Regard sur les "Nouvelles routes de la soie"

Par Luc Michel. Le 25.03.2019. Sur EODE.
 

REGARD SUR LES « NOUVELLES ROUTES DE LA SOIE »: LE GRAND PROJET UNIFICATEUR DE XI JINPING QUI BOULEVERSE LES LIGNES GÉOPOLITIQUES.

 

« Lorsque, au Ier siècle, les Romains ont édité leur première “carte routière”, connue sous le nom de Table de Peutinger, tous les chemins menaient à Rome. En 2018, on pourrait dire que les futures voies de circulation conduisent en Chine, tant ce pays est au cœur d’un nombre étourdissant de projets : des routes, des ponts, des voies ferrées et maritimes… L’ancien empire du Milieu est désormais l’une des premières puissances économiques mondiales. Et “l’usine du monde” mène des projets d’investissements colossaux, à l’image des nouvelles routes de la soie. C’est aussi une usine gourmande en énergie, alimentée au moyen de vastes réseaux de lignes électriques à ultra-haute tension … »   Tous les chemins mènent à Pékin (Atlas des nouvelles routes, 2018).

 
Avec les nouvelles routes de la soie, la Chine tisse une toile mondiale. Le projet des routes de la soie est désormais présenté par le gouvernement chinois comme un axe stratégique essentiel au XXIe siècle. Ce gigantesque projet chinois représente bien plus que la construction de voies ferroviaires à travers l’Europe et l’Asie ou la mise en place de liaisons maritimes. Il donne aussi l’occasion à la Chine de construire des alliances avec les 68 pays dans lesquels elle investit .  – Courrier International (14 sept. 2018). « D’ici à 2050, la Chine devra se hisser au premier rang du monde en termes de puissance globale et de rayonnement international »  – Le président chinois Xi Jinping  (19e congrès du Parti communiste chinois, 19 octobre 2017).


 
Voilà que tous les médias européens découvrent les « Nouvelles routes de la Soie » (ou « One belt one road », OBOR) à l’occasion du voyage de Xi Jinping en Europe. Un regard biaisé, déformé par la guerre économique globale ouverte par Trump. Et qui ignorait le partenaire russe de Pékin dans l’unification géoéconomique du continent eurasiatique (j’en expliquerai les raisons dans la Partie II), ainsi que le rôle-pivot du partenaire iranien de la Chine. La géoéconomie débouchant sur l’unification géopolitique (suivant les lois du développement des grands états en voie de développement de Friedrich List) (1). Pourtant les revues qui s’intéressent à la Géopolitique parlent depuis longtemps des « Nouvelles routes de la soie ». Le projet initial ayant été esquissé par le leader chinois dès 2013 !
 
Le sujet est vaste ! Au cœur du concept des « nouvelles routes de la Soie », lancé par Pékin, l’unité économique de l’Eurasie, mais aussi un pont unificateur entre l’Afrique et l’Eurasie vers «l’Axe Eurasie-Afrique» … Et aux origines idéologiques et géopolitiques des concepts d’« Eurasisme », de « Néoeurasisme », des « nouvelles routes de la soie » et de l’« Axe Eurasie-Afrique ». Car le projet de Xi Jinping a été indubitablement influencé par le « Néoeurasisme », ce projet russe d’unification de l’Eurasie adopté par Poutine. Et que je connais bien pour l’avoir développé dans les Années 1982-1991 (2) …


 

QUAND LE «CORRIDOR NORD-SUD», INTÉGRÉ AUX «NOUVELLES ROUTES DE LA SOIE», BOULEVERSE LES ALLIANCES GÉOPOLITIQUES ET LE ‘GRAND JEU’ DU PROCHE-ORIENT …

 

Fin 2016, Hassan Rohani, Vladimir Poutine et Ilham Aliyev, respectivement les présidents iranien, russe et azerbaïdjanais, s’étaient réunis à Bakou et avaient mené des tractations dans ce domaine. Le corridor Nord-Sud, intégré aux « Routes de la Soie », contient des branches intercontinentales longues de plusieurs milliers de kilomètres qui relient des dizaines de pays éloignés d’Asie et d’Europe. Il compte parmi les canaux de transport les plus importants au monde du point de vue économique. Poutine avait auparavant annoncé « qu’il existait d’autres projets d’investissement dans le secteur du transport international comme celui du canal de transport reliant l’Asie du Sud à l’Europe du Nord. Le corridor Asie-Europe passe par l’Iran, la République d’Azerbaïdjan et la Russie avant de rejoindre l’Europe du Nord et la Scandinavie. Il profite à l’économie des trois pays, mais surtout à l’alliance des deux continents Asie- Europe ». De ce fait, les pays concernés pourront réduire leur dépendance aux revenus pétroliers et redynamiser l’économie internationale.

 
Russie, Iran et Azerbaïdjan se sont mis définitivement d’accord en septembre 2017 sur un corridor de transport qui bouleverse le grand jeu du Proche-Orient ! Le président russe Vladimir Poutine avait souligné l’importance du projet de corridor de transport international « Nord-Sud » et affirmé que « la coopération du quartet Russie-Iran-Inde-Azerbaïdjan continuait ». Lors de la cérémonie de clôture de la 3e édition du ‘Forum économique oriental’ (EEF, Eastern Economic Forum) qui s’est tenu les 6 et 7 septembre 2017 à Vladivostok, Poutine avait prononcé un discours dans lequel il a mis en exergue le CORRIDOR DE TRANSPORT INTERNATIONAL NORD-SUD et son importance régionale et extrarégionale. De nombreuses autorités de haut rang, dont l’ambassadeur d’Iran en Russie, Mehdi Sanaï, étaient présentes à la cérémonie. « En ce moment même, la coopération entre la Russie, l’Iran, la République d’Azerbaïdjan et l’Inde pour la réalisation de ce projet est en cours », avait déclaré le président russe.
 
Voir sur LUC MICHEL’S GEOPOLITICAL DAILY/GEOECONOMIE & EURASIE : LE CORRIDOR NORD-SUD. Sur http://www.lucmichel.net/2017/09/08/luc-michels-geopolitical-daily-geoeconomie-eurasie-le-corridor-nord-sud-bouleverse-les-alliances-geopolitiques-et-le-grand-jeu-du-proche-orient/
 


LES « ROUTES DE LA SOIE » QUI REJOIGNENT EN EFFET LE PROJET EURASIATIQUE DU ‘NEOEURASISME’ DÉVELOPPÉ PAR MOSCOU …

La Chine a organisé en 2017 un sommet de deux jours consacré au projet des nouvelles Routes de la soie. Le projet est titanesque il englobe 68 pays représentant 4,4 milliards d’habitants et 40 % du PIB mondial, remarquai alors CNN. « Ceci peut être une révolution dans le monde géopolitique et géoéconomique et pourrait changer le rôle et la puissance des pays influents dans le monde. Qui seront les nouveaux acteurs de ce monde dessiné par Pékin et Moscou ? » Voir  http://www.lucmichel.net/2017/05/28/luc-michel-sur-press-tv-iran-dans-reportage-27-mai-2017-le-monde-geopolitique-et-geoeconomique-dessine-par-pekin-et-moscou/


L’AXE MOSCOU-PÉKIN-TÉHÉRAN

 
La visite de Poutine en Iran (novembre 2017) marquait l’intérêt de Moscou pour Téhéran, mais aussi celui de Pékin qui courtise aussi Téhéran. Le tout prenait place dans le cadre des grands projets de Xi Jinping, des « nouvelles routes de la soie » (Silk Road) et « One belt one road » (OBOR). Des projets où Téhéran occupe une place centrale. Et qui concerne aussi l’Afrique, en particulier Malabo et Djibouti …
 
Mars 2018 l’agence iranienne Fars. « Pékin, qui s’est abstenu dans une résolution à l’ONU contre l’Iran, est le premier partenaire économique et commercial de l’Iran, ses exportations pétrolières ont plus que doublé» dit l’AFP. Le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, a récemment « donné un signal fort en faveur du développement des liens avec l’Est, signe de l’impatience de l’Iran face au manque de progrès dans ses relations avec l’Occident ». En 1979, l’un des slogans les plus populaires de la révolution était « Ni Ouest, Ni Est, République islamique », marquant la volonté du nouveau pouvoir de ne favoriser aucune des grandes puissances de l’époque, c’est-à-dire les États-Unis ou l’Union soviétique. Mais le monde a changé ! Près de quarante plus tard, le numéro un iranien a déclaré début 2018 qu’ « en matière de politique étrangère, préférer l’Orient à l’Occident (…) est une de nos priorités ».


 

LA MER CASPIENNE : PIVOT STRATÉGIQUE DE L’INTÉGRATION EURASIATIQUE VERS L’IRAN

 
L’intégration eurasiatique repose aujourd’hui sur un Axe Moscou-Pékin. Qui est en train de s’élargir, comme je l’annonce depuis 2013, vers un Axe Moscou-Pékin-Téhéran. La Mer Caspienne est le pivot géostratégique de cette extension. La mer Caspienne est la plus grande étendue d’eau fermée dans le Monde. Ses côtes s’étendent sur quelque 7.000 km, et des pays comme l’Iran, la Russie, le Kazakhstan, le Turkménistan et la République d’Azerbaïdjan bordent son littoral …
 

L’Iran veut son « canal de Suez » reliant la mer Caspienne au golfe Persique. L’ambitieux projet de « Canal de Suez à l’iranienne » se concrétise peu à peu ! Selon l’agence de presse iranienne Tasnim, l’ambassadeur d’Iran en Russie, Mehdi Sanaï, a déclaré lors d’une rencontre avec des étudiants à Saint-Pétersbourg : « Téhéran et Moscou sont en train d’échanger pour mettre en place une voie navigable entre la mer Caspienne et le golfe Persique. Tout canal qui liera ces deux Mers devra passer par le sol iranien. » Le ministre russe des AE, Serguei Lavrov a lui déclaré à l’occasion du sommet tripartite d’Astana (Russie-Iran-Adzerrbaïdjan) : «l’Iran, la Russie et la République d’Azerbaïdjan ont convenu d’accélérer leurs échanges sur la création d’un corridor de transit nord-sud. Une partie de ce corridor partira des côtes occidentales de la mer Caspienne, depuis la Russie, et ira jusqu’en Iran via la République d’Azerbaïdjan

 
Le « couloir Nord-Sud » après son instauration finale permettra de réduire en bonne partie le temps de transit des marchandises depuis l’Inde jusqu’en Asie mineure et en Russie. Actuellement, la livraison des marchandises depuis Bombay jusqu’à Moscou prend 40 jours. Le nouveau trajet réduira cette durée à 14 jours seulement. Le corridor en question permettra aussi de contourner le canal de Suez, qui est exposé à un important trafic fluvial et qui coûte cher à ses utilisateurs.
 
Le «canal nord-sud» est l’une des initiatives les plus ambitieuses que Téhéran est en train de lancer. Le projet est particulièrement intéressant pour la Russie, mais les pays européens et post-soviétiques, ainsi que la Chine, en bénéficieraient également. L’initiative ne date pourtant pas d’aujourd’hui. L’idée était apparue à la fin du XIXe siècle et des ingénieurs avaient conçu des plans pour un canal navigable qui offrirait à l’Iran, à la Russie ainsi qu’à d’autres pays, le plus court chemin vers l’océan Indien, contournant ainsi les détroits turcs et le canal de Suez en Égypte.
Voir sur : http://www.lucmichel.net/2017/12/26/luc-michels-geopolitical-daily-la-mer-caspienne-pivot-strategique-de-lintegration-eurasiatique-vers-liran/
 
DE L’AXE MOSCOU-TÉHÉRAN À UN AXE EURASIATIQUE MOSCOU-PÉKIN-TÉHÉRAN : COMMENT LA CHINE S’EST AUSSI RAPPROCHÉE DE L’IRAN
Voir sur : http://www.lucmichel.net/2017/11/04/luc-michels-geopolitical-daily-de-laxe-moscou-teheran-a-un-axe-eurasiatique-moscou- pekin-teheran-comment-la-chine-sest-aussi-rapprochee-de-liran/

Robert Bibeau

Auteur et éditeur

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