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ABOLIR LE DROIT A LA FORTUNE: je travaille sur ce sujet tabou et je me sens bien seul

Recherche menée par Robert Gil

 atravailLa fortune personnelle que peut posséder un citoyen n’a pas de limite. Pourquoi, alors que d’autres droits sont limités par des règles destinées à améliorer la vie en société, le droit à l’enrichissement personnel n’est-il contraint par rien ? Et comment peut-on changer cette réalité néfaste ? C’est à cette dernière question que répond l’économiste Philippe Richard, dans son livre à paraître : « Abolir le droit à la fortune », aux éditions Couleur livres.

Il y a quelques années, je me suis posé une question : pourquoi une personne a-t-elle le droit de posséder une fortune représentant des millions, voire des milliards, d’euros (en placements financiers, en immobilier, en parts d’entreprise) ?

Dans nos sociétés, nous avons des droits. Ils sont généralement bornés, avec des règles strictes, afin de respecter le « vivre ensemble ». Chez soi, en voiture, dans la rue, au travail… nous devons nous conformer à de nombreuses règles, qui limitent nos droits pour respecter ceux des autres. Mais concernant la richesse, il n’existe aucune limite.

Une personne peut posséder 5, 20, ou 100 millions d’euros, voire plusieurs milliards… c’est incroyable quand on y pense ! Surtout quand un tiers des français possède moins de 10 000 euros chacun, et la moitié de l’humanité presque rien. Finalement, nos problèmes actuels ne viendraient-ils pas de ce droit sans limite à l’enrichissement personnel et financier ? Car ce droit offre des cercles vertueux pour les nantis, tout en générant des cercles vicieux pour les moins bien lotis. Pour mieux comprendre cette réalité, j’ai alors commencé à travailler sérieusement le sujet.

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La richesse individuelle sans limite n’est plus efficace

Docteur en économie et expert socio-économique depuis quinze ans au sein d’une Société coopérative et participative (SCOP) spécialisée dans le diagnostic économique auprès des représentants des salariés, je dispose d’atouts pour m’y pencher d’un peu plus près. Pour m’y consacrer pleinement, j’ai pris un temps partiel.

J’ai regardé tout d’abord ce qui pouvait exister sur le thème du droit à la fortune. Et étonnamment, rien ! Ou si peu, hors des positions marxistes qui remettent totalement en cause le droit à la propriété privée, ce qui n’est pas le propos ici. J’ai donc approfondi mes recherches et mes réflexions en compilant de multiples statistiques et en lisant de nombreux articles et ouvrages sur les patrimoines, les revenus, les investissements, la sphère financière, les inégalités, les réglementations et la dérégulation généralisée, le droit international, etc.

Je me suis aussi inspiré de mon expérience au sein des différentes entreprises que j’ai pu côtoyer dans le cadre de mon travail. Celles où les salariés, comme les responsables locaux, perdent progressivement toute prise sur la vie de leur entreprise, dans un contexte de mondialisation des échanges reposant sur la domination des multinationales et de leurs actionnaires.

Je suis arrivé à la conclusion que la richesse individuelle sans limite n’est plus efficace. Notamment depuis la mondialisation et la financiarisation de l’économie qui procurent un immense pouvoir aux plus fortunés. Les rapports de force se sont en effet trop déséquilibrés, aux dépens des plus faibles, mais aussi plus globalement de tous les « petits » (les salariés et les petites et moyennes entreprises), et même aux dépens des États.

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 Un impôt sur la fortune avec un plafond à 100%

 J’ai analysé les diverses propositions existantes censées améliorer notre modèle, mais toutes me semblent souffrir d’une grosse faiblesse. Soit elles sont insuffisantes pour changer la donne, soit elles se contournent trop facilement. Pour celles qui auraient un réel impact, elles nécessitent généralement l’accord de l’ensemble des nations, ce qui n’est jamais gagné, loin s’en faut.

Existerait-il néanmoins une mesure techniquement aisée à mettre en place au sein d’un pays qui serait efficace ? Et surprise, oui ! Il serait tout à fait possible de maintenir une économie de marché, tout en limitant le droit à la propriété individuelle. Cela pourrait se traduire par la mise en place d’un impôt sur la fortune, comme l’ISF mais à un taux de 100% au-delà du plafond fixé. Et pour éviter un exode massif des plus riches, il suffirait d’appliquer cette mesure sur la base de la nationalité et non du lieu de résidence. Techniquement, rien de bien compliqué donc, même si un changement constitutionnel s’avère indispensable.

La propriété des actifs concernés pourrait alors être transférée au sein d’une agence publique autonome, générant des revenus mais aussi des produits liés aux cessions accordées aux citoyens intéressés. Poser un plafond au patrimoine individuel redonnerait ainsi des moyens considérables à la collectivité pour répondre à nos multiples défis (transition écologique, nouvelle révolution industrielle, prospérité partagée). Cela nous aménerait vers une économie plus « participative » et plus égalitaire, gage de liberté et de fraternité.

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Hors du système, on ne m’écoute pas

J’ai alors tenté de me rapprocher de chercheurs travaillant sur les inégalités et les faiblesses de notre modèle économique, et donc susceptibles d’être intéressés par mes analyses et ma proposition. Mais je n’ai obtenu que très peu de retours. J’en ai fait de même avec plusieurs mouvements citoyens. Mais cette idée n’a pas (encore) trouvé d’écho.

Ces échecs sont peut-être dû au fait que le droit à la fortune est perçu comme naturel. Pourtant, il n’en est rien, surtout depuis que nous savons que notre planète possède également ses propres limites. C’est peut-être aussi parce que je ne fais pas partie de cette sphère des intellectuels médiatisés.

Je vis donc dans ce paradoxe : hors du « système », je n’ai pas d’écoute. Pourtant, c’est justement parce que je suis en dehors que je peux me pencher librement sur un tel sujet.

Il est aussi possible que cette idée fasse peur, tant elle s’oppose aux puissants. Et toute démarche aussi frontale ne peut qu’écarter ceux qui sont déjà bien installés et qui ont une place à perdre, même ceux dont le rôle est justement de critiquer. Alors ils critiquent certes, mais sans aller trop loin vraisemblablement. D’ailleurs, quelques personnalités, avec qui j’ai pu échanger (un peu), m’ont déjà prévenu qu’il fallait que je fasse attention avec de telles idées… Quant à mes amis et collègues de travail, ils trouvent l’idée intéressante mais semblent dubitatifs – et sûrement à juste titre – quant à l’opportunité de faire connaître ma proposition.

J’ai aussi tenté de faire connaître l’idée sur les réseaux sociaux, en créant un site personnel (main-ouverte.org) et une chaîne Youtube (Main ouverte) avec plusieurs vidéos. Mais là encore, je constate que tant qu’on est inconnu du grand public, il reste extrêmement difficile de se faire entendre dans le déferlement quotidien de « posts » de toutes sortes, encore plus lorsqu’il s’agit d’un sujet un peu complexe.

Je me retrouve avec cette mauvaise impression d’avoir découvert une belle source, mais en plein désert, sans personne pour l’exploiter. Le défi est de taille, à la hauteur de l’enjeu.

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 J’ai écrit un livre et trouvé un éditeur

Je me suis donc résolu à écrire un livre sur le sujet afin de poser les choses de façon constructive et sérieuse. Je me suis dit que c’était la seule façon de, peut-être, faire entendre cette réflexion.

Après de très nombreux refus, j’ai eu la chance de trouver une maison d’édition. Le livre sort ce 12 janvier, sous le titre « Abolir le droit à la fortune », aux éditions Couleur livres. Je ne sais pas du tout quelles seront les réactions et s’il va y avoir le moindre petit écho, tellement ce thème sort des sentiers battus.

J’espère, malgré tout, me sentir un peu moins seul dans ma démarche, entendre que d’autres personnes se posent la même question et que ma proposition n’est pas si absurde… dans un monde qui l’est de plus en plus pour moi. Car de nombreux experts l’affirment, les patrimoines des plus riches explosent, en France comme dans le monde, tandis que l’exclusion progresse, tout comme le déclassement des classes populaire et moyenne.

C’est la conséquence de la prise de pouvoir des financiers, exacerbant la compétition, et son lot de replis sur soi et de violences. Nous sommes bien loin des beaux discours de l’élite sur la liberté et la démocratie. Et ce phénomène inégalitaire semble s’accélérer ; et rien ne semble pouvoir l’arrêter si nous n’engageons pas une rupture. Alors, au-delà des constats partagés, ne faudrait-il pas trouver désormais une réponse adéquate ? Même si, ou parce que, il remet en cause le pouvoir en place.

 Source

6 réflexions sur “ABOLIR LE DROIT A LA FORTUNE: je travaille sur ce sujet tabou et je me sens bien seul

  • Et oui cela me semble un sujet crucial et de première ! Bien qu’assez âgé, 83: ans, et un français moyen ( un peu supérieure) , j’ai des idées pratiques et vécues sur ce sujet: Cela fait partie des idées logiques qui constatent l’inefficacité du système actuel de capitalisation mondialisée .
    Pour connaitre mes idées en détail et l’évolution de ces idées depuis 1987 vous devriez vous reporter a mon site pour les idées anciennes. Pour les idées actuelles je puis vous envoyer 3 petits textes de mise à jour ( total une trentaine de pages A4) Il suffit de m’indiquer votre adresse mail.

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  • Ces échecs sont peut-être dû au fait que le droit à la fortune est perçu comme naturel. Pourtant, il n’en est rien, surtout depuis que nous savons que notre planète possède également ses propres limites. C’est peut-être aussi parce que je ne fais pas partie de cette sphère des intellectuels médiatisés.
    =*=
    Cela doit être une réflexion individuelle d’abord, celle de tendre vers la dépossession volontaire (y compris l’autorégulation) car tant qu’il y aura de l’argent, il n’y en aura pas pour tout le monde, mais surtout, effectivement, pour certains c’est sans limite…
    Et le problème, c’est que l’on a fait croire aux mougeons qu’il n’y avait point de salut en dehors de la propriété privée ce qui est totalement faux des sociétés ancestrales ont vécu des millénaires ainsi, voire le livre de Marshall Sahlins (préfacé par Pierre Clastres) édition française : “Âge de pierre, âge d’abondance ; L’économie des sociétés primitives” (Éditions Gallimard, 1976, 1ère édition en anglais, 1972) version PDF de la préface ► https://jbl1960blog.files.wordpress.com/2017/04/pdfprefacepclastres1975.pdf
    C’est le candidat Macron (après Sarko qui voulait une France de propriétaires) qui affirmait qu’il voulait une jeunesse dont le rêve était de devenir milliardaire…
    Puis-je me permettre de vous suggérer l’excellente Déclaration de principes du Groupe Anarchiste-Communiste à Lisbonne en 1887, qu’on croirait écrite d’hier voyez-vous ► https://jbl1960blog.wordpress.com/2019/05/30/declaration-de-principes-du-groupe-communiste-anarchiste-lisbonne-1887/
    Pour beaucoup, dont je fais partie, dans cette société des sociétés, l’argent n’aura plus court…
    JBL

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  • chartjac

    Pourquoi le système Capitaliste n’est’ il pas sous le contrôle de la Justice avec des lois humanitaires ..Comment peut il être au dessus de lois ????
    AJC

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    • robert bibeau

      @ Chartjac
      Votre question est intéressante à plusieurs point de vue
      1) Comment en est-on en 2019 à poser une telle question ? Que révèle votre question ? À propos de la gauche notamment ?
      2) Votre question révèle tout le travail de sape que la gauche à accomplit au cours des années – laissant croire que si la gauche prenait le pouvoir au parlement bourgeois elle pourrait passer les lois de son choix comme d’abolir LA FORTUNE – VOTER UNE LOI CONTRE LA PAUVRETÉ et autres fadaises de même acabit.
      3) Allende au Chili – Chavez au Venezuela Castro à Cuba et tant d’autres ont répandu cette illusion que LES LOIS des parlements géraient l’univers – la vie du terre et les moeurs et la morale… et les hommes et le capital. POURTANT les Gilets jaunes ont été incapables de faire rétablir l’impôt sur la fortune malgré leur militantisme effréné…
      4) Les lois – comme les traités de libre échange incidemment – sont le produit = le fruit = d’un équilibre temporaire entre les forces complexes qui travaillent – font se mouvoir – un système = CES FORCES étant d’abord les factions bourgeoises au sein du régime capitaliste – et ces factions sont aussi puissantes que leur secteur économique. Ainsi en ce moment le secteur capitaliste technologique – Gafa – est très puissant et ça se perçoit dans la législation – les lois et interventions de l’État sous la dictature bourgeoise.
      5) On ne doit rien attendre des lois des parlements de députés à la botte du grand capital international et on ne doit rien attendre des parlements ni des partis politiques ou groupes de pression non plus – Une fois que nous les aurons dépouillés des attributs du pouvoir (l’armée notamment -les tribunaux – les prisons) alors le prolétariat pourra imaginer une nouvelle forme de pouvoir et SURTOUT
      6) Pour abolir les fortunes il suffit d’abolir la propriété privée (pas nécessaire de s’occuper de l’argent – qui n’est qu’un leurre) ABOLIR LA PROPRIÉTÉ PRIVÉ = ABOLIR LES FORTUNES

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  • Poilagratter

    Si nous allons comme les voyants le disent vers une société spirituelle, nous n’auront plus de goût pour le pouvoir, la richesse , etc…si tant est que cela ait été des souhaits humains car les humains ont été manipulés par des normes societales perverses instaurées pour le maintenir en dépendance éternelle , avec la concurrence et la peur du lendemain, tout en l’arrosant de glyphosate, aluminium et fluor pour que ses capacités réelles naturelles contenues dans son ADN dormant n’éclosent jamais.

    Répondre

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