Pourquoi la Seconde Guerre mondiale n’a pas entraîné la Révolution mondiale?

Par Nuevo Curso. Le 18.11.2018. Sur Nuevo Curso.  Traduit de l’espagnole par Robert Bibeau pour   http://www.les7duquebec.com
 

Mars 1943

 
Grève massive en Italie, qui a entraîné l’implosion de l’État fasciste et momentanément l’avancée des Alliées libérant une partie du pays de l’armée allemande. La « grande question » est de savoir pourquoi la Seconde Guerre impérialiste mondiale n’a pas été transformée, comme la Première, en une vague révolutionnaire mondiale malgré les soulèvements en Grèce et en Italie et la résistance des travailleurs en Grande-Bretagne et en France.
Le mouvement ouvrier mondial aurait dû triompher de l’ancien monde capitaliste et de la contre-révolution russe pendant ou juste après la Seconde guerre impérialiste. La guerre était à la fois le résultat de la crise du mouvement syndical mondial et l’occasion de son relèvement et de sa victoire finale. Les causes idéologiques de la crise, et avec elles les organisations qui en ont été responsables, auraient dû être renversées et détruites. Mais il y a eu un phénomène inverse. Les organisations qui ont provoqué et exacerbé la crise ont accru leur pouvoir organique sur la classe ouvrière, la liant plus fortement qu’auparavant au système général de la contre-révolution mondiale.
 
D’autre part, le mouvement communiste n’a atteint nulle part la force organique, l’autorité idéologique et le prestige combatif qui donnent à un parti révolutionnaire sa qualification en tant que tel. Ce résultat ne peut en aucun cas être accidentel et encore moins le produit de circonstances objectives. La crise du mouvement ouvrier mondial a acquis un statut officiel en 1914, lorsque la Deuxième Internationale est passée au camp capitaliste. La Révolution russe de 1917 a inversé le mouvement et assuré la reprise avec vigueur. Mais peu de temps après, le Thermidor stalinien arriva pour ajouter ses propres facteurs de crise idéologique à l’ancien facteur réformiste. Depuis lors, le stalinisme a approfondi sa dégénérescence, s’accaparant du prestige du pays de la révolution, de l’argent et des ordres stricts de la caste qui a détruit cette même révolution.
 
La désertion sociale-démocrate (1914) était sérieuse, très sérieuse et coûteuse pour le prolétariat, mais l’intransigeance des bolcheviks en a diminué l’importance et le triomphe du prolétariat russe a condamné la social-démocratie à une défaite certaine et précoce. En se retournant contre la Révolution russe et en s’enchainant à la Troisième Internationale, le Thermidor stalinien a coïncidé avec la désertion sociale-démocrate, a entravé le redressement complet du mouvement ouvrier et a immédiatement aggravé la crise du mouvement prolétarien.
 

Une révolution triomphante le 19 juillet 1936 en Espagne

 

De la Révolution espagnole à la Révolution chinoise, la politique étrangère stalinienne a développé son cycle dégénératif, qui commence par une complicité (opportunisme idéologique) avec la petite bourgeoisie et la bourgeoisie du Kuomintang et aboutit à la destruction par sa propre main de la Révolution chinoise.

 
Dans ce cycle, on assiste à une duplication de l’évolution du Thermidor stalinien en Russie qui va de la suppression de la démocratie prolétarienne et de l’opposition de gauche à l’extermination de la vieille garde bolchevique et de dizaines de milliers de militants, des procès de Moscou et du meurtre de Trotski, un effet différé de ceux-ci. Le gouvernement russe et son pôle externe, le stalinisme mondial, ont laissé derrière eux l’ancienne social-démocratie, devenant tous deux, étroitement unis, et la cause la plus importante et la plus dangereuse de la crise du mouvement ouvrier mondial. Une cause réactionnaire qui, en plus, dispose du GPU, une force de police internationale organisée et subventionnée à hauteur de millions de roubles!
Des corps brûlés dans les rues et une ville dévastée, tout ce qui restait de Dresde après les bombardements alliés, une ville sanctuaire pour les blessés et les personnes déplacées. Churchill a ordonné que les massacres à la bombe évitent à Hitler une révolte ouvrière qui pourrait ouvrir la voie à une révolution européenne puis mondiale. Le premier point à comprendre dans la situation mondiale sans laquelle la compréhension de la conjoncture d’ensemble reste floue et l’action internationale devient stérile.
 
L’État et le gouvernement russes, loin d’avoir pour base les vestiges de la révolution bolchevique prolétarienne de 1917, représentent à l’égard de ce dernier la contre-révolution la plus féroce et la plus complète. À lui seul, le gouvernement russe stalinien a beaucoup plus contribué à la défaite de la révolution mondiale et à l’état de prostration des masses que tous les anciens gouvernements capitalistes réunis. Oui, la politique de la Russie de l’époque et le stalinisme mondial, la défense de ses intérêts économiques, ont découragé les espoirs et les aspirations de l’homme beaucoup plus sévèrement que la capitale financière de Wall Street et les pays capitalistes avec leurs armées et leurs forces de police respectives.

Sans Moscou et le stalinisme mondial, la guerre impérialiste n’aurait pas commencé

 
C’est-à-dire qu’elle aurait été évitée avec la révolution européenne ou aurait été transformée rapidement et victorieusement en guerre civile. L’action spontanée des masses sous l’occupation nazie a agi dans cette direction, mais le stalinisme et le capitalisme mondial, dans une formidable manifestation d’unité, les ont attirés vers le soutien de la guerre impérialiste par le biais de mouvements nationalistes. Nous sommes donc aujourd’hui confrontés à la domination la plus complète et la plus réactionnaire du monde par les trois grands vainqueurs de la Seconde guerre, ce qui signifie la menace permanente d’une nouvelle guerre impérialiste et donne aux masses un sentiment amer de frustration et de promesse d’aliénation et de domination stalinienne réformiste.
 

La crise du mouvement ouvrier mondial fut résolue par la capacité organique du stalinisme (la social-démocratie étant devenue secondaire) de paralyser l’activité des masses pendant et après la guerre dans le sarcophage construit ensemble malgré leurs différents, par les anciens politiciens impérialistes et ceux de la contre-révolution russe.

 

Quelques textes sur les débats au sein de la IVe Internationale

 

« Natalia Sedova. En tant que noyau en régénération, la IVe Internationale aurait dû se développer en tant que parti mondial qui se bat pour transformer la guerre impérialiste en guerre civile et adapter sa tactique, ses arguments généraux et ses slogans aux changements survenus ou manifestés clairement au cours de la guerre. Les erreurs non corrigées sous chacun de ces aspects et la persistance de la tactique et des slogans inappropriés aux événements ont inévitablement entraîné de graves dommages politiques et organiques pour la IVe Internationale. On ne peut douter un instant que ce dernier soit la cause principale de notre faible développement et de la crise particulière que traverse l’Internationale, crise exprimée par diverses tendances et sous tendances aux points de vue contradictoires et même radicalement opposés. L’Internationale, et ses principaux partis à l’époque où elle n’existait pas en tant que pôle de gestion, ont commis de graves erreurs et ont persisté dans des slogans qui auraient dû être abandonnés. Mais la plus grande erreur est qu’à ce jour la IVe Internationale ne semble pas disposé à corriger ses erreurs du passé et à abandonner des slogans obsolètes. Et contre cela, tout le monde devrait être vigilant, car cela pourrait être désastreux. G. Munis, après avoir donné la réponse de Trotski à ses obsèques, s’entretient avec sa partenaire Arlette Monnerie et Natalia Sedova: dans les années 1940, le seul endroit où un parti capable de diriger la révolution et de mettre fin à la guerre aurait pu être la IVème Internationale créée par Trotsky en 1938 sur le regroupement des groupes les plus divers, dont beaucoup sont extrêmement faibles dans leur positionnement politique. Dans ce contexte, la lutte de la section espagnole, dirigée par Natalia Sedova-Trotsky, Benjamin Péret et Grandizo Munis, héritiers de la gauche communiste espagnole, est fondamentale pour comprendre l’histoire du siècle et de notre classe. C’est la raison pour laquelle nous avons publié, pour la première fois en espagnol, des textes et correspondances reflétant la bataille politique et organisationnelle de ces années, une véritable autopsie d’une Quatrième Internationale déchirée entre l’internationalisme et devenue ce que l’on a appelé plus tard le « trotskisme ». » (1)

 

Deuxième Congrès de la IVe Internationale, Paris, 1948. De gauche à droite: Pierre Favre (PCI France), S. Santen (RCP Hollande), Pierre Frank (PCI), Jock Haston (RCP GB), Colin de Silva (LSSP, Ceylan) et G. Munis (Espagne) Nous accompagnons ces textes fondamentaux de deux pamphlets publiés en 1944:  « Le Parti socialiste ouvrier et la guerre impérialiste » qui dénoncent la lâcheté et la renonciation au défaitisme révolutionnaire de SWP, l’organisation qui dirigea la IVe Internationale pendant la guerre et « Le manifeste des exégètes« , qui confronte les positions de la gauche face à la « pré-conférence » à laquelle la direction de IVª avait l’intention d’affirmer et de blanchir sa politique d’après-guerre avant le deuxième Congrès mondial qui s’achèverait définitivement avec la dénonciation de l’organisation internationale par son aile internationaliste. (2)

 


 

Notes

 
 
(1)   Natalia Sedova, Benjamin Péret y G. Munis. Carta abierta al Partido Comunista Internacional, sección francesa de la IVª Internacional, junio de 1947, en «La IVª Internacional en Peligro (1944-4
(2)   Tous les textes sont en version PDF pour la lecture ou l’impression et au format éditable MarkDown (.md). Le format de démarquage peut être ouvert avec n’importe quel bloc-notes ou avec un éditeur spécialisé tel que Typora.
 


 

Descarga y lee

 
«La IVª Internacional en peligro» (pdf)
«La IVª Internacional en peligro» (md editable)
«El Socialist Worker Party y la Guerra imperialista» (pdf)
«El Socialist Worker Party y la Guerra imperialista» (md editable)
«El Manifiesto de los exegetas» (pdf)
«El Manifiesto de los exegetas» (md editable)

Robert Bibeau

Auteur et éditeur

5 réflexions sur “Pourquoi la Seconde Guerre mondiale n’a pas entraîné la Révolution mondiale?

  • 24 novembre 2018 à 15 h 05 min
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    Les syndicats sont des bordels et les partis les meilleurs proxénètes des masses!

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  • 27 novembre 2018 à 12 h 27 min
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    Salut à toute et à tous,
    La « deuxième guerre mondiale » fut en réalité
    une guerre contre la révolution,
    une guerre qui commença en 1936 en Espagne,
    une guerre qui détruisit le Front populaire en France,
    une guerre qui voulut détruire aussi l’URSS
    mais une guerre où les nazis furent vaincus par l’URSS !
    http://mai68.org/spip/spip.php?article3490
    Bien à vous,
    do
    http://mai68.org/spip2
    Mao Tse Toung : « Les communistes n’ont pas peur d’une troisième guerre mondiale ; parce que la première a provoqué la révolution dans la Russie, parce que la deuxième a provoqué celle de la Chine, et qu’une troisième guerre mondiale provoquerait la révolution dans le monde entier. »

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  • 17 décembre 2018 à 14 h 03 min
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    « les conditions objectives et subjectives de la révolution n’étaient pas mures. Cette immaturité objective se reflétait dans le niveau de conscience subjective de la classe révolutionnaire »…… »Une révolution sociale ne survient jamais dans une période d’expansion d’un mode de production. Une révolution sociale ne survient que dans les périodes de régression économique, et par conséquent politique et idéologique, dans les périodes de décadence morale et de grande misère sociale. »(Votre article sur AgoraVox )
    Robert Bibeau se réveille ! Enfin ! Toutes mes félicitations !
    Cela fait plus d’une année que j’ai découvert le même chose : tant que les salariés seront dominants dans la population active, la révolution communiste est impossible !
    Plus on remonte dans l’Histoire, plus on s’aperçoit de la même chose :
    1) il a fallu que les esclaves soit minoritaire pour que l’esclavage antique soit aboli vers l’an mill en Europe de l’Ouest !
    2) il a fallu que les serfs soit minoritaire pour que le servage soit aboli en Angleterre à la fin du 16 eime siècle ! en France en 1789 !
    3) Depuis la seconde moitié du 19ème siècle, les salariés sont majoritaires en Europe de l’Ouest et aux USA mais n’ont-ils pas rejeté avec vigueur le communisme de Marx en Europe de l’Ouest ? et en URSS ?
    Et maintenant avec des millions de chômeurs partout, on continue à réclamer encore des emplois…salariés ! Des hausses de…salaires ! Et l’abolition du salariat ? Une Utopie !
    Malgré ce réveil tardif(j’étais seul à parler de ça sur AgoraVox ! Actuellement sur mon blog ), il faudra sans doute, à notre brave Robert Bibeau, un peu plus de péripéties théoriques, pour penser, je l’espère, la lutte des superclasses.
    Car oui, entre chômeurs et salariés, l’antagonisme est violent et vivace.Et sans la théorie des superclasses, impossible de l’expliquer scientifiquement.
    Il faudra faire son deuil du vieil concept de « Prolétariat  » de Marx et Engels. Ce sont les chômeurs, en tant que majorité de la population active, feront le communisme demain sous peine d’anéantissement.
    Les hommes l’ont fait plusieurs fois dans l’histoire et ne manqueront pas de la faire.

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    • 18 décembre 2018 à 5 h 33 min
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      @ Zaouder
      Que de choses à dire à propos de votre post qui pose de belles questions j’en conviens
      Ne nous emballons pas et allons-y systématiquement
      1) Il me faudrait des explications = une présentation de ce concept de super-classe que je ne connais pas. Merci à l’avance
      2) Je mets solidement en doute votre affirmation à l’effet que :  » il a fallu que les serfs soit minoritaire pour que le servage soit aboli en Angleterre à la fin du 16 eime siècle ! en France en 1789 ! » NOTAMMENT en Russie de 1917 les chiffres consultés donnent 3-5 millions de prolétaires pour 135 millions de moujiks = serfs analphabètes et pauvres D’OU la Révolution d’octobre fut bien une révolution anti-féodale = servage = et pas du tout une révolution prolétarienne selon moi
      3) Vous écrivez : « les salariés sont majoritaires en Europe de l’Ouest et aux USA mais n’ont-ils pas rejeté avec vigueur le communisme de Marx en Europe de l’Ouest ? et en URSS ?  » Les ouvriers et autres travailleurs salariés n’ont en aucun cas NI rejetés le « communisme » NI endossés le « capitalisme » au cours de ces années en Europe ou aux USA = PAS DU TOUT. Qui leur a demandé leur avis ?? Pendant les 30 glorieuses et après avec l’État dit « Providence » le grand capital hégémonique – omnipuissant a acheté et obtenu la paix sociale dans ces régions grâce à un taux moyen de profit et une valorisation phénoménale du capital. Le prolétariat (un peu moins exploité physiquement mais plus aliéné psychologiquement) a laissé faire il n’a endossé aucune des solutions bourgeoises capitaliste libérale ni capitaliste d’État soi-disant communiste de Marx (sic) et resic
      4) Aujourd’hui que les 30 abominables s’éternisent l’opinion du prolétariat commence à poindre malgré les médias menteurs et le capitalisme libéral ou dirigiste étatique en prennent pour leur rhume à mon humble avis
      5) Vous écrivez ensuite : « Car oui, entre chômeurs et salariés, l’antagonisme est violent et vivace. » Des preuves SVP des événements de guerre de classe entre chômeurs et travailleurs en chantiers – en usines et dans les moyens de transport et de communication… personnellement je ne connais pas de telles tueries entre chômeurs (travailleurs de réserve paupérisés) et salariés (travailleurs en cours de paupérisation suite à la crise économique systémique
      6) Dernier verset de votre prophétie vous écrivez ceci :  » Ce sont les chômeurs, en tant que majorité de la population active, feront le communisme demain sous peine d’anéantissement. » Mais Marx disait que les chômeurs sont des prolétaires de réserve qui permettent aux exploiteurs capitalistes de maintenir la pression à la baisse sur les salaires des salariés faisant jouer la misère des uns contre celle des autres. Vous avez raison de signaler qu’au plus profond de la crise systémique à venir les prolétaires en chômage pourraient devenir majoritaire en nombre de salariés exploités… et ce sera la mort du capital assuré.
      Merci de votre post
      robert Bibeau Éditeur http://www.les7duquebec.com

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  • 20 décembre 2018 à 11 h 23 min
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    Bonjour Robert
    Je reçois tes email, mais,en contrepartie, à chaque fois que je te réponds, mes réponses ne te parviennent pas. je en sais pas ce qui se passe avec ta boîte email. Confirme-moi une adresse valable. merci. Chérif

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