Le credo victimaire de l’homme politique centriste, vieux style (Michel Audiard, Henri Verneuil)

Dans le film Le Président (1961) d’Henri Verneuil (dialogues de Michel Audiard), l’ancien Président du Conseil Émile Beaufort (Jean Gabin) dicte ses mémoires à sa secrétaire, mademoiselle Milleran (Renée Faure). Ce président du conseil fictif, largement inspiré de Georges Clemenceau, d’Aristide Briand et de Léon Blum, formule une portion de son texte en ces termes, en deux temps. D’abord mademoiselle Milleran lui rappelle le texte antérieurement dicté:

On ne gouverne pas sans quelques inimitiés. Tout homme de pouvoir devrait s’imprégner de cette maxime qui, en vertu d’un étrange paradoxe, est la notion même de bien public.

Puis le président Beaufort enchaîne:

LES ANNÉES DIFFICILES — Je crois avoir été un des hommes les plus détestés de son époque. Ce fut longtemps mon chagrin, c’est aujourd’hui mon orgueil. Je suis républicain depuis que je respire. Et pourtant, au cours de quarante années de vie politique, j’ai eu le privilège d’avoir été traité de despote oriental par les socialistes, de voyou moscoutaire par l’Action Française, de valet de Wall Street par les syndicalistes, et de faux monnayeur par la haute banque. Voilà pour mes adversaires. Quant à mes amis —les amis n’aiment pas être fidèles, ils ont l’impression de perdre leur personnalité— quant à mes amis donc, ils se contentèrent de me taxer d’ambition et d’intransigeance, deux appellations que je revendique. J’ai toujours été en effet extrêmement ambitieux du destin de mon pays et intransigeant sur la manière de le voir s’accomplir. Le moindre article, dans un journal étranger, défavorable à la France m’a toujours beaucoup plus affecté que la chute d’un ministère Beaufort.

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Ce credo victimaire de l’homme politique centriste, vieux style, superbe de lyrisme, imaginé par le très réactionnaire dialoguiste Michel Audiard, va loin et —en fait— n’a pas pris une ride, pour le meilleur… et surtout pour le pire. Voici la scène:

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Les droits d’auteurs de ce texte appartiennent aux instances concernées. Il est publié ici, sur un espace citoyen sans revenu et libre de contenu publicitaire, à des fins strictement documentaires et en complète solidarité envers son apport intellectuel, éducatif et progressiste.

Une réflexion sur “Le credo victimaire de l’homme politique centriste, vieux style (Michel Audiard, Henri Verneuil)

  • 8 janvier 2020 à 5 h 21 min
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    Qui d’autre aurait pu se targuer d’être meilleur dans ce rôle que le sacré et sommité du cinéma Jean Gabin ! avec les dialogues de Michel Audiard en plus… ! Une époque ou le cinéma français valait de l’or et pour au moins deux autres décennies encore ! cette ambiance, cette voix et présence de Gabin, ce vieux style et ce lyrisme… me rappellent justement l’ambiance de la maison de mon enfance lorsqu’on était réuni autours de ces films autour de feu mon père, lui même un beau brun, fin et élégant, taillé pour les costards on aurait dit, dans le genre Humphrey Bogart dans la force de l’âge encore… et je crois qu’en étant enfant… tant sur le style que sur la classe, je ne faisait pas la différence entre lui et toutes ces stars du cinéma en noir et blanc de l’époque et qu’il n’arrêtait pas de louer, Gabin était au sommet de ceux là, mais il y a tant d’autres Jean Marais, Yves Montand, Bourvil, Ventura, fernandel, Delon, Belmondo… ou les américains comme Carry Grant, Clark Gable, Garry Cooper, Gregory peck, et tellement d’autres… les femmes on en parle même pas! il nous éduquait justement sur ces acteurs et actrices et sur le cinéma de l’époque en plus, il nous émerveillait, et lui arrivait de nous raconter même le cinéma des années 1940 ! Au fait on dirait qu’à l’époque les gens étaient vraiment plus beaux, plus fins, plus éduqués on dirait, et avaient tous cette aura et ce quelque chose de glamour qui s’est perdu à jamais plus tard ! qu’ils reposent tous en paix… ils nous ont réellement légué les meilleurs souvenirs de notre vie, et je crois qu’on a tous vécu leur rôles comme leur vies en quelques sortes !
    Et quoi dire de cette réplique si véridique  »qu’on ne gouverne pas sans inimitiés » ! dans la bouche de Jean Gabin, ça sonne encore plus vrai que si c’est un vrai président qui le dise !:)) Bref ces gens là avaient de la classe, savaient parler… exceller dans leur rôles, opérer la magie sur le public…lui aussi éduqué de l’époque… et non comme le public ignare ou dépressif d’aujourd’hui !…hélas
    Merci à l’équipe de l’édition pour ce clin d’œil à la  »civilisation » perdue des années 1960 ! :)))

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