La mise en place de la Commission Charbonneau sur les collusions et la corruption dans le secteur de la construction au Québec… ou JE ME SOUVIENS DE LA PATENTE À GOSSE
Jette de la boue sur un mur. Soit elle restera collée, soit elle laissera une trace
(proverbe arabe)
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YSENGRIMUS — La réminiscence critique à laquelle je vous convie ici porte sur l’ensemble des pressions publiques exercées, il y a exactement dis ans, soit entre septembre et novembre 2011, et ayant mené à la constitution, en deux phases, de la désormais fameuse Commission Charbonneau. La mise sur pieds d’une commission d’enquête sur les collusions entre le secteur de la construction et les partis politiques au Québec fut, je vous supplie de vous en souvenir, le résultat d’un ensemble complexe de pressions politiques exercées par la société civile sur le gouvernement du Québec et le Parti Libéral au pouvoir. Je me propose donc ici, modestement, de pérenniser la dynamique de cet ensemble de pressions politiques, élitaires et citoyennes, s’étant exercées, fort intensément, entre 2009 et 2011, sur cette question, dont les répercussions se feront sentir longtemps encore dans la vie sociale et politique québécoise. La chose étant particulièrement hallucinante en soi, je me propose d’adopter le ton le plus pudique imaginable pour procéder (succintement) à sa présentation.
Depuis avril 2009, des irrégularités et des problèmes de collusion de diverses natures se manifestent au Québec autour du secteur de la construction, et de nombreux intervenants, constatant le caractère général et généralisé du problème, se sont mis à réclamer des enquêtes et des investigations sur la question. La possibilité d’une profonde implication du crime organisé et de liens intimes entre ce dernier, les acteurs importants du secteur de la construction et les paliers de gouvernement municipaux et provinciaux crée un conteste de suspicion généralisée qui oblige le gouvernement du Québec à mettre sur pied, en février 2011, une Unité permanente anti-corruption, inspirée d’une unité semblable existant à New York. Le 15 septembre 2011, une fuite du rapport du directeur de cette unité (l’ancien chef de police montréalais Jacques Duchesneau) confirme une nette corrélation de collusion entre pègre, ministère des transports, grandes entreprises de travaux publics et caisses électorales de partis politiques municipaux et provinciaux. Le premier ministre du Québec, Jean Charest, met alors sur pieds, le 19 octobre 2011, une commission d’enquête aux pouvoirs limités (qu’on surnommera alors la patente à gosse), dont il confiera la direction à la juge France Charbonneau. Le 9 novembre 2011, Jean Charest, cédant ensuite à un autre ensemble, toujours croissant, de pressions publiques, retire les restrictions des pouvoirs de cette commission d’enquête et la rend pleinement opérationnelle. Je vous remémore ici les pressions paradoxales s’étant exercées pour que la Commission Charbonneau devienne de plain pied une commission d’enquête au sens régulier et ordinaire du terme. Le terme patente à gosse, est une expression québécoise péjorative (amplement utilisée par les groupes de pressions impliqués sur cette question et les médias) pour désigner une machinerie compliquée, alambiquée, tarabustée qui fait semblant de bien marcher mais qui en fait est toute croche et risque de ne pas vraiment remplir sa fonction ou ses promesses, même si elle a un petit côté spectaculaire qui pourrait faire illusion. La première mouture da la Commission Charbonneau était, selon ses principaux critiques, une patente à gosse, la seconde mouture (la version finale) ne le serait plus. Notre chronologie restreinte se formule donc comme suit:
- 15 septembre 2011: Fuite du rapport Duchesneau et début de l’intensification des pressions pour obtenir une commission d’enquête sur les collusions entre le secteur de la construction et les partis politiques au Québec
- 19 octobre 2011: Mise sur pied de la Commission Charbonneau dans sa version dite «patente à gosse»
- 9 novembre 2011: à la demande de la juge Charbonneau, et sous la pression collective, assignation des pleins pouvoirs à sa commission d’enquête
Il est important de garder à l’esprit que le gouvernement du Québec, comme corps administratif provincial, a une longue tradition de corruption. On peut évoquer les scandales de construction ferroviaire du 19ième siècle et de concessions forestières abusives au tout début du 20ième siècle, ayant fait tomber des gouvernements, notamment ceux de Simon-Napoléon Parent en 1905 et de Louis-Alexandre Taschereau en 1936. Des abus durables du système de ristournes du duplessisme entre 1945 et 1960 jusqu’aux malversations mises en lumière par la Commission Cliche en 1975, la collusion et la corruption sont un héritage lourd et ancien au Québec et, au fil du temps, il s’avère que tous les partis politiques sans exception sont compromis et qu’on a, en fait, affaire à une caractéristique profonde et récurrente de cet appareil gouvernemental spécifique.
Au pouvoir, dans des gouvernements minoritaires ou majoritaires, depuis 2003, le Parti Libéral du Québec du premier ministre Jean Charest est alors bien installé aux commandes de l’état québécois. Depuis 2009, on assiste à une intensification des «affaires» de népotisme et de collusion de différentes natures concernant la gestion actuelle de l’état québécois par ce parti spécifique. Son ancien ministre de la justice Marc Bellemare a accusé ce gouvernement d’obtenir des contributions politiques en échange de la nomination de juges (cela a déclenché la mise sur pied de la Commission Bastarache). Son ancien ministre de la famille Tony Tomassi a du démissionner pour avoir utilisé la carte de crédit d’une entreprise disposant de contrats gouvernementaux. Et, plus récemment, c’est la présidente du Conseil du trésor, madame Michelle Courchesne qui est accusée d’avoir, lorsqu’elle était Ministre de la Famille, alloué des contrats de lancement de garderies privées et des places en garderies à des contributeurs de la caisse électorale du Parti Libéral du Québec. On peut donc dire, pudiquement toujours, que la crédibilité politique de ce gouvernement n’est pas très forte alors. Jacques Duchesneau est un officier de police ayant trente ans de carrière. Il a été chef de la police de Montréal de 1994 à 1998 et candidat malheureux à la mairie de Montréal en 1998. Patron de l’Unité permanente anti-corruption depuis février 2011, il dépose un percutant rapport en septembre 2011. «L’ancien chef de police conclut que le Ministère des Transports est impuissant face à la collusion et que le crime organisé et les entreprises de construction sont responsables des coûts très élevés payés par l’État pour ses projets de construction. Une partie du magot serait ensuite transférée vers les caisses électorales des partis politiques, affirme le rapport Duchesneau.» (source: La Presse Canadienne).
La liste des instances de la société civile québécoise ayant réclamé, entre 2009 et 2011, une commission d’enquête sur les collusions entre le secteur de la construction et les partis politiques au Québec se résume comme suit (liste non-exhaustive): Association des policiers provinciaux du Québec, Association des procureurs de la Couronne du Québec, CSD Construction, Centrale des syndicats du Québec, CSN Construction, FTQ Construction, Centrale des syndicats nationaux, Maire de Québec, Municipalités, MRC et conseils d’arrondissements, Fédération québécoise des municipalités, Fraternité des policiers de Montréal, Ordre des ingénieurs du Québec, Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec, Syndicat de la fonction publique du Québec, Ville de Montréal, maire et conseil municipal, Ville de Longueuil, mairesse et conseil municipal, PQ, ADQ. Les commentateurs proviendront de ces différents milieux et parleront d’une voix de plus en plus unanime. Tout le monde souhaite, ou affecte de souhaiter, que cesse la corruption dans le secteur de la construction aux niveaux municipal et provincial et que la collusion entre grandes firmes d’ingénierie, pègre urbaine et partis politiques soit mise en lumière et éradiquée. La soif de savoir ce qui se passe et de comprendre clairement les méandres du système de corruption et de collusion en place est un puissant incitatif de pression dans toute cette dynamique. Les critiques de différentes origines s’opposent ici très massivement et fort unanimement au premier ministre Charest, tout en le rejoignant autour d’un postulat commun, celui de l’existence de malversations, de corruption et de collusions dans les secteurs de la construction de grandes infrastructures, au niveau municipal et provincial. C’est sur la solution à apporter, à cette étape-ci de cette crise de confiance, qu’on ne s’entend pas.
En gros, on peut résumer (tout en appréciant leur fine cambrure paradoxale) ce que furent les arguments des acteurs, de la façon suivante. Arguments du premier ministre: une commission d’enquête est un mécanisme lourd, médiatisé et spectaculaire qui risque de nuire aux enquêtes policières en cours, qui sont délicates et complexes, en exposant et projetant sur la place publique, de façon désordonnée et politiquement surchargée, des personnalités qui en profiteront soit pour se refermer comme des huîtres et ne rien avouer, soit pour employer le tribune inusitée dont elles disposeront pour s’en prendre aux autres, y compris à leurs ennemis personnels, tout en se protégeant eux-mêmes. Ces questions sont déjà difficiles à tirer au net dans le huis clos des interrogatoires de polices ou de rencontres avec des juges d’instruction, elles deviendraient intraitables dans une commission d’enquête s’exposant et se déployant tambour battant sur la place publique. Arguments du reste des intervenants: à des degrés divers (mais parfois très explicitement), on accuse le premier ministre de vouloir maintenir la discrétion et le secret des enquêtes non pour protéger leur efficacité effective mais pour dissimuler son implication personnelle et celle de son parti politique dans les activités illicites qui seront mises à jour. En se privant d’une commission d’enquête publique, on accuse le premier ministre et le parti au pouvoir de se priver du seul mécanisme juridique et politique d’ampleur nationale susceptible de procéder à une mise à plat complète et contraignante de tous les mécanismes de malversation, de collusion et de corruption dont l’existence ne peut-être que soupçonnée. Cette analyse fait valoir que les enquêtes policières ne capturent que les lampistes, épargnent les grosses pointures, et que toutes les pressions politiques sont possibles, quand les étapes de l’investigation se déroulent hors de la vue du public. Les intervenants publics, autres que le premier ministre et son cabinet, réclament une commission d’enquête publique (au sens classique du terme – soit exactement ce qu’on appellait autrefois une Commission Royale d’Enquête) sur les collusions entre le secteur de la construction et les partis politiques au Québec et ils exigent qu’elle opère avec pouvoirs pleins et entiers. Leurs arguments ne changeront pas, tout le long de l’exercice, et leur pression s’exercera de façon constante et, en fait, plus unanime que concertée. Le premier ministre, pour sa part, va finir par se rendre à la position du reste de la société civile et ce, en trois étranges étapes (qui lui permettront, en fait, ultérieurement, d’être implicitement reconnu, dans l’ombre comme sous les projos, comme ayant défendu à peu près toutes les options possibles, et leurs contraires).
1) d’abord le premier ministre préconisera une solution strictement juridico-policière au problème, dans le cadre de l’Opération Marteau et des travaux de l’Unité permanente anti-corruption. Il exigera qu’on laisse les corps policiers et les services d’enquête spéciale procéder à leurs recherches et dépositions à leur manière et sans qu’une commission d’enquête ne soit instaurée. 2) à la demande de toutes les instances précédemment citée, le premier ministre optera ensuite pour une commission d’enquête aux pouvoirs restreints (la fameuse patente à gosse) ne pouvant ni obliger les prévenus à témoigner ni leur assurer l’équivalent de l’immunité parlementaire pour leurs témoignages. 3) quand la juge France Charbonneau, désignée par le gouvernement pour présider la commission, réclamera la capacité de contraindre les prévenus à témoigner et le pouvoir de leur assurer une immunité, le premier ministre Charest, qui s’était engagé à se soumettre à toutes les exigences de la juge Charbonneau, obtempérera, supprimant de ce fait la patente à gosse et rendant la commission d’enquête pleinement opérationnelle, comme l’avait été la Commission Cliche de 1975 ou la Commission d’enquête sur les comptes publics de 1936.
Pour faire triompher leurs idées et finir par faire fléchir leur premier ministre, les intervenants des divers segments de la société civile utiliseront absolument tous les arguments et procédés disponibles. Le politicien d’opposition de droite Gérard Deltell, alors chef de l’ADQ, écrira une lettre aux débutés libéraux de plus petits calibres, les invitant à relayer la pression populaire sur le corps ministériel. Des anciens PDG du secteur parapublic, des anciens hauts fonctionnaires, des juristes, des historiens, des philosophes, analyseront les incohérences logiques, juridiques et historique de l’option retenue par leur premier ministre (l’option 2), la patente à gosse, donc). Ils jetteront leur expérience dans la balance pour faire la démonstration du raisonnement qui finira par détruite l’option PATENTE À GOSSE: personne n’acceptera de témoigner (si on ne peut pas les forcer) quand tout ce qu’il diront peut se retourner contre eux (si on ne leur assure pas l’immunité). Dans un tel modèle de commission, les témoins les plus importants n’oseront pas parler sans protection, ne seront pas forcés de le faire, donc ne le feront pas. Les militants du regroupement Génération d’idées organiseront l’Opération Balai (désignée ainsi par ironie paronymique sur Opération Marteau), une intervention militante devant l’Assemblée Nationale du Québec pour promouvoir la mise en place d’une commission d’enquête, de type classique, en bonne et due forme. Finalement, des commentateurs et commentatrices souverainistes utiliseront même les tergiversations de premier ministre Charest comme élément d’un bouquet garni argumentatif contre le fédéralisme canadien.
La collusion et la corruption entre le secteur de la construction et les paliers municipaux et provinciaux du gouvernement est une réalité ancienne, institutionnalisée, solide et secrète dans un contexte socio-économique comme celui du Québec et c’est une fameuse hémorragie financière car, vraiment, il se perd un monceau mirifique de fric public là-dedans. Tout en préservant le ton pudique que je m’efforce de maintenir ici, les dents de loup bien serrées, je dirai, sobrement donc, que faire la lumière sur cette question est un enjeu important, dans les conditions actuelles où la remise en ordre des grandes infrastructures et l’austérité budgétaire créent une conjoncture nécessitant le minimum de gaspillage et de détournements de fonds, et le maximum d’efficacité et de limpidité, si possible. La société civile a vu un malaise profond dans son intendance politico-économique et cherche à mobiliser des outils juridiques, grandioses mais traditionnels, pour y remédier. Il est cependant indéniable ici, que l’histoire se répète. Le discrédit généralisé du gouvernement Charest l’a rendu parfaitement inapte à défendre l’argument selon lequel la Commission Charbonneau sera un grand spectacle collectif que les québécois se donneront, en pleine lumière, longtemps après, pour reprendre le mot d’un des ministres du gouvernement, que les coquerelles se seront bien cachées, chassées justement par la lumière. Considérant que le premier ministre et ses ministres défendaient, avec duplicité, des vues leur assurant la position de juge et de parti, les québécois se sont objectés collectivement. Or, on a ici un cas d’espèce où gagner c’est perdre. Dans un monde (bourgeois, conformiste et exempt de radicalité) «idéal», des enquêtes policières discrètes auraient certainement été préférables. Miné par son fardeau de scandales, le premier ministre du Québec a été totalement inapte à défendre cet argument, sans paraître vouloir se défiler, avec le parti ministériel, entre les mailles du filet de la justice (bourgeoise, conformiste et exempte de radicalité elle aussi, il va sans dire). Monsieur Charest n’a convaincu personne. Les idées des objecteurs du premier ministre ont triomphé. La Commission Charbonneau a été instaurée. L’année 2012 la verra se mettre en branle. Mais ici aussi gagner, c’est perdre. Que fera-t-elle de plus que toutes les commissions d’enquête qui jalonnent notre histoire et dont, en fait, elle ne diffère en rien… et dont, en fait, on sait parfaitement, avec notre recul historique, riche, dense et jalonné, justement, qu’elles n’ont rien pu vraiment régler, vu que nous en sommes encore là… PRESSIONS PARADOXALES, RÉSULTATS AMBIVALENTS. Mon sentiment est limpide sur toute cette histoire: la vraie PATENTE À GOSSE ne faisait que commencer. Et, roué et faraud comme il l’est toujours, le premier ministre du Québec a, de fait, trouvé moyen de pouvoir dire un jour, de son petit ton lireux: Je vous l’avais bien dit. Il aurait fallu laisser la police faire son travail, et/ou s’en tenir à ma patente à gosse initiale…
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QUELQUES SOURCES JOURNALISTIQUES SYMPTOMATIQUES
Changez le Québec – Nouveaux députés libéraux, appuyez la tenue d’une commission d’enquête réclamée par vos lecteurs, par Gérald Deltell, chef de l’Action Démocratique du Québec. Ce texte appelle les nouveaux députés libéraux élus le 8 décembre 2008 à appuyer la mise en place d’une commission d’enquête sur la collusion dans la construction et le financement des partis politiques. Ce chef politique de la vieille-nouvelle-droite-se-voulant-purificatrice-et-(pseudo)novatrice parle d’un système de corruption au sujet duquel les québécois entendent connaître toute la vérité. On place les nouveaux députés libéraux devant la difficulté de leur situation. Ils font partie de parti gouvernemental sans faire partie de l’équipe ministérielle. Les pressions qu’ils exerceraient se joueraient donc de l’extérieur du caucus libéral. Deltell tend la main à ces libéraux nouveaux venus et leur rappelle qu’ils sont avant tout des députés qui se doivent à la population de leurs circonscriptions. Il fait valoir qu’il y a la une occasion de changer l’image de la fonction de député et, par effet de rebond de changer le Québec. (La Presse – Forum, mercredi 24 novembre 2010, p. A27)
Une commission utile? Oui, une «patente à gosse», par Gaétan Frigon, président exécutif de Publipage inc, et ancien PDG de la SAQ et de Loto-Québec. Pas de doute pour l’auteur de ce texte, ici, la commission mise en place par le premier ministre Charest pour enquêter sur l’industrie de la construction est une patente à gosse. Elle risque de nous apprendre seulement ce qu’on sait déjà, sans toucher les politiciens ou les grosses pointures. L’auteur proteste en faisant observer que, dans les cas d’accidents, un coroner peut vous forcer à témoigner… alors qu’une commissions d’une telle importance ne serait pas soumise à une telle contrainte. Alors? Alors, les portefaix de la pègre et les gens qui produisent de fausses factures n’iront pas témoigner dans ce cercle poreux, et ce sera aussi simple que cela. (La Presse – Forum, vendredi 21 octobre 2011, p. A21 – Débats)
Une commission utile? – Monsieur Charest n’a pas changé d’idée, par Louis Bernard, consultant et ancien haut fonctionnaire au gouvernement du Québec. Selon ce texte, une vraie commission d’enquête c’est une instance qui doit pouvoir obliger les personnes qu’elle désigne à venir témoigner. Le premier ministre Jean Charest ne voulait pas cela et on fait valoir ici qu’il n’a pas vraiment changé d’idée. Il a mis en place la Commission Charbonneau sans lui donner l’autorité pour contraindre les témoignages et aussi pour protéger l’immunité de ces témoignages. On nie donc qu’il s’agisse ici d’une commission d’enquête dans le vrai sens du terme. On fait observer que c’est cette question de protection d’immunité qui fait que monsieur Charest n’a pas changé d’idée. On soulève ensuite la question de l’utilité d’une commission tronquée de tels pouvoirs. On émet alors de très forts doutes sur le tout de la chose. (La Presse – Forum, vendredi 21 octobre 2011, p. A21 – Débats)
Pan dans l’œil, par Lise Payette, journaliste et ancienne ministre péquiste. Pour Lise Payette, qui ne cache pas son indépendantisme, le ministre de la justice du Québec est un incohérent. Il a annoncé qu’il n’y aurait pas de commission d’enquête sur la corruption dans le secteur de la construction et son premier ministre s’est empressé de le contredire, en mettant sur pied la Commission Charbonneau. Ensuite, notre ministre de la justice se rend à Ottawa pour traiter la question de la destruction du registre des armes à feu et d’autres questions sensibles et y fait un fou de lui, en finissant par s’aplatir devant l’autorité d’Ottawa. Le jeu politique, selon l’autrice, va comme suit. Le ministre de la justice est contredit par son premier ministre au sujet de la Commission Charbonneau, cela engendre une perte de crédibilité qui le discrédite devant Ottawa et tout cela, toujours selon madame Payette, tend à démontrer que nos propres débats internes nous nuisent face aux autorités d’une fédération dont il faudrait sortir pour pouvoir traiter nos affaires internes sans risque de discrédit inutile sur d’autres dossiers sensibles. (Le Devoir – Idées, vendredi 25 novembre 2011, p. A9)
Enquête sur le milieu de la construction – L’attrape huis clos, par Paul St-Pierre Plamondon, Olivier Charest, avocats et membres militants du regroupement Génération d’idées. Le regroupement Génération d’idées est un groupe de pression se donnant comme «une organisation à but non lucratif, indépendante et non partisane. Sa mission est d’offrir aux Québécois âgés entre 20 et 35 ans un espace propice à l’expression d’idées porteuses en vue de faire face aux défis à venir de notre société.» Ce sont en fait des jeunes professionnels de la nouvelle droite affairiste contemporaine, qui recherchent la purification et le rajeunissement rédempteur des structures politiques traditionnelles discréditées par l’usure du pouvoir à l’ancienne et l’accroissement de la crise économique. Ce groupe d’intérêt voit dans une commission d’enquête publique en bonne et due forme un moyen de rétablir la crédibilité des instances régulières du corps gouvernemental, sans forcer l’application de changement sociaux excessivement radicaux. Ces deux auteurs, tous deux animateurs de l’Opération Balai, intervention militante tenue devant l’Assemblée Nationale du Québec pour démontrer la nécessité d’une enquête publique sur le milieu de la construction, jugent que le rapport Duchesneau a fait la preuve de l’urgence d’une commission d’enquête. Tandis que l’Unité permanente anti-corruption vient de porter des accusations contre Tony Tomassi, il semble que Jean Charest veut que la commission d’enquête sur la construction agisse à huis clos. On fait valoir que Tony Tomassi n’a rien à voir dans tout ceci mais que la tendance à vouloir ne pas débattre ces questions sur la place publique donne une bien suspecte impression de secret. On admet que les grandes commissions d’enquête de l’histoire du Québec ont eu des portions de leurs activités à huis clos, mais on se réclame de la tradition des tribunaux, dont le travail est public. On fait valoir que la seule façon de rétablir la confiance est de faire une vraie enquête publique. (Le Devoir – Idées, mardi 18 octobre 2011, p. A9)
Une commission utile? – Un écran de fumée, par Guy Ferland, professeur de philosophie au Collège Lionel Groulx de Sainte-Thérèse. Qui va témoigner dans une commission quand ce n’est pas obligatoire? Selon l’auteur de ce texte, deux types de personnes: ceux qui veulent redorer leur propre image et ceux qui veulent dénoncer quelqu’un d’autre qu’eux-mêmes. Personne ne viendra avouer ses propres méfaits ou ses accointances avec des fraudeurs qui, par la suite, pourraient intenter des poursuites civiles pour diffamation. France Charbonneau sera sans pouvoir et la commission se transformera en un vaste exercice de mouchardage, de ouï-dire, de demi-vérités, d’allusions et de potinage. Les coupables de la collusion et de la corruption dans l’industrie de la construction, et indirectement ceux du financement occulte des partis politiques, vont continuer de se tenir dans l’ombre. L’auteur juge que la Commission Charbonneau ne sera rien d’autre qu’un écran de fumée pour planquer le premier ministre Charest. (La Presse – Forum, vendredi 21 octobre 2011, p. A21 – La Presse Débat)
Les leçons de l’histoire – Lutter contre la corruption et… l’oubli, par Jonathan Goyette, professeur adjoint au département d’économie de l’Université de Sherbrooke. L’auteur de ce texte fournit une mise en perspective historique qui fait sentir que l’intérêt actuel pour les questions de collusion et de corruption n’est en rien une nouveauté au Québec. En 1975, la Commission Cliche touchait amplement le secteur de la construction et suscita les passions en son temps. L’auteur parle de récurrence historique, Il explique que les personnages on changé mais que le système corrompu de 1975 continue de prévaloir. L’analyse s’efforce de prendre de la hauteur et de toucher les principes fondamentaux du problème. Lorsque l’utilisation du pouvoir public pour un gain privé devient la norme, des individus malhonnêtes s’emploient à recenser les failles bureaucratiques pour servir leurs intérêts... L’auteur, en citant notamment l’exemple de l’Ouganda, montre combien la corruption est un frein objectif à l’essor économique d’un pays. Il conclut en proposant des pistes de solutions: cadre éthique, liberté de la presse, surveillance, carottes vérificatrices, sont autant d’instrument susceptible de garder ce problème endémique en contrôle. (Le Devoir – Idées, lundi 7 octobre 2011, p. A7)
Une commission utile? – Une coquille vide, par Mélanie Dugré, avocate. L’autrice de ce texte perçoit la commission d’enquête à venir, attendues ses contraintes et limitation, comme une sorte de réception officielle, un grand événement mondain où les gens se regrouperont pour encenser le premier ministre Charest. On opère en se fiant sur le fait que les gens ayant témoigné devant Jacques Duchesneau, enquêteur spécial de l’Unité anti-collusion reviendront ici. Mais ils pourraient ne pas revenir, tout simplement parce qu’ils n’y sont pas obligés. L’autrice est cependant d’accord avec l’absence d’immunité des témoins, car elle veut qu’ils rendent compte de leurs actes. C’est l’absence de contrainte à témoigner qui transforme, à ses yeux, cette commission d’enquête en coquille vide. Le résultat sera incomplet, lacunaire, il manquera des pièces au casse-tête et l’autrice trouve, en plus, choquant tout l’argent qui sera engagé là-dedans, pour un résultat aussi douteux et incomplet. (La Presse – Forum, lundi 24 octobre 2011, p. A16 – Conjoncture)
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Franchement Bravo pour vous être retenu autant… et rester poli et »académique » a ce point !:))) j’en reviens pas…
Pour ma part je réitère que »la commission charbonneau »… on a jamais rigolé autant ! … avec l’envie de pleurer en même temps…. et vu surtout à travers ce feuilleton, la preuve concrète que le dernier coin sur la planète ou il risque d’y avoir une révolution un jour, c’est bien au Québec… hélas ! car c’est l’un des aspects intéressants de ce feuilleton, celui de rendre compte de la mollesse, l’ignorance, l’indifférence et le m’en foutisme de la quasi majorité de l’opinion publique et de Mr et Mme tout le monde, très certainement blasée en premier lieu, et »conditionnée » surtout pour ne pas réagir autour de ces questions qui touchent au bien commun à l’échelle nationale… et puisque beaucoup y ont vu carrément une atteinte à leur petits égo chauvinistes ou souverainistes pur laine, et se sont mis a vociférer que »c’est pire en Ontario et ailleurs a travers le Canada, et qu’au moins chez nous, on a été jusqu’à la ! » :))) Bref, il faut tout de même se rendre à l’évidence que lorsque les pseudo pressions de transparence s’exercent uniquement par des corps constitués pour la forme…et par des acteurs d’une société civile dont beaucoup soient impliqué eux-même jusqu’à un certain degré dans le Québec inc ou dans l’administration et les syndicats qui soient tout sauf transparents… et que le reste de la population dort au gaz, il faut pas s’attendre a des miracles ! ce scandale questionne en réalité toute les structures économiques et politiques du Québec à leur racines, leurs modus operandi et leur réalisations… il lève le voile sur le véritable projet de société foireux ou inexistant (sans volonté de manquer de respect a quiconque ici) de cette contrée, et révèle au grand jour et fatalement, la dimension tiers-mondiste maintenue exprès par les élites politiques et économiques de la belle province, préservée par des péquenots et des ploucs en d’autres termes, maintenue en place par un corp de journalistes et de médias qui ne joue pas non plus son rôle de quatrième pouvoir… que voulez-vous qu’il se passe au bout de tout ceci ?!… RIEN !
Je penses depuis toujours que la démocratie c’est le peuple qui la construit et l’impose, et ce ne sera jamais un cadeau d’un quelconque exécutif ou »des institutions » ! c’est valide pour le Québec et pour n’importe quel endroit au monde ! Je persiste à penser par exemple que le peuple mérite de prendre le blâme de tout ce qui lui arrive et c’est le cas pour mon bled d’origine pour lequel j’accuse tout le temps le peuple de tous les maux, car c’est le peuple qui veut ou ne veut pas des règles justes et équitables en réalité ! dans mon bled, le peuple hait et déteste l’ordre, les contraintes, les obligations, la transparence, l’engagement et passe sa vie a mendier ou quêter des droits !:))) je suis mort de rire ! et c’est dans ce contexte qu’on ne peut effectivement pas en vouloir au partis politiques ou aux premiers ministres ou à l’administration ! Jean Charest en effet n’y est pour rien la-dedans, il a débarqué dans un système pourri qui était déjà là et qui est réclamé par le peuple en partie, tout comme Trudeau aujourd’hui n’a pas la capacité de révolutionner ou changer radicalement un système fédéral miné et tout aussi corrompu et maintenu en place par des milliers de tireurs de ficelles qui se trouvent à tous les échelons et dans toutes les couches sociales ! Que veulent donc ceux qui leur réclament de réaliser des miracles et leur reprochent d’être des »valets » du système ? …
la »commission Charbonneau » donc, au delà de sa symbolique et du décorum, fut une forme d’expression en fait qui résume toute l’hésitation d’une société que je qualifie »d’immature » pour la démocratie pleine et entière, et c’est pour cette raison qu’il m’arrive souvent de la qualifier de tiers-mondiste tout en gardant à l’esprit que le Québec c’est tout de même pas nos pays arabes ou l’afrique ! Mais il est vrai qu’au delà de toutes ces considérations inhérentes à la société, la CORRUPTION reste un fléau qu’il est très difficile d’extirper de la SOCIÉTÉ CAPITALISTE ! Pour ne pas dire IMPOSSIBLE ne serait-ce que de voir espérer diminuer dans ce modèle économique …. tout simplement.
Merci pour ce billet bcbg et digne d’une analyse académique de premier plan…
Je crois sincèrement que nous avons atteint et pas qu’au Québec, mais partout sur la planète, toutes les limites de ce que nos propres systèmes peuvent encaisser ! la corruption endémique avec le concours des politiciens ou des états conjuguée à la démission et la lâcheté des peuples ont fini par nous imposer des incohérences et des phénomènes inimaginables il y a encore quelques décennies ! rien que les dits »boom immobiliers » et la spéculation sur ce secteur juteux avec celui de la construction en général et des BTP des grands chantiers d’états ont tellement aggravé les disparités sociales et corrompu l’administration que c’est rendu un phénomène universel qui a réussi à miner toutes les sociétés par un un autre phénomène ou mécanisme de »cooptation » d’une partie des peuples qui s’y frotte les mains…et se remplit les poches… et qui explique en partie la corruption des peuples !
A ces effets aujourd’hui, je crois qu’il y a lieu de changer notre approche de l’analyse des classes sociales de fond en comble ! il n’y a plus de »prolétariat » au sens classique du terme, ni de bourgeois…etc, il n’y a plus que deux classes sociales on dirait : Ceux qui ont accès à la propriété, et ceux bien plus nombreux et majoritaires qui n’y ont pas accès et ne peuvent rêver y accéder a moins d’un miracle ! Je vous l’assure mon cher Ysengrimus que les nouvelles règles du jeu sont ainsi déployées par le nouveau capitalisme et pas autrement ! Chez les proprios, il y a bien entendu des sous classes sociales bien entendu, car il y a les proprios sans rente immobilière, et il y a surtout les proprios avec rente constante et bien immobiliers multiples qui les dispense de travailler et concentre leur efforts sur la spéculation et le réinvestissement en immobilier dans d’autres unités puisque les banques les qualifient et leur communiquent même tous les jours le même message…: »Vous êtes déjà proprio de votre logement entièrement payé…c’est bien, vous possédez un second logement loué, c’est mieux, nous vous invitons alors a faire fructifier tout ceci et devenir »riche » en moins de dix ans avec la bonne stratégie d’investissement pour lequel nous nous engageons a vous fournir les fonds » ! voilà qui est dit, et ça dit tout ! Les proprios par contre qui auraient fini de payer leur propriété mais qui peinent avec les factures et tout le reste sont des candidats idéaux à la perte de leur »privilège » donc leur propriété et basculer dans la classe sociale des démunis ou non proprios ! ils subissent des pressions constantes pour ré-hypothéquer leur propriété et emprunter pour vivre ou payer des dettes.. ce qui revient a être condamné a la perte de ce »privilège » et faire le saut les pieds joints en avant vers la classe sociale des déshérités loueurs criblés de dettes et malheureux toute leur vie ! aussi simple que cela !
Je défies quiconque qui remet en cause cette analyse ! au Bled d’où je viens par exemple, des petites villes et patelins insignifiants et parfois au bord du désert et miséreux hier encore… pratiquent aujourd’hui des prix au mètre carré semblables à ceux des grandes villes sans complexe et tout s’envole et se vend du jour au lendemain !!! partout ailleurs sur la planète le même phénomène se retrouve… du coup, le peuple est devenu hyper conditionné à ce nouveau eldorado qui lui ouvre bel et bien les portes de la fortune et le pousse aussi loin que possible des postures »militantes », populeuses et populistes d’hier revendicatrices de droits ou se mêlant de politique ! tout simplement ! le peuple aujourd’hui ne veut surtout pas se mêler de politique ou courir le moindre risque de se faire étiqueter »subversif »…ou se faire »des ennemis »…. le peuple vocifère aujourd’hui »Nous aimons nos élus, nos dirigeants, nos ministres, jamais nous ne permettrons a quiconque d’entacher leur réputation ou remettre en cause leur jugement et eurs pratique…! » :))) maintenant, en ce qui concerne les entreprises de construction, elles, la norme aujourd’hui et partout est de faire une ou plusieurs entreprises pour chaque projet, puis les fermer une fois le projet terminé, et en faire d’autres nouvelles ainsi de suite… même pour le secteur des BTP c’est ainsi, et si vous êtes la-dedans, vous savez que vous re-croiserez les mêmes tronches et promoteurs chaque année sur différents projets avec de nouvelles entreprises quasiment vierges et au delà de tout soupçons :)))…
les malfrats de la commission charbonneau qui auraient dû aller en taule pour longtemps habitent à deux pas de chez moi dans des villas qui coûtent au bas mot quatre ou cinq millions, (chez moi c’est plutôt prolo… je vous rassure mais je suis ceinturé par les riches c’est tout :)))) ils sont aussi proprio de plusieurs immeubles et biens commerciaux ou autres patentes… ! Au bled par contre, les villas poussent comme des champignons partout et par de fausses élites, plutôt des pro de la corruption qui évoluent dans les milieux des collectivités locales, des municipalités, des ministères, des agences urbaines et de tout et n’importe quoi… avec les commerçants et les revendeurs de toc ou de biens de consommation ordinaires… ! Bref, je vous promet que partout, ici comme ailleurs, en France, en Europe entière, au moyen orient, en Asie ou en Amérique latine, c’est partout pareil, il n’y a plus que deux classes sociales, les proprios heureux surtout s’ils sont rentiers aussi, et les déshérités et pestiférés qui peinent a payer leur loyer face a eux !
les mafieux et corrompu sont aujourd’hui millionnaires, voir milliardaires avec les ex politiciens aussi, au vu de la non comptabilité qui sévit partout et qui soit devenue la stricte norme de la marche du monde ! le pire est que la plupart n’avaient pas de quoi se payer un café et un repas au resto il y a a peine 20 et 30 ans ! pendant que les fortunés d’hier qui l’étaient déjà ont considérablement multiplié leur avoirs et leur patrimoines et se pavanent aujourd’hui dans les destinations touristiques de luxe, ou ils acquièrent de nouvelles propriétés secondaires… au point qu’un pays comme l’Espagne par exemple n’arrive plus a combler la demande en résidences secondaires de luxe pour étrangers…Européens, maghrébins, Américains et Anglais, et a pu multiplier les prix par cinq ou dix en 20 ans !
Au final, Il y a lieu donc de reconsidérer l’analyse des classes sociales et à la lumière de cette analyse, tenter d’expliquer la démission des peuples de la chose politique ! la théorie que je viens d’expliquer ici est en partie responsable de ces nouveaux clivages quasiment impossibles a surmonter dans le capitalisme ambiant de nouvelle mouture ! les peuples qui s’identifiaient aux idéaux de gauche jusqu’à il y a 20 ou 30 ans un peu partout sur la planète ont radicalement changé ! les partis politiques dits socialistes tombent comme des pommes les uns après les autres, alors que les partis de l’administration, les libéraux et les cul terreux de tout poil sans la moindre culture ou bagage ou encore vision sociale sont ceux qui montent… et ce n’est encore qu’un début ! hélas !
Amicalement !