 et 39% et la croissance économique depuis les années 70 a été de 2%. Malgré les affirmations absurdes de Trump prétendant le contraire, les Américains demeurent parmi les citoyens les moins taxés des nations industrialisées, avec 28 points de PIB, contre 36% pour les 38 membres de l’OCDE.

Donc quelle est l’alternative ? En fait, nous faisons face à une faillite des idées. Il y a une avalanche de critiques négatives du capitalisme ; et relativement peu de critiques positives. Nous devons tout d’abord prendre conseil auprès de David Harvey, professeur d’économie à l’Université de New York et regarder à l’intérieur du système économique lui-même pour trouver d’éventuelles solutions.

Observez par exemple comment les entreprises d’aujourd’hui sont gérées : elles ont un système de contrôle à travers leur chaîne d’approvisionnement. Leurs opérations sont centralisées, de manière sophistiquée et efficace. On peut facilement imaginer adopter cette méthodologie et la diriger à destination d’objectifs sociaux autres que la simple augmentation des bénéfices.

Un autre élément commun à toute alternative viable doit être mentionné ; et il contrebalance le besoin de centralisation – on le nomme autogestion. Le principe de salariat autogéré étend et renforce les principes démocratiques au-delà du domaine politique.

Chaque entreprise est dirigée par ceux qui y travaillent, et ce sont eux qui ont le pouvoir de décision quand il faut déterminer, par exemple, ce qu’il faut produire, quelle quantité et pour qui ; combien de dividendes doivent être distribués ; et comment l’entreprise doit être organisée et administrée. L’autogestion est un processus collectif basé sur des objectifs communs de personnes réunies dans une organisation productive gérée en coopération.

La première condition essentielle pour l’existence de l’autogestion est que la direction de l’entreprise soit confiée à tous ceux qui y travaillent. Le point crucial est que l’entreprise est ici contrôlée par les travailleurs eux-mêmes et non par les détenteurs du capital : en d’autres mots, ceux qui sont le plus impliqués dans la production de biens et de services ont le contrôle sur cette production.

Ceci est une condition sine qua non pour les travailleurs autogérés. Un processus démocratique est nécessaire pour répondre à cette condition ; où les objectifs peuvent être définis en interne, et où il y a l’égalité des droits de vote parmi tous ceux qui travaillent dans l’entreprise et idéalement, l’égalité des chances de participer démocratiquement à la gestion des affaires de l’organisation.

La démocratie économique est un pilier central de la légitimité dans un système pleinement démocratique. Le lieu de travail doit être un espace dans lequel les individus acquièrent les compétences participatives, des valeurs et des expériences qui forment un système démocratique vivant. Ce genre d’« entrainement social » est sévèrement entravé par les formes dominantes de l’aliénation.

L’autogestion est essentielle à la formation d’un travail communautaire non aliénant et facteur de productivité – elle façonne un espace dans lequel les gens se réunissent, non seulement pour répondre à leurs besoins financiers, mais aussi leur besoin de communauté, de dialogue et d’épanouissement au travail. Le thème de l’autogestion est particulièrement opportun : dans l’ère du capitalisme mondialisé, la démocratisation économique est plus pertinente que jamais. Heureusement, il y a beaucoup de preuves empiriques qui montrent que les entreprises autogérées réussissent aussi bien, sinon mieux, que les entreprises gérées classiquement.

Nous savons également que les managers qui sont employés dans les entreprises dans lesquelles les travailleurs ont de l’influence ont tendance à être plus enclins à responsabiliser les travailleurs : cela ne serait guère le cas si ces projets n’étaient pas des succès. La démocratie au travail est capable de satisfaire “l’impératif d’efficacité” – cela ne fait plus aucun doute. Sinon, personne ne voudrait que la démocratisation soit étendue au monde du travail. L’autogestion resterait au mieux une théorie inutile.

D’après la Fédération des coopératives américaines (U.S. Federation of Worker Cooperatives), il existe plus de 300 lieux de travail démocratiques rien qu’aux États-Unis, qui emploient des milliers d’individus et générant plus de 400 millions de dollars de revenus annuels. Le fait est que de plus en plus de gens ordinaires veulent de la démocratie au travail, et une telle attitude envers le changement social est une condition absolument nécessaire.

Donc, en l’honneur de l’anniversaire de Margaret Thatcher, prouvons à nous même, au monde, et ainsi aux générations futures qu’il y a réellement une alternative au système capitaliste mondialisé qui augmente la pauvreté, la misère et la relégation ; qui saccage l’environnement et prive l’Homme d’un environnement vivable, tout cela au nom d’un impératif fou que l’on peut résumer en un seul mot : la croissance.

Par le Dr. Sam Ben-Meir, qui enseigne la philosophie à l’Eastern International College.

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