Accélération de la dégradation de l’économie mondiale
Par Marc Rousset.
Dans son interview du samedi 1er juin au Figaro, Yves Perrier, directeur général d’Amundi, premier groupe européen de gestion d’actifs, a admirablement bien résumé la situation de l’économie mondiale : «Nous sommes à la fin d’un cycle d’une quarantaine d’années de baisse des taux d’intérêt et de l’inflation. La crise financière qui était née d’un excès de dette a été traitée par encore plus de dette. Cette situation n’est tenable que grâce au niveau très bas des taux d’intérêt. C’est comme si nous étions sur un sentier de montagne bien balisé mais avec mille mètres de vide sur les côtés. Ce sentier, c’est la croissance économique balisée par les banques centrales. Et le vide, c’est la dette qui, de temps à autre, donne le vertige. »
Après la Chine, afin de s’opposer aux immigrés clandestins, Trump s’est attaqué au Mexique en imposant des droits de douane de 5 % avec des menaces d’extension à 25 %. L’effet est dévastateur pour le circuit automobile intégré dans les deux sens sur tout le continent américain. Le peso mexicain a dévissé de 3 %, le jeudi 30 mai, et il est probable que le Mexique entre en récession.
Aux États-Unis, l’inversion de la courbe des taux s’aggrave. Les marchés délaissent les actions, achètent des obligations, ce qui entraîne la baisse des taux d’intérêt, car ils pensent que l’économie mondiale (doux euphémisme) est seulement en train de freiner. Tous les taux d’intérêt des échéances entre 1 an (2,22 %) et 10 ans (2,13 %) sont devenus inférieurs aux taux à court terme, allant d’un mois (2,36 %) à 6 mois (2,36 %). Seul le 30 ans, à 2,57 %, reste très légèrement supérieur aux échéances courtes. Les marchés d’actions ont chuté, affichant des baisses de 7 % à 8 %, sur l’ensemble du mois de mai, aux États-Unis comme en Europe.
C’est la première fois que la courbe des taux américains montre autant de cas d’inversion simultanés depuis 2007, veille de la grande crise économique des crédits « subprimes ». Le spectre de taxes à 25 % sur la totalité des marchandises importées de Chine et le placement, par Trump, du groupe chinois Huawei sur une liste noire relancent de plus belle les craintes de récession.
Le taux de référence de la zone euro a fini, vendredi 31 mai, à son nouveau plus bas historique, négatif, de -0,213 %. Il est probable que l’on assiste à une nouvelle baisse des taux directeurs par la Fed d’ici fin décembre, actuellement à 2,25 %-2,50 %. Les chances d’abaissement du taux négatif de dépôt par les banques à la BCE, d’ici le 1er trimestre 2020, actuellement de -0,4 % pour inciter les banques à faire crédit, sont de plus de 70 %. De son côté, la Chine, en réponse à l’offensive de Trump, va créer aussi une liste noire d’entreprises étrangères non fiables. Par ailleurs, 5.410 produits américains déjà pénalisés, pour une valeur de 60 milliards de dollars, seront taxés, le samedi 1er juin, à hauteur de 10, 20 ou 25 %. Et alors que la Chine brandit la menace d’un arrêt des exportations de terres rares, matériaux stratégiques, le Pentagone veut réduire sa dépendance, ce qui ne sera pas possible avant 2022 !
Embourbée dans ce bras de fer commercial, la Chine a vu son excédent commercial fondre de plus de moitié entre avril (13,8 milliards de dollars) et mars (32,64 milliards de dollars). Les trois quarts des entreprises américaines en Chine sont déjà pénalisées par les tracasseries chinoises (inspections diverses, arrêt des achats, difficultés des dédouanements, etc.). Plus de 40 % des entreprises américaines envisagent de délocaliser leurs sites en Chine dans les États asiatiques (37 %), au Mexique (11 %), Europe (3,8 %). Moins de 6 % envisagent de transférer leurs usines chinoises aux États-Unis.
Le paradoxe, c’est que l’excédent commercial chinois avec les États-Unis est resté stable, en avril, à 21 milliards de dollars, contre 20,5 milliards en mars. Les importations en Chine en provenance des États-Unis ont, en effet, plongé de 25,7 %, ce dont s’alarment agriculteurs et industriels américains.