Taxe sur le carburant: la goutte qui a amorcé la révolte sociale en France

Par Mesloub Khider.  Le 1.12.2018. Sur le webmagazine http://www.les7duquebec.com
 

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«Leur pédagogie c’est de nous parler comme à des enfants de cinq ans».
Un Gilet jaune

 

L’union sacrée pour sauver la France ou le capital français ?

 

En 1914, la bourgeoisie colonialiste impérialiste française, pour justifier le déclenchement de la guerre (contre ses prolétaires envoyés à la mort ou transformés en soldats salariés exploités dans les usines œuvrant au service de l’armement), présentait l’argument de la défense de la civilisation contre la barbarie allemande.

 

Quatre ans durant, le peuple français a dû payer l’impôt du sang et le sacrifice de ses conditions de vie pour sauver la patrie capitaliste en danger. Pour que, au final, ces mêmes dirigeants capitalistes prétendument ennemis signent l’armistice le 11 novembre 1918, afin d’unir leurs forces armées contre le nouveau danger contre l’humanité : la nouvelle république soviétique.

 

Moins d’une décennie plus tard, cette même France colonialiste enrôlait sa population dans une propagande antihitlérienne, par une campagne nationaliste chauvine destinée à souder le peuple derrière sa classe dirigeante (exploitante), pour finir par s’allier au régime allemand dans une politique de totale soumission au projet expansionniste et exterminateur nazi du capital germanique. La classe dirigeante française se drape toujours du drapeau de l’intérêt national pour légitimer ses pires turpitudes, ses politiques criminelles, ses mesures antisociales. Le peuple a toujours payé un lourd tribut en se mettant à la remorque du char de l’État des riches, en se compromettant dans une union interclasses supervisée par les classes dirigeantes-exploitantes.

Aujourd’hui, après avoir des décennies durant encensé l’usage du carburant diésel jugé plus économique et écologique, le lobby de l’industrie de l’automobile, pour résoudre la crise du secteur automobile aux marchés fortement saturés, invente l’alibi écologique en vue de contraindre les travailleurs à renouveler le parc automobile par l’acquisition de nouveaux véhicules réputés “écologiques”(sic), lourdement subventionnés.

Force est de constater qu’en l’absence d’un réseau de transport public commun délibérément sous-développé, pour permettre aux industriels de l’automobile d’écouler leurs cercueils ambulants, la voiture est devenue de nos jours un moyen de transport  indispensable (l’espace urbain tout entier a été conçu en fonction de l’automobile). Particulièrement à notre époque aberrante où le lieu du travail s’est considérablement éloigné des domiciles des travailleurs, contraints désormais de payer chèrement leur trajet pour se rendre sur leur lieu d’exploitation. C’est le summum de l’aliénation.

 

L’alibi écologique fumiste

 

De toute évidence, le gouvernement macron, à la solde du capital financier mondial, s’est allié à cette mafia de l’industrie de l’automobile pour promulguer des mesures d’accompagnement « à la transition énergétique ». L’invocation de l’alibi écologique n’est pas innocente. Elle vise à culpabiliser tous les citoyens en vue de les persuader d’accepter les multiples taxes décrétées par le gouvernement Macron.  (1)  Il permet aussi de justifier l’obligation de renouveler le parc automobile français, pour le grand bénéfice du capital en crise. Au vrai, cet alibi écologique est une imposture. Car le capitalisme pollue plus gravement avec ses industries de guerre, ses avions, ses bateaux, ses fusées. De surcroit, si risque écologique il y’a, il concerne toute la planète, et non pas seulement la minuscule France. Et le principal responsable de la pollution est la bourgeoisie, avec ses industries destructrices, sans oublier ses nombreuses guerres “pétrolières”. Au reste, depuis trente ans, sur fond d’une écologie apocalyptique, les climatologues au service du capital, pour justifier leurs exorbitants salaires, nous alarment constamment avec leurs rapports catastrophistes. Ces propagandistes ont intégré l’idéologie écologiste apocalyptique pour détourner l’attention du peuple de la véritable catastrophe qui s’abat sur lui: d’où la dégradation générale et planétaire de ses conditions de vie.

 

Avec ses fables sur le réchauffement climatique, le capital invente chaque jour de nouveaux dérèglements stratosphériques pour nous imposer de nouvelles règlementations fiscales. D’où ces rackets financiers opérés aujourd’hui par le pouvoir mafieux macronien au nom de la prétendue sauvegarde de la planète.

 

Ainsi, la machiavélique classe bourgeoise use de l’alibi écologique non seulement pour dévoyer le peuple vers des luttes stériles, en lui faisant payer l’impôt écologique, mais aussi pour le déposséder de son projet d’émancipation social (affranchissement de l’humanité de l’exploitation capitaliste, cessation des guerres, arrêt de la destruction de la nature opérée par les industriels et non pas le peuple).

En France, le nouveau pouvoir mercenaire macronien, sous le fallacieux prétexte de la sauvegarde de la planète, a pris des mesures pour accroitre considérablement diverses taxes, et particulièrement la taxe sur le carburant. Cette dernière décision a provoqué une véritable levée de boucliers au sein du peuple français. Aussitôt, spontanément, grâce aux réseaux sociaux, de multiples citoyens (ouvriers, chômeurs, retraités, lycéens, professeurs, cadres, artisans, etc.) ont décidé de lutter contre cette énième mesure de racket. En dehors des structures bourgeoises d’encadrement traditionnel politique et syndical, ces travailleurs précarisés et prolétarisés se sont résolus à passer à l’action le 17 novembre 2018 par le blocage total des routes pour paralyser l’économie, et ainsi faire reculer le gouvernement Macron. Contrairement aux mouvements petits bourgeois “ Nuit debout” ou autres manifestations sociétales habituelles, amateurs des discussions politiciennes, ce prolétariat misérable du 21e siècle a placé d’emblée son combat sur le terrain de la lutte directe (la praxis insurrectionnelle).

En dépit de ses imperfections, de ses insuffisances, de son “amateurisme”, ce mouvement de masse, soutenu par plus de 80% de la population, a su s’imposer juste par la force de sa détermination de lutte exemplaire. Par son courageux combat inébranlable, il force le respect. Aujourd’hui, à travers le monde entier, à l’instar du chauvin méprisable mot d’ordre de guerre impérialiste françaiseJe suis Charlie”, tous les prolétaires peuvent s’écrier : Je suis Gilet jaune, mot d’ordre de lutte internationaliste contre le capitalisme.

Ce mouvement, ni syndicalement corporatif ni politiquement captif, par son caractère spontané, constitue le premier évènement de classe du 21e siècle. Réfractaire à l’alibi écologique, comme leurs devanciers révolutionnaires en 1914 indociles au mot d’ordre de l’union nationale, l’alibi du sacrifice pour la patrie en danger, ce mouvement refuse de s’acquitter de l’impôt de l’indignité. En dépit de la propagande étatique et médiatique (c’est un pléonasme), les gilets jaunes sont descendus massivement dans l’arène du combat le 17 novembre 2018. Résultat : plus de 300 000 Gilets jaunes ont occupé à travers la France des lieux stratégiques pour exprimer leur colère, pour paralyser le pays et son économie: plus de 2000 rassemblements et blocages de raffineries et approvisionnement des supermarchés, péage gratuit aux entrées d’autoroute.

Au-delà de la dénonciation de l’augmentation des carburants, ces manifestants ont exprimé une colère plus large, portant notamment sur l’accroissement de la CSG, la baisse des pensions, et de manière générale contre toutes les attaques menées par Macron depuis son intronisation au palais de l’Élysée.

À l’évidence, face aux protestations des Gilets jaunes, l’État macronien n’est pas disposé à céder, il ne le peut pas sans l’autorisation de ses patrons du grand capital qui préfère sacrifier le petit banquier que de laisser croire au prolétariat qu’ils reculeront. Bien qu’en mauvaise posture, Macron, aux ordres, est résolu à imposer ses mesures antisociales. Macron est fermement déterminé à ne pas s’incliner devant les manifestations de protestations, en dépit du risque insurrectionnel de la lutte des Gilets jaunes – ou à cause du risque insurrectionnel lui commande ses patrons du grand capital. Sa fermeté s’explique non par son inébranlable volonté due à sa stature d’un président inflexible, mais par sa soumission aux exigences de la mafia du capital européen.

 

Cette posture est un aveu de faiblesse de la part de la bourgeoisie française

Dans une de mes notes personnelles rédigées au lendemain de l’élection de Macron à la présidence, j’avais écrit que le capital français s’est tiré en vrai une balle dans le pied. En misant sur ce cheval (en vérité un canasson), au prix de la destruction du paysage politique classique bipartite traditionnelle animée par la droite et la gauche depuis plus d’un demi-siècle, pour mener une véritable guerre sociale contre les travailleurs, le capital français s’est grandement fourvoyé dans un projet politique irresponsable. En effet, Macron, ce mercenaire du capital, allait lamentablement échouer sa politique antisociale devant la résistance du peuple travailleur de France. La France n’est pas la Grèce. Le peuple français n’est pas semblable aux Grecs. Les travailleurs français ne vont pas se laisser tondre la toison sociale chèrement acquise sans se révolter. La France a une longue tradition de luttes sociales salvatrices. De révoltes politiques salutaires. De révolutions triomphantes. En fait, la solution Macron est de même nature que fut la solution Sarkozy, désespérée. Car il n’existe pas de solutions à la crise systémique du capitalisme à l’intérieur du capitalisme. Alors le grand capital se résigne à sacrifier un canasson à toutes les cinq années électorales bourgeoises reprenant chaque fois la mascarade du bouffon sauveur providentiel, tout aussi décevant que les précédents.

Aujourd’hui, le roi Macron est nu

 

Et le peuple français résolu à décapiter sa politique antisociale. Macron est totalement discrédité, disqualifié. Ses jours sont comptés. Son éviction est imminente. Le capital financier qui l’a placé au pouvoir s’apprête à le déloger, le limoger. Car, en l’espace d’un an de gouvernance, il s’est aliéné tout le peuple français. Il a acculé tout le peuple français à la révolte. La France est en ébullition. La Révolution frappe de nouveau à la porte de la France. Le pouvoir est sur le point d’être pris d’assaut par le peuple. De surcroit, par la destruction des partis politiques traditionnels, aucune formation n’est aujourd’hui en mesure de suppléer à la vacance imminente de l’État. Désormais, l’arène politique met aux prises directement le peuple face au pouvoir, sans partis politiques médiateurs, à gauche comme à droite et cela est une excellente nouvelle pour le prolétariat français.

À présent, le peuple réclame la démission de Macron. Et ce n’est certainement pas pour le remplacer par un autre cacique du pouvoir, un politicien corrompu incapable d’apporter la moindre amélioration aux conditions de vie des travailleurs dans le cadre de réformes pour le maintien du capitalisme, du moins nous l’espérons.

Au demeurant, ce mouvement de masse a connu sa première martyre le samedi matin 17 novembre 2018, dès la première heure des blocages. En effet, par la faute du terrorisme social étatique macronien, Chantal Mazet, une femme retraitée, est décédée sous les roues d’un 4/4 conduit par une bourgeoise résolue à franchir le barrage dressé sur la route, quitte à passer sur le corps d’un gilet jaune : à l’instar du pouvoir terroriste social macronien déterminé à sacrifier les corps des prolétaires par des mesures de paupérisation massive dignes du 19e siècle.

 

Le terrorisme social

 

En fait, le véritable terrorisme est perpétré quotidiennement par l’État français, par sa politique d’insécurité sociale infligée à l’ensemble du prolétariat et des classes populaires réduites à vivre dans la peur de l’implosion de leurs conditions d’existence de plus en plus précarisées et attaquées sans relâche par le capital terroriste assoiffé de valorisation capitalistique et d’accumulation financière. De fait, le terrorisme social sévit dans tous les pays. Il est plus dangereux et criminel que le terrorisme résiduel monté en épingle par les pouvoirs établis pour justifier l’encadrement policier du prolétariat et des classes populaires, et assurer la criminalisation de leurs luttes. Chaque prolétaire est aujourd’hui susceptible de voir sa vie exploser, dynamiter par les politiques terroristes antisociales imposées par les gouvernements, ces instances politiques mafieuses œuvrant au service du capital mondial. Daech  et ses quelques milliers de morts est un enfant de chœur devant le capital financier résolu à détruire les conditions de vie de millions et de milliards d’êtres humains, à terroriser par sa politique antisociale, à violer nos droits élémentaires de résistance par les répressions policières voire bientôt militaires (cf. Champs Élysées un certain samedi de résistance).

 

En conclusion

 

Certes ce mouvement des Gilets jaunes est inorganisé, mais c’est ce qui fait sa force. Aucun cacique syndical ou de la gauche politique ne peut vendre le mouvement pour quelques deniers. Contrairement à la propagande médiatique, il n’est pas apolitique, mais consciencieusement antipolitique bourgeoise et anticapitaliste. La différence est de taille. Il est foncièrement opposé à tous les partis politiques traditionnels inféodés au pouvoir, de gauche comme de droite. Il en est de même des organisations politiques d’extrême-gauche et d’extrême-droite qui dédaignent le mouvement et c’est tant mieux. En réalité, il récuse toutes les catégories politiques du mode de pensée bourgeois respectueuse de l’ordre établi. Même la résistance sur les Champs Élysées et la campagne médiatique qui l’a entourée n’a pas réussi à en briser l’unité (une première dans les annales médiatiques). Il se positionne d’emblée par-delà les préoccupations politiciennes et électoralistes bourgeoises classiques. Il place sa lutte dans l’arène du combat de rues offensif, et non dans la perspective de la palabre au sein de l’hémicycle parlementaire futile et inoffensif. Incidemment il n’y a pas encore de « chefs » qui soient sortis du lot et cela est un signe encourageant. De sa capacité de coordination à l’échelle nationale, sur la base de la désignation de représentants éligibles et révocables, dépend sa réussite. De sa résolution d’étendre son combat par l’ouverture d’assemblées générales permettant à tout le peuple de venir débattre démocratiquement de ses projets d’émancipation humaine découlera son succès. Jusqu’à présent, le mouvement des Gilets jaunes a compris la nécessité de combattre, mais n’a pas encore intégré l’utilité de débattre. Assurément, par crainte d’être récupéré par les spécialistes de la phraséologie (vous savez – le métier de la petite-bourgeoisie), ces adeptes de l’idéologie dominante (Nanterre et Sorbonne demeurez loin des Gilets jaunes SVP). Mais surtout pour éviter de prêter le flanc aux discussions abstraites sur les mesures écologiques et autres billevesées politiciennes.

Le mouvement prend peu à peu conscience que l’heure est à la transformation sociale, et non aux mesures réformistes cosmétiques. Les maquilleurs de la réalité sociale doivent se farder la figure de honte devant ce mouvement résolu à démasquer ces faussaires de la politique, ces fraudeurs de la vérité.

Lors de la manifestation du samedi 24 novembre organisée sur les champs Élysée, les Gilets jaunes ont subi un tombereau de calomnies de la part du gouvernement et des médias inféodés tous au pouvoir macronien. Le gouvernement a tenté de décrédibiliser les manifestants par des accusations de manipulation opérée soi-disant par l’« ultra droite » ; les journalistes ont, quant à eux, de manière éhontée, toute la journée, déversé leurs haines sur les manifestants accusés de « casseurs ».

 

Les véritables casseurs… de vie sont le gouvernement de Macron et ses mesures antisociales. Aux yeux de ces journalistes parasites bourgeois, briser une vitre d’un restaurant de l’avenue des Champs Élysée où ils se restaurent régulièrement en compagnie de leurs amis les politiciens est plus grave que de briser la vie des millions de travailleurs réduits, eux, à manger aux Restos du Cœur, par la faute de la politique de terrorisme antisocial imposée par le pouvoir de Macron.

 
 

« Quiconque attend une révolution sociale « pure » ne vivra jamais assez longtemps pour la voir. Il n’est qu’un révolutionnaire en paroles qui ne comprend rien à ce qu’est une véritable révolution. (…) La révolution socialiste (en Europe) ne peut pas être autre chose que l’explosion de la lutte de masse des opprimés et mécontents de toute espèce. Des éléments de la petite bourgeoisie et des ouvriers arriérés y participeront inévitablement : sans cette participation, la lutte de masse n’est pas possible, aucune révolution n’est possible. Et, tout aussi inévitablement, ils apporteront au mouvement leurs préjugés, leurs fantaisies réactionnaires, leurs faiblesses et leurs erreurs. Mais objectivement, ils s’attaqueront au capital, et l’avant-garde consciente de la révolution, le prolétariat avancé, qui exprimera cette vérité objective d’une lutte de masse disparate, discordante, bigarrée, à première vue sans unité, pourra l’unir et l’orienter, conquérir le pouvoir, s’emparer des banques, exproprier les trusts haïs de tous (bien que pour des raisons différentes !) et réaliser d’autres mesures dictatoriales dont l’ensemble aura pour résultat le renversement de la bourgeoisie et la victoire du socialisme. ». Lénine en 1916.

 
Mesloub Khider


 

NOTE

 

  1.  L’ironie de l’histoire dans ces multiples taxes instaurées par l’Etat français, c’est que, grâce à la TIPP ( taxe sur les hydrocarbures ), l’Etat gagne 5 fois plus que le pays producteur et les entreprises pétrolières réunis. Cela rien qu’avec la taxe carburant. Sans oublier les autres matières du pétrole. Toutes ces recettes extorquées aux travailleurs vont directement dans les caisses de l’Etat pour alimenter son budget de l’armement constamment en hausse. Autre moyen de racket opéré par l’Etat français contre les travailleurs : du 1 janvier au 31 juillet de l’année, le citoyen français travaille pour l’Etat via l’impôt sur le revenu et surtout via l’impôt indirect ( TVA et autres taxes de la vie courante ). Aujourd’hui, l’Etat bourgeois invente une taxe sur le climat. Dans le capitalisme sénile, même l’air que l’on respire est taxé.

Robert Bibeau

Auteur et éditeur

4 réflexions sur “Taxe sur le carburant: la goutte qui a amorcé la révolte sociale en France

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