UNE COCCINELLE AU NUNAVIK (Isabelle Larouche)
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YSENGRIMUS — On aborde en douceur, dans cet ouvrage de littérature jeunesse, la problématique du dépaysement. L’écrivaine Isabelle Larouche nous raconte, cette fois-ci, l’histoire d’une enseignante québécoise qui s’en va travailler au Nunavik, dans le grand nord du Québec, plus précisément à la petite école primaire de Kangiqsualujjuaq. Le déplacement se fait par avion (environ quatre heures de vol, avec escales — Il n’y a pas de route terrestre pour accéder au village). Or, sans le savoir, notre narratrice ne fait pas le voyage seule. Une coccinelle fait le déplacement, en sa compagnie, mais en passagère clandestine involontaire. Oh, oh… comme on a tous notre petite entomologie vernaculaire sur le bout des doigts, on suppute sans trop broncher que la coccinelle ne vit pas nécessairement dans le grand nord. Or cette conception est à prudemment nuancer. Bon, la fameuse coccinelle rouge à sept points (Coccinella septempunctata) préfère effectivement vivre dans le sud du Québec (ainsi que dans plusieurs autres régions du reste du monde), notamment sur des plantes basses et dans les potagers, où elle se nourrit de pucerons. Mais, preuves zoologiques en mains, on sait que la toundra ne lui fait pas peur. Elle peut donc y circuler, le temps d’un joli conte, sans que l’écot qu’on paye toujours au réalisme à visée didactique dans l’œuvre d’Isabelle Larouche ne soit dûment payé, rubis sur l’ongle. Donc, ne nous inquiétons pas, la petite coccinelle survivra.
De fait, Isabelle Larouche elle-même pourrait tout à fait pasticher le célèbre mot de Flaubert et s’exclamer, sereine, la coccinelle, c’est moi. En effet, si nous ne sommes pas directement dans la féerie ici, nous sommes indubitablement dans l’allégorie. Une analogie se cheville donc solidement entre notre coccinelle exploratrice et l’enseignante québécoise qui l’a emmenée avec elle, sans le savoir. Découvertes originales et investigations papillonnantes sont de rigueur. C’est que le Nunavik est un immense espace de dépaysement, tant pour l’humain occidental que pour l’insecte des régions tempérées. Habité par les Nunavimmiuts, qui sont des Inuits, ce vaste territoire se caractérise tant par ses particularités ethnoculturelles que par sa faune et sa flore. L’univers évoqué ici sera largement animalier et notre coccinelle baladeuse fonctionnera un peu comme une sorte de caméra miniature volante qui nous livrera rien de moins qu’une version contemporaine du Hinterland Who’s Who de l’espace découvert. La promenade exploratrice survolera hardiment les montagnes et les rivières de cet habitat naturel contrasté. L’aventure sera peu banale. Mazette, on ne rencontre pas un omble de l’Arctique, bien sautillant et bien affamé, tous les jours, tout de même. En matière de flore, on mentionne notamment la fameuse plaquebière, au fruit si invitant (pas d’illustration, dans son cas). Les animaux rencontrés sont présentés par leur désignation normée et ils sont presque tous illustrés. Le tout de la chose rend ce grand in-folio sur papier glacé, élégant et vivement coloré, très agréable à découvrir, notamment avec des petits enfants.
Au plan ethnoculturel, les découvertes de la balade ne sont pas en reste. On rencontre notamment une anaanatsiaq, une «bonne maman» (c’est à dire une grand-mère — voir l’illustration de couverture). Les élèves inuits de l’enseignante à la coccinelle sont curieux et enjoués. Ils sont dépeints tout naturellement, avec fraîcheur et simplicité, sans ethnocentrisme. Tout l’ouvrage d’ailleurs manifeste une subtile aptitude à éviter les stéréotypes culturels tout en restant proche des conditions de vie ordinaire des gens dont on esquisse ici la rencontre. Les qualités éducatives de cet opus sont discrètes mais indubitables.
Une traduction en inuktitut du conte est assurée par Sala Padlayat. Cela donne l’opportunité, entre autres, de découvrir les lettres du syllabaire inuktitut. Les illustrations sont de Christine Sioui Wawanoloath. Elles sont somptuaires, généreuses, dans un style figuratif accessible, agréable, gracieux et vif.
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Rafraîchissant !
Tellement différent de ce qu’a vécu une de mes connaissances il y a quelques années ! C’est un homme qui a vécu vingt ans aux États-Unis, il possède donc parfaitement l’anglais US. Il s’est proposé pour enseigner cette langue dans un collège ….français, mais au fond de la forêt de la Guyane. Il a tenu quelques mois, et a supplié de pouvoir quitter ce poste.
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Il faut dire que là-bas, c’est à trois jours de marche de la ville la plus proche, Saint Laurent du Maroni si le temps est sec, le double s’il pleut (il n’y a pas de chemin, il faut longer le fleuve). Seule autre solution : l’hélicoptère. Les élèves se résument à deux catégories : ceux qui parlent un peu le français, mais qui se vexent très facilement, et ensuite ne vous adressent plus jamais la parole ; et puis ceux qui ne parlent pas le français, et donc ne parlent pas. Très vite, c’est le mur total. Allez donc leur apprendre les finesses de l’anglois, dans ces conditions !
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Bien entendu c’est la région équatoriale, même pour qui a bourlingué un peu partout, ce qui est son cas, c’est dur. Mais quand la communication devient très vite impossible, à quoi bon rester ? Je ne sais pas s’il y a des coccinelles, sous l’équateur. Des sauriens, oui, des raies venimeuses tapies dans la vase des rives, oui, des bestioles qui rampent, volent, piquent ou mordent, oui. Un amour d’endroit, en somme.
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Question à cent balles : dans les petites classes, leur fait-on ânonner « Nos ancêtres les Gaulois » ? Ne serait-ce pas un peu contre-productif ?