Le conte du troisième chimpanzé (3)
CAROLLE ANNE DESSUREAULT :
Voici le troisième article composé d’extraits du livre Le troisième chimpanzé de Jared Diamond paru en 2000 aux Éditions Gallimard pour l’édition en langue française. À noter que pour les non-initiés, ou pour rafraîchir nos connaissances, certaines définitions reliées aux sujets traités proviennent d’autres sources. Pour plus de clarté, je les ai insérées dans un encadré.
Nos origines peuvent être confirmées par l’horloge moléculaire
Ainsi, nous avons vu dans l’article précédent que les études anatomiques ne nous renseignent peu ou pas sur la distance génétique nous séparant des grands singes pas plus que sur la datation où nous avons convergé d’eux, car entre la période de CINQ MILLIONS D’ANNÉES et QUATORZE MILLIONS D’ANNÉES avant notre époque, aucun fossile de grand singe n’ayant été trouvé en Afrique.
Il y a une cinquantaine d’années, les biologistes moléculaires ont réalisé que les composés chimiques qui forment les plantes et les animaux pouvaient fournir des horloges permettant d’estimer les distances génétiques et de dater les moments de divergence dans l’évolution des lignées.
Avant de s’arrêter aux recherches de la biologie moléculaire appliquée afin de trouver une solution à la configuration de l’arbre généalogique, voici quelques définitions qui peuvent être utiles à ceux qui n’ont qu’un cours 101 en biologie et génétique.
LA MOLÉCULE, L’ATOME, LA BIOLOGIE MOLÉCULAIRE, L’HORLOGE MOLÉCULAIRE, LE GÉNOME, LE REBUT MOLÉCULAIRE, LA GÉNÉTIQUE, L’ADN, L’ARN
La biologie moléculaire et la distance génétique entre nous et les grands singes
Une explication sur nos origines vient de la biologie moléculaire. En supposant qu’il existe un type de molécule se rencontrant dans toutes les espèces avec une structure particulière génétiquement déterminée et que celle-ci change lentement au cours des millions d’années en raison des mutations génétiques et que la vitesse de ce changement soit la même dans toutes les espèces, ainsi, deux de ces dernières qui seraient issues d’un ancêtre commun possèderaient au départ une forme identique de la molécule qu’elles auraient héritée de l’ancêtre. Cependant, les mutations s’accumuleraient par la suite indépendamment dans les deux espèces, déterminant des différences dans la structure de la molécule.
Supposons un exemple concret : d’après des archives fossiles, le lion et le tigre auraient divergé il y a cinq millions d’années. Si la structure d’une molécule du lion est à 99 % identique à celle de la même molécule chez le tigre, la structure de cette molécule ne diffère donc que de 1 % entre les deux espèces.
Si on découvrait chez deux autres espèces, pour lesquelles on ne dispose pas de fossiles, une différence de 3 % dans la structure de la molécule en question. Sur la base de l’horloge moléculaire, on dirait que ces deux espèces ont divergé il y a trois fois cinq millions d’années, soit quinze millions d’années.
Des ornithologues obtiennent des résultats grâce à leur travail sur l’horloge moléculaire
Dans les années 1970, les biologistes moléculaires découvrirent que la molécule convenant le mieux à ces recherches était l’acide désoxyribonucléique ou ADN, la structure en double hélice enroulée autour d’un axe, découverte en 1953 par James Watson et Francis Crick.
Les ornithologues et taxinomistes Charles Sibley et John Ahlquist font des recherches sur l’horloge moléculaire. Ils ont procédé à l’application la plus massive des méthodes de la biologie moléculaire jamais faite à la taxinomie. Ces chercheurs ont mis en œuvre leur technique sur l’horloge moléculaire, et la cohérence interne de leurs mesures de distances génétiques, obtenues sur plus de 1 700 espèces d’oiseaux. Il faut préciser que la taxinomie des oiseaux est un domaine de recherches difficile en raison de fortes contraintes anatomiques imposées par le vol, et aussi des processus distincts tel qu’attraper des insectes en plein vol, si bien que les organismes de cette classe qui ont des mœurs analogues tendent à avoir une anatomie très semblable quels que soient les ancêtres dont ils sont issus.
Les chercheurs Sibley et Ahlquist ont obtenu des mesures de distances génétiques sur plus de dix-huit mille paires hybrides d’ADN d’oiseaux, ce qui atteste la validité de leurs résultats.
Ce n’est qu’en 1984 qu’ils publient leurs résultats sur les origines de l’homme en appliquant les mêmes techniques fondées sur l’ADN. Globalement, leur étude comparait l’ADN de l’homme avec celui de tous nos plus proches apparentés : le chimpanzé commun, le chimpanzé pygmée, le gorille, l’orang-outang, deux espèces de gibbons et sept espèces de singes non anthropomorphes de l’Ancien Monde.
À quel moment notre propre espèce et l’espèce de grand singe qui nous la plus proche ont-elles pour la dernière fois possédé un ancêtre commun ?
Tel que prédit, la plus grande différence génétique mise évidence par un grand abaissement du point de fusion de l’ADN hybride se situe entre l’ADN des singes non anthropomorphes et celui de l’homme ou de n’importe lequel des grands singes. L’ADN des singes non anthropomorphes est à 93 % semblable à celui de l’homme et des grands singes, il y a donc une distance génétique de 7 %.
L’homme et les grands singes sont donc plus étroitement apparentés que chacun d’eux ne l’est à tous les singes non anthropomorphes.
Ainsi, l’ADN de l’homme diffère de 1,6 % de celui du chimpanzé commun et du chimpanzé pygmée bonobo. Les ADN sont semblables à 98,4 %. Quant à l’ADN du gorille, il diffère du nôtre et de celui des chimpanzés de 2,3 %. Quant à l’ADN de l’orang-outang, il y a une différence de 3,6 % avec celui de l’homme, du gorille ou des deux espèces de chimpanzés.
Entre la différence d’ADN des singes non anthropomorphes et celui de l’homme et des deux chimpanzés, et du gorille et de l’orang-outang, se situe l’ADN des deux espèces de gibbons (qui sont les plus particuliers des grands singes tel que mentionné dans le dernier article) avec une différence de 5 %.
Finalement, il est bon de souligner que les ADN les plus semblables sont ceux du chimpanzé commun et du chimpanzé pygmée bonobo qui sont à 99,3 % identiques ne différant que de 0,7 %.
TABLEAU DE L’ARBRE GÉNÉALOGIQUE DES PRIMATES SUPÉRIEURS
Le tableau ci-dessus explique clairement la séparation de notre ancêtre commun avec les chimpanzés. Puisque la distance génétique est de 1,6 % nous séparant des deux chimpanzés, et environ la moitié de celle séparant ceux-ci de l’orang-outang de 3,6 %, nous avons dû suivre seuls notre propre voie durant à peu près la moitié des douze à seize millions d’années dont a disposé l’orang-outang pour s’éloigner génétiquement des chimpanzés.
La lignée évolutive de l’homme et celle des autres chimpanzés ont divergé il y a environ six à huit millions d’années. Et le gorille se serait séparé de l’ancêtre commun des trois chimpanzés il y a environ neuf millions d’années. Et le chimpanzé commun a divergé du chimpanzé pygmée il y a environ trois millions d’années.
CONCLUSION
- le gorille a dû se détacher de notre arbre généalogique un peu avant que nous nous séparions de la lignée du chimpanzé commun et du chimpanzé pygmée-bonobo ;
- ce sont ces derniers – et non le gorille – qui sont nos plus proches apparentés ;
- ou autrement dit, le plus proche parent des chimpanzés n’est pas le gorille, mais l’homme.
À SUIVRE
SOURCES
Theconversation.com
Wikipedia
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