Notions d’économie politique: les contradictions du capitalisme et ses implications contemporaines
Par Vincent Gouysse. Pour www.marxisme.fr
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Que o Silêncio dos Justos não Mate Inocentes: Noções de economia política : as contradições do capitalismo e as suas implicações contemporâneas (queonossosilencionaomateinocentes.blogspot.com)
Il est d’abord essentiel, comme les éléments les plus conscients des masses populaires ont commencé à le comprendre de manière instinctive (des éléments qui désignent les travailleurs salariés comme des « poulets de batterie », voire des « poulets fermiers » quand ils ont de la chance), que le capitalisme n’est pas une association librement consentie entre un patron et un travailleur, mais un rapport de forces qui est en premier lieu économique et social, avant même d’être politique. Le capitalisme est avant tout un mode de production qui est le produit de l’évolution de la société humaine sur plusieurs millénaires. Dans tous les développements qui suivent, nous avons fait nôtres les enseignements de Friedrich Engels pour lequel «selon la conception matérialiste, le facteur déterminant, en dernier ressort, dans l’histoire, c’est la production et la reproduction de la vie immédiate ». Or, comme le soulignait Karl Marx, « l’analyse des formes économiques ne peut s’aider du microscope ou des réactifs fournis par la chimie ; l’abstraction est la seule force qui puisse lui servir d’instrument».
L’antiquité avait pour fondement l’esclavage (qui consistait dans la propriété directe et totale du maître sur l’esclave ainsi que l’appropriation de tout son travail), le féodalisme avait le servage (caractérisé par le paysan serf qui devait payer un impôt et fournir un travail gratuit sur les terres seigneuriales), et enfin l’époque moderne a le salariat où le prolétaire croit sincèrement être payé pour 8 à 10 heures de travail quotidien, mais n’est en fait pas rémunéré à hauteur de la valeur réelle des produits de son travail, mais à hauteur de ce que nécessite l’entretien de sa force de travail. En échange de son travail, il reçoit en effet une somme d’argent équivalent à ce qui est nécessaire pour perpétuer sa race (logement, nourriture, besoins sociaux, etc.).
Le niveau de cette rémunération varie de ce qui est nécessaire à sa simple survie (avec des conditions de travail précaires et misérables à l’extrême), jusqu’à un standard de vie relativement confortable s’il vit dans un pays impérialiste puissant. Dans ces pays privilégiés pillant d’autres pays plus faibles (nous reviendrons un peu plus loin là-dessus), les capitalistes peuvent alors avoir quelques os à jeter en pâture à leurs propres esclaves, des adoucissements à l’exploitation que Karl Marx désignait comme les « chaînes dorées » de l’esclavage salarié et que nous appelons aujourd’hui les « acquis sociaux ». Mais comme rien n’est gratuit, cela se paie « cash » par la mise en sommeil de leurs capacités de réflexion et de leur volonté de résistance…
Dans chacune de ces époques, la classe possédante dépouille le plus « légalement » du monde le travailleur des produits de son travail… Dans les modes de production pré-capitalistes, les classes dominantes s’approprient d’abord le travailleur lui-même, son travail ou bien le produit de son travail. Sous le capitalisme, la forme d’appropriation du travail d’autrui revêt un caractère généralement plus sophistiqué : celui de la production marchande. « Le commerce, c’est la tromperie légale », disait déjà Karl Marx…
A la base de cette tromperie se trouve la cellule de base de la société bourgeoise : la marchandise, qui est commune au capitalisme et aux modes de production qui l’ont précédé depuis l’antiquité. Cette marchandise est le résultat d’un travail social, qui peut être individuel ou collectif, de l’artisan à l’ouvrier opérant dans de grandes usines robotisées. On vend des marchandises depuis l’antiquité, mais sa sphère de circulation a longtemps été très limitée et réservées aux classes les plus aisées. Produites par des artisans, elles n’étaient pas le mode de consommation majoritaire du produit social au sein des sociétés humaines. La population des sociétés humaines était en effet pour l’essentiel constituée de paysans pauvres pratiquant une agriculture de subsistance.
Pourquoi la circulation marchande devient-elle dominante sous le capitalisme ? Dès le moyen-âge, la classe des commerçants va en se renforçant, et au XVème siècle, cette grande bourgeoisie marchande dispose de suffisamment de capitaux pour se lancer à la conquête de nouvelles sources d’approvisionnement et de nouvelles routes commerciales dont le commerce triangulaire va devenir une puissante source d’accumulation au cours des siècles suivants. C’est la colonisation, notamment du continent africain, qui va ainsi donner une puissante impulsion au renforcement accéléré de la puissance économique de la grande bourgeoisie marchande, par la vente et la déportation de dizaines de millions d’esclaves noirs vers le continent américain. Aux XVIIème et XVIIIème siècles notamment, les manufactures se multiplient sous l’impulsion de capitaux fournis par la bourgeoisie marchande. Ces grands ateliers font alors de la classe bourgeoise la classe économiquement dominante, alors que les féodaux et son clergé continuent de détenir le pouvoir politique. Partout en Europe, la bourgeoisie vit de plus en plus mal la domination politique féodale, perçue comme une entrave à son développement et qui ne correspond plus au nouveau rapport de forces économique désormais en sa faveur.
Depuis le 14ème siècle, avec la fin de l’optimum climatique médiéval, la société féodale connaissait une période économique difficile, longue de plusieurs siècles, marquée par de fréquentes mauvaises récoltes accompagnées d’épidémies meurtrières (peste). De mauvaises conditions qui poussent à la guerre. Ce petit âge glaciaire connaît son apogée aux XVIIème et XVIIIème siècles : les mauvaises récoltes deviennent très fréquentes avec à la clef une flambée du vagabondage et la multiplication des révoltes paysannes.
L’heure est venue pour la bourgeoisie de profiter de ce concours de circonstances pour se constituer en classe dirigeante en abattant la monarchie absolue et en faisant valoir ses intérêts comme ceux de la société toute entière. L’ère des révolutions bourgeoises s’ouvre alors et la tête des monarques tombera plus ou moins radicalement. La bourgeoisie, qui a besoin du soutien social des larges masses du peuple, met alors à l’ordre du jour pour les paysans serfs la conquête de leur liberté et la proclamation des droit dits « fondamentaux », en particulier celui de la propriété privée. Elle prétend alors créer un régime réellement « démocratique » : la République. On verra plus loin ce qu’il en est en réalité et quelles sont les limites de cette « démocratie ».
Quoiqu’il en soit, en brisant le carcan féodal qui bridait son développement, la bourgeoisie a donné un puissant essor au développement des sciences naturelles et techniques. L’éducation scolaire se développe à grande échelle, car l’usage de la machine nécessite des travailleurs relativement éduqués, et ce de plus en plus à mesure que le niveau technique de l’outil de production va croissant. En Angleterre, qui a vu le triomphe précoce de la bourgeoisie amener à la création d’une monarchie parlementaire, la première moitié du XIXème siècle voit un large essor de la machine à vapeur qui marque le début de la Révolution industrielle : ce sont les débuts du machinisme sur la base des industries du charbon et de l’acier. C’est aussi « l’âge d’or » de l’Empire britannique dont l’industrie textile inonde alors le monde. Mais dans d’autres pays, la bourgeoisie nourrit également de fortes ambitions et veut également sa part du gâteau.
Dans des pays comme la France, l’Allemagne, les USA et le Japon, la bourgeoisie tend donc également à faire valoir ses intérêts à l’échelle nationale pour résister à la concurrence étrangère (d’abord celle de l’Angleterre), mais également partir à la conquête des marchés à l’exportation. Mais pourquoi donc ne pas s’enfermer tranquillement chacun dans des frontières, bien à l’abri de la concurrence étrangère ?
Pour comprendre cette impossibilité, il faut revenir à l’étude de la cellule de base de la production capitaliste : la marchandise. Dans les modes de production précapitalistes, la production marchande, qui revêt un caractère artisanal, était très peu développée du fait du caractère primitif des outils de l’artisanat ainsi que de la très faible productivité de l’agriculture qui occupait la majeure partie de la population. En d’autres termes, la productivité du travail en général et de la production marchande en particulier, était très faible et d’une ampleur limitée et ne permettait pas une accumulation rapide de capitaux, laquelle a été obtenue avec l’aide du commerce triangulaire. L’emploi à grande échelle du machinisme et de l’industrie bouleversent la production sociale, car la productivité du travail se trouve brusquement décuplée. Les métiers à tisser produisent en quelques minutes ce qui nécessitait des journées de travail pour un artisan du textile. Le travail humain est ainsi fécondé par la machine : alors que la création des biens nécessaires à la reproduction de la vie nécessitait auparavant de longues journées de travail occupant hommes, femmes et enfants, un seul ouvrier crée désormais suffisamment de richesses pour habiller une multitude d’êtres humains.
Mais cet ouvrier n’est pas propriétaire de l’usine où il travaille, ni d’ailleurs des produits de son travail qui sont cédés « gracieusement » au capitaliste qui l’emploie contre un salaire. Le capitaliste, donc, paie l’ouvrier pour l’usage quotidien de sa force de travail pendant une durée déterminée, une durée de loin supérieure à celle dont l’ouvrier aurait besoin pour produire la somme de valeurs d’usage des marchandises dont il aurait besoin pour assurer sa survie. Une fraction du travail de l’ouvrier est donc accaparée par le détenteur des moyens de production par la vente de la fraction excédentaire du produit de son travail. L’ouvrier est certes libre de refuser de travailler pour un capitaliste individuel, mais il est condamné à travailler pour la classe des capitalistes, à moins de renoncer à trouver les moyens de sa subsistance, ou d’essayer de se hisser à la condition sociale du capitaliste, un chemin au demeurant bien périlleux… L’ouvrier est donc condamné à accepter le vol d’une fraction du produit de son propre travail, mais son travail n’en a pas moins produit une quantité de valeurs d’usage supérieure à la valeur d’échange de sa force de travail (qui correspond à la somme des valeurs d’échange des marchandises nécessaires à la reproduction quotidienne de sa vie).
Les capitalistes doivent donc affronter un problème insurmontable : l’étroitesse structurelle des débouchés commerciaux ! Les esclaves salariés ne peuvent en effet pas acheter la totalité des marchandises produites puisque leur salaire ne correspond pas à la valeur des produits de leur travail. Les capitalistes ont beau essayer de régler ce problème de débouchés par la hausse de leur propre consommation parasite (via le développement de l’industrie du luxe), rien n’y fait, car demeurent des distorsions liées à l’anarchie dans la production et à la concurrence que se livrent les capitalistes individuels poussés à diminuer constamment les frais de production de leurs marchandises, frais qui se ramènent en définitive à un seul : le travail, qu’il soit immédiat ou accumulé (intrants, biens intermédiaires).
Le seul facteur variable sur lequel les capitalistes peuvent influer est celui des salaires, qui sont ainsi, de manière innée, tentés d’évoluer à la baisse afin de leur permettre de gagner cette guerre industrielle et commerciale permanente de tous contre tous !
Pour écouler sa production face à la concurrence livrée par ses semblables, le capitaliste individuel est ainsi contraint de dégrader les conditions de l’exploitation (soit en augmentant la durée du travail et le niveau technique de l’outil de production pour augmenter le volume de sa production, soit en baissant le niveau du salaire nominal, soit en réduisant le nombre de ses esclaves en les jetant au chômage afin de réduire la masse salariale), ce qui dans tous les cas conduit à l’abaissement du niveau des salaires, relativement à la production sociale, et donc à l’aggravation de la crise de débouchés…
Dans cette guerre, ce sont les plus gros capitalistes qui survivent : ceux qui produisent à meilleur marché parce qu’ils ont les usines les plus perfectionnées. Le capitalisme tend ainsi à augmenter la part du capital fixe (en particulier le niveau technique de l’outil de production) au détriment de la part des salaires (qui constituent pourtant en définitive sa seule source de profits, puisque le bénéfice technique est perdu dès que la technique nouvelle est adoptée par la concurrence).
Les investissements deviennent donc de plus en plus lourds, pour un retour sur investissements de plus en plus tardif et temporaire, favorisant en retour la sélection et la survie des plus gros requins à mesure que le niveau technique et scientifique s’élève. Dans les branches d’industrie à plus haute composition organique en Capital, les investissements ne sont plus accessibles qu’aux plus grosses entreprises monopolistes. Cette concentration aboutit à la création d’entreprises capitalistes géantes (qui peuvent regrouper les capitaux de plusieurs capitalistes individuels au sein de sociétés par actions).
Pris entre le marteau et l’enclume, c’est-à-dire entre la nécessité d’abaisser le coût du travail pour rester concurrentiel et la nécessité de trouver de nouveaux débouchés, notre capitaliste individuel n’a donc plus guère de choix : pour éviter la dégradation continue des conditions de l’esclavage et donc l’explosion sociale, il doit inévitablement partir à la conquête de nouveaux débouchés à l’extérieur de son cadre national, avec en ligne de mire la conquête de marchés à l’international. Dès cet instant, le capitaliste individuel tend à s’unir à ses semblables afin de faire face à ses concurrents à l’échelle internationale. C’est le début des grandes unions capitalistes (cartels et trusts) qui vont désormais chercher à se partager le marché mondial pour y conquérir des débouchés. Les capitalistes de tel pays partent alors en guerre, au sens propre comme au sens figuré, contre les unions capitalistes des autres pays présents sur le marché mondial, et ce autant pour la conquête de débouchés que pour leur approvisionnement en matières premières.
Comme l’a démontré Lénine, cette guerre commerciale permanente conduit la bourgeoisie des pays capitalistes dominants à mettre en œuvre un nouveau partage mondial des marchés en fonction de la taille et de la force des capitaux. Si ce repartage se fait parfois de façon pacifique, par la seule marche des affaires, c’est-à-dire du commerce et des investissements (notamment pour les pays disposant d’avantages comparatifs), il arrive que ce repartage doivent se faire par la force quand tous les marchés sont déjà accaparés et qu’un des protagonistes estime que cette répartition est inéquitable ou ne correspond pas à sa puissance industrielle.
C’est ce qui arriva pour l’Allemagne, dont Karl Marx remarquait en son temps qu’elle avait emprunté la voie de la grande industrie avec du retard sur l’Angleterre et la France. Ces deux pays étaient en outre abondamment pourvus en colonies (en Asie et en Afrique) ainsi qu’en semi-colonies (Russie tsariste). En 1914 éclata ainsi la Première Guerre mondiale inter-impérialiste dont le but était pour le jeune impérialisme allemand d’arracher à ses concurrents anglo-français la part de colonies qui correspondait à sa puissance industrielle de tout premier ordre. Chaque bourgeoisie lança ainsi sur le champ de bataille des millions de soldats qui s’entretuèrent pour le plus grand profit de leurs esclavagistes sous le prétexte de la « défense de la patrie ». A la tête d’un puissant Parti communiste, Lénine remarquait alors que les traîtres au mouvement ouvrier s’étaient tous rangés derrière leur propre bourgeoisie impérialiste et avaient encouragé les travailleurs à s’entre-tuer. En 1848, dans son Discours sur le libre-échange, Karl Marx avait déjà évoqué cette sombre perspective :
« Nous avons fait voir ce que c’est que la fraternité que le libre-échange fait naître entre les différentes classes d’une seule et même nation. La fraternité que le libre-échange établirait entre les différentes nations de la terre ne serait guère plus fraternelle. Désigner par le nom de fraternité universelle l’exploitation à son état cosmopolite, c’est une idée qui ne pouvait prendre origine que dans le sein de la bourgeoisie. Tous les phénomènes destructeurs que la libre concurrence fait naître dans l’intérieur d’un pays se reproduisent dans des proportions plus gigantesques sur le marché de l’univers ».
La guerre inter-impérialiste ne profita cependant guère aux différents protagonistes (à l’exception notable de l’impérialisme américain dont elle consacra le leadership économique mondial). En effet, en Russie, les bolchéviques surent profiter du chaos induit par la décomposition du régime compradore tsariste étroitement lié aux intérêts anglo-français pour dresser les travailleurs contre le régime tsariste et la bourgeoisie russe. La prise de pouvoir par les communistes dans le plus vaste pays du Monde fût immédiatement accueillie avec effroi par le Capital international qui se coalisa dès 1918 pour étouffer par les armes la République Soviétique naissante. L’intervention étrangère s’étala jusqu’en 1922 et causa des millions de morts et des destructions matérielles à une large échelle à la jeune URSS. Les bolchéviques avaient remporté une victoire militaire mais héritaient d’un pays misérable et ruiné, un pays que les capitalistes du Monde entier rêvaient toujours d’abattre. Nous ne nous attarderons pas ici sur la suite qui mérite de plus amples développements et nous renvoyons donc à un important dossier illustré.
La perte de ce pays-continent où affluaient les capitaux anglo-français détermina une aggravation de la crise des débouchés pour les pays impérialistes dominants. Le tournant protectionniste de l’Italie en 1922 sous la botte du fascisme n’arrangea pas leurs affaires.
Après 1925 et le lancement de la bataille du blé par Mussolini, l’Italie regagne en autosuffisance alimentaire et les exportations céréalières américaines sont alors considérablement impactées et de nombreux paysans ruinés. En 1929 éclate une profonde crise économique aux USA. Elle va impacter l’Occident capitaliste tout entier et annonce un durcissement considérable des rivalités inter-impérialistes qui vont conduire une décennie plus tard à la Seconde boucherie impérialiste mondiale, qui sera également synonyme d’une nouvelle tentative (partiellement réussie) de destruction du premier Etat socialiste.
Après 1945, les pays impérialistes occidentaux dominants, sous le leadership de l’impérialisme américain, maintiennent fermement leur emprise coloniale sur de nombreux pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud. Sorti de deux crises économiques consécutives (1929-1933 et 1937-1938) par les florissantes affaires enregistrées aux cours de la Guerre de 1939-1945, l’impérialisme américain reprend le flambeau du fascisme sous un masque pseudo-démocratique qui prend prétexte du « péril rouge » pour mettre en place son l’occupation militaire permanente du Monde et ainsi maintenir sous perfusion son économie désormais stimulée par son complexe militaro-industriel hypertrophié.
L’impérialisme américain va alors imposer au reste du monde capitaliste son modèle économique basé sur sa suprématie scientifique, technique et industrielle, et pénétrer profondément l’économie de ses alliés-concurrents, y exportant ses capitaux et ses marchandises. Usant de la prise en otage permanente du Monde, l’impérialisme américain va leur imposer un développement économique et industriel visant à les empêcher d’émerger en tant que concurrents capables de rivaliser dans les secteurs industriels de pointe. Il faudra ainsi à ses concurrents européens de gros efforts et unifier leurs capitaux et leurs compétences pour réaliser une montée en gamme technologique dans certains secteurs industriels clefs comme le nucléaire, l’aérospatiale et l’aéronautique, l’armement. Dans le secteur des semi-conducteurs par contre, ils ne parviennent pas à s’affranchir de leur dépendance technologique et les USA conservent leur leadership incontesté. Au même moment s’opère une mutation majeure de la division internationale du travail. Après les événements de mai 1968 et le choc pétrolier de 1973, le Capital financier des pays impérialistes dominants (les USA en tête), s’engagent dans des délocalisations industrielles à grande échelle vers les pays à bas coût du sud-est asiatique.
En Occident, des branches d’industrie entières disparaissent brutalement, minant durablement les capacités de résistance du prolétariat industriel. Malgré l’explosion durable du chômage, les ouvriers convertis en employés du secteur tertiaire accèdent assez largement à la « société de consommation » approvisionnée par des biens de consommation bon-marché produits par les pays ateliers, notamment en Asie.
« Le grand problème de la production capitaliste n’est plus de trouver des producteurs et de décupler leurs forces, mais de découvrir des consommateurs, d’exciter leurs appétits et de leur créer des besoins factices », remarquait déjà avec lucidité Paul Lafargue en 1883 au moment où Karl Marx rendait son dernier souffle. Le passé récent a donné à ces remarques une acuité toute particulière : pendant qu’une minorité d’esclaves salariés privilégiée a bénéficié, des décennies durant, des gadgets de la « société de consommation » occidentale, des milliards d’être humains restaient plongés dans la misère systémique…
Si la plupart des pays ateliers fournissant les métropoles impérialistes sont des pays de type bourgeois-compradore, et sont donc étroitement dépendants de certaines niches technologiques occidentales, l’un de ces pays est une dangereuse exception : la Chine. Après avoir défait le colonialisme et sa propre bourgeoisie compradore, la bourgeoisie nationale chinoise aspire en effet elle aussi à doter ses propres travailleurs de « chaînes dorées » afin de garantir sur le long terme la stabilité sociale. Là encore, nous ne nous attarderons pas sur la stratégie de montée en gamme technologique déployée par le jeune impérialisme chinois, une stratégie de long terme particulièrement sophistiquée que nous avons analysée dans différents documents. Les élites chinoises sont aujourd’hui en passe de réaliser leur principal objectif stratégique : conquérir le leadership économique mondial via le déclassement de l’impérialisme américain et la pénétration toujours plus profonde des flux commerciaux et financiers chinois dans la sphère d’influence coloniale occidentale dont nombre de pays ont été maintenus, des décennies durant, dans la plus profonde arriération et dépendance économique.
En dépit de deux décennies de guerres ininterrompues « contre le terrorisme » qui a servi de prétexte à son interventionnisme militaire systémique dans de nombreux pays dépendants sous de bien fallacieux prétextes « démocratiques » et « sécuritaires », l’impérialisme américain se voit irrésistiblement refoulé de manière pacifique par l’impérialisme chinois et poussé à engager contre lui une guerre commerciale, basée sur une politique protectionniste agressive couplée à une tentative d’endiguement technologique et militaire…
Nous voici arrivés aux origines de la crise économique actuelle aujourd’hui justifiée par les élites occidentales au moyen d’une crise sanitaire délibérément prolongée pour être orientée sur la voie d’une dictature sanitaro-sécuritaire. Pour leurs esclaves indigènes longtemps privilégiés est en effet arrivé le temps de leur grand déclassement économique et social : « Le consommateur occidental est mort, vive le consommateur chinois ! »… En Occident, après une décennie d’austérité et de stagnation économique et devant une crise d’une ampleur et d’une profondeur sans équivalent depuis plus d’un siècle, le repli nationaliste et protectionniste est aujourd’hui à la mode : on rêve d’un retour à la « grandeur passée » au temps où la voix de l’Occident guidait sans partage le « monde libre » et où sa domination industrielle et technologique était incontestée… Point d’aspirations socialistes pour le moment (hormis partiellement chez les gilets jaunes qui avaient commencé à faire leur propre expérience d’un retour à la solidarité). Les esclaves eux-mêmes aspirent encore à prendre leur place parmi les maîtres, ou tout du moins à devenir leurs valets privilégiés…
Il y a quelques années, un proche camarade, un ancien du PCMLF, me faisait remarquer qu’ « il faudra que le peuple fasse sa propre expérience de la crise avant de se saisir à nouveau du drapeau de la lutte révolutionnaire ». C’est en effet la crise qui révélera la voie de trahison, de capitulation et les illusions de tous les magouillards (pseudo-) souverainistes. C’est la profonde crise de déclassement qui vient de débuter, qui permettra, comme le remarquait Joseph Staline en 1906, de remettre en adéquation la conscience de classe des esclaves salariés, retardant aujourd’hui à un degré extrême sur le bouleversement de leur condition économique et sociale, avec leur condition économique et sociale réelle (et non fantasmée).
Sans doute, même si ses éléments les plus conscients commencent à sortir de leur torpeur, le peuple n’est dans sa grande masse pas encore prêt à la révolution, la vraie (pas les putschs qui « changent le régime » sans que rien des fondements économiques ne change jamais). Nourri de « super-héros » aux « super-pouvoirs » (sans lesquels il serait vain d’espérer changer quoique ce soit…), il attend encore son salut de « sur-hommes » ou dans l’au-delà, et se réfugie dans les paradis artificiels (narcotiques, mondes virtuels, etc)… La conscience des esclaves du Capital n’a donc aujourd’hui plus rien de prolétarienne. Elle est intégralement petite-bourgeoise, que ce soit pour ceux qui sont fiers d’être « apolitiques » (pour marquer leur dégoût, au demeurant justifié, des partis politiques institutionnels aussi compromis que corrompus), ou pour les écolo-gauchistes, héritiers de l’étoile-filante altermondialiste faillie qui se targuent d’avoir une « conscience politique ». Pourquoi cette domination sans partage de l’idéologie bourgeoise ? Eh bien tout simplement, comme l’expliquait déjà Karl Marx en son temps, parce que la classe détenant les moyens de production détient de ce fait la puissance économique. Elle fait dès lors représenter ses intérêts par la caste politique via un lobbying permanent et l’attrait des privilèges dus à la fonction, et détient directement en ses mains les mass-médias, qui sont davantage une entreprise d’abrutissement idéologique systémique qu’un outil d’éducation et d’information…
Les capitalistes ne sont en réalité pas si forts. Ils n’apparaissent tout-puissants que parce que leurs esclaves sont à genoux : ce sont des créatures aussi apeurées que dociles qui implorent encore à genoux leurs maîtres de leur rendre leurs « chaînes dorées » de l’esclavage salarié… Cette idéologie de la soumission, construite sur les multiples trahisons et renforcées par des décennies de condition sociale petite-bourgeoise, ne pourra à l’évidence guider une véritable libération… Beaucoup ne sont pas encore de vrais prolétaires, et ont plus que « des chaînes à perdre et un monde à y gagner », ou tout du moins en sont-ils persuadés : ils ont une voiture et une maison à crédit et ont donc le sentiment d’avoir encore beaucoup à perdre… Le crédit est un asservissement aussi bien spirituel que matériel. On ne peut pas effacer du jour au lendemain des décennies d’anéantissement idéologique, surtout quand de nombreux esclaves rêvent encore d’un retour à l’ancien ordre des choses (qu’ils n’ont d’ailleurs même pas encore complètement perdu…)
La situation idéologique, particulièrement dégradée ne pousse pas à un optimisme béat à court terme. Un camarade intervenant sur un important média alternatif, faisait la remarque suivante :
« Il n’y a plus personne en France qui soit prêt au sacrifice suprême pour tenter de sauver une bande de rats qui se bouffent entre eux pour des miettes que les Princes leur lancent. Et ça se comprend. Même un Jésus-Christ refuserait de se sacrifier pour des nuls qui ne pensent qu’à une chose : Tout virer pour prendre la place des connards et refaire pareil en continuant à écraser les autres malheureux… »
La voix des communistes révolutionnaires n’en reste pas moins essentielle dans ce contexte, car c’est elle qui demain, allumera l’étincelle qui embrassera toute la plaine… Cette étincelle ne doit donc pas s’éteindre et il faut éduquer sans relâche les éléments avancés issus d’un peuple qui s’éveille chaque jour un peu plus, encore groggy, pour tout au moins passer le relais aux générations futures.
Cet éveil et cette éducation doivent absolument se faire en totale rupture avec les préjugés (petit-bourgeois) qui correspondaient à la situation économique ultérieure, sur la base d’une compréhension scientifique des contradictions internes de « notre » capitalisme contemporain. Cela ne peut passer que par la lutte sans concession contre les idéologies petite-bourgeoises, notamment celles réclamant des politiques protectionnistes réactionnaires prétendant faire tourner à rebours la roue de l’Histoire, revendications issues de la petite bourgeoisie et des couches prolétariennes longtemps privilégiées qui se font plus pressantes à mesure que le déclassement économique va crescendo. Depuis Karl Marx, la mécanique idéologique des couches petite-bourgeoises n’a pas fondamentalement changé :
« Le bourgeois allemand est religieux même en étant industriel. Il a honte de parler des vilaines valeurs d’échange qu’il convoite, il parle forces productives ; il craint de parler de concurrence et parle d’une confédération nationale des forces productives nationales ; il a peur de parler de son intérêt privé, il parle d’intérêt national. (…) Le bourgeois dit : sur le plan intérieur, la théorie des valeurs d’échange conservera naturellement toute sa validité ; la majorité de la nation restera une simple « valeur d’échange », une « marchandise », une marchandise qui doit elle-même chercher preneur, qui n’est pas vendue mais se vend elle-même. Vis-à-vis de vous autres, prolétaires, et même entre nous, nous nous considérons mutuellement comme des valeurs d’échange, et la loi du trafic universel demeure valable. Mais à l’égard des autres nations, nous devons suspendre la loi. En tant que nation, nous ne pouvons pas nous vendre à d’autres. (…) Que veut donc le philistin allemand ? À l’intérieur, il veut être un bourgeois, un exploiteur, mais il refuse d’être exploité par rapport à l’extérieur. Par rapport à l’extérieur, il se pose orgueilleusement en « nation» et affirme : je ne me soumets pas aux lois de la concurrence, cela est contraire à ma dignité nationale ; comme nation, je suis un être au-dessus du trafic sordide. La nationalité du travailleur n’est pas française, anglaise, allemande, elle est le travail, le libre esclavage, le trafic de soi-même. Son gouvernement n’est pas français, anglais, allemand, c’est le capital. L’air qu’il respire chez lui n’est pas l’air français, anglais, allemand, c’est l’air des usines. Le sol qui lui appartient n’est pas le sol français, anglais, allemand, c’est quelques pieds sous la terre. À l’intérieur, l’argent est la patrie de l’industriel. Et le philistin allemand veut que les lois de la concurrence, de la valeur d’échange, du commerce, perdent leur puissance aux barrières de son pays ? Il ne veut accepter la puissance de la société bourgeoise que dans la mesure où il y va de son intérêt, de l’intérêt de sa classe ? Il ne veut pas se sacrifier à une puissance à laquelle il veut en sacrifier d’autres, et se sacrifie lui-même dans son propre pays ? Il veut se montrer et être traité à l’extérieur comme un être différent de ce qu’il est et fait lui-même à l’intérieur ? Il veut maintenir la cause et supprimer une de ses conséquences ? Nous lui prouverons que le trafic de soi-même à l’intérieur entraîne nécessairement le trafic à l’extérieur; que l’on ne peut éviter que la concurrence, qui au-dedans est sa force, ne devienne au-dehors sa faiblesse ; que l’État qu’il soumet au-dedans à la société bourgeoise ne peut le préserver au-dehors de l’action de la société bourgeoise. Pris individuellement, le bourgeois lutte contre les autres, mais en tant que classe, les bourgeois ont un intérêt commun, et cette solidarité, que l’on voit se tourner au-dedans contre le prolétariat, se tourne au-dehors contre les bourgeois des autres nations. C’est ce que le bourgeois appelle sa nationalité. (…) Or, le misérable qui s’enfonce dans la condition présente, qui veut seulement l’élever à un niveau qu’elle n’a pas encore atteint dans son propre pays, et qui regarde avec […] jalousie une autre nation qui y est parvenue, ce misérable a-t-il le droit de découvrir dans l’industrie autre chose que l’intérêt mercantile ? Peut-il affirmer que son seul souci, c’est le développement des facultés humaines et l’appropriation humaine des forces de la nature ? C’est aussi abject que si le garde-chiourme se vantait de brandir son fouet sur son esclave, afin que celui-ci se réjouît d’exercer sa force musculaire. Le philistin allemand est le garde-chiourme qui brandit le fouet des droits protecteurs afin de donner à sa nation l’esprit de l’« éducation industrielle » et de lui apprendre le jeu de ses muscles. (…) Que l’ordre social industriel soit pour le bourgeois le meilleur des mondes, l’ordre le plus approprié pour développer ses « facultés » de bourgeois et l’aptitude à exploiter les hommes et la nature, qui songerait à contester cette tautologie ? Que tout ce que, de nos jours, on nomme « vertu » — vertu individuelle ou sociale — serve au profit du bourgeois, qui le conteste ? Qui conteste que le pouvoir politique soit un instrument de sa richesse, que même la science et les jouissances intellectuelles soient ses esclaves ! Qui conteste tout cela ? »
élevons-nous donc au-dessus de ces préjugés chauvins et protectionnistes réactionnaires qui ne sont que le reflet de la concurrence universelle entre les individus, qu’ils soient maîtres ou esclaves… Dans son cadre national, un pays se divise en une classe exploiteuse détenant les moyens de production, et une classe exploitée qui en est privée et dont la survie dépend de ce qu’elle trouve à se faire embaucher. Et l’intérêt des capitalistes privés est d’entretenir cette dépendance ainsi que de limiter autant que possible l’émergence de nouveaux concurrents qui viendraient entraver la bonne marche de leurs affaires. A l’échelle internationale, on observe à nouveau une division fondamentale. Au sommet de la chaîne alimentaire, on trouve les pays capitalistes les plus puissants qui détiennent la maîtrise du processus industriel, en particulier l’industrie mécanique (dont la propriété intellectuelle est une composante fondamentale), une industrie qui est à la base de l’édification de toutes les autres branches d’industrie.
Tout en bas de la chaîne alimentaire se trouvent les « producteurs primaires », c’est-à-dire les pays qui sont dépourvus de cet outil de production et dont l’édification industrielle dépend du bon vouloir des capitaux étrangers. Cette dépendance à caractère prédateur peut sembler « naturelle » à d’aucuns (ceux qui sont placés tout en haut de cette chaîne de valeur capitalistique…), mais elle est la source fondamentale de la compradorisation structurelle des pays capitalistes les plus faibles. La société humaine contemporaine est ainsi en réalité un vaste réseau trophique composé d’une multitude de pays situés entre ces deux pôles.
La place de chaque pays dans cet écosystème complexe est déterminée par un ensemble de facteurs, tels que le niveau technique de leur industrie et son degré de diversification, le dynamisme de leur exportation de capitaux et de marchandises (c’est-à-dire l’étendue de ses marchés extérieurs qui ne lui sont pas forcément exclusifs), la taille de sa population (c’est-à-dire la superficie drainée par leur bassin-versant démographique qui est un facteur critique dans les processus de différenciation économique et de concentration capitalistique permanents), leur puissance militaire, etc.
Quand le taux de profit moyen devient structurellement nul ou négatif comme c’est le cas aujourd’hui en Occident, le capitalisme a d’ordinaire recours aux guerres visant à dynamiter la concurrence ou à conquérir des marchés et des sources d’approvisionnement.
C’est ce qui a engendré deux guerres mondiales au cours de la première moitié du XXème siècle. Pourquoi donc, si l’on fait exception d’intervention militaires locales à caractère colonial, le Monde n’a-t-il pas connu de conflagration militaire généralisée depuis 1945, alors que le capitalisme a dominé presque sans partage depuis près de sept décennies. Le capitalisme se serait-il assagi ou humanisé ?
Nullement : tout est affaire de rapport de force économique et militaire. Jusqu’à il y a quelques décennies, chaque pays impérialiste disposait sur son propre sol d’un tissu industriel complet et donc d’une capacité à mener une Guerre dans la durée. Mais depuis les années 1970 qui ont marqué la naissance de « l’économie de bazar occidentale », les délocalisations de branches d’industrie entières et toujours plus nombreuses vers les pays ateliers dépendants, mais surtout le jeune impérialisme chinois, ont abouti à la contraction d’une dépendance industrielle extrême des pays impérialistes d’Occident à l’égard de leur concurrent chinois, et c’est dans ce fait fondamental qu’il faut voir le développement relativement « pacifique » du capitalisme mondial au cours des dernières décennies qui ont pourtant été marquées par une « nouvelle Guerre froide » opposant l’impérialisme chinois ascendant à ses concurrents occidentaux en déclin. Ces derniers n’ont tout simplement plus la capacité réelle (industrielle comme militaire), de mener une Guerre d’envergure contre la Chine.
Les guerres ont comme conséquence principale immédiate de détruire une partie des capitaux excédentaires, fixes comme variables (humains), de préférence ceux de l’ennemi, et ainsi de débuter un nouveau cycle d’accumulation et de rehausser le taux de profit du vainqueur… Mais comme on l’a vu, cette solution serait suicidaire pour les élites capitalistes occidentales elles-mêmes. La seule option qui soit viable pour elles est donc d’accepter la rétrogradation de leur propre métropole impérialiste et leur participation (minoritaire) au Capital productif chinois. Cela rend l’entretien de leurs propres esclaves sont devenus inutiles et leur entretien une charge désormais superflue dont il importe de réduire le fardeau. Tel est le sens des politiques d’austérité appliquée au cours de la dernière décennie. Tel est le sens de la crise économique actuelle qui voit nombre de spécialistes bourgeois tirer la sonnette d’alarme et juger qu’elle « nous conduit à la pire des catastrophes » :
« La BCE rachète actuellement les trois-quarts des dettes émises par la zone euro, c’est-à-dire qu’elle pratique en fait la monétisation interdite par les traités et ses statuts. Ce sont cette potion magique et les taux d’intérêt ridicules et négatifs de – 0,432 % pour la France, – 0,635 % pour l’Allemagne et 0,4449 % pour l’Italie qui expliquent les bulles sur les marchés des actions. En Allemagne, la question se pose déjà de mettre un frein sur les dépenses. Les débats vont faire rage en 2021 avec l’impossibilité de basculer dans l’austérité, jusqu’à l’hyperinflation ou à ce que tout explose en 2022, suite à la perte de confiance, comme aux Etats-Unis ».
Aujourd’hui, les taux d’intérêts négatifs de la dette publique des pays impérialistes occidentaux indiquent la nécessité de la recapitaliser, ce qui passe nécessairement par sa dévaluation, ainsi que celle de tout ce qu’elle soutient d’ordinaire (à l’instar de la dépense publique et de la « société de consommation » avec son secteur des services hypertrophié). La prédominance de la dette publique en Occident n’est pas un nouveau stade du capitalisme. Ce n’est que la forme ultime prise par l’impérialisme dans les pays impérialistes dominants situés au sommet de la division internationale du travail. La totipotence apparente des banques centrales ne saurait masquer leur étroite soumission au Capital financier dont elles ne sont qu’un instrument.
La fin du XIXème siècle et le début du XXème siècle virent les jeunes pays impérialistes d’Occident être confrontés à une pénurie structurelle de leurs débouchés nationaux due à la lenteur de l’exode rural du fait de l’absence (ou du rythme modéré) de la mécanisation de l’agriculture, longtemps entravée par l’existence de petites exploitations familiales. Les Banques centrales, en liaison avec leur syndic capitaliste national (voir supranational), ont ainsi pris en charge de manière croissante la socialisation de la consommation, non pas au bénéfice des masses exploitées (ou de manière très secondaire), mais au bénéfice principal des monopoles dominants via la dépense publique (et donc le fardeau des impôts pesant sur les classes populaires, notamment aisées). Le Capital financier investit le surplus de capitaux extorqués au cours du processus de production dans la dette obligataire, d’où il retire habituellement un intérêt, et qui lui sert, via les commandes d’Etat, les marchés publics et le subventionnement de la consommation, à accroître les débouchés nationaux.
Si le capitalisme réalisait déjà la socialisation de la production sociale (tout en maintenant le caractère privé de son appropriation), il tend également de plus en plus, à son stade terminal dans les pays impérialistes longtemps dominants, à réaliser une socialisation partielle de la consommation elle-même (jusqu’à la mise en place d’aides diverses à vocation redistributrice). Mais cette redistribution et cette consommation publique sont mises en place d’une façon réactionnaire, en en faisant retomber le fardeau financier sur les couches populaires (laminées par la hausse du taux des prélèvements). L’impérialisme s’assure alors que l’armée de réserve du travail ne meure pas de faim et l’entretient ainsi aux frais du contribuable, c’est-à-dire des couches populaires en activité, en particulier celles relativement aisées. Ces vastes contingents de travailleurs devenus structurellement superflus s’habituent à l ‘occasion à vivre des « minimas sociaux » qui leur sont octroyés.
Cet entretien ampute certes le niveau des salaires réels des travailleurs aisés, mais il joue un rôle essentiel en termes de stabilité sociale, car les esclaves salariés inoccupés ont indéniablement moins tendance à se révolter quand ils ont le ventre plein et peuvent même à l’occasion goûter à la société de consommation. C’est le « partage de la pauvreté » que les élites ultra-riches décident d’ordinaire de faire assumer par les couches intermédiaires petite-bourgeoises. Comme on le voit, et contrairement aux préjugés petit-bourgeois séculaires colportés contre le communisme, ce n’est pas le communisme qui tend à généraliser la pauvreté, mais le capitalisme qui tend à niveler vers le bas le niveau de vie des travailleurs, qu’ils soient occupés ou inoccupés, car en définitive, ce qui compte, c’est le coût global de leur entretien… Nos élites jugent aujourd’hui qu’il faut le réduire drastiquement. Tel est le sens général de la gestion de crise contemporaine, en apparence chaotique et improvisée, mais qui est en réalité le fruit d’une stratégie malthusienne économique et sociale.
Le Capital financier occidental apatride a intérêt au démantèlement des Etats impérialistes multinationaux en faillite. C’est pour lui le meilleur moyen de ramener rapidement et durablement le niveau des salaires au niveau du minimum physiologique (la survie), de se délester rapidement des « chaînes dorées » dont l’entretien est devenu un luxe hors de prix.
En définitive, la théorie économique de la valeur-travail consiste dans ce que la valeur d’une marchandise est déterminée par le quantum de travail social (mort et vivant) cristallisée en elle. Sous le capitalisme, c’est la force de travail elle-même qui est une marchandise, mais une marchandise spéciale : c’est la seule dont la valeur d’usage (son utilité pratique) soit systématiquement supérieure à sa valeur d’échange (la valeur monétaire que paient les capitalistes pour son usage), et ce d’autant plus que la productivité du travail va en s’accroissant. Ainsi, le travail de l’homme est capable (grâce aux outils et à la mécanisation qui démultiplient son efficacité), de produire une somme de valeurs d’usage supérieure à celles que nécessite l’entretien et la reproduction de sa force de travail. Il est capable de travailler sans broncher 8 heures par jour, même si son travail est suffisamment productif pour créer assez de richesses pour lui assurer de confortables conditions de vie avec quatre heures de travail quotidiennes. Comme on l’a vu, le capitaliste ne paie pas au travailleur la valeur de son travail, mais celle de la force de travail, c’est-à-dire ce dont il a besoin pour vivre ou survivre : le salaire qui comporte une partie variable selon les conditions sociales de l’esclavage, la place occupée dans la division internationale du travail, etc. On comprend qu’au stade actuel de gigantesque degré de productivité du travail, où la robotique est assez largement utilisée dans nombre de branches d’industries, le divorce entre la valeur du produit du travail et la valeur de la force de travail atteigne des sommets. Pour terminer sur une autre perspective permettant d’effleurer l’ampleur réelle de ce divorce, c’est que l’on doit également prendre en compte la proportion des salariés occupés aux tâches productives par rapport à la population… (en particulier le prolétariat industriel et à l’exclusion des paysans pauvres occupés dans l’agriculture de subsistance) Dans le même temps, à mesure que s’élève la productivité du travail, le capitalisme convertit une portion croissante de la population en bras inutiles et surnuméraires.
Or une marchandise surproduite est une marchandise qui se dévalue, et dont la valeur d’échange peut devenir inférieure à sa valeur d’usage : ainsi la vie humaine est dévaluée au point de ne plus rien valoir et de voir sa valeur d’échange passer sous le seuil physiologique minimal (celui de la survie) avec à la clef la vie de milliards d’être humains devenus inutiles devoir leur souffle de vie être péniblement maintenu par la charité internationale…
De ce point de vue, le passage de relais de la croissance de l’Occident qui a bridé (sans mauvais jeu de mots) le développement du capitalisme mondial depuis sept décennies, vers la Chine qui promet de le débrider (là encore sans mauvais jeu de mots) en brisant le carcan imposé par le colonialisme occidental, permet de doubler les débouchés à la consommation des futures classes privilégiées de l’impérialisme chinois par rapport au niveau atteint sous la domination coloniale occidentale. Il peut donc y avoir une amélioration (passagère) de la croissance économique mondiale, y compris une amélioration (temporaire) du sort des plus pauvres (une fois le Capital financier occidental rétrogradé et hors-jeu) pour les prochaines décennies. Il n’appartient de toute façon plus aux pays impérialistes d’Occident en cours de déclassement et en bien mauvaise posture de s’opposer à cette marche irrésistible de l’Histoire, alors qu’ils apparaissent d’ores et déjà comme toujours davantage industriellement et scientifiquement dépassés.
Or plus le niveau scientifique et technique s’élève sous le capitalisme, plus la masse de capital fixe à mettre en œuvre est gigantesque (et seulement à la portée des monopoles les plus puissants, puis des pays dont le bassin démographique est le plus vaste). Quand on voit qu’un pays capitaliste très peuplé comme la Chine a mis quatre décennies pour réaliser le plus gros de son rattrapage technique et scientifique sur son principal concurrent, on a aucun mal à en conclure qu’il ne se trouvera aucun pays capitaliste doté de capacités d’accumulation suffisantes (sans parler de la cohésion nationale et de la stabilité sociale sur un temps long de plusieurs décennies) pour remettre en cause son hégémonie scientifique et technique (aujourd’hui naissante) avant bien longtemps.
La dette publique est un moyen pour les pays impérialistes dominants situés au sommet de la division internationale de travail de centraliser sur le long terme les capacités d’accumulation à l’échelle du pays (voire d’une coalition de pays : l’Occident) inaccessibles aux monopoles individuels en direction de leur bien commun : notamment la recherche fondamentale et appliquée permettant d’asseoir leur monopole technologique, la mobilisation directe des capitaux publics pour les grosses commandes étatiques passées aux monopoles, voire le soutien à leur consommation indigène. Et le comble, c’est qu’une fraction significative des capitaux finançant la dette publique (occidentale), est entre autres apportée par les élites bourgeoises-compradore des pays dépendants (issus des revenus du pétrole pour les pays du Golfe persique).
L’usage de la force de travail (loué par l’ouvrier au capitaliste) est effectivement la seule source à la base de la création de valeurs d’usage dans le processus de production… du moins aussi longtemps des robots ultra-sophistiqués n’auront pas complètement remplacé le travail humain !
En effet, le capitalisme tend de plus en plus à remplacer le travail humain par celui de la machine. Hier le tisserand, aujourd’hui le robot de soudage et l’imprimante 3D, demain le chirurgien… A l’échelle de la société, la part du capital variable diminue de plus en plus par rapport à celle du capital fixe, qui croît à mesure que les sciences et techniques se perfectionnent, et que le robot remplace l’homme. La composition organique du Capital s’élève à des degrés de plus en plus extrêmes qui deviennent un puissant frein au développement du capitalisme lui-même. Nous savons en effet que cela provoque l’effondrement du taux de profit et la concentration monopoliste. A elle seule, la robotique posera à long terme au capitalisme un problème proprement insurmontable : supprimer le travail humain reviendrait pour le Capital 1° à se supprimer lui-même (pour laisser la société humaine évoluer vers le communisme, avec la réduction drastique de la durée de travail, la suppression de l’argent, du profit, etc.), ou 2° à supprimer tous ses esclaves devenus superflus pour décider de ne vivre qu’avec des robots, ou bien encore 3° à renoncer au perfectionnement de la robotique pour conserver à ses esclaves mortels une utilité !
Le remède au cancer du capitalisme qui ronge la société humaine de l’intérieur n’est pas à inventer : il nous a été donné par nos ancêtres, depuis les communards aux bolchéviques ! N’en déplaise à l’ennemi de classe (qui sait parfaitement que les communistes marxistes-léninistes incarnent la promesse de leur extinction) ou même aux communistes utopiques et aux anarchistes (parfois sincèrement dégoûtés par le capitalisme mais qui demeurent, à des degrés divers, soumis aux préjugés idéalistes petit-bourgeois).
Dans le Manifeste du Parti communiste, Karl Marx et Friedrich Engels déclaraient déjà que « l’importance du socialisme et du communisme critico-utopiques est en raison inverse du développement historique ». Quelques décennies plus tard, juste après la victoire de la Révolution d’Octobre, Lénine combattit de nouveau ces courants dans son ouvrage La maladie infantile du communisme (le gauchisme).
Profitant du vide politique créé par des décennies d’approfondissement de « l’économie de bazar », ces courants anti-léninistes en apparence radicaux tendent aujourd’hui à renaître de leurs cendres comme une variante sophistiquée de communisme utopique combinant dans leur forme idéologique la plus achevée :
1° une critique sincère et assez lucide du capitalisme,
2° les illusions semi-anarchistes sur l’autogestion ouvrière et la répudiation du Parti de combat de type léniniste ;
3° la théorie trotskiste de la « révolution permanente » qui condamne la classe ouvrière à ne voir son salut que dans la révolution internationale dont Lénine a démontré qu’elle était une impossibilité du fait du développement inégal du capitalisme (une inégalité illustrée encore aujourd’hui par l’exemple de la Chine), une théorie capitularde que Staline renomma justement la « théorie de la désespérance permanente » ;
4° et enfin qui souscrit à la théorie des forces productives selon laquelle le socialisme est impossible dans les pays arriérés (prenant comme « preuve » l’échec des révisionnistes de divers pays). L’examen et la critique minutieuse de ces théories, donc certaines sont héritées du trotskisme, dépassent de loin le cadre d’un article et nous renvoyons donc le lecteur à un dossier plus consistant.
La réalité est que l’URSS de Lénine-Staline a progressé sur la voie de l’édification de la société socialiste en dépit de conditions nationales de départ particulièrement difficiles (celles d’un pays vaste mais arriéré) et de conditions internationales proprement calamiteuses (notamment deux agressions impérialistes aussi meurtrières que destructrices en l’espace d’une génération). Il n’en reste pas moins qu’il est incontestable que dans les années 1930, l’URSS était bien devenu un puissant pays socialiste qui exerçait une attraction internationale grandissante sur les travailleurs et les peuples opprimés du monde capitaliste : il existe de nombreux indices objectifs témoignant de cette réalité économique et sociale radicalement différente de celle du capitalisme, parmi lesquels le vigoureux essor économique de l’URSS dans un monde bourgeois en proie à la crise économique sans recourir à l’exploitation coloniale, l’aide matérielle désintéressée apportée par l’URSS aux pays frères après 1945 pour les aider à édifier leur propre industrie de production des moyens de production, et enfin, les perspectives ouvertes par Staline (juste avant sa mort et la contre-révolution révisionniste néo-bourgeoise), de passer à la journée de travail de 5 heures afin de permettre aux travailleurs de hausser leur niveau culturel et scientifique ainsi que de préparer l’abolition de l’opposition entre le travail manuel et intellectuel, sans oublier le plan visant à créer un maillage d’agro-villes plutôt que quelques centres industriels géants. Quel régime bourgeois proposait de telles mesures au début des années 1950 ? Quel régime bourgeois parle aujourd’hui d’instaurer une journée de travail comparable et ce alors même que la productivité du travail de l’industrie contemporaine est sans commune mesure avec celle de l’URSS de cette époque ?! Au contraire, « nos » élites repoussent sans cesse plus loin l’horizon toujours plus incertain de la retraite…
N’en déplaise aux utopistes et aux démocrates petit-bourgeois, la vérité est que
« Toute classe qui aspire à la domination – même si cette domination a pour condition, comme c’est le cas pour le prolétariat, l’abolition de toute l’ancienne forme de société et de la domination en général – doit d’abord s’emparer du pouvoir politique afin de présenter, elle aussi, son intérêt comme l’intérêt général, ce à quoi elle est contrainte dès le début ». (Karl Marx)
Trois décennies plus tard, dans sa Critique du Programme de Gotha, Karl Marx lui-même décrivait déjà les implications concrètes de la période de transition ainsi que les fondements du futur Etat des travailleurs :
« La liberté consiste à transformer l’État, organisme qui est mis au-dessus de la société, en un organisme entièrement subordonné à elle (…) Dès lors la question se pose : quelle transformation subira l’État dans une société communiste ? Autrement dit : quelles fonctions sociales s’y maintiendront analogues aux fonctions actuelles de l’État ? Seule la science peut répondre à cette question ; et ce n’est pas en accouplant de mille manières le mot Peuple avec le mot État qu’on fera avancer le problème d’un pouce. Entre la société capitaliste et la société communiste, se place la période de transformation révolutionnaire de celle-là en celle-ci. A quoi correspond une période de transition politique où l’État ne saurait être autre chose que la dictature révolutionnaire du prolétariat. Le programme [de Gotha] ne s’occupe pas, pour l’instant, ni de cette dernière, ni de l’État futur dans la société communiste. Ses revendications politiques ne contiennent rien de plus que la vieille litanie démocratique connue de tout le monde : suffrage universel, législation directe, droit du peuple, milice populaire, etc. Elles sont simplement l’écho du Parti populaire bourgeois, de la Ligue de la paix et de la liberté. Rien de plus que des revendications déjà réalisées, pour autant qu’elles ne sont pas des notions entachées d’exagération fantastique ».
« Ce à quoi nous avons affaire ici, c’est à une société communiste non pas telle qu’elle s’est développée sur les bases qui lui sont propres, mais au contraire, telle qu’elle vient de sortir de la société capitaliste ; une société par conséquent, qui, sous tous les rapports, économique, moral, intellectuel, porte encore les stigmates de l’ancienne société des flancs de laquelle elle est issue. (…) Mais ces défauts sont inévitables dans la première phase de la société communiste, telle qu’elle vient de sortir de la société capitaliste, après un long et douloureux enfantement. (…) Dans une phase supérieure de la société communiste, quand auront disparu l’asservissante subordination des individus à la division du travail et, avec elle, l’opposition entre le travail intellectuel et le travail manuel ; quand le travail ne sera pas seulement un moyen de vivre, mais deviendra lui-même le premier besoin vital ; quand, avec le développement multiple des individus, les forces productives se seront accrues elles aussi et que toutes les sources de la richesse collective jailliront avec abondance, alors seulement l’horizon borné du droit bourgeois pourra être définitivement dépassé et la société pourra écrire sur ses drapeaux : « De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins!»»
En bref, ces courants petit-bourgeois ne veulent pas comprendre (ou admettre) la nécessité pour les exploités de posséder un Etat-major organisé pour un combat de longue haleine (depuis la prise de pouvoir à la transition vers la société communiste, depuis « le socialisme dans un seul pays » à la victoire de la révolution mondiale), ou de procéder selon les circonstances à certaines alliances anti-coloniales ou anti-fascistes, en restant prudents et sans jamais renier les principes ni les objectifs. Ce rejet systématique est un réflexe inné naturel d’éléments sincères dégoûtés par deux siècles de large utilisation réformiste et opportuniste de telles alliances par les social-chauvins et social-traîtres en tout genre. Comme Lénine le démontrait, ces déviations utopistes sont des erreurs de jeunesse du mouvement communiste lorsqu’il émerge par la conscience spontanée de l’exploitation et qu’il est essentiel de dépasser pour asseoir une base scientifique, matérialiste-dialectique, afin de parvenir à réaliser l’Union du Front du Travail contre celui du Capital. Dans cette entreprise ardue, il est également essentiel de s’affranchir des multiples leurres « sociétaux » lancés par la bourgeoisie pour brouiller la lutte de classe des masses exploitées, qu’il s’agisse de l’écologie, du féminisme, du racisme ou de la condition animale. Toutes ces luttes partielles contre des manifestations secondaires du capitalisme ne sont que des chemins de traverse sans issue aussi longtemps qu’elles ne sont pas étroitement rattachées et subordonnées à la nécessité d’abolir le capitalisme. Car comment ce dernier pourrait-il solutionner à large échelle ces problèmes quand il est incapable d’assurer ne serait-ce qu’une vie décente à ses esclaves ? Comment l’être humain pourrait-il respecter son écosystème aussi longtemps qu’il sera considéré comme une marchandise dont la concurrence pousse chacun à retirer à tout prix le profit maximum à court terme ?
« Dans l’agriculture moderne, de même que dans l’industrie des villes, l’accroissement de productivité et le rendement supérieur du travail s’achètent au prix de la destruction et du tarissement de la force de travail. En outre, chaque progrès de l’agriculture capitaliste est un progrès non seulement dans l’art d’exploiter le travailleur, mais encore dans l’art de dépouiller le sol ; chaque progrès dans l’art d’accroître sa fertilité pour un temps, un progrès dans la ruine de ses sources durables de fertilité. Plus un pays, les Etats-Unis du nord de l’Amérique, par exemple, se développe sur la base de la grande industrie, plus ce procès de destruction s’accomplit rapidement. La production capitaliste ne développe donc la technique et la combinaison du processus de production sociale qu’en épuisant en même temps les deux sources d’où jaillit toute richesse : La terre et le travailleur ». (Karl Marx)
Souvent, devant l’impuissance de leurs partisans condamnés à se battre contre des moulins à vent, à l’instar de Don Quichotte, ces luttes conduisent leur promoteurs à sombrer dans l’indifférence vis-à-vis de la condition sociale des masses exploitées, jusqu’à parfois sombrer dans la misanthropie, à l’instar de Brigitte Bardot qui trouvait il y a peu des avantages aux décès induits par le COVID-19 :
« Ce virus est arrivé à temps avant que la planète n’explose, ravagée par une démographie humaine incontrôlée et incontrôlable. L’être humain n’ayant pour prédateur que lui-même, il se multiplie à l’infini sans aucun contrôle des naissances, il envahit, détruit, ravage, s’infiltre en prédominance sur tout ce qui l’empêche de se multiplier ».
A l’heure où le « conspirationnisme » revient à la mode, parce que les esclaves du Capital ont commencé à comprendre par leur propre expérience que la caste politico-médiatique ne défendait pas leurs intérêts, il est essentiel de rappeler que les communistes, d’abord utopiques (Gracchus Babeuf), puis scientifiques, furent les premiers « conspirationistes ». Pour autant comme Karl Marx le déclarait à l’occasion de la fondation de l’AIT,
« Si la classe ouvrière conspire (elle qui forme la grande masse de toute nation, elle qui produit toute richesse, et au nom de qui les puissances usurpatrices prétendent régner), elle conspire publiquement, tel le soleil qui conspire contre les ténèbres, avec la pleine conscience qu’en dehors d’elle-même il n’existe pas de pouvoir légitime ».
Billet Époustouflant de justesse et de vérité ! Bravo et Merci a Vincent Gouysse, je n’ai lu qu’en diagonale, mais repasserai pour la lecture en bonne et due forme !
Lorsque je débarquai au Canada il y a des lustres de cela, fuyant une Europe pourtant bien plus prospère, un Maroc ensoleillé et luxuriant comme un jardin uniquement pour les riches, et sur la bonne voie de la perdition, de la grande corruption et la misère pour ces millions de pauvres, j’avais l’impression de débarquer dans un monde entre deux époques : la révolution industrielle du 19ème, l’Amérique d’AL Capone dans les années trente, et une ambiance kitsch des années 70 que je retrouvait dans ce Canada pourtant dans les années 90 ! qq chose tournait pas rond dans cet univers…. un pays qui roule a plusieurs vitesse entre ses riches et ses pauvres déguisés en faux riches …et pour couronner le tout, il y avait cette noirceur de l’hiver et on froid glacial qui ne présageait rien de bon pour moi ! Au bout de quelques années, j’en ai eu la certitude ! je suis débarqué dans l’Antre du loup ! il n’y avait pas de doute a avoir la-dessus ! le capitalisme sauvage dans toute sa splendeur maquillé en démocratie occidentale et pays du G7 et allez savoir …. Bref, je crois que j’ai toujours anticipé ce qui nous arrive aujourd’hui dans le monde entier en vivant au Canada ! cette issue du capitalisme était inévitable, c’était juste une question de temps ! hélas ! Pauvres Canadiens que nous sommes, et pauvres citoyens du monde entier … les lendemain de cette crise sans précédent seront durs, très durs ! A moin d’une REVOLUTION !
Bonjour Sam,
Je partage votre constat. D’instinct, on en arrive à sentir certaines choses, puis un jour, tout s’éclaire, tout devient logique… Moi, j’ai compris à l’âge de 21 ans (en 2002) que l’Occident où je vivais depuis tout petit était l’antre du loup, du fait des rapports humains dégradés (une grosse désillusion sentimentale qui m’a poussé à me questionner sur cette société….). Le réveil a été brutal, mais salvateur pour mon éveil politique… Il faut nous changer nous-mêmes et aider nos semblables à faire de même, c’est comme cela qu’on avancera vers notre libération. Content que ça vous plaise, et j’espère que ce sera toujours aussi positif à la relecture… Il y a une suite à ces « notions », achevée ce soir-même en « cadeau de nouvelle année », une suite que le camarade Robert publiera sans aucun doute.
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