7 au Front

De l'être en résine à l'homme résigné

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23.09.2019.ManresineEnglish-Italian-Spanish-Portuguese

On croit l’humain fait de chair et d’os. Mais en vérité, à voir sa posture toute de soumission, son élastique inclination politique, sa malléable mentalité, sa plastique docilité, sa flexibilité économique, sa façonnable psychologie, sa ductile personnalité, on comprend vite que l’homme est fabriqué à base de résine. Cette matière très fluide et visqueuse, utilisée pour la fabrication de divers produits, est réputée pour sa plasticité, sa malléabilité.
 

Cet homme en résine se résigne à toutes les résignations. Ainsi réduit à une matière malléable à souhait, l’homme a fini par se confondre avec la résignation, cette prédisposition au fatalisme, au fondamentalisme oblatif, à l’intégrisme de la prosternation, à la religion des soumissions, au culte des allégeances, au fétichisme de l’obéissance.

Décharné de son humanité, l’homme moderne s’est réincarné en cette matière visqueuse de la résignation se pliant à toutes les autorités,  ces entités vicieuses capables de toutes les atrocités, gouvernant avec une démoniaque perversité.
À force de vivre à l’ombre de ses maîtres, maintenu dans les ténèbres de l’ignorance de son humanité, l’homme est devenu la proie de la servitude volontaire. Il s’est intronisé esclave de sa soumission. Couronné maître de son esclavage. Élu Dieu de sa résignation. Sa personnalité se confond avec la résignation. Il a déifié la résignation. Il est à la fois le Créateur et la créature de la résignation. De la soumission. Le prophète de la religion de la résignation. De la soumission.
À force de vivre à l’ombre de ses maîtres, il a fini par s’aveugler.  Du moins sa cécité ne s’applique que sur sa personne, ses intérêts, ses droits, ses besoins, obscurcis et  obstrués par sa résignation, perçus avec les yeux déformants de ses maître, le regard programmé de « son » État, la vue mystifiée de son éducation, les jumelles idéologiques de ses ennemis étatiques et patronaux. Son horizon est tracé depuis le berceau jusqu’à la tombe. Pour notre homme en résine pétri de résignation, il ne conçoit pas d’autres voies à son existence, une autre alternative à sa vie. Point de salut en dehors des sentiers battus, pour notre homme humainement abattu. Cette homme résigné à qui on a planté des panneaux indicateurs dans le cerveau pour qu’il ne dévie pas de voie existentielle, n’emprunte pas d’autres chemins de la vie, ne bifurque pas vers des horizons débarrassés des codes de conduite édictés et dictés par la police de la pensée, cette force servante de l’ordre établi, des conventions sociales, des normes dominantes.
Pas question de changer de direction. D’emprunter les chemins du salut. D’orienter sa vie selon ses besoins. Les réflexes de la résignation ont creusé leurs sillons dans son comportement asservi. La routine de la réglementaire  conduite résignée poursuit sa route dans son cerveau lobotomisé. L’habitude de la servile attitude ne connaît pas de lassitude, en dépit de la platitude existentielle de notre homme résigné, cet être résigné tout désigné à se complaire de sa morveuse et morne vie.
 

Notre homme (notre femme) est dévoré d’ambitions téméraires

Les rares fois où il s’arrache à sa résignation pour s’élever, il y grimpe à genoux, en se prosternant devant la voûte céleste divinisée. Les rares fois où il s’arrache à sa résignation pour avancer, il avance à reculons, la tête inclinée, l’échine courbée, le dos voûté, le pas cadencé,  cadenassé,  agencé sur celui de ses maîtres. Les rares fois où il se révolte contre son piètre sort pour s’émanciper, il lutte avec les armes de ses ennemis : les mains ligotées, les pieds enchaînés, le cerveau captif de l’idéologie de ses maîtres, dans le respect obséquieux imposé par l’ordre dominant, le cadre réglementaire prescrit par ses maîtres.
Dépourvu d’aspiration, imbibé d’inhibition, engourdi  par une vie toujours en hibernation, l’homme en résine se résigne à son sort. A bord de son radeau de vie, il dérive jusqu’à sa mort. Sur ses droits, il s‘endort, pour ne pas causer à ses maîtres de torts, ces esprits retors protégés par leur État fort, comblés par leurs coffres-forts.
 

Notre homme (notre femme) est en perpétuelle quête de perfection, de progression

La reculade est son meilleur moyen d’obtenir de l’avancement. L’abaissement est son permis de conduire, obtenu à l’école de  la résignation. C’est un spécialiste de l’asservissement en matière de conduite. De l’avilissement en matière du code moral. Avec lui, pas de risque de déviation philosophique, de dérapage politique, d’embardée irréligieuse, de déportement intellectuel. Pas de risque d’excès de vitesse en matière de contestation, de dépassement en matière de révolte. Sa contestation est limitée, elle roule au ralenti. Sa révolte cale dès le démarrage faute de combustion politique consciencieusement subversive. Elle tombe volontairement en panne par crainte de l’accélération de l’histoire, d’augmentation de vitesse insurrectionnelle. Ses manifestations, amatrices des ruelles étroites impraticables en lieu et place de la grande autoroute émancipatrice, débouchent rapidement sur un cul-de-sac. Sa révolution, accidentée par les voies politiques escarpées empruntées, est aussitôt mise à la fourrière de l’Histoire. Car, habituée à la résignation, son indignation est incapable de transcender la servile protestation recommandée par ses maîtres. L’homme de résignation se contente de la minuscule évolution consentie par ses maîtres. Entre révolution et évolution, il se résigne à l’évolution ou plutôt à l’involution.
Dans la société, il se plie aux règles comme aux ordres, avec résignation, génuflexion. Avec déférence, révérence. Devant ses maîtres, il plie l’échine sans s’échiner ni rechigner, sans chicaner ni ricaner. Le sourire à la bouche  et la bouche muselée.
 

Pauvre animal bipède social : « tu as été conçu socialement en résine et tu redeviendras résigné » .  « Tu es né poussière et tu vivras au ras des pâquerettes », loin du ciel de la vie, sans le sel de la  vie. Ainsi, en a décidé ton maître, ton Créateur : toi-même ; ta volonté asservie, ta servitude volontaire.

 

Une réflexion sur “De l'être en résine à l'homme résigné

  • Pablo Lugo Herrera

    Comme disait Nietzsche : « Qu’est que c’est L’Homme? Il est devenu pire que le singe. »

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