Les "petites mains" militaires des "Routes de la soie"
Par Andrew Korybko – Le 20.04.2019 – Source eurasiafuture.com
La dernière déclaration de l’ambassadeur de Russie en Chine fait état de l’intention de la Russie de poursuivre son intégration au projet des Nouvelles routes de la soie [Belt & Road Initiative (BRI), NdT], au moyen de structures économiques et de sécurité, dirigées par Moscou en Asie centrale. La grande puissance russe fait ainsi part de son intérêt pour le Couloir économique Chine-Pakistan, et parie sur sa viabilité.
Le partenariat stratégique russo-pakistanais pourrait entrer prochainement dans une nouvelle phase qualitative, à en juger par les déclarations de l’ambassadeur de Russie en Chine. Son Excellence l’ambassadeur Andrey Denisov a déclaré que la Russie comptait poursuivre l’intégration du Projet des Nouvelles routes de la soie (BRI), au moyen des structures russes économiques et de sécurité implantées en Asie Centrale : la grande puissance russe fait ainsi part de son intérêt pour le N-CPEC+ (???) et fait le pari de sa viabilité.
L’acronyme en question désigne la branche de la route partant du Pakistan, État pivot mondial, qui dessert les républiques d’Asie centrale, qui pourrait un jour intégrer également la proposition de chemin de fer Russie-Pakistan (RuPak) via l’Afghanistan : de quoi relier la Russie à l’Océan Afro-asiatique, en s’appuyant sur la série de méga-projets chinois au Pakistan, dont l’ensemble est dénommé CPEC.
La Russie, du fait du partenariat stratégique qu’elle mène en parallèle avec l’Inde, ne peut pas soutenir ouvertement le CPEC, mais elle peut y prendre part en habillant ses contributions d’éléments de langage non-CPEC : on parle là d’intégration de l’Union économique eurasiatique (EAU) et de l’Organisation de coopération de Shanghaï (OCS) avec la BRI, et ce sont là les mots employés par l’ambassadeur.
Des travaux préparatoires importants sont déjà en cours dans cette optique au niveau politique, avec trois événements interconnectés qui ont eu lieu récemment entre la Russie et le Pakistan. M. Oleg Barabanov – directeur de programme au Club Valdai (le groupe de réflexion le plus prestigieux de Russie), professeur à l’Institut des relations internationales de Moscou (le MGIMO, qui dépend du Ministère des affaires étrangères), et professeur à l’académie des sciences de Russie – a confirmé le « retour de la Russie en Asie du Sud » au lendemain de l’incident de Pulwama et du fiasco des « frappes chirurgicales » dont s’était rendu coupable l’État voyou d’Inde ; il avait publié un article incitant à la réflexion au sein de ce groupe de réflexion début mars [2019]. Peu après, l’Institut de vision stratégique pakistanais avait hébergé une conférence sur les relations bilatérales avec la Russie, au cours de laquelle Tehmina Janjua, ministre des Affaires étrangères, avait dévoilé une feuille de route à sept jalons, visant à faire progresser ces liens. On a donc vu ces liens se nouer bien plus rapidement que la plupart des observateurs ne l’avaient anticipé, avec le président de l’université nationale de défense du Pakistan qui est venu partager sa vision sur les relations bilatérales au Club Valdaï pas plus tard que la semaine dernière.
Il apparaît très clairement que la Russie a passé outre les divisions de son « État Profond » quant à l’Asie du Sud, malgré les tentatives de plus en plus désespérées de la faction indophile de faire illusion du contraire. La Russie ne craint pas d’avancer à grands pas dans le partenariat stratégique qu’elle construit avec le Pakistan : elle apprécie l’importance de cette relation à l’aune de son retour général dans la région. Il serait donc hautement symbolique que le président Poutine rencontre le premier ministre Khan en marge du Forum des nouvelles routes de la soie qui va se tenir la semaine prochaine en Chine, afin de discuter informellement de ce sujet et d’autres aspects du partenariat stratégique entre les deux pays. Mais même si cette rencontre n’avait pas lieu, les déclarations de l’ambassadeur Denisov ne laissent planer aucun doute sur le développement des relations entre les deux pays à l’avenir. Tout ceci présage du succès de la mission de la Russie, étalée sur des siècles, d’atteindre les eaux chaudes de l’Océan Afrique-Asie ; par un rebond historique, la Russie y parviendra de manière pacifique, et avec l’assistance active de ses partenaires chinois et pakistanais, dans une nouvelle trilatérale multipolaire, en parallèle des progrès du projet géopolitique de l’anneau d’Or, dont les trois pays sont également membres.
Andrew Korybko est un analyste politique américain, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la Soie chinoises, et la Guerre Hybride.
Traduit par Vincent pour le Saker Francophone Sur https://lesakerfrancophone.fr/lambassadeur-de-russie-en-chine-fait-etat-du-fort-interet-de-moscou-pour-le-n-cpec
Tout ceci est conditionnel : Sous réserve que le coup d’état mondial, en cours des mondialistes, fondé sur la révolution blockchain, pour prendre le contrôle des paiements, de la dette mondiale et des personnes humaines (ou non d’ailleurs) réussisse, un peu moins pacifiquement peut-être.