Liban – Régina Sneifer: Une briseuse de tabou. Une femme debout

RENÉ NABA — Ce texte est publié en partenariat avec www.madaniya.info.

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Un censeur pertinent des dérives de la mafiocratie maronite libanaise.

Elle a surmonté les données du hasard et s’est affranchie des chaînes l’assignant aux conditions de sa naissance. Pensant contre son propre camp, elle se dégagera complétement de son appartenance confessionnelle, pour être, cette ancienne combattante des milices chrétiennes libanaises, l’un des censeurs les plus pertinents des dérives de la mafiocratie milicienne libanaise, particulièrement maronite.

Loin d’être une exercice d’autoflagellation, sa démarche s’est voulue volontariste avec pour objectif sous jacent de purger, en les dénonçant, les scories du bellicisme maronite de même que les mystifications du récit politique libanais.

Loin de tout tapage médiatique, dans la discrétion et la rigueur, elle creusera son sillon. Livre après livre, inlassablement, méthodiquement, systématiquement, comme autant de coups de boutoirs dans l’édifice désormais lézardé du maronitisme politique jadis triomphant -instauré par la France du temps de son mandat sur le Liban-, elle s’appliquera à en évacuer les miasmes. A les expectorer à coup de clarification et de démystification. Une mesure de salubrité publique.

Elle….. c’est Régina Sneifer, auteure du mémorable livre «guerres maronites» (Harmattan), le premier à avoir révélé la face hideuse de ces nouveaux croisés d’Orient à la solde d’Israël, dont l’asservissement aux ennemis officiels du Monde arabe sera sanctionné par le déclassement de leurs prérogatives constitutionnelles libanaises.

Pionnière, elle sera rejointe par d’autres compagnons de celui qui apparaitra rétrospectivement comme l’un des grands fossoyeurs de la cause des chrétiens libanais, Bachir Gemayel, éphémère président du Liban, porté au pouvoir par les blindés du général israélien Ariel Sharon l’ordonnateur de l’invasion du Liban, en juin 1982 et des massacres des camps palestiniens de Sabra-Chatila, en septembre 1982.

A l’instar de Maroun Méchalany, un des anciens lieutenants du chef milicien; de Roger Akl, ancien attaché militaire à l’ambassade du Liban à Washington sous le mandat du président phalangiste Amine Gemayel, le signataire du traité de paix mort-né libano-israélien; enfin et surtout de Georges Freyha, conseiller de Bachir Gemayel et son cousin par alliance, un des grands repentis de cette équipée sauvage.

Ci joint les confessions de Georges Freyha,

Pour le lecteur arabophone, les mémoires de Maroun Mechalany

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Le dernier opus: un nouveau coup d’audace

Se livrant à un nouveau coup d’audace, son dernier opus porte sur un sujet hautement tabou, Antoun Saadé, et le parti le plus hermétique de l’échiquier politique libanais, le Parti Syrien National Social (PSNS).

Mieux, il se fonde sur les mémoires de Mme Juliette El Mir (1909-1976), la veuve du chef, le témoin muet des tourments de son époux et le père de ses enfants, la gardienne du temple, stoïque dans l’adversité, «face aux injures de l’histoire, qui le soutiendra avec la dernière énergie au prix de neuf ans d’internement sévère».

«C’est le destin de ce couple révolutionnaire que retrace l’auteure à partir des écrits de la veuve qui dormaient dans un coffre à Genève, publiés en arabe en 2003 et jamais traduits depuis. Pour la première fois, ce livre-document donne aux lecteurs francophones accès aux récits de Juliette. Tout en restant fidèle à son témoignage, il intègre d’autres recherches historiques mises au service d’une biographie.

Le fondateur du Parti Populaire Syrien, qui mutera en Parti Syrien National Social (PSNS), professait la constitution d’une entité géographique régionale groupant les pays du «Croissant fertile» (Liban, Syrie, Jordanie, Palestine, avec son prolongement vers Chypre) en vue de lutter contre la balkanisation du Monde arabe résultant des accords Sykes Picot portant dépéçage de l’Empire ottoman.

Pour ce faire, Antoun Saadé avait puisé en Argentine, où il avait séjourné dans sa jeunesse, dans l’expérience du Général Juan Peron, la charpente autoritariste de son mouvement, laïc et pan-régional.

Un projet qui heurtait de front deux rivaux: La France, la puissance mandataire du Liban, laquelle après son échec du projet de «Grande Syrie», veillait à constituer un foyer chrétien au Liban autour du noyau maronite, dans le prolongement du foyer juif en Palestine, et, sur le plan interne, le Parti Phalangiste, rival électoral du PPS.

Dans une société baignée dans la féodalité clanique et le clientèlisme, l’option laïque, anti-confessionnelle du PSNS a ipso facto frappé de marginalisation tant l’organisation que son chef par ceux qui se revendiquaient abusivement comme étant les tenants d’un «libanisme pur et intégral». Ils stigmatiseront Antoun Saadé du qualificatif d’«anti-libaniste», alors que ce précurseur dénonçait les tares du confessionnalisme, qui sera tout de même le terreau fécond à l’origine de deux guerres civiles libanaises (1958, 1975-1990).

Dans la fourberie libanaise, ceux qui se présentent comme les farouches défenseurs de l’indépendance libanaise masquent mal, en fait, sous un discours souverainiste, leur alignement inconditionnel et absolu aux oukazes atlantistes. L’exemple le plus illustre n’est autre que celui de Samir Geagea, le successeur de Bachir Gemayel à la tête des Forces Libanaises, qui a troqué sa servilité à l’égard d’Israël par une allégeance sans faille à l’égard de l’Arabie saoudite, deux états antinomiques du Liban.

La montée en puissance du Hezbollah et sa riposte asymétrique victorieuse face à Israël, dans la décennie 2000, mettront fin à cette reptilité infamante pour la fierté nationale libanaise.

A l’instar des phalangistes, le PSNS est une organisation relativement cloisonnée. Son idéologie et sa dimension milicienne ont alimenté de nombreuses rumeurs à son encontre. Ses méthodes parfois expéditives, -son coup d’état avorté au Liban en 1961 notamment-, ont achevé de l’ostraciser de la vie politique libanaise qu’il réintégrera à la faveur de son fait d’armes mémorable de la guerre civile libanaise, en 1982, avec le magistral tomahawk qu’il asséna à son grand rival phalangiste, alors au faîte de sa gloire et de sa puissance, débouchant sur le scalp de son leadership.

La France qui ne pardonnait pas à Antoun Saadé son combat pour l’indépendance de la Syrie, les phalangistes, ses rivaux idéologiques, le premier Ministre Riad El Solh, -représentant la grande bourgeoisie sunnite libanaise qui craignait une mainmise de la bourgeoisie sunnite syrienne sur le pouvoir à Beyrouth dans l’hypothèse d’une «Grande Syrie»-, vont concourir à l’exécution sommaire de celui qui était présenté comme un personnage «sulfureux» en raison de ses options laïques et pan régionales.

Des options qui heurtaient de plein fouet la vision étriquée d’un Maronistan recroquevillé sur lui même, dont la France se proposait d’en faire son marche-pied en direction de l’Hinterland arabe.

Mais la pendaison d’Antoun Saadé sur ordre du gouvernement de Riad El Solh, sans autre forme de procès, deux jours après sa remise au Liban par Damas où il s’était refugié, va conférer au supplicié un halo de martyr. Et galvaniser la combativité de ses partisans.

Fait notable, Antoun Saadé a été livré à Beyrouth par le général Husni Al Zaim, un général d’origine kurde, un soudard putchiste, poulain du général vichyste Dentz, et qui sera incarcéré par les Anglais pour ses sympathies pro allemandes.

Dans le chapitre 9 du livre, Juliette El Mir Saadé expose en toute lucidité les raisons de l’hostilité des pays arabes à son mari et son parti: «La défaite de la guerre de 1948 ouvre un nouveau chapitre dans la lutte menée contre le Parti National Syrien et son fondateur. Pour les dirigeants arabes vaincus, seule compte la reproduction de leur propre pouvoir. Au Liban, les notables de la classe politique sont bien décidés à faire taire définitivement le PSNS. Dans cette nouvelle conjoncture, ils peuvent à présent mener la chasse sans aucune retenue. Leur priorité étant de détruire le concept de la «Grande Syrie» (page 175)…

Dans le chapitre 10, la veuve d’Antoun Saadé, en une phrase lapidaire, page 205, dresse le portrait sans concessions de la trahison de Husni al Zaïm, une trahison fatale à son époux: «De toute évidence Antoun Saadé a fait un mauvais calcul en acceptant la protection de Husni Al Zaïm. Homme de parole et de principe, il a gravement sous-estimé l’ambition de ce petit colonel opportuniste et sans scrupules».

Le PPS ripostera en deux temps à la trahison de son hôte syrien: Il procédera à l’assassinat de son tortionnaire, Riad El Solh, en 1951, puis 4 ans plus tard, à l’exécution du colonel Adnane el Malki, adjoint du chef d’état-major de l’armée syrienne, le pays qui avait livré leur chef au pouvoir libanais.

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L’assassinat du président élu Bachir Gemayel, un coup d’éclat d’une rare audace.

Au terme d’une hibernation de quinze ans (1961-1975), consécutive au coup d’état manqué de la Saint Sylvestre de 1961, un coup d’éclat d’une rare audace, l’assassinat de Bachir Gemayel, en plein fief phalangiste, à Achrafieh, dans l’immeuble même où le nouveau président élu libanais faisait ses adieux à ses anciens compagnons d’armes, à la veille de sa prise de fonction, signera le retour par la grande porte du PSNS dans le combat national.

Habib Tanios Chartouni, neveu de l’ancien garde de corps du fondateur du parti phalangiste, Pierre Gemayel, mais néanmoins un fidèle du parti d’Antoun Saadé, en parfait contre exemple des supplétifs libanais et arabe de la séquence dite du «printemps arabe», se portera volontaire pour cette mission sacrificielle, dont il en survivra miraculeusement. Il procédera au dynamitage le quartier général du parti phalangiste libanais à Beyrouth-Est, tuant sur le champ Bachir Gemayel et 25 de ses compagnons, le 14 septembre 1982, à la veille de l’entrée en fonction président élu du Liban.

Sa famille proche et lointaine sera décimée en représailles par les phalangistes. En toute impunité. Lui même, échappé de prison, sera condamné à vivre, en fugitif, dans la clandestinité. Mais cet homme là, en dépit des vicissitudes de sa vie présente, est assuré de passer à la postérité pour avoir été, celui qui a, à lui seul, mis en échec le projet de la «Pax américano israélienne» au Liban, tétanisant durablement le leadership phalangiste et ses parrains occidentaux.

L’élimination de Bachir Gémayel aura soulevé dans la sphère arabo-musulmane une vague d’enthousiame comparable par son ampleur à celle de l’éxecution de l’égyptien Anouar El Sadate, le signataire du traité de paix égypto-israélien, un an plus tôt. C’est dire l’importance de l’exploit.

La guerre civile libanaise, puis la guérilla anti israélienne au sud Liban, enfin la guerre de Syrie vont opérer une importante recomposition des forces au niveau régional, plaçant le PSNS -et ses vigoureux et robustes combattants- dans le camp de l’axe de la contestation à l’hégémonie israélo-américano-wahhabite dans la zone. La fin de son ostracisme compensera ainsi avantageusement la défection du saltimbanque de la vie politique libanaise, Walid Joumblatt, le chef féodal druze du Parti Socialiste Progressiste, rallié aux pétro-dollars du milliardaire libano-saoudien Rafic Hariri.

Outre sa participation à la guérilla anti israélienne, autour du noyau principal constitué par le Hezbollah, dans la guerre de libération du sud liban, le PSNS a participé aux combats du 7 mai 2008 toujours aux côtés de ses nouveaux alliés, le Hezbollah et le Mouvement Amal, contre le nœud coulant dressé contre la formation paramilitaire chiite par les Américains et leurs alliés locaux en vue de stranguler l’initiateur de la riposte balistique asymétrique anti-israélienne; Une novation dans la guerre contre Israël.

Son engagement sur le champ de bataille culminera tout naturellement dans la guerre de Syrie (2011-2019), dans le périmètre de Damas, le point focal de son projet de «Croissant fertile centré sur la Grande Syrie».

Comparaison n’est pas raison. Mais, à titre d’illustration et toutes proportions gardées, la décapitation du leadership phalangiste par le PSNS de même que l’abolition du traité de paix libano-israélien sous la pression d’un soulèvement populaire auront eu, sur le plan interne, la même portée stratégique et psychologique que le dégagement militaire israélien du sud-liban par le Hezbollah, en l’an 2.000, sans négociations ni traité de paix, sur le plan international. Trois faits qui ont propulsé le Liban au rang de curseur diplomatique régional et Beyrouth à la fonction traumatique du subconcient israélien, au même titre que le Vietnam pour les Etats Unis.

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De la rationalité cartésienne, de la France et de la «Grande Syrie»: les instructions d’Aristide Briand à Georges Picot

Curieux cheminement que celui emprunté par la rationalité cartésienne, la marque de fabrique de la France, dont le projet au Moyen Orient convergeait pourtant furieusement avec les vues du PPS qu’elle combattra pourtant farouchement.

Au terme de la I ère Guerre mondiale (1914-1918), deux projets étaient en concurrence dans cette zone pétrolifère:

Le projet français prévoyait la constitution d’une «grande Syrie», autour de Damas. Aristide Briand, alors chef de la diplomatie française, avait chargé Georges Picot, Consul général de France à Beyrouth, le 2 novembre 1915, des recommandations suivantes:

  • Que «la Syrie ne soit pas un pays étriqué. Il lui faut une large frontière faisant d’elle une dépendance pouvant se suffire à elle-même»;
  • Un tracé frontalier englobant «la Palestine avec des garanties données aux autres concernant Jérusalem et Bethléem»;
  • Un territoire qui comprendrait «Beyrouth, Damas, Alep, la partie du Wilayet D’Adana située au sud de Taurus»;-
  • À l’Est, la frontière suivrait «la ligne de faîte dans les wilayets de Diyarbakir et de Van (frontière turco-irakienne) pour redescendre vers Mossoul et atteindre l’Euphrate à la limite de la province de Deir Ez Zor»;
  • Les «régions minières de Kirkouk» devaient figurer dans les frontières de l’Etat syrien.

Mais les Syriens, en guise de «grande Syrie» obtiendront une «Syrie mineure» sérieusement amputée d’une large fraction de ses provinces.

Le projet français ne manquait pourtant ni d’audace ni de grandeur.
Grandiose, il assurait la France d’une présence pérenne au Moyen Orient, en même temps qu’il sécurisait son indépendance énergétique.

Une «Grande Syrie» englobant Jérusalem, Bethléem, Beyrouth, Damas, Alep, Van Diyarbakir, jusque même Mossoul et Kirkouk, c’est à dire un territoire englobant la Syrie, une partie du Liban, de la Palestine, de la Turquie et de l’Irak.

Le projet anglais préconisait, lui, la constitution d’un ensemble régional autour du bassin historique de la Palestine. Par un tour de prestidigitation dont seule une diplomatie chevronnée a le secret, les Anglais vont retourner le projet français à leur profit édifiant un ensemble régional regroupant l’Irak, la Jordanie (Transjordanie à l’époque) et la Palestine, au grand dam de Paris qui devra se contenter d’un projet de substitution très en deçà de ses attentes avec les inévitables rancœurs qu’une telle défaillance suscitera.

Pour aller plus loin sur ce sujet

  • https://www.madaniya.info/2016/05/16/sykes-picot-un-siecle-calamiteux-pour-la-france/

Curieux cheminement que celui emprunté par la rationalité cartésienne, qui a voué aux gémonies un disciple de l’argentin Juan Péron et porté aux nues un admirateur de Hitler, dans le droit fil de la collaboration vichyste du nazisme.

Le disciple de Peron, Antoun Saadé, qui prônera un autoritarisme populiste face à la féodalité clanique, de même que la laïcité dans un pays grangréné par le confessionnalisme ainsi que la mixité et la diversité arabe, sera, paradoxalement, combattu sans ménagement.

L’admirateur de la discipline hitlérienne, Pierre Gemayel, qui s’inspirera de l’organisation nazie des Jeux Olympiques de Munich, mise en scène par le régime hitlérien, en 1938, pour fonder un parti sur un modèle nationaliste paramilitaire, le Mouvement des Kataëb (phalanges) sera, lui, non moins paradoxalement, porté aux nues.

Curieux cheminement de la rationalité cartésienne qui incite la France, artisan au XXe siècle, du démembrement de la Syrie par la cession arbitraire du district syrien d’Alexandrette à la Turquie, son ennemi de la première guerre mondiale, à se hisser, au XXIe siècle, au rang de chef de file de la guerre planétaire contre la Syrie en vue de son équarissage, en alliance avec le terrorisme islamique, s’assurant une répulsion éternelle d’une large fraction de la population syrienne et libanaise. Un comportement erratique qui explique une part de sa déconfiure au Levant.

Dans une demarche qui relève de cette même logique cartésienne, l’Institut du Monde Arabe (IMA) à Paris, la prestigieuse vitrine du rayonnement culturel arabe à destination de l’opinion occidentale, a annulé la séance de présentation de l’ouvrage de Régina Sneifer. Un comportement pitoyable indigne du «pays des lumières» qui confirme, par contrecoup, la pertinence des écrits de l’auteure de même que le caractère corrosif de sa démarche.

L’institutionnalisation du système confessionnel au Liban, un poison à dose lente, au mépris du principe de la laîcté de l’état, un principal cardinal de la vie publique française, le pacte affairiste qui a lié pendant vingt ans Rafic Hariri, le milliardaire libano-saoudien à Jacques Chirac (1985-2005), de même que le déni de droit commis par la «Patrie des Droits de l’homme» à l’égard d’une figure mythique la résistance libanaise, Georges Ibrahim Abdallah, enfin les élucubrations jurisprudentielles d’un petit pro consul de France au Liban, Bernard Emié, actuel Directeur géneral de la DGSE sur la «responsabilité implicite» de la Syrie dans l’assassinat du bienfaiteur du président français expliquent la déconfiture de la France au Liban et sa relégation inéxorable de ce qui fut jadis son «point d’ancrage au Levant». Correlativement à sa roue dentée maronite, représentée par le Parti phalangiste désormais l’ombre de ce qu’il fut jadis.

Ci joint, le récit d’une relation singulière dans les annales diplomatiques internationales, la relation Jacques Chirac-Rafic Hariri, une relation marquée par une patrimonialisation des rapports d’Etat au bénéfice de ces deux hommes arrivés quasi-simultanément au pouvoir à Paris et à Beyrouth et de la berézina diplomatique qui s’est ensuivie.

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Le syndrome maronite

Cadeau empoisonné de la France, le confessionnalisme constitue une négation de la démocratie en ce que la citoyenneté libanaise est conditionnée et handicapée par la naissance. Mur de verre invisible et infranchissable, il contribue à ce titre à la nécrose de la vie poilitique libanaise.

Sur un point nommé, dans des domaines précis, la naissance confère un primat à une communauté au détriment des autres communautés par le Fait du Prince, l’arbitraire du pouvoir colonial. Elle prédétermine les membres d’une communauté à des fonctions indépendamment de leur compétence. Elle conforte une communauté dans un sentiment de supériorité ou de frustration.

Les exemples sont nombreux des dérives du confessionnalisme. Le leadership maronite a ainsi assumé, par une sorte de Hold up, la direction des combats du camp chrétien lors de la guerre civile libanaise (1975-1990), à l’exclusion des autres composantes de la chrétienté libanaise, quand bien même elles en subissaient les conséquence.

Le primat conféré par la France à la communauté maronite dans l’exercice des responsabilités suprêmes au Liban aurait dû se vivre comme une délégation de pouvoir au bénéfice de l’ensemble des communautés chrétiennes du Monde arabe et non comme la marque d’une supériorité immanente d’une communauté spécifique au détriment des autres, en ce que les Maronites constituaient la plus importante minorité des minorités chrétiennes du Liban et non la communauté chrétienne majoritaire d’un Monde arabe, majoritairement musulman.

Par une sorte d’abus de position dominante conféré par la France en sa qualité de puissance mandataire sur le Liban et la Syrie, les Maronites ont procédé à une sorte de captation d’héritage se présentant comme les dépositaires des intérêts supérieurs de la chrétienté d’Orient, réduisant la chrétienté aux seuls intérêts de l’Eglise maronite, confondant en somme maronitisme et chrétienté, se vivant en maître incontesté du Liban. Pour n’avoir pas observé cette règle non écrite de la prudence politique, elle en paiera le prix par sa marginalisation, entraînant dans sa relégation les autres composantes chrétiennes innocentes de cet emballement.

Victimes innocentes souvent, bourreaux parfois plus que de besoin, les camps palestiniens de la quarantaine (est de Beyrouth), en 1976, et de Sabra Chatila (sud de Beyrouth), en 1982, passeront dans l’histoire comme de sanglantes illustrations pathologiques de la déraison humaine, au passif du leadership maronite, particulièrement les milices chrétiennes des Forces Libanaises.

Pour aller plus loin sur ce sujet, cf ces liens :

Sur la problématique générale des Maronites «seul (ou presque) parmi tous les peuples colonisés, à avoir choisi délibérément de se «francophoniser» à défaut de se franciser», cf cette étude du philosophe libanais Roger Naba’a

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Régina Sneifer aux antipodes de Rima Tarabay.

En 1994, Regina Sneifer, titulaire d’un diplôme de géopolitique, a publié son premier ouvrage «Guerres maronites» chez L’Harmattan. Douze ans plus tard, dans une sorte de catarcysme, elle récidive, livrant le récit de ses années de militante dans un livre intitulé «J’ai déposé les armes, une femme dans la guerre du Liban», Editions de l’Atelier.

Ce livre, édité dans sa version arabe par Dar Al Faraby, a été préfacé par Georges Corm, qui réitérera en la matière en préfaçant le nouvel ouvrage redige en langue française. C’est dire l’estime du géopolitologue libanais pour l’auteure.

L’échiquier libanais abonde de chassés croisés entre les camps antagonistes en fonction des convictions des uns et de la perméabilité des autres aux arguments sonnants et trébuchants de leurs nouveaux comanditaires.

La guerre n’est pas un prétexte à tous les déchainements. Mais un révélateur. Un amplificateur des tendances latentes d’une personne et de son pyschisme. Les parcours diamétralement opposés en France de Charles De Gaulle, chef de la France Libre, et de Philippe Pétain, l’ordonnateur de la collaboration de la France avec le nazisme, en témoignent de même que ceux de Jean Moulin, chef de la résistance intérieure française mort sous la torture, et de Pierre Laval, chef du gouvernement collaborationiste de Vichy. Il en est de même au niveau international, la résistance héroique de Stalingrad face à l’Allemagne et le sabordage de la flotte française à Toulon en constituent des éloquents exemples.

Dans la typologie libanaise, Régina Sneifer se situe aux antipodes de Rima Tarabay, qui en constitue son double maléfique. Empruntant le chemin inverse, Rima Tarabay passera sans coup férir avec armes et bagages de porte parole des milices chrétiennes à porte parole du milliardaire saoudo libanais Rafic Hariri, glanant pour cet exploit le titre de «Reine de la Culbute», dans tout l’éclat du terme, tant son triple axel a été sans bavure, et sa dextérité impressionnante. Une pirouette comparable par sa témérité à celle du transfuge baasiste Abdel Halim Khaddam, le vice-président de la République syrienne.

Gravitant dans l’orbite de la «Gauche démocratique -YAD- Al Yassar Al Dimokrati», -une quintette d’opportunistes drappée des oripeaux du progressisme, se servant du paravent de la gauche pour camoufler son abdication au Roi Dollar-, Rima Tarabay s’appuiera sur deux béquilles constituées par deux transfuges de camps antagonistes de la guerre civile libanaise (1975-1990): Samir Frangieh, ancienne figure de la gauche libanaise devenu le conseiller occulte du milliardaire libano saoudien Rafic Hariri, et Johnny Abdo, le chef des services de renseignements de l’armée libanaise et, paradoxalement, l’homme des Israéliens par excellence au Liban.

Pour aller plus loin sur les avatars de la Gauche démocratique, cf ce lien:

https://www.madaniya.info/2018/10/01/ziad-majed-un-parfait-representant-de-la-gauche-mutante-libanaise-candidat-potentiel-sur-la-liste-demargement-d-abou-dhabi/

Le témoignage accablant de M. Abdallah Naaman, ancien conseiller culturel à l’ambassade du Liban en France.

«Rima Tarabay a été la dernière personne qui a vu Maroun Baghdadi sortant de la maison de sa maman».

Ancien conseiller culturel à l’ambassade du Liban à Paris, Abdallah Naaman est un homme partiulièrement avisé des arcanes de la vie diplomatique parisienne, porteur de lourds secrets accumulés par quarante deux ans de présence à la mission libanaise à Paris (1974-2015).

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Ci-joint son témoignage au signataire de ce texte:

«Titulaire d’un doctorat en géographie de Paris», –une thèse intitulée «Pour un projet sociétal libanais, l’environnement durable, une nouvelle citoyenneté?, sous la direction de Jean Paul Amal Paris IV–, Rima Tarabay était proche du cinéaste Maroun Baghdadi (1950-1993), disparu prématurément en descendant l’escalier de l’appartement de sa mère, à Beyrouth, alors que le quartier subissait une panne d’électricité.

«Fait divers absurde? Jalousie d’un cinéaste concurrent qui voyait Maroun rafler toutes les récompenses internationales et qui s’apprêtait alors à tourner ses films avec les grands réalisateurs de Hollywood? Vengeance d’une femme perfide éconduite par le cinéaste qui brûlait les étapes de sa vie entre plusieurs capitales?

«Toujours est-il que lorsque le conseiller culturel de l’Ambassade du Liban à Paris Abdallah Naaman apprend la nouvelle du décès accidentel du cinéaste, il se précipite à une clinique parisienne pour informer l’épouse de Maroun, Soraya Khoury, qui venait d’accoucher d’un bébé.

«Arrivé devant la jeune femme, devenue le même jour maman et veuve, Abdallah Naaman a du mal à trouver les mots idoines pour à la fois la consoler et la féliciter. Il connaît le couple Baghdadi depuis des années et mesure la grande perte que le pays du Cèdre vient de subir. Il embrasse la mère fraternellement et regarde le nouveau-né tendrement, sans souffler mot.

Puis il se met à côté du père de Soraya, le commandant en chef de l’Armée libanaise, le général Victor Khoury, effondré face au drame épouvantable. «Le général finit par lâcher à l’adresse d’Abdallah Naaman: «Rima Tarabay a été la dernière personne qui a vu Maroun sortant de chez sa maman…»

Rima aura donc été l’unique et ultime témoin du drame à l’égard duquel elle observera un mutisme absolu.

«La belle Rima avait fait ses armes dans les rangs de la milice maronite. Elle avait porté le treillis et le pistolet mais jure n’avoir jamais tué. Après la mort de Baghdadi, elle quitte le Liban et vient s’installer à Paris.

«Francophone à souhait, elle est repérée par l’ambassadeur Johnny Abdo qui la présente à Rafîc Hariri qui l’adoube et s’attache ses services. Auprès de lui, elle sera sa secrétaire, son assistante, sa collaboratrice et sa voix auprès de l’intelligentsia parisienne.

«Bien introduite auprès des grands, à commencer par Jacques Chirac, Rima n’a plus besoin de la modeste solde que lui versait la milice maronite et peut commencer un chapitre plus reluisant de sa carrière, à partir de Paris, avec des missions «diplomatiques» et «festives» plus passionnantes. Désormais, la conseillère peut faire de l’hôtel particulier de Hariri, avenue d’Iéna, sa cantine, et, cerise sur le gâteau, dans les pas d’un certain Gustave Eiffel un siècle plus tôt.

«Le séisme de Février 2005, l’assassinat du millardaire saoudo-libanais, a constitué une aubaine pour Rima qui lui offria la possibilité de donner la mesure de son militantisme new look: Ne doit-elle pas à son mentor Rafic Hariri la reconnaissance du ventre? Quelques jours après l’assassinat de son nouveau patron, elle organise, place d’Iéna, un rassemblement pour dénoncer le crime et accuser, micro à la main, sans preuves, les Syriens et le Hezbollah, dans le droit fil de la posture française et l’abracadabrantesque théorie de la «responsabilité implicite» de la Syrie dans l’assassinat du pensionnaire posthume de Jacques Chirac.

«Parmi les dizaines de libanais ameutés par Rima, les badauds reconnaissent le noyau directeur du journal An Nahar -Gébrane Tuéni, Marwan et Ali Hamadé, un quotidien en perte de vitesse dont Rafic Hariri en était un grand actionnaire; Samir Kassir et Elias Attallah, deux membres de la gauche démocratique, transfuge du communisme de leur jeunesse, ainsi que le journaliste Farès Khachchan, un des thuriféraires du milliardaire.

«Rima était alors secondé par un homme vibrionnaire, portant des lunettes noires comme pour masquer son regard, faisant scander à la foule des slogans ravageurs et vindicatifs. L’individu répondait au nom de David Marouani, né en Tunisie en 1969, un «juiftune» comme se désignent entre eux les Tunisiens de confession juive naturalisés français. Une famille connue en France dans le monde du spectacle et des variétés, sauf que le rejeton s’est révélé être un activiste pro-israélien, heureux élu de cœur de l’avisée Rima, laquelle a ainsi trouvé son cendrillon à l’approche de la quarantaine, assurant dans la fusion de leurs sentiments, la confusion des intérêts du couple.

«A la succession de son père, Saad Hariri décide de maintenir Rima Tarabay à son poste d’observatrice parisienne, chargée surtout d’organiser ses séjours fréquents à Paris, pour ses loisirs, ses contacts d’affaires, voire pour fuir ses responsabilités ou ses créanciers locaux.

Sur ce lien, la détresse des anciens employés français de la firme Saudi Oger, propriété de Saad Hariri,

  • https://www.cbanque.com/actu/75855/saudi-oger-des-expatries-francais-interpellent-une-nouvelle-fois-le-premier-ministre-libanais

«Avec zèle et contre toute vraisemblance, elle défendra la mésaventure de son patron à Riyad, sa capture et sa démission forcée, réfutant vigoureusement à la télévision, contre toute évidence, son humiliante captivité. Un aveuglement qui valorisera, par contrecoup, la position des principaux rivaux politiques de son employeur, le président Michel Aoun et le Hezbollah, dont l’intransigeance sur cette question a favorisé la remise en liberté du premier ministre libano saoudien, otage de ses parrains wahhabites.

Pour aller plus loin sur ce sujet, cf

«Dans la foulée, Saad Hariri fera place nette à sa nouvelle recrue. Il se séparera de son «ambassadeur» privé auprès de l’Élysée, Me Basile Yared et renforcera les prérogatives de Rima qui devient sa «conseillère personnelle pour les affaires de France et d’Europe occidentale»….jusqu’à sa malheureuse candidature à l’Union Pour la Méditerranée.

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Fin du témoignage d’Abdallah Naaman

Sur ce lien, les objectifs sous jacents de l’UPM : https://www.renenaba.com/1er-anniversaire-du-lancement-de-lunion-pour-la-mediterranee/

A ce poste, forte de son immunité diplomatique, cette opportuniste haut de gamme aurait pu poursuivre son œuvre de normalisation avec l’ennemi officiel du Liban, sans craindre les poursuites judiciaires, pensant ainsi pouvoir offrir à Israël ce que l’Etat hébreu n’a pu se procurer par sa puissance de feu.

Par malchance pour cette ambitieuse, une fuite -délibérée?- dans la presse libanaise a gelé sa nomination d’autant que son affectation à ce poste est intervenue durant la période transitoire post électorale, en l’absence d’un décret pris en conseil des ministres, accréditant l’idée d’une «magouille»

Cf à ce propos sur ce sujet un article en ce sens du journal «Al Akhbar» La candidature de Rima Torbey à l’UPM, une faute diplomatique ou politique?»

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Épilogue

Parfait contre exemple de Rima Tarabey, Régina Sneifer ne relève pas de la cohorte des cloportes qui peuplent la scène libanaise. Elle appartient à la race des vertébrés, non des reptiles. Une femme libérée du magma maronite dans lequel sa jeunesse l’avait par erreur plongé. Une briseuse de tabou. Une femme debout.

La parution de son ouvrage à l’occasion de la commémoration du 70e anniversaire de la pendaison d’Antoun Saadé a retenti comme une réhabilitation posthume du plus célèbre «paria» de la vie politique libanaise.

L’homme qui dégageait une odeur de souffre, selon ses détracteurs, était en fait, un dirigeant laic et visionnaire, soucieux de doter le Monde arabe d’un seuil critique afin de le soustraire à l’emprise coloniale occidentale, alors que ses deux plus implacables rivaux, la France et le parti phalangiste, se trouvent au Nadir de leur présence au Liban. Juste retour des choses.

Le nom de Georges Picot continue pourtant d’honorer une des rues de Beyrouth, en dépit de ses déboires sur le projet de «Grande Syrie», illustration symptomatique de la pathologie libanaise.

Au delà du rétablissement de la vérité historique sur un personnage infiniment moins épouvantable que ne le présentait la propagande officielle, -en tout cas infiniment moins «répulsifiant» que les rapaces du marigot politique libanais-, que le travail de clarification soit mené à son terme afin que l’imposture soit définitivement démasquée; que la parution de cet ouvrage provoque un sursaut de conscience populaire en vue de purger les rues du Liban des scories post coloniales, à l’instar du tricard Georges Picot, de Maurice Barrès, le théoricien de l’ultra droite française, d’Ernest Renan, l’agent attiré des services français au Levant, enfin le général Henri Gouraud, «officier reconnu du parti colonial», le fossoyeur du mouvement indépendantiste d’Afrique occidentale (Mali, Tchad, Mauritanie) et de Syrie (bataille de Khan Maysalloun).

Cent ans après la proclamation de l’Etat du Grand Liban, le 1 er septembre 1920, il en va de la bonne santé mentale des Libanais et de la fin de leur longue aliénation. Puisse le dernier livre de Regina Sneifer y contribuer puissamment.

Pour compléter ce texte, ci joint la recension de Richard Labévière sur le même sujet http://prochetmoyen-orient.ch/la-grande-syrie-dantoun-saade-le-livre-evenement-de-regina-sneifer/

-Références de l’ouvrage: Une femme dans la tourmente de la grande Syrie».-Par Régina Sneifer d’après les mémoires de Juliette El Mir (1909-1976)- préface de Georges Corm – Editions Riveneuve. ISBN 978.2. 36013. 596 2. Prix 20 euros-

Le livre contient 16 chapitres précédés d’une préface de Georges Corm et d’un avant propos. Il s’achève sur un épilogue, suivi d’une abondante bibliographie.

  • Chapitre 1: la première traversée (1909-1920)
  • Chapitre 2: La première séparation (1920-1939)
  • Chapitre 3: Engagée (1939-1940)
  • Chapitre 4: Les Amants de Cordoba (Mars-Avril 1940)
  • Chapitre 5: Dans le bonheur et les épreuves (1940-1941)
  • Chapitre 6: Au bout du Mahjar (1942-1946)
  • Chapitre 7: Nous rentrons (1946-1947
  • Chapitre 8: A contre-courant, visionnaire (1947-1948)
  • Chapitre 9: Mille et une trahisons (Janvier- Juin 1948)
  • Chapitre 10: L’EXECUTION
  • Chapitre 11: En ligne de mire (9 juillet- 14 août 1949)
  • Chapitre 12: Des répliques en cascade (15 août 1949-1954)
  • Chapitre 13: A l’isolement (1854-1955)
  • Chapitre 14: Tous les coups sont permis (Août 1955-1958)
  • Chapitre 15: Mazzeh, le trou noir de l’Union (1958-1960)
  • Chapitre 16: Plus forte qu’une forteresse (1960-26 décembre 1963)$
  • Epilogue (28 décembre 1963-24 juin 1976) Bibliographie

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