Travail productif et improductif – Quelles activités créent de la valeur?

Par le Groupe Orage, présenté par Oeil de Faucon.  L’article de Orage est suivi du commentaire de Oeil de Faucon.

Sommaire de l’article du Groupe Orage

 

  • Analyser certains événements comme les crises financières ou sanitaires nous pousse parfois à questionner les fondamentaux économiques, jusqu’à atteindre les racines du fonctionnement du système actuel. La problématique relative au type de travail permettant la création de valeur (travail productif) peut sembler abstraite et théorique de prime abord. Pourtant, les conséquences qu’impliquent les réponses à cette question sont en réalité multiples et très concrètes.

 

Ainsi, à petite échelle, déterminer le caractère productif ou improductif (producteur ou improducteur de valeur) d’une activité salariée permet de concevoir l’impact d’un potentiel arrêt généralisé de cette activité sur l’économie (que ce soit du fait d’une grève ou d’un confinement). Cette distinction, pourtant théorique, a déterminé l’attitude d’organisations politiques et syndicales envers telle ou telle catégorie de population. Par exemple, les travailleurs apparentés aux catégories ambiguës de « classe moyenne » ou de « col blanc » ont pu être considérés comme effectuant des activités improductrices, négligeant ainsi leur impact sur la production. À une échelle plus large, s’intéresser dans le détail à la production de valeur est indispensable pour saisir comment fonctionne le système capitaliste aujourd’hui. Savoir si des activités tertiaires, marchandes ou d’encadrement, peuvent être productrices de valeur alors même que ce type d’emploi salarié est devenu dominant au sein des pays historiquement capitalistes est un enjeu majeur pour expliquer, comprendre voire anticiper les crises économiques. Les réponses à ces questions économiques ont pu se voir influencer par des opinions préconçues valorisant notamment le travail manuel ou l’utilité sociale d’une activité. Mais ces considérations n’ont que peu de sens si l’on souhaite analyser le fonctionnement d’un système économique. Pour ce faire, la question est avant tout de savoir quelles catégories économiques sont pertinentes au sein du monde capitaliste actuel, quand bien même elles s’avèrent socialement absurdes.

 

Pour éviter de tomber dans ce genre d’écueils, il nous semble nécessaire de repartir de la base. C’est-à-dire de revenir sur les fondements utilisés pour définir ces catégories et la pertinence de leur utilisation pour comprendre le fonctionnement de l’économie capitaliste. S’intéresser aux définitions économiques communes à Adam Smith et Karl Marx, qui plus est, qu’ils ont tous deux mis en avant, nous semble en ce sens nécessaire. Le but n’est pas tant de rentrer dans l’exégèse de textes canoniques en vue de convaincre leurs partisans respectifs les plus doctrinaux qui tendent à considérer leurs écrits comme parole d’évangile. Il s’agit plus de voir ce que leurs analyses économiques dans toutes leurs précisions peuvent apporter à la compréhension de l’état actuel des choses. Ce travail d’approfondissement et de synthèse est en tout cas nécessaire pour nous permettre d’utiliser ces concepts dans d’autres articles à venir.

 

Revenons tout d’abord sur quelques définitions et cadres conceptuels avant de plonger dans le cœur du sujet : Qu’est-ce que la valeur et d’où vient-elle ?

Valeur et force de travail quelques définitions

Si nous achetons certaines marchandises, c’est parce qu’elles ont pour nous une valeur d’usage. Par exemple, nous achetons de l’eau pour étancher notre soif. Mais cette propriété de l’eau qu’est la satiété est difficilement quantifiable et ne permet pas de déterminer sa valeur. Dans l’absolu, c’est lorsqu’on souhaite échanger une chose contre autre qu’on se pose la question de sa valeur. C’est ce qu’on appelle la valeur d’échange. Une marchandise A vaut tant de marchandises B. Or, la permanence des échanges a progressivement permis à cette valeur qui n’existait qu’au moment de l’échange de changer de forme jusqu’à devenir autonome, à s’objectiver. Une marchandise n’a dès lors plus besoin d’être échangée pour qu’on se questionne sur sa valeur. Elle la possède en permanence. Cette valeur s’exprime aujourd’hui sous la forme d’un équivalent général universel : l’argent. Aujourd’hui, les marchandises ne sont produites que parce qu’elles ont une certaine valeur, qu’elles ne réalisent pour autant que lorsqu’elles sont échangées contre de l’argent, c’est-à-dire vendues. Pour qu’elles soient achetées, il est nécessaire qu’elles satisfassent un besoin social pour l’acheteur. Pour qu’une marchandise ait une valeur, il est donc nécessaire qu’elle ait également une valeur d’usage.

 

Déterminer d’où provient la valeur d’une marchandise est un des enjeux centraux de la « science économique » depuis sa naissance. Reprenant l’analyse d’économistes classiques comme Ricardo ou Adam Smith, Marx affirme et démontre que toute la valeur d’un produit provient du travail qui a été nécessaire pour le produire (pour plus de détails : qu’est-ce que la valeur ?). En effet, le coût de revient d’une marchandise peut être décomposé ainsi :

  • Le coût du travail de l’ensemble des employés que le patron a payé sous forme de salaire pour acheter leur force de travail.
  • La plus-valuecomme part du travail des employés que le patron n’a pas payé et qu’il s’approprie pour générer son profit.
  • Le coût des matières premièresqui ont une valeur parce qu’il a fallu qu’un certain nombre de personnes vendent leur force de travail pour les produire. En effet, pas d’acier sans le travail du mineur extrayant du charbon et du fer et celui de l’ouvrier sidérurgiste faisant fondre l’un avec l’autre. À chacun de ces niveaux de production, divers patrons ont également récupéré une certaine plus-value.
  • Le coût des machines et de l’électricitéqui ont une valeur parce qu’il a également fallu que des travailleurs vendent leur force de travail pour les fabriquer.

 

Marx démontre que cette marchandise qu’est la force de travail n’est pas une marchandise comme une autre. En effet, c’est la seule qui, en étant achetée sur le marché du travail, permet de créer de la valeur (pour plus de détails : Qu’est-ce que la force de travail ?). S’il y a « création » de valeur, c’est justement parce que cette marchandise qu’est la force de travail n’est pas payée en fonction de la valeur du travail produit. Ce qui est payé, c’est un salaire déterminé par ce qui est nécessaire à la reproduction de cette force de travail et qui fluctue en fonction du rapport de force existant entre le salarié, sa direction et les conditions extérieures. Ce salaire est systématiquement inférieur à la valeur qu’il permet de produire et c’est cette différence qui permet au travail[1] de générer une plus-value. En effet, au sein du système capitaliste, « le but de la production n’est pas la marchandise, mais la valeur (argent) »[2].

Edward Hopper, Gas (1940)

Travail productif et travail improductif

Lorsqu’on élargit la focale, on se rend alors compte que certains travails[3] permettent de produire de la plus-value tandis que d’autres non. Les premiers sont ainsi appelés travail productif tandis que les autres sont appelés travail improductif. Dans la langue de tous les jours, la différence entre travailleurs productifs et improductifs se pose le plus généralement dans un rapport d’utilité vis-à-vis de la société. On peut par exemple qualifier d’improductif un chômeur, un retraité ou quelqu’un qui occupe un emploi, mais ne « fait rien », n’a pas d’activité réelle. D’autres fois, ce sont les activités considérées comme inutiles à la société qui sont qualifiées d’improductives. Selon les critères de la personne qui utilise ce terme, ce seront les artistes, les banquiers ou les professeurs qui seront qualifiés d’improductifs. Cette définition vernaculaire est souvent opposée à celle du travailleur productif vu comme travailleur manuel fabriquant des marchandises de ses mains habiles. Cette vision de la distinction entre travailleurs productifs et improductifs a largement été diffusée par des groupes politiques, voire des gouvernements se réclamant du marxisme et défendant une vision ouvriériste.

1) Travail productif et travail intellectuel

Pourtant la distinction que Marx fait entre travail productif et improductif n’a aucun rapport avec les usages communs de ces termes. Il est question ici de travail productif pour le capital c’est-à-dire de travail producteur de plus-value. Peu importe l’utilité de la marchandise produite ou si cette marchandise est matérielle ou immatérielle. À partir du moment où elle permet de créer de la valeur, elle peut être considérée comme productive[4]. Marx utilise trois exemples parlants pour illustrer sa réflexion : celui du clown, celui du maitre d’école et celui de la cantatrice :

 

« Un comédien, par exemple, un clown même, est par conséquent un travailleur productif, du moment qu’il travaille au service d’un capitaliste (de l’entrepreneur) à qui il rend plus de travail qu’il n’en reçoit sous forme de salaire, tandis qu’un travailleur qui se rend au domicile du capitaliste pour lui raccommoder ses chausses ne lui fournit qu’une valeur d’usage et ne demeure qu’un travailleur improductif. Le travail du premier s’échange contre du capital (variable), le travail du second contre du revenu. Le premier crée une plus-value ; dans le cas du second, c’est un revenu qui est consommé »[5].

 

Marx y inscrit ici la différence principale. Pour que le travail soit considéré comme productif, il est nécessaire qu’il soit échangé contre du capital, c’est-à-dire contre un salaire qui permette d’extraire une plus-value.

 

« Un maître d’école est un travailleur productif dès lors qu’il ne se contente pas de former la tête de ses élèves, mais qu’il se déforme lui-même pour enrichir son patron. Que ce dernier ait investi son capital dans une fabrique de leçons plutôt que dans une fabrique de saucisses, cela ne change rien au rapport »[6]. « Une cantatrice qui, de son propre chef vend son chant, est un travailleur improductif. Mais la même cantatrice engagée par un entrepreneur qui la fait chanter pour gagner de l’argent, est un travailleur productif car elle produit du capital. »[7]

 

Dans cet exemple, c’est l’indifférence pour le capitaliste de la nature de la marchandise produite qui est soulignée. La production, comme le capitalisme, est avant tout un rapport social. Déterminer si un travail est productif ou non dépend donc du rapport social de production et non de la marchandise qui est produite. Un professeur employé par Acadomia ou une école privée se retrouve donc à faire un travail productif tandis qu’un autre, employé par l’État dans un système éducatif gratuit, ne l’est pas. Son travail n’en est pas moins indispensable à la reproduction de la force de travail et donc au fonctionnement même du capitalisme.

 

Marx n’invente absolument pas ce concept de travail productif, il ne fait que la reprendre d’Adam Smith, théoricien père du libéralisme, dont il reconnait les mérites entre autres pour son analyse du travail sous le capitalisme : « Le travail productif est ici défini du point de vue de la production capitaliste et A. Smith a touché juste ; sur le plan des concepts il a épuisé la question »[8]. En effet, cette analyse du travail productif n’est pas le résultat de considérations abstraites, elle relève simplement de l’observation de la manière dont l’économie capitaliste dans son fonctionnement perçoit et transforme le travail. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Marx va la trouver chez Smith.

2) Travail productif et travail d’encadrement

Marx souligne que le caractère productif d’un travail n’a absolument aucun rapport avec l’activité en elle-même, avec le travail concret. Il nous démontre aussi qu’il n’est en aucune manière lié à la nature manuelle ou intellectuelle de ce travail ni à la nature matérielle ou immatérielle de la marchandise produite. La seule donnée déterminante est le rapport social qu’entretient ce travail avec le capital. Enfin il explique également que ce n’est pas seulement le travailleur qui est directement impliqué dans l’acte productif de la marchandise qui est considéré comme productif, mais également :

 

« tous les travailleurs intellectuels qui sont consommés dans la production matérielle, non seulement le travailleur manuel direct, ou le travailleur sur machines, mais aussi surveillants (overlooker), ingénieurs, directeur (manager), commis, etc. Bref le travail de tout le personnel requis dans une sphère déterminée pour produire une marchandise déterminée, et dont le concours (la coopération) est nécessaire à la production de marchandises. »[9]

 

Cette phrase ne saurait être plus explicite : pour Marx comme pour Adam Smith le travail d’encadrement de la force de travail est un travail potentiellement producteur de plus-value, et ce du contremaitre jusqu’au directeur en passant par tous les postes de gestion nécessaires à la production, comme une partie des activités de comptabilité ou de vente[10]. Tout dépend du rapport social de production dans lequel il s’insère[11]. À partir du moment où l’encadrement participe à organiser la production elle se trouve productive[12].

 

Dans ce cas-là et au sein d’un monde où le rapport social capitaliste qu’est le salariat a triomphé partout, que reste-t-il comme travails improductifs ? Là encore Marx est plutôt explicite lorsqu’il aborde la raison pour laquelle la distinction entre travail productif et improductif chez Adam Smith à fait socialement polémique :

 

« La grande masse des travailleurs dits « supérieurs » – fonctionnaires de l’État, militaires, virtuoses, médecins, prêtres, juges, avocats, etc. – tous ces gens qui, non seulement ne sont pas producteurs, mais essentiellement destructeurs, et qui savent toutefois s’approprier une grande partie de la richesse matérielle soit en vendant leurs marchandises immatérielles, soit en les imposant de vive force, n’était guère flattés de se voir relégués au point de vue économique, dans la même classe que les saltimbanques et domestiques et de n’apparaitre que comme des consommateurs parmi d’autres. ».[13]

 

Voyons maintenant comment il détermine la séparation entre les deux : « Le travailleur productif produit pour l’acheteur de sa puissance de travail, une marchandise, alors que le travailleur improductif ne produit pour celui-ci qu’une valeur d’usage, imaginaire ou réelle. »[14]. On pourrait pourtant considérer la consultation chez le médecin comme une marchandise immatérielle, c’est le cas, mais en réalité tout dépend de la manière dont elle a été produite. La consultation médicale produite par un médecin possédant son cabinet n’est qu’une valeur d’usage immédiate échangée contre un revenu. A contrario, la consultation d’un médecin travaillant dans une clinique privée et percevant un salaire est une marchandise vendue aux patients/clients par le propriétaire de la clinique et sur laquelle il génère une plus-value. Dans ce dernier cas, c’est donc un travail productif.

 

Finalement et dans le cadre du système économique capitaliste, on se rend compte qu’il ne reste que très peu de travails entièrement improductifs. Cela concerne principalement les fonctionnaires d’État (et encore, seulement ceux sur qui l’État ne fait pas de plus-value), les professions libérales et les travailleurs dont le travail est immédiatement consommé comme valeur d’usage.

 

Edward Hopper, La nuit au bureau (1940)

3) Artisans et agriculteurs indépendants producteurs de leur propre exploitation.

Reste enfin le cas du travail des agriculteurs et artisans « indépendants qui n’emploient pas d’ouvriers » et se retrouve ainsi en dehors du rapport social capitaliste du travail qu’est le salariat.

 

« Ce sont des producteurs de marchandises, et je leur achète des marchandises. […] ce rapport n’a donc rien à voir avec l’échange de capital et de travail, ni donc avec la distinction entre travail productif et travail improductif, qui ne repose que sur ceci : le travail est-il échangé contre de l’argent en tant qu’argent ou contre de l’argent en tant que capital ? Ils n’entrent donc ni dans la catégorie des travailleurs productifs ni dans celles des travailleurs improductifs, bien qu’ils soient producteurs de marchandises. »[15].

 

Néanmoins, cette position est largement nuancée par Marx lui-même avec l’englobement de leur travail dans le cadre du mode de production capitaliste. En effet, ces travailleurs sont en capacité de s’autoexploiter et d’extraire de la plus-value de leur propre travail pour le transformer en capital et l’injecter dans leur entreprise.

 

« Il est possible que ces producteurs, qui travaillent avec leurs propres moyens de production, non seulement reproduisent leur puissance de travail, mais créent de la plus-value, leurs positions leur permettant de s’approprier leur propre surtravail ou une partie de celui-ci (une partie leur étant soustraite sous forme d’impôts). […] Le paysan ou l’artisan indépendant sont divisés en deux personnes. Comme possesseur des moyens de production, il est capitaliste, comme travailleur, il est son propre salarié. Il se paye donc son salaire comme capitaliste et tire son profit de son capital, c’est-à-dire qu’il s’exploite lui-même comme travailleurs salariés et se paie, avec la plus-value, le tribut que le travail doit au capital. »[16]

 

Parce qu’il possède ses outils lui permettant de travailler, son travail n’est pas aliéné et pourtant reste, dans une certaine mesure, un travail productif. Mais dans le système capitaliste, cette situation d’équilibre n’est pas faite pour durer dans le temps. En effet :

 

« L’artisan ou le paysan qui produit à l’aide de ses propres moyens de production, ou bien se transformera peu à peu en un petit capitaliste, qui exploite lui aussi le travail d’autrui, ou bien il perdra ses moyens de production (ce qui peut s’opérer dans un premier temps, alors qu’il en demeure le propriétaire nominal, comme dans le système des hypothèques) et sera transformé en travailleur salarié ».[17].

 

Cette analyse du travail des artisans et agriculteurs indépendants peut largement être étendue à de nombreux travailleurs indépendants qualifiés aujourd’hui d’autoentrepreneurs. Cette couche sociale regroupe en réalité de nombreux statuts différents que l’on peut finalement placer sur un spectre allant du capitaliste s’autoexploitant partiellement, au salarié productif déguisé sous ce statut légal. (Cf. La Grande dévalorisation).

Phase de production et phase de circulation

L’analyse de Marx et d’Adam Smith sur cette question du travail productif semble relativement explicite. Pourquoi a-t-elle donc suscité autant de controverses et de désaccords ? Il semble qu’il y ait deux raisons à cela.

 

La première est historique. Elle tient à la glorification du travail manuel idéalisé des ouvriers à la fois par divers groupes et partis politiques « ouvriéristes », mais également par certains gouvernements capitalistes se référant de manière identitaire à la pensée de K. Marx qui pourtant ne porte pas cette dimension.

 

La seconde est plus théorique et liée aux ambiguïtés possibles que soulève la distinction qu’introduit Marx entre la phase de production du capital et la phase de la circulation du capital qu’il considère comme improductrice de valeur.

 

En effet, pour que la valeur produite par le travail productif soit réalisée, c’est-à-dire transformée en argent et ainsi que cet argent puisse ensuite être réinvesti, il est également nécessaire que la marchandise produite soit vendue. Cet acte essentiel pour le capitalisme qu’est la vente est également appelé réalisation de la valeur. Pour que cette vente ait lieu, il faut que l’acheteur trouve dans cet achat une utilité quelconque (donc une valeur d’usage). Il est également nécessaire que cette marchandise soit disponible pour le vendeur, mais également qu’elle soit suffisamment mise en avant par rapport à la concurrence d’autres marchandises disponibles sur le marché, pour trouver preneur. Au sein du système capitaliste, l’utilité d’une marchandise ne sert qu’à réaliser la valeur.

 

Cette vente en elle-même ne fait pas partie de la phase de production, car elle ne permet pas de rajouter de valeur à une marchandise. Marx considère ainsi ce processus de vente comme faisant partie de la phase de circulation du capital. La vente est un simple transfert de propriété de l’objet antérieurement produit qui permet de transformer ce capital-marchandise en argent.

Commerciaux, vendeurs et publicitaires sont-ils des travailleurs productifs ?

Marx souligne que l’acte de vendre une marchandise quelle qu’elle soit, n’est pas producteur en soi de valeur ou de plus-value. En effet, le fait de parvenir à revendre plus cher que son prix d’achat une marchandise ne permet que de récupérer de la valeur antérieurement produite au détriment de l’acheteur. Ce sont des frais de circulation qui sont récupérés par le capital marchand sur la valeur produite lors de la phase productive. Cette constatation a induit de nombreux lecteurs en erreur en les poussant à considérer certains emplois comme ceux de caissière, vendeur ou comptable comme intrinsèquement improductif. Si en effet, l’acte en lui-même du transfert de propriété d’une personne à une autre ne crée en rien de la valeur, nombre d’autres actions permettant de rendre cet acte possible sont quant à eux purement productifs. Emballer, transporter une marchandise d’un point A à un point B tout comme la déballer ou la mettre en rayon sont des actions productives qui ajoutent de la valeur à une marchandise. Marx appelle cela le « procès de production se poursuivant pendant l’acte de circulation »[18]. À l’inverse le temps passé à calculer le prix que doit être vendu tel ou tel produit, ou celui utilisé par la caissière pour compter son fond de caisse tout comme l’acte du transfert de propriété au moment de l’achat en lui-même est improductif. L’ensemble du travail nécessaire pour rendre ce transfert matériel est quant à lui productif. Si l’ensemble de ces emplois ont effectivement pour but la réalisation de la valeur, c’est-à-dire de vendre une marchandise, ils n’en sont pas moins partiellement intégrés au processus de production. Du point de vue du capital, deux canettes de soda identiques, l’une vendue dans un supermarché, l’autre vendue par un distributeur automatique, ne sont pas des marchandises identiques, car on ne retrouve pas la même valeur cristallisée dedans. Au sein d’un même travail, les activités productives peuvent s’entremêler avec d’autres, improductives, mais nécessaire à la circulation, sans qu’il soit aisé de définir où commence l’une et où s’arrête l’autre.

 

Pour mieux comprendre, rentrons dans le détail de plusieurs professions souvent considérés comme improductives. Une grande partie du travail du commercial ou du vendeur employé par une entreprise pour écouler sa production se découvre ainsi comme un travail productif pour le capital. Tout d’abord il transporte le produit qu’il vend, ce transport est un travail productif. Ensuite, ses arguments, ses boniments et flatteries envers son client peuvent se retrouver comme autant de valeur qui s’ajoute à la marchandise qu’il vend. Par son travail il peut créer de la valeur ajoutée à la marchandise, même si ce travail ne change pas forcément la nature physique de cette dernière. Par exemple, un appareil de cuisine vendue lors d’une émission de téléachat avec l’aide des efforts exagérés du présentateur, de toute l’équipe de tournage et de diffusion, peut ne pas avoir la même valeur que celui acheté directement sur internet. La satisfaction pour le consommateur de posséder cet objet rendu merveilleux par sa présentation magnifiée ne se présente pas seulement comme une valeur d’échange supplémentaire, mais également comme une valeur d’usage supplémentaire. Cela se retrouve d’ailleurs la plupart du temps dans son prix. Le consommateur pourra retirer une satisfaction sociale supplémentaire à l’utilisation de cet objet en société, ressortant parfois même une partie des arguments du colporteur à ses convives. Par contre le moment spécifique où le commercial vend son produit à son client. Le moment où s’effectue le transfert de propriété et où la marchandise change de forme en s’échangeant contre de l’argent. Ce moment-là est improductif et nécessite certaines activités de la part du vendeur qui peuvent être considérés comme des frais de circulation.

 

Même constat pour le travail du publicitaire. Comment considérer son travail comme improductif, car ayant pour seul but de faciliter la vente du produit alors même qu’il est en capacité de changer jusqu’à la valeur d’usage d’une marchandise ? Bien évidemment, le travail publicitaire permet de faciliter la réalisation de la valeur à travers l’acte de vente, mais il est loin d’être limité à ça. Par exemple, la publicité et les sommes importantes de capital dépensé dans la communication d’une entreprise comme Apple donne un caractère social particulier aux marchandises qu’ils produisent. Ainsi, acheter un téléphone portable de la marque n’est pas seulement acheter un assemblage de composants que l’on peut retrouver de manière totalement identique chez l’un de ses concurrents, c’est également acheter une distinction sociale liée au fait de posséder cet appareil plutôt qu’un autre. Le travail de marketing autour de ces produits et de cette marque permet dans ce cas précis à la fois de rajouter de la valeur dans le produit, mais également une valeur d’usage supplémentaire : la reconnaissance sociale de faire partie de la « communauté Apple ». Dans ce cas-là, comment pourrait-on affirmer que ce travail de marketing est improductif, vu qu’il modifie à la fois la valeur de marchandise, mais également sa nature sociale ?[19] En réalité c’est seulement une forme de fétichisme de la matérialité de la marchandise qui nous pousse à considérer l’ensemble de ces activités comme improductives dans le sens où elles n’auraient comme fonction que de faciliter la réalisation de la valeur. Seule la dimension réelle, tangible et finie de la marchandise est perçue, sa dimension sociale et idéelle dans laquelle de la valeur peut également être produite reste cachée.

 

Le caractère productif de la publicité nous parait encore plus évident, quoiqu’identique, lorsqu’elle est externalisée. C’est bien une marchandise particulière qu’une entreprise spécialisée dans le marketing comme Publicis vend à ses clients. Cette marchandise qu’est la « campagne de publicité » est immatérielle, mais n’en est pas moins une marchandise. Pour cela Publicis exploite le travail de designers, de graphistes, community managers et autres rédacteurs qui sont chargés de produire cette marchandise. L’entreprise ne paye à ses salariés qu’une partie de leur journée de travail, le reste c’est la plus-value qu’elle capte et qui est réalisée lorsque la marchandise « campagne de publicité » est vendue à une autre entreprise qui en a besoin ». C’est un travail tout ce qu’il y a de plus producteur de valeur.

 

Enfin, si l’on reprend les définitions portées par Marx et Smith, de nombreux travails dans la sphère financière comportent des activités productrices de valeur. En effet, lorsqu’un actuaire employé par AXA effectue ses calculs statistiques pour déterminer le rendement d’une assurance vie, son travail permet de produire la marchandise « police d’assurance » où la marchandise « assurance vie » qui est ensuite vendue sur le marché des assurances[20]. De même, en bourse, lorsqu’un fonds d’investissement donne naissance à un nouveau ETF (Exchange Traded-fund) qui réplique un indice boursier ou lorsqu’une nouvelle cryptomonnaie est créée, ce sont des marchandises immatérielles qui sont produites. Que ces marchandises soient financières et produites pour la phase de circulation ne change rien pour le capitaliste, il réalise une plus-value sur le travail de ceux qui les ont produites. Rappelons une fois de plus avec les mots de Marx : « que ce dernier ait investi son capital dans une fabrique de leçons plutôt que dans une fabrique de saucisses, cela ne change rien au rapport ».

 

Ce ne sont là que quelques exemples particuliers, nous rentrerons plus en détail sur la question de la valeur au sein et la création monétaire au sein de la sphère financière dans un article à venir : Entre pandémie et taux de profit.

Kazimir Malevitch, Portrait d’un record de productivité au travail (1932)

Implications et conséquences

Considérer ainsi la majeure partie des activités au sein des travails tertiaires, d’auto-entrepreneuriat, de commercialisation, de publicité, d’encadrement, voire même financier, comme productif a des implications considérables sur l’analyse du fonctionnement du capital.

 

Le prolétariat

En premier lieu, cela fait entrer, au moins partiellement (car ils peuvent également posséder du capital), une énorme partie des couches socialement intermédiaires dans la définition de Marx du prolétariat. « Par prolétaire, au sens économique, il faut entendre le travailleur salarié qui produit du capital et le met en valeur. »[21] Ou encore « La classe des travailleurs salariés modernes qui, ne possédant pas en propre leurs moyens de production, sont réduits à vendre leur force de travail pour vivre. »[22]. Bien évidemment, cela n’empêche pas cette classe sociale qu’est le prolétariat d’être composée de nombreuses strates différentes rassemblant des statuts et des conditions de vie extrêmement hétérogènes. Il n’empêche qu’elles demeurent unies par le rapport social de production qui définit leur exploitation : le travail salarié basé sur l’extraction de la plus-value.

 

Mais surtout cela remet partiellement en cause la conception répandue parmi de nombreux économistes marxistes tendant à penser l’existence d’une déconnexion totale entre la profusion de capital financier depuis les cinquante dernières années et la production de valeur. En effet, la création monétaire massive et l’énorme gonflement des marchés financiers suivant la crise économique des années 1970 semblent sortir de nulle part si l’on considère la majorité des emplois salariés du secteur tertiaire ou de l’encadrement comme improducteurs de valeur.

 

Cette analyse a poussé certains à rejeter une partie des analyses de Marx comme la loi de la baisse tendancielle du taux de profit et à considérer le capital comme automate, c’est-à-dire fonctionnant sur lui-même sans avoir besoin d’être lié à la production. Si ces analyses ont le mérite de justifier la continuité du système capitaliste malgré ses contradictions internes, il nous semble que cela reste au prix d’angles morts plus ou moins volontairement occultés. Surtout, ces analyses ne paraissent à propos que grâce à l’acceptation  collective d’une définition particulièrement restreinte du travail productif. Les critiquer à l’aune de la définition que nous avons développée dans cet article à travers celle de Marx et Smith, pourrait permettre de savoir si elles demeurent pertinentes pour produire une analyse du fonctionnement actuel du système économique.

 

Articles à suivre : Analyse critique des différentes visions de la valeur et du travail productif : grande dévalorisation, évanescence de la valeur, reproduction rétrécie et ménage à trois. La suite mardi 24 novembre

 

Benjamin Lalbat/Ben Malacki pour L’Orage.org

NOTES

 

[1] Pour éviter de rallonger un argumentaire déjà copieux, nous choisissons volontairement de ne pas aborder ici la question de la division travail concret/travail abstrait. En effet, ce qui est incorporé à la valeur d’une marchandise n’est pas le travail concret en lui-même, mais le travail moyen socialement nécessaire pour effectuer cette tâche. La valeur créée est celle d’une moyenne sociale, ce qui explique que deux marchandises identiques fabriquées avec des conditions de production différentes possèdent la même valeur.  Si nous nous permettons de mettre pour le moment de côté cet aspect central c’est qu’il n’est moins ici question de la quantité de valeur qui est créée par le travail que de quel type d’activité salarié est en matière de créé cette valeur.

[2] Le Capital livre III p.288

[3] Même si l’Académie française n’apprécie pas l’usage du mot travail mis au pluriel, il nous semble qu’il reste la meilleure façon d’exprimer cette idée. Le mot d’activités ne regroupant pas systématiquement la notion d’exploitation salariale et celui de travaux n’étant pas pertinents.

[4] Cette notion de travail productif ou improductif ne revêt donc pas le même sens sous d’autres modes de production que le capitalisme. Étant donné que c’est au sein de ce mode de production que nous évoluons actuellement, qu’il englobe l’ensemble de nos rapports sociaux et qu’il est le sujet de notre étude, lorsque nous utiliserons le terme de travail productif ou improductif à partir de maintenant il est nécessaire d’entendre travail productif ou improductif pour le capital.

[5] Théories sur la plus-value (Livre IV du Capital) tome I. p167.

[6] Le Capital Livre I p. 550.

[7] Théories sur la plus-value (Livre IV du Capital) tome I.  p.470

[8] Ibidem.

[9] Ibid. 176

[10] Certains comme le philosophe Arnaud Berthoud ont décidé de nommer ce type d’activité : « travail indirectement productif ». Ce n’est pas le cas de Marx qui ne fait pas de différence dans ces textes et intègre ces activités dans la sphère de la production sans les différencier par une épithète dépréciative.

[11] L’ensemble des activités liées au travail de direction n’est pas nécessairement productif. Par exemple, la fonction spécifiquement capitaliste de perception de la plus-value par le patron ou par le cadre qui possède des stock-options ne l’est en rien.

[12] Par contre ce n’est pas le cas lorsque ce travail d’encadrement relève de la simple surveillance de la force de travail, c’est-à-dire s’il ne sert qu’à maintenir en place l’état du rapport de force entre salariés et capital. Par exemple empêcher le vol ou la détérioration du matériel. Nous réaborderons la question de l’encadrement dans l’article à venir : Analyse critique des différentes visions du travail productif.

[13] Ibid. p188

[14] Ibid. p.170

[15] Ibid. p.476

[16] Ibid. p.477

[17] Ibid. p.478

[18] Ibid p.280 cité Par Isaak I Roubine, Essaie sur la théorie de la valeur de Marx.

[19] C’est d’ailleurs nécessaire pour que cette différence de valeur soit reconnue par l’acheteur. En effet, ce n’est pas le travail en lui-même qui est ajouté comme valeur dans une marchandise, mais le travail moyen socialement nécessaire à la produire : le travail abstrait. Nous avons choisi de ne pas aborder cette dimension, pourtant centrale de la valeur au sein de notre argumentaire pour éviter de l’alourdir, mais cette précision demeure indispensable pour comprendre le mécanisme d’ajout de valeur par le travail productif.

[20] En effet, le calcul d’une police d’assurance ne se résume à juste déterminer le prix de vente de la marchandise « assurance » pour en maximiser le profit (sinon ce serait effectivement un travail improductif). Le calcul de la police d’assurance implique ce qu’elle va rembourser, ses différentes clauses et autres franchises. Ce calcul est en réalité constitutif de la marchandise « police d’assurance » et constitue en réalité une partie principale de son processus de production.

[21] Karl Marx, Le capital Livre I

[22] F. Engels, note au Manifeste Communiste 1888.


 

Commentaire et critique de Oeil de Faucon (alias Gérard Bad)
Travail productif et improductif

Gérard Bad, septembre octobre 2001.

Avant propos

Au cours du texte ci-après je m’efforcerai de défendre que pour Marx, le prolétariat au sens révolutionnaire du terme, sens politique, c’est celui qui n’a que sa force de travail à vendre, il est à ce niveau soi une classe en soi, et donc classe pour le capital, soi une classe révolutionnaire, d’ou la sentence de Marx : “ le prolétariat est révolutionnaire ou il n’est rien ”. Dans le Kapital, dont il fait l’anatomie Marx fait la démonstration de l’origine de la plus value, “ Il ne s’agit point ici du développement plus ou moins complet des antagonismes sociaux qu’engendre les lois naturelles de la production capitaliste, mais de ces lois elles-mêmes , des tendances qui se manifestent et se réalisent avec une nécessité de fer ”( Kapital T I, préface de la première édition allemande, 25 juillet 1867.) Elle provient de l’exploitation du seul prolétariat productif de plus-value. Marx reste au niveau de l’économie politique et par son analyse démontre les limites objectives de l’accumulation du capital, suprématie du travail mort sur le travail vivant, crises de surproduction et enfin crise finale crise de l’accumulation et baisse radicale du taux de profit.

1) Travail productif et improductif.

La différence entre travail productif et improductif est essentielle pour l’accumulation, car seul l’échange contre le travail productif permet une  transformation de plus value en capital. (Chapitre inédit du Capital édt 10/18 page 240 .)

La définition du travail productif ( et donc aussi de son contraire, le travail improductif) se base sur le fait que la production capitaliste est production de plus value, et que le travail qui’ s’y emploi produit de la plus-value. (Chapitre inédit du Capital édt 10/18 page 239.)

Le travail productif, est un travail en général qui réalise un produit ou une marchandise, un artisan par exemple produit une marchandise X ou un produit Y, il fait un travail productif, mais du point de vue de la production capitaliste il n’effectue pas de travail productif:  “est donc productif le travail qui valorise directement le capital ou produit de la plus value.” (Chap. Inédit du Capital, 10/18 page 224). J’attire votre attention sur le fait qu’ici Marx fait une différence entre le travailleur productif qui valorise le capital et celui qui produit de la plus value, ceci aura une importance dans mon développement ultérieur.

En effet un capitaliste du secteur productif peut effectuer du travail productif ( en ce sens que sont travail étant intégré au procès de travail total, s’incarne dans le produit.) Il n’est pas pour autant un prolétaire, ni même un travailleur productif de plus value. C’est pourquoi Marx va remettre les pendules à l’heure sur cette confusion :

 

“ Il faut toute l’étroitesse d’esprit du bourgeois, qui tient la forme capitaliste pour la forme absolue de la production, et donc pour sa forme naturelle, pour confondre ce qui est travail productif et ouvrier productif du point de vue du capital avec ce qui est travail productif en général, de sorte qu’il se satisfait de cette tautologie : est productif tout travail qui produit en général, c’est-à-dire qui aboutit à un produit ou valeur d’usage quelconque, voire à un résultat quel qu’il soit. ” pages 224,225 (Chapitre inédit du Capital édt 10/18) Marx sous le titre “ Travail productif et improductif. ”)

Pour Marx la définition du travail productif est la suivante :

“ Pour distinguer le travail productif du travail improductif, il suffit de déterminer si le travail s’échange contre de l’argent proprement dit ou contre de l’argent-capital. ” (Chapitre inédit du Capital édt 10/18 page 238 .) A partir de cette définition Marx , page 233 du “ Chapitre inédit du Capital ” nous donne l’exemple du littérateur prolétaire de Leipzig, de la cantatrice, qui travaillant pour un patron deviennent des travailleurs productifs en ce qu’ils valorisent le capital, il dira la même chose dans un note du Tome  I du capital sur un enseignant qui travail dans le privé.

Travail productif  et  travail improductif

Étant donné qu’il représente le capital productif, engagé dans son procès de valorisation, le capitaliste remplit une fonction productive, qui consiste à diriger à diriger et exploiter le travail productif ” (Chapitre inédit du Capital édt 10/18 page 239 .)
Procès de production immédiat.

“ Si j’achète une marchandise chez un travailleur indépendant ou un artisan qui est son propre employeur, il n’y a pas lieu de parler de travail productif ” (Chapitre inédit du Capital édt 10/18 page 238 .)

En somme, seul est productif le travail qui pose le capital variable-et partant le capital total- comme C+rC = C+rv, autrement dit, le travail utilisé directement par le capital comme agent de son autovalorisation, comme moyen pour produire de la plus-value. (Chapitre inédit du Capital édt 10/18 page 225.)

“En somme, les travaux qui ne peuvent être utilisés que comme service, du fait que leurs produits sont inséparables de leur prestataire, de sorte qu’ils ne peuvent devenir des marchandises autonomes (ce qui ne les empêche pas au reste, d’être exploités d’une manière directement capitaliste), représentent une masse dérisoire par rapport à celle de la production capitaliste ” p234

“tout travailleurs productif est salarié, mais il ne s’ensuit pas que tout salarié soit un travailleurs productif ” p228

“ Par rapport au capitaliste financier, le capitaliste industriel est un travailleur, travailleur en tant que capitaliste, c’est-à-dire un exploiteur du travail d’autrui ” (Le Capital, Chap. 23,T.3 )

“ Avec le développement de la production capitaliste, tous les services se transforment en travail salarié et tous ceux qui les exercent en travailleurs salariés, si bien qu’ils acquièrent ce caractère en commun avec les travailleurs productifs ” P230 Marx ajoute un soldat est un salarié, il n’est pas pour autant travailleur productif.

“ Même si les fonctionnaires deviennent des salariés en régime capitaliste, ils ne deviennent pas pour autant des travailleurs productifs.

Ici Marx nous indique qu’il ne faut pas confondre le travail productif et l’ouvrier productif, pour enfoncer le clou il précise :

“ Seul est productif l’ouvrier dont le procès de travail correspond au procès productif de consommation de la force de travail – du porteur de la force de travail – par le capital ou capitaliste. ” (p. 226 (Chapitre inédit du Capital édt 10/18) Marx sous le titre Travail productif et improductif.)

 

2- Positions déjà développées (Camatte Jacques, et Paul Mattick.)

 

Camatte jacques dans “ Capital et Gemeinwesen ” développe avec l’amplitude que nous lui connaissons le sujet “ travail productif et improductif ” (page 114 édt Spartacus)  il va en particulier mettre l’accent sur l’importance des classes moyennes, classes qui ne peuvent se développer que sur la base d’un capital réellement développé (extraction de la plus value relative). Camatte va citer Marx: “ Dans la société, cette classe représentera la consommation pour la consommation, comme la classe capitaliste représente la production pour la production ; l’une incarne la “ passion de la dépense ”, l’autre la “ passion de l’accumulation ” (P 122).

Camatte souligne qu’au stade de la domination réelle, il y a généralisation du salariat “ tous les services étant transformés en service pour le capital ”(p 131) et il fait remarquer que “ la différence entre travail productif et improductif tend à s’estomper, non pas en ce qui concerne le prolétariat, car pour lui, il ne fait aucun doute que seul son travail est productif, mais, vis-à-vis du capital et des classes moyennes.

Ici Camatte assimile Prolétariat a productif, alors qu’en ce qui me concerne, le prolétaire est celui qui n’a que sa force de travail à vendre ( cela vaut pour les sans travail, chômeurs…) parfaitement improductifs. l’histoire d’ailleurs nous enseigne, que le prolétariat a souvent été divisé en deux sur cette base “ productif et improductif ” . Durant la 1er internationale les Marxistes regroupaient les prolétaires créateurs de valeur et les anarchistes les autres les improductifs. La montée du fascisme en Allemagne c’est en partie opérée sur cette distinction/contradiction.

 

La thèse de Camatte consiste donc à dire que le Capital “ veut noyer le prolétariat dans les classes moyennes et proclamer, ainsi qu’il n’existe plus. ” (page 137). Il considère que le capital s’ordonne de la façon suivante :

A. Un groupe d’hommes productifs : les prolétaires.

B. Un autre lié au capital de la façon suivante :

a) Une partie directement intéressée au développement de celui-ci, parce qu’elle touche un quantum de plus-value sociale. Elle gère le capitalisme ; elle est en fait la classe des capitalistes.

b) Ceux qui vivent aux dépens de la plus-value, parce qu’ils permettent sa réalisation : ce sont les classes moyennes.

c) Ceux qui défendent l’appropriation du travail non-payé (ils vivent aussi aux dépens de la plus-value) et en garantissent la perpétuation : la police, les gendarmes, l’armée, etc.. en un mot, l’Etat.

Il est exact, que les gérants du Capitalisme ( société anonymes, mutuelles, scop…) sont du coté du capitalisme, tout comme l’armée, la police… c’est leur fonction qui veut cela ils sont des défenseurs de la classe des capitalistes.

 

Pour le petit (b) le simple fait de vivre “ aux dépens de la plus-value ” dans les services ou comme fonctionnaire ne saurait justifier le classement que fait Camatte. Une très importante partie de ces salariés sont des prolétaires, ils sont exploités, et sont soumis à des rythmes de travail productiviste, ils font la grève. A leur égard je n’aime pas du tout le terme “ aux dépens ”, leur fonction réelle est de faire circuler la plus value et de la réaliser le plus rapidement possible, il sont donc exploités à ce titre et nullement inutiles dans le cadre du fonctionnement du capital. Ce qui se passe, ce n’est pas que le prolétariat disparaît dans le salariat, mais le contraire le salariat se prolétarise. L’idéologie cherche absolument à masquer cela y compris par des théories nous prédisant une fin du travail proche, nos adieux au prolétariat (sic).

C’est d’ailleurs une des caractéristiques de l’époque actuelle, de faire tomber des travailleurs indépendants, dans le prolétariat, la fameuse généralisation du salariat n’est en fait que la prolétarisation constante démontrer par Marx. Ex : Les chaînes de restauration, les chaînes d’optique Afflelou…qui portent chaque jour un coût fatal aux derniers travailleurs indépendants.

 

Dans le tertiaire, en général le management utilise de plus en plus des termes venant de l’industrie notamment celui de productivité, d’outils, d’atelier, les économistes parlent même des services industrialisables (grande distribution, la poste, les télécommunications, les banques et les assurances…)

Ce qu’il nous faut retenir, c’est que tout prolétaire, n’est pas forcément créateur de plus value.

 

3) Prolétaires productifs et prolétaires improductifs.

Si nous parlons maintenant de prolétaire productif et de prolétaire improductif, c’est précisément pour savoir ou en est le capital dans sa course à l’accumulation, autrement dit où en est l’évolution de la contradiction fondamentale entre les forces productives et les rapports de production. Nous restons sur le terrain de l’anatomie du Capital. L’autre terrain c’est la lutte politique du prolétariat contre la bourgeoisie capitaliste. Cette lutte étant la manifestation de la contradiction fondamentale entre les forces productives et les rapports de production, ne prend pas en compte cette distinction en prolétaires productif et improductifs, l’ensemble de la classe, la grande majorité mène le combat émancipateur.

– Sur le terrain économique.

Le Capital, il me semble nécessaire de le rappeler, se compose de deux procès, le procès de valorisation c’est la sphère de production ( et une partie des transports) (1)   celle ou la force de travail produit de la plus value et donc du capital. Le procès de dévalorisation, c’est la sphère de la circulation du capital et des marchandises ou la plus value doit finalement se réaliser, cette sphère n’est pas créatrice de valeur. Il en résulte donc que les prolétaires de cette sphère ne sont pas créateurs de plus value, mais ils contribuent à sa réalisation et peuvent accélérer par la rapidité de leur travail la rotation du capital. C’est il me semble particulièrement limpide chez Marx :

“ …le temps de circulation détermine seulement la valeur pour autant qu’il est un obstacle naturel à la valorisation du temps de travail. En effet, c’est une déduction sur le temps de surtravail, autrement dit une augmentation du temps de travail nécessaire. Il est clair que le temps de travail nécessaire doit être payé, que le procès de circulation se déroule lentement ou rapidement. ”  (Grundrisse 3. Chapitre du capital p. 58 édt 10/18).

“ Le temps de circulation représente donc une limitation de la productivité du travail ; il augmente le temps de travail nécessaire, et diminue la plus -value, bref c’est un frein, une barrière à l’autovalorisation du capital ” Grundrisse 3. Chapitre du capital p 59 édt 10/18.

Paul Mattick, va aussi dans se sens :

“ En dehors des emplois liés à la production des marchandises et à leur circulation, il existe une foule de professions qui, sans participer ni de l’une ni de l’autre de ces sphères, produisent des services et non des marchandises. Leurs membres émargent au budget soit des travailleurs ou des capitalistes, soit des uns et des autres. Du point de vue du capital, et quelque utile ou nécessaire que puisse être leur travail, celui-ci est improductif : que leurs services soient achetés en tant que marchandises ou rémunérés avec de l’argent provenant des impôts, tout ce qu’ils encaissent est pris sur le revenu des capitalistes ou le salaire des travailleurs.

 

Voilà qui paraît devoir soulever une difficulté. En effet, parmi ces professions, il en est beaucoup (enseignants, médecins, chercheurs scientifiques, acteurs, artistes et autres) dont les membres, tout en produisant uniquement des services, ne se trouvent pas moins en situation d’employés et rapportent du profit à l’entrepreneur qui leur donne de l’ouvrage. C’est pourquoi celui-ci considère comme productif ce travail qu’il a payé et qui lui a permis de réaliser un profit, de valoriser son capital. Pour la société cependant, ce travail reste improductif étant donné que le capital ainsi valorisé représente une certaine part de la valeur et de la plus-value créées dans la production. De même, en ce qui concerne tant le capital commercial et le capital bancaire que les employés de ces deux secteurs : en ce cas également, du surtravail est produit et du capital valorisé, bien que les salaires et les profits afférents à ces branches soient nécessairement prélevés sur la valeur et la plus- value créées dans la production ” (Intégration capitaliste et rupture ouvrière. Paul MATTICK edt EDI. Pages 241 et 242).

 

Je suis ici tout à fait en accord avec P Mattick qui fait bien la distinction entre le prolétariat force politique et le prolétariat créateur de valeur et donc d’accumulation du capital, les salariés du tertiaire sont certes des prolétaires, mais ils ne sont pas créateurs de plus-value, ce que Marx confirme ci-dessous.

 

“ par conséquent, des frais qui renchérissent le prix de la marchandise sans lui ajouter de la valeur d’usage, qui appartiennent donc pour la société aux faux frais de la production, peuvent être source d’enrichissement pour le capitaliste individuel. Ils n’en conserve pas moins un caractère d’improductivité, puisque le supplément qu’ils ajoutent au prix de la marchandise ne fait que répartir également ces frais de circulation. C’est ainsi que les sociétés d’assurances répartissent sur l’ensemble de la classe capitaliste les pertes des capitalistes individuels ; ce qui n’empêche pas les pertes ainsi compensées d’être et de rester des pertes au point de vue du capital total de la société. ” (Le Capital T2. Chap. vI page 138 édt .de Moscou.)

 

C’est pour cela d’ailleurs que les trois tomes du Kapital se découpent ainsi , le Tome I procède à l’anatomie de la sphère de production origine de la plus value, le tome II de la sphère de circulation, soit naissance et développement du capital financier, et le tome III qui analyse le capital total.

 

– Sur le terrain de la lutte de classe.

Sur le terrain de la lutte des classes, cette distinction entre travailleur productif et improductif n’ a pas beaucoup d’importance, puisque je le répète est prolétaire celui qui n’a que sa force de travail à vendre, et le sens ancien de prolétariat est celui qui produit des enfants, qui reproduit sa classe. Mattick à donc raison de dire :

“ L’existence du taux de profit moyen, que la concurrence établit en fonction de l’offre et de la demande, fait qu’il importe peu au capitaliste que son capital soit investi dans la production, dans la circulation ou dans les deux sphères à la fois. Le problème du travail productif et du travail improductif ne se pose pas pour lui. Pas plus les travailleurs ne se demandent s’ils sont employés de manière productive ou improductive. Dans un cas comme dans l’autre, en effet, leur existence dépend toujours de la vente de leur force de travail. ” (Intégration capitaliste et rupture ouvrière.  Paul MATTICK edt EDI. Page 242).

 

Mattick fera donc toujours cette distinction, entre le prolétariat vu comme créateur de plus value (anatomie du capital et de l’accumulation capitaliste) et le prolétariat au sens politique, celui qui achèvera le vieux monde, la grande majorité des prolétaires de ce monde.

Il confirmera son point de vue dans le cinquième Chapitre de son dernier livre “Marxism-Last Refuge of the Bourgeoisie?”

“ La pression exercée sur le taux de profit par la croissance disproportionnée du travail non-productif par rapport au travail productif ( c’est-à-dire producteur de profit) ne peut être relâchée que par une croissance supplémentaire de la productivité du travail en général et de celle du travail productif en particulier. Dans l’intervalle, les mouvements du taux de profit affectent les deux couches de la population travailleuse et les placent dans la même opposition objective à la nécessité pour le capital de maintenir sa profitabilité. Ce n’est donc pas le caractère de son occupation qui définit le prolétariat mais sa position sociale de travailleurs salariés. La diminution de la classe ouvrière industrielle sous-entend en fait la croissance de la classe ouvrière en général, compte non tenu du type d’emploi que celle-ci remplit. ” (Page 29 edt AB IRATO, de la pauvreté et de la nature fétichiste de l’économie.)

 

Nous avons selon moi, deux tendances révisionnistes, l’une que nous venons de voir avec Camatte consiste à réduire le prolétariat à sa fraction productrice de plus value (Thèse classique du PCF) et donc de diviser le prolétariat, même tendance avec la théorie de l’aristocratie ouvrière qui n’est qu’un épiphénomène.

 

L’autre tendance consiste à gommer progressivement la distinction entre la sphère de production et la sphère de circulation et de nous présenter un prolétariat socialisé sous le vocable de travailleur collectif. Ainsi tout salarié qui vend sa force de travail devient par cette généralisation un créateur collectif de plus value. Comme nous le verrons, le travailleur collectif se rapporte au produit créé, produit social, quant à la plus value elle implique un rapport déterminé entre l’acheteur et le vendeur de travail. Le travail productif, en tant que produisant de la valeur, est donc toujours, vis-à-vis du capital, le travail de la force de travail individuelle.

 

A propos du travailleur collectif.

Dés la  “ Misère de la Philosophie ”, Marx commence à nous parler du travailleur ou de l’atelier collectif dans l’entreprise capitaliste à la différence du travailleur individuel de l’économie parcellaire, artisanale et paysanne. Des que l’on passe de la coopération à la manufacture, Marx parle de travailleur collectif de la manufacture (Cap.T 1 page 368 édt Moscou.)  Nous voyons donc que le travailleur collectif n’est pas un phénomène moderne, ni le produit du passage de la domination formelle à la domination réelle.

“ La machine entre les mains du capital crée donc des motifs nouveaux et puissants pour prolonger sans mesure la journée de travail ; elle transforme le mode de travail et le caractère social du travailleur collectif, de manière à briser tout obstacle qui s’oppose à cette tendance…. ” (Cap.T 1 page 390, édt Moscou.)

 

La machine en simplifiant le travail, va engager un élargissement de ce travailleur collectif qui n’est plus dans la phase de domination réelle restreint à l’entreprise puisqu’il devient facilement interchangeable et qu’il apprend en quelques mois un travail simple le plus souvent de surveillant de la machine. De ce fait Marx y voit un changement dans la composition du travailleur collectif (femmes et enfants doivent travailler).

 

“ La subordination technique de l’ouvrier à la marche uniforme du moyen de travail et la composition particulière du travailleurs collectif d’individus des deux sexes et de tout âge …. ” (Cap.T 1 page 405 édt Moscou.) “ A partir du moment, cependant, où le produit individuel est transformé en produit social, en produit d’un travailleur collectif dont les différents membres participent au maniement de la matière à des degrés divers, de prés ou de loin, ou même pas du tout, les déterminations de travail productif, de travailleur productif, s’élargissent nécessairement. ” (Cap.T 1 page 481 édt Moscou.)

 

La question est ici posée, jusqu’ou va cet élargissement ?

Nous savons que les industries modernes exploitent maintenant dans le monde entier ce travailleur collectif, les barrières nationales ne résistent plus au découpage de l’exploitation planétaire. Ici on fait le moteur d’une automobile, la bas les batteries, ailleurs le montage… Phénomène auquel il faut ajouter l’explosion de l’immigration.

 

Ceci étant, le travailleur collectif ne saurait gommer la distinction entre la sphère de production qui est son domaine d’évolution et la sphère de circulation qui ne produit pas de plus-value et donc se poser la question de savoir si un travail de surveillance est productif de plus-value ou pas, se rapporte à cette distinction. Dans la sphère de production le travail de surveillance ou de maintenance robotique ou machine à commande numérique est créateur de plus-value. Dans le tertiaire sphère de circulation, ce même travail de surveillance et de maintenance (souvent informatique) rapporte du profit et en se sens valorise le capital de l’employeur, mais il ne créé pas de plus-value (profit et plus-value ne sont pas la même chose).

 

“ En tant que productif de valeur, (dit Marx) le travail reste donc toujours le travail de l’individu, mais exprimé en termes sociaux. Le travail productif, en tant que produisant de la valeur, est donc toujours vis-à-vis du capital, le travail de la force de travail individuelle, quelles que soient les associations que les ouvriers puissent former dans le processus de production… Tandis que le capital représente vis-à-vis de l’ouvrier la force productive sociale du travail, le travail productif de l’ouvrier ne représente jamais, vis-à-vis du capital, que le travail de l’ouvrier individuel ” (Théories sur la plus-value,I, p.356-365 histoire des doctrines économiques).

 

Pour terminer, Marx intervient souvent pour affirmer que les travailleurs payés par les impôts “les fonctionnaires” sont des improductifs. La question que je me pose et que je lance en débat, que faut il penser des aides de l’État au patronat pour financer les 35 h.  (aides pour la loi Robien échelonnées sur 7 ans et sur  5ans pour la loi Aubry) ?  Ne s’agit-il pas d’un financement par l’État d’une partie du salaire de chaque salarié de l’entreprise?

FIN

A partir de ce texte il est possible de critiquer celui d’ ORAGE, ce que je vais faire d’ici quelques jours

Gérard Bad

 

Robert Bibeau

Auteur et éditeur

17 réflexions sur “Travail productif et improductif – Quelles activités créent de la valeur?

  • 2 janvier 2021 à 1 h 12 min
    Permalien

    Il ne faut pas dire que cet article est de oeil de Faucon, cet article provient du Groupe « ORAGE » je le fait connaître afin de provoquer un débat sur le sujet développé et qui fait depuis des années l’objet de discussion au sein de la gauche Allemande et Italienne ( Pannekoek et Bordiga). Je vais d’ ailleurs commencer à entamer le débat sur le sujet. G.Bad

    Répondre
  • 2 janvier 2021 à 1 h 20 min
    Permalien

    F Travail productif et improductif
    Gérard Bad septembre octobre 2001
    Avant propos :

    Au cours du texte ci-après je m’efforcerais de défendre que pour Marx, le prolétariat au sens révolutionnaire du terme, sens politique, c’est celui qui n’a que sa force de travail à vendre, il est à ce niveau soi une classe en soi, et donc classe pour le capital, soi une classe révolutionnaire, d’ou la sentence de Marx : “ le prolétariat est révolutionnaire ou il n’est rien ”. Dans le Kapital, dont il fait l’anatomie Marx fait la démonstration de l’origine de la plus value, “ Il ne s’agit point ici du développement plus ou moins complet des antagonismes sociaux qu’engendre les lois naturelles de la production capitaliste, mais de ces lois elles-mêmes , des tendances qui se manifestent et se réalisent avec une nécessité de fer ”( Kapital T I, préface de la première édition allemande, 25 juillet 1867.) elle provient de l’exploitation du seul prolétariat productif de plus-value. Marx reste au niveau de l’économie politique et par son analyse démontre les limites objectives de l’accumulation du capital, suprématie du travail mort sur le travail vivant, crises de surproduction et enfin crise finale crise de l’accumulation et baisse radicale du taux de profit.

    1) Travail productif et improductif.

    La différence entre travail productif et improductif est essentielle pour l’accumulation, car seul l’échange contre le travail productif permet une retransformation de plus value en capital. (Chapitre inédit du Capital édt 10/18 page 240 .)

    La définition du travail productif ( et donc aussi de son contraire, le travail improductif) se base sur le fait que la production capitaliste est production de plus value, et que le travail qui’ s’y emploi produit de la plus-value. (Chapitre inédit du Capital édt 10/18 page 239 .)

    Le travail productif, est un travail en général qui réalise un produit ou une marchandise, un artisan par exemple produit une marchandise X ou un produit Y, il fait un travail productif, mais du point de vue de la production capitaliste il n’effectue pas de travail productif “ est donc productif le travail qui valorise directement le capital ou produit de la plus value .. ”(Chap Inédit du Capital, 10/18 page 224). J’attire votre attention sur le fait qu’ici Marx fait une différence entre le travailleur productif qui valorise le capital et celui qui produit de la plus value, ceci aura une importance dans mon développement ultérieur.
    En effet un capitaliste du secteur productif peut effectuer du travail productif ( en ce sens que sont travail étant intégré au procès de travail total, s’incarne dans le produit.) il n’est pas pour autant un prolétaire, ni même un travailleur productif de plus value. C’est pourquoi Marx va remettre les pendules à l’heure sur cette confusion :

    “ Il faut toute l’étroitesse d’esprit du bourgeois, qui tient la forme capitaliste pour la forme absolue de la production, et donc pour sa forme naturelle, pour confondre ce qui est travail productif et ouvrier productif du point de vue du capital avec ce qui est travail productif en général, de sorte qu’il se satisfait de cette tautologie : est productif tout travail qui produit en général, c’est-à-dire qui aboutit à un produit ou valeur d’usage quelconque, voire à un résultat quel qu’il soit. ” pages 224,225 (Chapitre inédit du Capital édt 10/18) Marx sous le titre “ Travail productif et improductif. ”)

    Pour Marx la définition du travail productif est la suivante :

    “ Pour distinguer le travail productif du travail improductif, il suffit de déterminer si le travail s’échange contre de l’argent proprement dit ou contre de l’argent-capital. ” (Chapitre inédit du Capital édt 10/18 page 238 .) A partir de cette définition Marx , page 233 du “ Chapitre inédit du Capital ” nous donne l’exemple du littérateur prolétaire de Leipzig, de la cantatrice, qui travaillant pour un patron deviennent des travailleurs productifs en ce qu’ils valorisent le capital , il dira la même chose dans un note du T I du capital sur un enseignant qui travail dans le privé.

    par le tableau qui suit je vais essayer de rendre les comparaisons plus simples.
    Le tableau ne s’insère pas dans ce texte
    Travail productif
    travail improductif
    Etant donné qu’il représente le capital productif, engagé dans son procès de valorisation, le capitaliste remplit une fonction productive, qui consiste à diriger à diriger et exploiter le travail productif ” (Chapitre inédit du Capital édt 10/18 page 239 .)
    Procès de production immédiat.
    “  si j’achète une marchandise chez un travailleur indépendant ou un artisan qui est son propre employeur, il n’y a pas lieu de parler de travail productif ” (Chapitre inédit du Capital édt 10/18 page 238 .)
    En somme, seul est productif le travail qui pose le capital variable-et partant le capital total- comme C+rC = C+rv, autrement dit, le travail utilisé directement par le capital comme agent de son autovalorisation, comme moyen pour produire de la plus-value. (Chapitre inédit du Capital édt 10/18 page 225 .)
    “ En somme, les travaux qui ne peuvent être utilisés que comme service, du fait que leurs produits sont inséparables de leur prestataire, de sorte qu’ils ne peuvent devenir des marchandises autonomes ( ce qui ne les empêche pas au reste, d’être exploités d’une manière directement capitaliste), représentent une masse dérisoire par rapport à celle de la production capitaliste ” p234

    “ tout travailleurs productif est salarié, mais il ne s’ensuit pas que tout salarié soit un travailleurs productif ” p228

    “ Par rapport au capitaliste financier, le capitaliste industriel est un travailleur, travailleur en tant que capitaliste, c’est-à-dire un exploiteur du travail d’autrui ” (Le Capital, Chap. 23,T.3 )

    “ Avec le développement de la production capitaliste, tous les services se transforment en travail salarié et tous ceux qui les exercent en travailleurs salariés, si bien qu’ils acquièrent ce caractère en commun avec les travailleurs productifs ” P230 Marx ajoute un soldat est un salarié, il n’est pas pour autant travailleur productif.
    “ Même si les fonctionnaires deviennent des salariés en régime capitaliste,ils ne deviennent pas pour autant des travailleurs productifs.

    Ici Marx nous indique qu’il ne faut pas confondre le travail productif et l’ouvrier productif, pour enfoncer le clou il précise :

    “ Seul est productif l’ouvrier dont le procès de travail correspond au procès productif de consommation de la force de travail – du porteur de la force de travail – par le capital ou capitaliste. ” (p. 226 (Chapitre inédit du Capital édt 10/18) Marx sous le titre Travail productif et improductif.)

    2- Positions déjà développées. (Camatte Jacques, et Paul Mattick.)

    Camatte jacques dans “ Capital et Gemeinwesen ” développe avec l’amplitude que nous lui connaissons le sujet “ travail productif et improductif ”page 114 édt Spartacus il va en particulier mettre l’accent sur l’importance des classes moyennes, classes qui ne peuvent se développer que sur la base d’un capital réellement développé (extraction de la plus value relative). Camatte va citer Marx “ Dans la société, cette classe représentera la consommation pour la consommation, comme la classe capitaliste représente la production pour la production ; l’une incarne la “ passion de la dépense ”, l’autre la “ passion de l’accumulation ” (P 122)
    Camatte souligne qu’au stade de la domination réelle, il y a généralisation du salariat “ tous les services étant transformés en service pour le capital ”(p 131) et il fait remarquer que “ la différence entre travail productif et improductif tend à s’estomper, non pas en ce qui concerne le prolétariat, car pour lui, il ne fait aucun doute que seul son travail est productif, mais, vis-à-vis du capital et des classes moyennes .
    Ici Camatte assimile Prolétariat a productif, alors qu’en ce qui me concerne, le prolétaire est celui qui n’a que sa force de travail à vendre ( cela vaut pour les sans travail, chômeurs…) parfaitement improductifs . l’histoire d’ailleurs nous enseigne, que le prolétariat a souvent été divisé en deux sur cette base “ productif et improductif ” . Durant la 1er internationale les Marxistes regroupaient les prolétaires créateurs de valeur et les anarchistes les autres les improductifs. La montée du fascisme en Allemagne c’est en partie opérée sur cette distinction/contradiction.

    La thèse de Camatte consiste donc à dire que le Capital “ veut noyer le prolétariat dans les classes moyennes et proclamer, ainsi qu’il n’existe plus. ” page 137 il considère que le capital s’ordonne de la façon suivante :

    A. Un groupe d’hommes productifs : les prolétaires.

    B Un autre lié au capital de la façon suivante :

    a) Une partie directement intéressée au développement de celui-ci, parce qu’elle touche un quantum de plus-value sociale. Elle gère le capitalisme ; elle est en fait la classe des capitalistes.
    b) Ceux qui vivent aux dépens de la plus-value, parce qu’ils permettent sa réalisation : ce sont les classes moyennes.
    c) Ceux qui défendent l’appropriation du travail non-payé (ils vivent aussi aux dépens de la plus-value) et en garantissent la perpétuation : la police, les gendarmes, l’armée, etc.. en un mot, l’Etat.

    Il est exact, que les gérants du Capitalisme ( société anonymes, mutuelles, scop…) sont du coté du capitalisme, tout comme l’armée, la police… c’est leur fonction qui veut cela ils sont des défenseurs de la classe des capitalistes.

    Pour le petit (b) le simple fait de vivre “ aux dépens de la plus-value ” dans les services ou comme fonctionnaire ne saurait justifier le classement que fait Camatte. Une très importante partie de ces salariés sont des prolétaires, ils sont exploités, et sont soumis à des rythmes de travail productiviste, ils font la grève. A leur égard je n’aime pas du tout le terme “ aux dépens ”, leur fonction réelle est de faire circuler la plus value et de la réaliser le plus rapidement possible, il sont donc exploités à ce titre et nullement inutiles dans le cadre du fonctionnement du capital. Ce qui se passe, ce n’est pas que le prolétariat disparaît dans le salariat, mais le contraire le salariat se prolétarise. L’idéologie cherche absolument à masquer cela y compris par des théories nous prédisant une fin du travail proche, nos adieux au prolétariat.
    C’est d’ailleurs une des caractéristiques de l’époque actuelle, de faire tomber des travailleurs indépendants, dans le prolétariat, la fameuse généralisation du salariat n’est en fait que la prolétarisation constante démontrer par Marx. Ex : Les chaînes de restauration, les chaînes d’optique Afflelou…qui portent chaque jour un coût fatal aux derniers travailleurs indépendants.

    Dans le tertiaire, en général le management utilise de plus en plus des termes venant de l’industrie notamment celui de productivité, d’outils, d’atelier, les économistes parlent même des services industrialisables ( grande distribution, la poste, les télécommunications, les banques et les assurances…)

    Ce qu’il nous faut retenir, c’est que tout prolétaire, n’est pas forcément créateur de plus value.

    3) Prolétaires productifs et prolétaires improductifs.

    Si nous parlons maintenant de prolétaire productif et de prolétaire improductif, c’est précisément pour savoir ou en est le capital dans sa course à l’accumulation, autrement dit où en est l’évolution de la contradiction fondamentale entre les forces productives et les rapports de production. Nous restons sur le terrain de l’anatomie du Capital. L’autre terrain c’est la lutte politique du prolétariat contre la bourgeoisie capitaliste. Cette lutte étant la manifestation de la contradiction fondamentale entre les forces productives et les rapports de production, ne prend pas en compte cette distinction en prolétaires productif et improductifs, l’ensemble de la classe la grande majorité mène le combat émancipateur.

    – Sur le terrain économique.

    Le Capital, il me semble nécessaire de le rappeler, se compose de deux procès, le procès de valorisation c’est la sphère de production ( et une partie des transports)1 celle ou la force de travail produit de la plus value donc du capital. Le procès de dévalorisation, c’est la sphère de la circulation du capital et des marchandises ou la plus value doit finalement se réaliser, cette sphère n’est pas créatrice de valeur . Il en résulte donc que les prolétaires de cette sphère ne sont pas créateurs de plus value, mais ils contribuent à sa réalisation et peuvent accélérer par la rapidité de leur travail la rotation du capital. C’est il me semble particulièrement limpide chez Marx :

    “ …le temps de circulation détermine seulement la valeur pour autant qu’il est un obstacle naturel à la valorisation du temps de travail. En effet, c’est une déduction sur le temps de surtravail, autrement dit une augmentation du temps de travail nécessaire. Il est clair que le temps de travail nécessaire doit être payé, que le procès de circulation se déroule lentement ou rapidement. ” Grundrisse 3. Chapitre du capital p 58 édt 10/18.

    “ Le temps de circulation représente donc une limitation de la productivité du travail ; il augmente le temps de travail nécessaire, et diminue la plus -value, bref c’est un frein, une barrière à l’autovalorisation du capital ” Grundrisse 3. Chapitre du capital p 59 édt 10/18.

    Paul Mattick, va aussi dans se sens :

    “ En dehors des emplois liés à la production des marchandises et à leur circulation, il existe une foule de professions qui, sans participer ni de l’une ni de l’autre de ces sphères , produisent des services et non des marchandises. Leurs membres émargent au budget soit des travailleurs ou des capitalistes, soit des uns et des autres. Du point de vue du capital, et quelque utile ou nécessaire que puisse être leur travail, celui-ci est improductif : que leurs services soient achetés en tant que marchandises ou rémunérés avec de l’argent provenant des impôts , tout ce qu’ils encaissent est pris sur le revenu des capitalistes ou le salaire des travailleurs.
    Voilà qui paraît devoir soulever une difficulté. En effet, parmi ces professions, il en est beaucoup ( enseignants, médecins, chercheurs scientifiques, acteurs, artistes et autres) dont les membres, tout en produisant uniquement des services, ne se trouvent pas moins en situation d’employés et rapportent du profit à l’entrepreneur qui leur donne de l’ouvrage. C’est pourquoi celui-ci considère comme productif ce travail qu’il a payé et qui lui a permis de réaliser un profit, de valoriser son capital. Pour la société cependant, ce travail reste improductif étant donné que le capital ainsi valorisé représente une certaine part de la valeur et de la plus-value créées dans la production. De même, en ce qui concerne tant le capital commercial et le capital bancaire que les employés de ces deux secteurs : en ce cas également, du surtravail est produit et du capital valorisé, bien que les salaires et les profits afférents à ces branches soient nécessairement prélevés sur la valeur et la plus- value créées dans la production ” (Intégration capitaliste et rupture ouvrière , Paul MATTICK edt EDI. Pages 241 et 242)

    Je suis ici tout à fait en accord avec P Mattick qui fait bien la distinction entre le prolétariat force politique et le prolétariat créateur de valeur et donc d’accumulation du capital, les salariés du tertiaire sont certes des prolétaires, mais ils ne sont pas créateurs de plus-value, ce que Marx confirme ci-dessous.

    “ par conséquent, des frais qui renchérissent le prix de la marchandise sans lui ajouter de la valeur d’usage, qui appartiennent donc pour la société aux faux frais de la production, peuvent être source d’enrichissement pour le capitaliste individuel. Ils n’en conserve pas moins un caractère d’improductivité , puisque le supplément qu’ils ajoutent au prix de la marchandise ne fait que répartir également ces frais de circulation. C’est ainsi que les sociétés d’assurances répartissent sur l’ensemble de la classe capitaliste les pertes des capitalistes individuels ; ce qui n’empêche pas les pertes ainsi compensées d’être et de rester des pertes au point de vue du capital total de la société. ” ( Le Capital T2. Chap. vI page 138 édt .de Moscou.

    C’est pour cela d’ailleurs que les trois tomes du Kapital se découpent ainsi , le Tome I procède à l’anatomie de la sphère de production origine de la plus value, le tome II de la sphère de circulation naissance et développement du capital financier, et le tome III qui analyse le capital total.

    – Sur le terrain de la lutte de classe.

    Sur le terrain de la lutte des classes, cette distinction entre travailleur productif et improductif n’ a pas beaucoup d’importance, puisque je le répète est prolétaire celui qui n’a que sa force de travail à vendre, et le sens ancien de prolétariat est celui qui produit des enfants, qui reproduit sa classe. Mattick à donc raison de dire :
    “ L’existence du taux de profit moyen, que la concurrence établit en fonction de l’offre et de la demande, fait qu’il importe peu au capitaliste que son capital soit investi dans la production, dans la circulation ou dans les deux sphères à la fois. Le problème du travail productif et du travail improductif ne se pose pas pour lui. Pas plus les travailleurs ne se demandent s’ils sont employés de manière productive ou improductive. Dans un cas comme dans l’autre, en effet, leur existence dépend toujours de la vente de leur force de travail. ” (Intégration capitaliste et rupture ouvrière , Paul MATTICK edt EDI. Page 242)

    Mattick fera donc toujours cette distinction, entre le prolétariat vu comme créateur de plus value (anatomie du capital et de l’accumulation capitaliste) et le prolétariat au sens politique, celui qui achèvera le vieux monde, la grande majorité des prolétaires de ce monde.

    Il confirmera son point de vue dans le cinquième Chapitre de son dernier livre “ Marsism-Last Refuge of the Bourgeoisie ? ”

    “ La pression exercée sur le taux de profit par la croissance disproportionnée du travail non-productif par rapport au travail productif ( c’est-à-dire producteur de profit) ne peut être relâchée que par une croissance supplémentaire de la productivité du travail en général et de celle du travail productif en particulier. Dans l’intervalle, les mouvements du taux de profit affectent les deux couches de la population travailleuse et les placent dans la même opposition objective à la nécessité pour le capital de maintenir sa profitabilité. Ce n’est donc pas le caractère de son occupation qui définit le prolétariat mais sa position sociale de travailleurs salariés. La diminution de la classe ouvrière industrielle sous-entend en fait la croissance de la classe ouvrière en général, compte non tenu du type d’emploi que celle-ci remplit. ” (page 29 edt AB IRATO , de la pauvreté et de la nature fétichiste de l’économie.)

    Nous avons selon moi, deux tendances révisionnistes, l’une que nous venons de voir avec Camatte consiste à réduire le prolétariat à sa fraction productrice de plus value (Thèse classique du PCF) et donc de diviser le prolétariat , même tendance avec la théorie de l’aristocratie ouvrière qui n’est qu’un épiphénomène.

    L’autre tendance consiste à gommer progressivement la distinction entre la sphère de production et la sphère de circulation et de nous présenter un prolétariat socialisé sous le vocable de travailleur collectif. Ainsi tout salarié qui vend sa force de travail devient par cette généralisation un créateur collectif de plus value. Comme nous le verrons, le travailleur collectif se rapporte au produit créé, produit social, quant à la plus value elle implique un rapport déterminé entre l’acheteur et le vendeur de travail. Le travail productif, en tant que produisant de la valeur, est donc toujours, vis-à-vis du capital, le travail de la force de travail individuelle.

    A propos du travailleur collectif.

    Dés la  “ Misère de la Philosophie ”, Marx commence à nous parler du travailleur ou de l’atelier collectif dans l’entreprise capitaliste à la différence du travailleur individuel de l’économie parcellaire, artisanale et paysanne. Des que l’on passe de la coopération à la manufacture, Marx parle de travailleur collectif de la manufacture (Cap.T 1 page 368 édt Moscou.). Nous voyons donc que le travailleur collectif n’est pas un phénomène moderne, ni le produit du passage de la domination formelle à la domination réelle.

    “ La machine entre les mains du capital crée donc des motifs nouveaux et puissants pour prolonger sans mesure la journée de travail ; elle transforme le mode de travail et le caractère social du travailleur collectif, de manière à briser tout obstacle qui s’oppose à cette tendance…. ” (Cap.T 1 page 390, édt Moscou.)

    La machine en simplifiant le travail, va engager un élargissement de ce travailleur collectif qui n’est plus
    dans la phase de domination réelle restreint à l’entreprise puisqu’il devient facilement interchangeable et qu’il apprend en quelques mois un travail simple le plus souvent de surveillant de la machine. De ce fait Marx y voit un changement dans la composition du travailleur collectif ( femmes et enfants doivent travailler).

    “ La subordination technique de l’ouvrier à la marche uniforme du moyen de travail et la composition particulière du travailleurs collectif d’individus des deux sexes et de tout âge …. ” (Cap.T 1 page 405 édt Moscou.) “ A partir du moment, cependant, où le produit individuel est transformé en produit social, en produit d’un travailleur collectif dont les différents membres participent au maniement de la matière à des degrés divers, de prés ou de loin, ou même pas du tout, les déterminations de travail productif, de travailleur productif, s’élargissent nécessairement. ” (Cap.T 1 page 481 édt Moscou.)

    La question est ici posée, jusqu’ou va cet élargissement ?

    Nous savons que les industries modernes exploitent maintenant dans le monde entier ce travailleur collectif, les barrières nationales ne résistent plus au découpage de l’exploitation planétaire. Ici on fait le moteur d’une automobile, la bas les batteries, ailleurs le montage… Phénomène auquel il faut ajouter l’explosion de l’immigration.

    Ceci étant, le travailleur collectif ne saurait gommer la distinction entre la sphère de production qui est son domaine d’évolution et la sphère de circulation qui ne produit pas de plus-value et donc se poser la question de savoir si un travail de surveillance est productif de plus-value ou pas, se rapporte à cette distinction. Dans la sphère de production le travail de surveillance ou de maintenance robotique ou machine à commande numérique est créateur de plus-value. Dans le tertiaire sphère de circulation, ce même travail de surveillance et de maintenance (souvent informatique) rapporte du profit et en se sens valorise le capital de l’employeur, mais il ne créé pas de plus-value ( profit et plus-value ne sont pas la même chose).

    “ En tant que productif de valeur, (dit Marx) le travail reste donc toujours le travail de l’individu, mais exprimé en termes sociaux. Le travail productif, en tant que produisant de la valeur, est donc toujours vis-à-vis du capital , le travail de la force de travail individuelle, quelles que soient les associations que les ouvriers puissent former dans le processus de production…
    Tandis que le capital représente vis-à-vis de l’ouvrier la force productive sociale du travail, le travail productif de l’ouvrier ne représente jamais , vis-à-vis du capital, que le travail de l’ouvrier individuel ” (Théories sur la plus-value,I, p.356-365 histoire des doctrines économiques)

    Pour terminer, Marx intervient souvent pour affirmer que les travailleurs payés par les impôts “ les fonctionnaires ” sont des improductifs. La question que je me pose et que je lance en débat, que faut il penser des aides de l’état au patronat pour financer les 35 h aides pour la loi Robien sur 7 ans et 5ans pour la loi Aubry. IL s’agit d’un financement par l’état d’une partie du salaire de chaque salarié de l’entreprise.
    FIN

    A partir de ce texte il est possible de critiquer celui d’ ORAGE, ce que je vais faire d’ici quelques jours
    B.Bad

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  • Ping : Travail productif et improductif – Quelles activités créent de la valeur? | Raimanet

  • 3 janvier 2021 à 3 h 37 min
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    Il est vrai que l’essentiel est la position sociale du prolétariat (indépendamment du fait qu’il travaille ou pas dans la sphère de production matérielle), forcé de se vendre pour obtenir les moyens de sa subsistance. Malgré tout, les grandes unités industrielles favorisent l’émergence de la conscience de classe révolutionnaire. Quant à l’aristocratie ouvrière, elle se développe dans le prolétariat tout entier, quand un pays occupe un position privilégiée dans la division internationale du travail (niches technologiques).

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    • 3 janvier 2021 à 9 h 12 min
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      @ Vincent
      Il serait nécessaire de définir économiquement – politiquement – socialement ce que l’on entend par ce concept d’ ARISTOCRATIE OUVRIÈRE qui me parait tout à fait suspecte

      Tout comme le concept de PEUPLE en lieu et place de classe prolétarienne

      Tout comme ces « luttes de libérations nationales bourgeoises » en lieu et place de LUTTES DE CLASSES – CLASSE CONTRE CLASSE qui doit guider le prolétariat révolutionnaire tout au long de sa lutte pour sa propre émancipation.

      Robert Bibeau

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  • 4 janvier 2021 à 15 h 56 min
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    Bonsoir, Robert. Sur l’aristocratie ouvrière existent les observations d’Engels et Lénine qui en avaient tiré les conséquences politiques : http://www.marxisme.fr/imperialisme_et_classes_sociales.htm (pp. 10-13) Les luttes de libération nationale sont une forme de lutte des classes (radicale). Elle peut opposer dans un combat à mort une aile compradore liée au Capital étranger, et une aile nationale anti-coloniale souhaitant se libérer de la domination économique et politique du Capital étranger. C’est justement l’enseignement de la Révolution chinoise de 1949. Le tord du PCC est de ne pas avoir maintenu l’indépendance politique de la classe ouvrière et de la paysannerie pauvre, mais d’avoir fusionné au sein du PCC l’aile révolutionnaire de la bourgeoisie nationale avec les funestes conséquences que l’on connaît… Le prolétariat peut soutenir ponctuellement une lutte de libération anti-coloniale sans renoncer à son indépendance politique, pour ensuite pouvoir passer immédiatement à l’étape suivante (ce qu’on fait les communistes albanais qui ont assumé la direction quasi-exclusive de la lutte de libération anti-fasciste).

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    • 4 janvier 2021 à 17 h 06 min
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      @ Vincent
      Déjà en 2014 dans le Manifeste du Parti ouvrier https://les7duquebec.net/archives/258677 je dénonçais à la fois le concept D’ARISTOCRATIE OUVRIÈRE et son frère jumeau le concept de PEUPLE ET/OU NATION DOMINANTE-exploiteuse-opprimante – versus peuple et/ou nation dominée-exploitée-opprimée.

      L’histoire de l’humanité N’EST PAS l’histoire des peuples ni des nations opprimantes et opprimées.

      L’histoire de l’humanité est l’histoire de la lutte de classes sur les fronts économique – politique et idéologique.

      EXEMPLE : au sein de la société capitaliste-impérialiste française la classe ouvrière ne détient AUCUN POUVOIR. Cette classe exploitée et opprimée ne peut en aucun cas exploitée et opprimée la classe ouvrière et/ou le peuple de la colonie ivoirienne. SEUL la classe capitaliste impériale française détenant tous les pouvoirs économiques – politiques – idéologiques sur le CAPITAL exploiteur français peut exploiter et opprimer le prolétariat et le peuple ivoirien (IDEM pour chaque colonie ou néo-colonie française)

      Une classe aliénée ne peut aliéné une autre classe aliénée. IDEM pour la SOI-DISANT aristocratie ouvrière… que j’appellerais plutôt L’aristocratie syndicale = ne concernant que la bureaucratie syndicale complètement libérée de la production active et largement stipendiée par le capital son maître.

      Venons-en au point suivant.
      TU écris : « et une aile nationale anti-coloniale souhaitant se libérer de la domination économique et politique du Capital étranger. »

      Admettons qu’une aile nationaliste du capital chinois ou français ou canadien se bat pour soi-disant se « libérer » du capital financier impérialiste= mondialisé. Ce capital national ne mènera certainement pas la guerre de classe pour émanciper le prolétariat national de l’exploitation capitaliste.

      AU contraire le capital soi-disant anti-colonial mènera sa guerre de classe pour arracher le prolétariat national chinois par exemple de l’emprise du capital impérialiste « étranger » afin de le mettre sous son exploitation-spoliation-aliénation directe.

      L’ouvrier disons chinois se retrouvera donc exploité-aliéné par du capital impérialiste chinois plutôt que japonais – américain – français etc = en voilà une belle destinée LIBÉRER PAR L’ARISTOCRATIE DU PCC

      La guerre doit être menée CLASSE CONTRE CLASSE – revenons aux fondements de la guerre prolétarienne

      Robert Bibeau

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  • 6 janvier 2021 à 2 h 37 min
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    Bonjour, Robert
    Tu n’est pas d’accord avec les observations de Marx-Engels qui voyaient l’embryon de l’aristocratie ouvrière se former au Royaume-Uni, ni celles de Lénine qui décrivait sa croissance dans toute l’Europe occidentale et aux USA, la désignant comme la source de décomposition majeure du mouvement ouvrier et comme un puissant appui de la politique coloniale impérialiste, ni enfin avec moi qui n’a fait que constater que ce « prolétariat bourgeois » (Engels) était devenu majoritaire dans le prolétariat occidental à partir des années 1970, parallèlement aux délocalisations et à la mutation des sociétés impérialistes dominantes en « sociétés de consommation » « post-industrielles », ayant fait de leur prolétariat un prolétariat « privilégié », jouissant de nombreux adoucissements matériels lui rendant l’esclavage salarié supportable voir confortable, un prolétariat essentiellement occupé dans les secteurs non-productifs (le reste de prolétariat industriel étant occupé dans quelques industries de niche technologique basées pour l’essentiel sur la finition de biens intermédiaires d’importation), avec à la clef le quasi complet anéantissement de l’idéologie communiste révolutionnaire. C’est ton droit de ne pas voir cela, mais en ce qui me concerne, j’estime que c’est le fait le plus essentiel de l’époque moderne, qui permet en outre de comprendre la portée de l’actuelle crise de déclassement… Certes, ce « prolétariat bourgeois » ne détient aucun pouvoir économique et décisionnaire réel, mais il n’en participe pas moins au moins « passivement » à l’exploitation des pays coloniaux, dépourvus d’autonomie industrielle et forcés de mendier leurs usines auprès des puissances impérialistes dominantes. En France, le prolétariat dans son ensemble profite du pillage du minerai d’uranium du Niger avec lequel fonctionnent les centrales nucléaires qui lui fournissent son électricité. Et quand il va faire ses soldes, avec une mentalité toute petite-bourgeoise, il ne se préoccupe guère que les vêtements aient été fabriqués par des ouvriers du textile indiens, bangladais ou pakistanais misérables (les chinois sont mieux lotis car bien dotés en machines et payés moins misérablement…) Donc, comme le disait Lénine, il profite bien de l’extorsion internationale de la plus-value, et ne veut d’ailleurs être comparé ni au mineur sud-africain, ni au routier polonais… Ce racisme n’est-il pas justement le reflet de cette participation (consciente ou non, peu importe) à l’exploitation du prolétariat des pays dépendants, exploitation sans laquelle ce « consommateur » ne bénéficierait pas d’autant de « chaînes dorées » et de produits à bas coût ? Oui, il n’est propriétaire de rien de plus que sa maison ou une voiture, mais il n’en retire pas moins un avantage matériel évident du pillage impérialiste (qu’il soit violent : colonialisme, ou pacifique : commerce, investissements, place privilégiée au sommet de la division internationale du travail). Ne pas voir cela, c’est voir les choses de façon mécaniste et idéaliste, c’est réduire la lutte de classe à l’opposition bourgeoisie/prolétariat sans voir les « couches intermédiaires », notamment au sein du prolétariat, et encore davantage si on observe sa physionomie à l’échelle internationale… En ce qui concerne la lutte anti-coloniale, tu as tout compris : quand une bourgeoisie nationale y prend part ou la dirige (Chine, Iran), ce n’est pas pour libérer son prolétariat, mais pour l’exploiter elle-même, sans autre patron qu’elle-même au-dessus d’elle. (Et il faut donc arracher résolument la toge « socialiste » dont elle se drape parfois) Et moins d’intermédiaires, même si cela ne fait pas du socialisme, cela fait une moins petite part du gâteau pour les travailleurs indigènes, et un développement économique industriel plus indépendant, et donc plus vigoureux, d’où le gouffre de développement économique et au niveau des salaires entre l’Inde et la Chine. Et oui, dans les pays (semi-)coloniaux, il peut y avoir un étape intermédiaire : bourgeoisie compradore -> bourgeoisie nationale anti-coloniale -> socialisme…, même s’il est dans l’intérêt du prolétariat d’éviter la seconde étape et de passer directement à la troisième… Faire abstraction de ces « détails » et de ces « subtilités », c’est ne rien vouloir comprendre à l’état réel des forces en présence ni à l’importance de la question nationale et coloniale (que l’impérialisme chinois est en train d’utiliser habillement pour s’attirer les faveurs de nombre de bourgeoisies compradore)…
    Je tiens enfin à souligner que ma conscience de la conversion du prolétariat occidental en un prolétariat bourgeois privilégié est antérieure à mon éveil au marxisme, comme en témoigne le texte suivant écrit à l’automne 2002 – j’avais 21 ans (j’ai commencé à lire les principaux textes de Marx – et non les « on-dit », en décembre 2002). Voir le schéma à la page 32 de ce document : http://classiques.uqac.ca/inter/commentaires/commentaires_2003/com_2003_02_06/Comprendre_imperialisme.doc Ce que j’ai lu de Marx, puis Lénine et Staline dans les mois qui ont suivi m’a donc semblé « tout naturel », confirmant certaines de mes intuitions (mais détruisant fort heureusement mon fond idéaliste petit-bourgeois-trotskiste)…

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    • 6 janvier 2021 à 10 h 11 min
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      @ Vincent

      1) je ne m’attarderai pas à palabrer à propos de l’usage que tu fais des gourous du marxisme-léninisme pour tenter de m’intimider à coup de citation de Marx-Engels-Lénine-Staline qui ont dénoncé la soit disant « aristocratie ouvrière – prolétaire bourgeois » J’ai quitté toutes les organisations de la go-gauche après avoir constater que pour eux le DOGME avait préséance sur la science.

      2) La classe sociale aristocrate + ouvrier ou prolétaire & bourgeois à la fois ça n’existe pas sociologiquement même si Dieu Marx là un jour écrit dans la bible ou encore Trotsky ou le dieu Mao. = j’ai rejeté tous les dogmatisme et tous les sectarisme…et je te prie de respecter mes choix comme je respecte les tiens

      3) Tu écris ceci « constater que ce « prolétariat bourgeois » (Engels) était devenu majoritaire dans le prolétariat occidental à partir des années 1970, parallèlement aux délocalisations et à la mutation des sociétés impérialistes dominantes en « sociétés de consommation » « post-industrielles », ayant fait de leur prolétariat un prolétariat « privilégié » » Au moins ici tu te commets en exposant ce que tu appel les fondements économiques qui auraient donner naissance à la NOUVELLE CLASSE SOCIALE DU PROLÉTARIAT BOURGEOIS = ARISTOCRATIE OUVRIÈRE.

      4) Ta rupture dis-tu d’avec TON FOND IDÉALISTE PETIT-BOURGEOIS-TROTSKISTE a été incomplète Vincent. Le nouveau mode de production privilégié, post-industriel , de la société de consommation , de mutation des sociétés impérialistes dominantes etc… n’existe pas. Voilà une phraséologie petite bourgeoise de l’école de sociologie de Chicago que la présente CRISE ÉCONOMIQUE SYSTÉMIQUE est en train de rendre obsolète.

      5) Les gains évidents obtenus par les ouvriers des pays occidentaux robotisés – mécanisés – numérisés – sont le fruit des gigantesques hausse de PRODUCTIVITÉ dont les ouvriers ont réclamés et obtenus une petite part (temporairement) et qu’ils sont en train de perdre sous tes yeux ébaubis – revenant petit à petit à leurs conditions d’exploitation antérieures SANS JAMAIS AVOIR QUITTÉ LEURS CONDITIONS DE PROFONDES ALIÉNATION DE CLASSE.

      6) Conclusion Aristocratie ouvrière – prolétariat bourgeois – peuple oppresseur – peuple opprimé sont des concepts bourgeois qui se sont infiltrés au sein du prolétariat pour le diviser et que nous devons extirper malgré tout le respect que je dois à Marx et à Engels.

      classe contre classe voilà la recette

      Robert Bibeau

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      • 6 janvier 2021 à 15 h 43 min
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        Désolé Robert, mais tes arguments ne me convainquent pas. La mutation de la division internationale du travail et les délocalisations industrielles massives sont une réalité qui a de multiples répercussions : et les généreuses chaînes dorées du prolétariat occidental dans les années 70-90 ainsi que sa conscience de classe petite-bourgeoise en sont une… Les camarades d’Afrique et du Maghreb ne se posent même pas la question, eux. Cette fracture entre leur condition de prolétariat de pays (semi-)coloniaux et la nôtre (longtemps privilégiée, même si ça a commencé à changer, surtout depuis 2008 et 2020) est une réalité qu’ils ressentent au quotidien… Quand les patriotes algériens ont courageusement pris les armes contre l’armée française, le peuple algérien n’a guère reçu d’aide du peuple français, ni même ressenti de réelle solidarité de classe de son prolétariat. (seuls quelques communistes m-l ont réagi de manière réellement internationaliste, allant jusqu’à s’enchainer aux rails pour empêcher le départ des convois militaires…) Libre à toi d’ignorer ces faits… M-E-L-S n’étaient pas des « dieux », mais des camarades,… et d’éminents scientifiques. Libre à toi de considérer la science comme du dogmatisme et du sectarisme. Ces défauts existent dans toute science, quand on commence à l’apprendre et avant de la maîtriser suffisamment. Faut-il pour autant rejeter l’apprentissage des sciences pour se préserver de tout dogmatisme ? Question : et si l’anti-dogmatisme et l’anti-sectarisme systématiques étaient eux-mêmes une forme de dogmatisme et de sectarisme ?

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  • 8 janvier 2021 à 23 h 09 min
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    Rapidement, sur l’ aristocratie ouvrière il y a un texte assez costaud publier par alencontre
    le mythe de l’aristocratie ouvrière

    https://alencontre.org/archives/lb/Rev03_US_Aristo.pdf

    Il y en à d’ autres notamment par le GCI…. Vincent je le comprends argumente bien sur le sujet et ne mérite pas la classification que Robert lui fait:TON FOND IDÉALISTE PETIT-BOURGEOIS-TROTSKISTE a été incomplète Vincent
    Une injure qui remplace l’ argumentation,ce n’ est pas acceptable même si je suis devenu critique de l’ aristocratie ouvrière, pour des raisons autres, il n’ en reste pas moins que le mouvement du syndicalisme révolutionnaire des IWW faisait trembler le capitalisme américain et que les ouvriers de l’ AFL plus professionnels ne se sentaient pas concernés.

    G.Bad

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    • 9 janvier 2021 à 6 h 54 min
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      Encore une fois, parler d’aristocratie ouvrière ne signifie pas que le prolétariat a disparu, mais que la prépondérance des chaînes dorées lui a fait perdre sa conscience de classe révolutionnaire et l’a amené à « suivre » la politique de « son » impérialisme. Mais la crise actuelle de déclassement, en détruisant toujours plus la base matérielle de l’opportunisme, tend à redonner une conscience de classe plus radicale (à condition qu’il y ait une critique également radicale des décennies passées). Merci pour ce propos plus nuancé. Il faut se méfier de certaines statistiques bourgeoises sur l’estimation de la base économique de l’opportunisme (il faut rechercher du côté de la sphère de la production matérielle et des indices de production de base par pays). L’indice « composite » le plus fiable est celui de la répartition internationale de la plus-value extorquée que l’on peut résumer par la différence entre la croissance du PIB constant et du PIB au taux de change courant. En 2010, aux USA, le second était le décuple du premier….

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    • 9 janvier 2021 à 13 h 32 min
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      @ Gérard

      Ce n’est pas moi qui ai mentionné ces épithètes à propos de Vincent … relis les commentaires C’est Vincent qui utilise ces épithètes que je ne fais que lui retourner.

      Pour ma part je n’utilise qu’une seule étiquette : prolétaire révolutionnaire et rien d’autre, ce qui ne m’empêche pas de puiser quand justifier dans l’héritage de tous ces personnages sans distinctions sectaires et dogmatiques.

      Merci pour ton post Gérad

      Robert Bibeau

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      • 9 janvier 2021 à 17 h 14 min
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        Le qualificatif était de moi et… à mon adresse…. 😉 Donc je ne le prends pas comme une insulte si Robert le reprend. Je pense avoir corrigé cette déviation pré-marxiste (spontanée et naturelle) en ce qui me concerne. Mais Robert est libre de penser que je reste sous son influence, c’est son droit. C’est de toute façon très secondaire par rapport à mon argumentaire. Le « propos plus nuancé » concernait le « prolétariat bourgeois »…

        Comme je le disais, cette réalité est communément admise par nos camarades des (néo-)colonies occidentales, à l’instar d’un camarade burkinabé, alors sympathisant du PCRV, qui écrivait cela en 2013 (cf. quatrième de couverture de mon livre http://www.marxisme.fr/imperialisme_et_classes_sociales.htm )

        « Et de six ! Avec cette production documentaire, le camarade Gouysse nous fournit son sixième livre et ce n’est certainement pas le moins important puisqu’il aborde une question centrale pour le marxisme : la question des classes. En s’intéressant à cette question aujourd’hui, il fait un travail éminemment salvateur en termes de diffusion de la conception marxiste des classes.
        Bien que non inventé par Marx, le concept des classes sociales est au cœur du marxisme et Lénine nous rappelait déjà que « les hommes ont été et seront toujours les dupes naïves des autres et d’eux-mêmes tant qu’ils n’auront pas appris derrière les déclarations morales, politiques et philosophiques à distinguer les intérêts de telle ou telle classe ». Ce livre nous amène par conséquent à ne pas être « les dupes naïves des autres » et de nous-mêmes. Il nous donne la clé pour lire les intérêts de classe qui se cachent derrière les différentes proclamations de foi.
        Ce livre fournit également une analyse magistrale de l’évolution des classes sociales, notamment des processus économiques et idéologiques qui ont conduit le prolétariat des pays impérialistes à perdre son identité politique, parallèlement à son déclin numérique au profit de celui des pays-ateliers. Il nous donne les sources de cette évolution et nous montre les voies et moyens dont disposent les communistes pour appréhender correctement cette situation.
        Comme les précédents, ce livre de Vincent Gouysse apporte une contribution majeure à la compréhension de la réalité de notre époque et doit être étudié avec la plus grande attention par tous ceux qui se réclament du communisme. » (O.H., Burkina Faso, le 19/12/2013)

        Les camarades algériens n’ont pas de problème non plus avec ces évidences… Si nous voulons reconstruire une véritable solidarité de classe internationale, le prolétariat occidental et ses représentants devront faire un bilan critique lucide des dernières décennies…

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  • 11 janvier 2021 à 23 h 58 min
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    Salut Robert

    Je vais faire une nouvelle tentative de mettre un texte de RGF TRAVAIL PRODUCTIF ET IMPRODUCTIF : DE QUOI PARLE-T-ON ?

    Robin Goodfellow, Février 2008
    qui ne passe pas ? peut être trop long ?

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  • 17 janvier 2021 à 0 h 24 min
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    TRAVAIL PRODUCTIF ET IMPRODUCTIF : DE QUOI PARLE-T-ON ?
    coupé par moi en deux parties pour que se long article passe dans la machine

    Robin Goodfellow, Février 2008

    1. Introduction.
    Au cours des débats sur le mouvement anti-CPE de Mars 2006, la question du travail
    productif et improductif s’est, contre toute attente, réinvitée dans les travaux du réseau
    de discussion international (http://membres.lycos.fr/resdisint/). Ainsi une question
    théorique, à l’origine évacuée par la porte parce que « scolastique », trop complexe ou
    dénuée d’intérêt pour l’action, rentre par la fenêtre, mais c’est celle qui donne sur la rue.
    Ce qui a conduit la dernière discussion à l’AG du réseau à évoquer à maintes reprises le
    concept de travail productif est lié à la pression, dans cette assemblée, de la théorie
    communiste sur son analyse de la lutte des classes, en l’occurrence les luttes anti CPE
    2006 et les luttes de banlieues 2005. En elle-même l’idéologie des participants ne serait
    pas parvenue à poser cette question conceptuelle qui est pourtant au cœur de la théorie
    communiste. Ce fût la question de l’influence des classes moyennes sur les luttes
    revendicatives qui ont conduit les camarades présents à admettre que la réalité du travail
    productif et de son exploitation était le soubassement de la division des classes dans le
    capitalisme et par conséquent à reconnaître une relative validité dans la méthode utilisée
    par les représentants du marxisme. Preuve s’il en était besoin, que dès que la lutte des
    classes commence, ne serait-ce qu’à frémir un peu, le besoin d’un cadre théorique solide,
    pouvant étayer des positions fermement établies se fait sentir. Preuve aussi que le travail
    théorique n’est pas un exercice en chambre, mais un besoin vital pour l’action
    révolutionnaire. Preuve aussi, hélas, de la faiblesse et de la dégénérescence théorique
    d’un mouvement marqué par les billevesées décadencistes, spontanéistes et idéalistes.

    D’autre part, il découle de la distinction entre travail productif et improductif toute une
    série de conséquences sur la nature de la production capitaliste, la qualification de
    l’exploitation du prolétariat, les conditions de la reproduction de la société, l’évolution des
    classes sociales en présence, la nature de la révolution à venir, les tactiques que devra
    suivre le parti prolétarien vis-à-vis des classes moyennes, etc.

    On voit donc que l’enjeu est bien loin d’être académique. Il a ses prolongements
    immédiats dans l’appréciation de la lutte de classes.
    Il est surtout révélateur de la façon dont la mystification qui règne autour de la
    production marchande obscurcit la compréhension des relations et des échanges sociaux
    et généralise une vision qui est propre à l’économie bourgeoise vulgaire. Il serait
    paradoxal que des révolutionnaires ne mettent pas tout en œuvre pour battre en brèche
    cette mystification.
    D’une manière générale, l’appréciation de ce qui relève du travail productif et du travail
    improductif est obscurcie par les considérations suivantes :
    – le travail productif est confondu avec le travail salarié en général
    – le travail productif est assimilé à la production d’un bien matériel, tangible
    – le travail productif est considéré comme celui qui produit des biens
    socialement utiles
    – le niveau de la rémunération et l’importance du salaire ainsi que le degré de
    qualification de la force de travail sont identifiés comme des critères
    d’appréciation de la nature productive ou improductive du travail.
    – assimilation entre le travail improductif et les dépenses improductives (ex.
    armements)
    Dans un premier temps, nous critiquerons ces confusions et redonnerons des définitions
    à partir des textes de Marx.
    Par la suite, nous préciserons en quoi cette question est primordiale pour le camp
    révolutionnaire :
    – elle permet de poser correctement la question de la définition, aujourd’hui, des
    contours du prolétariat ;
    – elle consiste à vérifier, par rapport aux prévisions faites, notamment par Marx,
    la validité de la théorie révolutionnaire ;
    2
    elle renvoie à des questions politiques cruciales comme celles du rapport entre

    les classes dans la société actuelle et lors du futur affrontement
    révolutionnaire ;
    elle renforce la théorie en luttant contre toutes les expressions qui amènent

    finalement, politiquement, à un réformisme larvé, au pacifisme et à la
    négation de toute portée révolutionnaire de la lutte du prolétariat.
    Nous renvoyons également au texte paru dans Communisme ou Civilisation (n°9) sur ces
    questions et sur lequel nous n’avons pas grand-chose à modifier aujourd’hui (si ce n’est
    l’utilisation du terme de « phase » que nous faisions à l’époque, à partir d’une traduction
    erronée de Marx proposée par Dangeville dans son édition du « chapitre inédit du
    Capital» chez 10/18), récemment réédité dans la rubrique « Archives » de notre site sous
    le titre général « La périodisation du capital ».
    2 – Définitions : travail productif et improductif.
    2.1. Rappel des concepts de Marx.
    Chez Marx, la définition du travail productif est très claire, elle se fonde sur la production
    de plus-value et donc sur le fait que la force de travail – qu’elle produise des biens
    tangibles, des « choses » ou non – s’échange contre du capital.
    « Là (dans le système capitaliste, N.D.R.) le but déterminant de la production,
    c’est la plus-value. Donc n’est censé productif que le travail qui rend une plus-
    value au capitaliste ou dont le travail féconde le capital » (Marx, Capital, Livre I,
    La Pléiade, Tome I, p.1002)
    Fidèle à sa tâche scientifique qui était de dévoiler, derrière la mystification du capital, les
    véritables rapports économiques et sociaux, Marx ne part pas des aspects phénoménaux
    du travail (le fait que celui-ci soit « utile », qu’il produise un bien tangible ou qu’il soit
    mal payé par exemple), mais de l’essence des faits : il pointe directement vers ce qui fait
    du travail dans le mode de production capitaliste un rapport social particulier, rapport qui
    se caractérise par l’exploitation de la force de travail du prolétariat.
    On voit donc bien l’enjeu crucial de cette question car c’est toute la problématique de
    l’exploitation, de la définition des classes et de la lutte des classes qui se dessine en
    arrière-plan.
    « Désormais la notion de travail productif ne renferme plus simplement un rapport
    entre activité et effet utile, entre producteur et produit, mais encore, et surtout,
    un rapport social qui fait du travail l’instrument immédiat de la mise en valeur du
    capital.
    Aussi l’économie politique classique a-t-elle toujours, tantôt instinctivement,
    tantôt consciemment, soutenu que ce qui caractérisait le travail productif, c’était
    de rendre une plus-value » (Marx, Capital, Livre I, La Pléiade, Tome I, p.1002)
    Le prolétariat, classe productive est aussi dans le mode de production capitaliste la seule
    classe exploitée. A contrario, s’il existe un travail productif c’est qu’il existe également un
    travail improductif et des travailleurs improductifs.
    Curieusement, c’est cela que nient nos adversaires. Il est vrai qu’il serait
    particulièrement difficile de défendre l’idée qu’il n’existe pas de travail productif… mais
    nous tâcherons de comprendre, dans la suite de ce texte, pourquoi il est si important
    pour eux de nier qu’il existe un travail improductif.
    Continuons donc à voir avec Marx ce qu’est, a contrario, la définition du travail
    improductif.
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    « Toutes les fois que l’on achète le travail, non pour le substituer comme facteur
    vivant à la valeur du capital variable et l’incorporer au processus de la production
    capitaliste, mais pour le consommer comme valeur d’usage, comme service, le
    travail n’est pas du travail productif et le travailleur salarié n’est pas un travailleur
    productif. Son travail est alors consommé de manière improductive pour sa valeur
    d’usage, et non productivement, comme source de plus-value. » … « Sa
    consommation ne constitue pas A-M-A’, mais M-A-M (M étant le service ou le
    travail lui-même). Ici l’argent fonctionne seulement comme moyen de circulation,
    non comme capital. » (Marx, Matériaux pour l’économie, Oeuvres, Pléiade t.2
    p.389)
    Ainsi l’un des premiers critères permettant de déterminer si un travail (et donc un
    travailleur ou plutôt un groupe de travailleurs car l’individualisation de la question a peu
    d’intérêt en soi) est productif ou improductif, est de vérifier s’il est échangé contre du
    capital ou contre du revenu.
    Ce critère est particulièrement important parce qu’il met au centre un élément crucial,
    celui du rapport social, au détriment d’un critère plus apparent, plus phénoménal comme
    par exemple celui de la forme du travail. Or c’est ce critère de la forme qui apparaît en
    premier à l’observateur qui se situe au niveau de l’apparence des phénomènes et ne
    cherche pas à aller plus avant, vers l’essence.

    Par exemple, un jardinier qui intervient
    pour une société de services sous contrat avec un propriétaire d’immeuble pour planter
    des rosiers, effectue un travail productif. Son patron, en tant que capitaliste, a avancé du
    capital pour le salarier, et il a cherché des contrats auprès de diverses entités comme ce
    propriétaire d’immeuble, une municipalité, une autre entreprise. Supposons maintenant
    que le samedi, pour arrondir ses fins de mois, ce jardinier se loue dans son village auprès
    des bourgeois possédant des résidences secondaires, le travail effectué dans ce contexte
    ne sera pas productif du point de vue du capital. C’est en effet avec son revenu que le
    propriétaire, fût-il par ailleurs capitaliste, le paie. Cet exemple est poussé à l’extrême :
    même type de travail, même prestation fournie, même individu, même effet final en
    terme de revenu pour celui-ci… ce qui montre bien que ce n’est pas, finalement, la bonne
    façon de poser le problème.
    Le premier facteur discriminant est bien celui qui est lié à la position sociale des deux
    protagonistes dans l’échange, le rapport de travail qu’ils nouent entre eux : s’agit-il d’un
    rapport entre capitaliste avançant du capital et prolétaire vendant sa force de travail ou
    d’un rapport entre acheteur individuel utilisant son revenu et offreur d’un
    service particulier ? Redisons pourtant, et nous y reviendrons dans la deuxième partie de
    ce texte, qu’il est peu important de se poser ce type de question tant sur le plan de
    l’individu que sur celui du type de travaux effectués. L’exemple ci-dessus montre que, à
    l’extrême, une même personne pourrait être productive à certains moments et
    improductive à d’autres. Nous expliquerons que c’est aussi ce qui se passe à l’échelle
    sociale pour toute une catégorie de travailleurs.
    Au-delà de l’échange de la force de travail contre du revenu, il y a un autre cas où nous
    avons affaire à du travail improductif, c’est lorsque le capital avancé est lui-même
    impliqué dans la sphère de la circulation (par ex. capital bancaire, commercial…)
    « Nous avons vu, dans le deuxième volume, que la fonction du capital dans la
    circulation – les opérations M’-A-M qui assurent la conversion de la marchandise en
    argent et de l’argent en éléments de production – loin d’engendrer de la valeur et
    de la plus-value, en réduit la quantité à cause du temps qui est absorbé par la
    circulation. Ce que nous avons constaté en étudiant les métamorphoses du
    capital-marchandise sous sa forme exclusive n’est pas modifié, lorsqu’une partie
    de ce capital prend la forme de capital du commerce de marchandises et a ses
    transformations assurées par une partie spéciale du capital-argent et une
    catégorie déterminée de capitalistes. Par conséquent, si la vente et l’achat des
    3
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    marchandises ne créent ni valeur, ni plus-value lorsqu’elles sont effectuées par les
    capitalistes industriels, elles n’acquièrent pas plus cette vertu lorsqu’elles sont
    faites par d’autres personnes ; l’incapacité qui caractérise à ce point de vue la
    partie du capital social qui doit être disponible en argent pour que la reproduction
    suive son cours sans interruption, subsiste quelle que soit la personne, le
    capitaliste industriel ou tout autre capitaliste, qui en fasse l’avance. » Marx,
    Capital, Livre III, Chap. XVII,
    http://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-III/kmcap3_16.htm
    2.2. Ce que le travail productif n’est pas.

    L’un des éléments essentiels dans la fabrication de l’idéologie par le capital, est la
    mystification. Marx a souvent relevé à quel point la réalité, dans le monde capitaliste,
    était travestie par le simple fait que les véritables rapports sociaux sont voilés par le
    système de la marchandise et de l’argent. C’est pourquoi, comme toute activité
    scientifique, la théorie communiste cherche à percer le voile des apparences pour aller
    vers l’essence des phénomènes. Ce que ne fait, évidemment pas le petit-bourgeois pour
    qui la « vérité » n’est autre que ce qu’il a sous les yeux. Il aura donc tendance à
    comparer phénoménalement deux formes de travail et à considérer qu’ils sont en soi
    identiques, parce qu’ils partagent certains caractères. Marx fustige cet esprit bourgeois
    incapable de différencier deux formes sociales et historiques différentes.
    « Il faut toute l’étroitesse d’esprit du bourgeois, qui tient la forme capitaliste pour
    la forme absolue de la production, et donc pour sa forme naturelle, pour confondre
    ce qui est travail productif et ouvrier productif du point de vue du capital avec ce
    qui est travail productif en général, de sorte qu’il se satisfait de cette tautologie:
    est productif tout travail qui produit en général, c’est-à-dire qui aboutit à un
    produit ou valeur d’usage quelconque, voire à un résultat quel qu’il soit. » (Un
    chapitre inédit du capital)
    On reconnaîtra là parfaitement le point de vue généralement défendu par la plupart des
    membres du réseau. Il revient à dire que tout travail salarié est productif.

    « Le travail productif n’est qu’une expression ramassée pour désigner l’ensemble
    du rapport et la manière dont l’ouvrier et le travail se présentent dans le procès de
    production capitaliste. Par travail productif, nous entendons donc un travail
    socialement déterminé, qui implique un rapport bien précis entre vendeur et
    acheteur de travail. Ainsi, le travail productif s’échange directement contre
    l’argent-capital, un argent qui en soi est du capital, ayant pour destination de
    fonctionner comme tel et de faire face comme tel à la force de travail. Seul est
    donc productif le travail qui, pour l’ouvrier, reproduit uniquement la valeur,
    déterminée au préalable, de sa force de travail et valorise le capital par une
    activité créatrice de valeurs et posant en face de l’ouvrier des valeurs produites en
    tant que capital. Le rapport spécifique entre travail objectivé et travail vivant qui
    fait du premier le capital, fait du second le travail productif. » (idem)
    Nous reprenons ci-dessous ces différents arguments au moyen de la méthode des
    « contre-thèses et thèses » que Bordiga utilisait dans ses écrits.
    – Contre thèse : tout travail salarié est du travail productif.
    Thèse : Historiquement le salariat est né dans la sphère militaire. Par la suite, il
    s’empare dans un premier temps des travaux qui sont effectivement plutôt des travaux
    productifs, mais les classes moyennes (agriculteurs et paysans) peuvent être productifs,
    dans la sens de créer de la valeur (la production de plus-value étant spécifique au mode
    de production capitaliste) sans être salariés. Au fur et à mesure que les structures de
    4
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    l’organisation moderne qui correspond à l’être du mode de production capitaliste,
    l’entreprise, se mettent en place, elle généralise des fonctions nécessaires à sa gestion
    mais improductives, assurées par de nouvelles classes moyennes, salariées celles-là
    (employés de commerce, employés à la gestion, à l’administration des fabriques et des
    entreprises). De même, les fonctionnaires, improductifs, sont salariés. De ce fait, si le
    salariat représente aujourd’hui, dans les pays les plus développés, l’écrasante majorité
    de la population active, on ne peut pas en déduire que l’ensemble de cette part de la
    population active est productive. C’est une vision phénoménale et non scientifique.
    « Avec le développement de la production capitaliste, tous les services se
    transforment en travail salarié et tous ceux qui les exercent en travailleurs salariés,
    si bien qu’ils acquièrent ce caractère en commun avec les travailleurs productifs.
    C’est ce qui incite certains à confondre ces deux catégories, d’autant que le salaire
    est un phénomène et une création caractérisant la production capitaliste. En outre,
    cela fournit l’occasion aux apologistes du capital de transformer le travailleur
    productif, sous prétexte qu’il est salarié, en un travailleur qui échange simplement
    ses services (c’est-à-dire son travail comme valeur d’usage) contre de l’argent.
    C’est passer un peu commodément sur ce qui caractérise de manière fondamentale
    le travailleur productif et la production capitaliste: la production de plus-value et le
    procès d’auto-valorisation du capital qui s’incorpore le travail vivant comme simple
    agent. Le soldat est un salarié, s’il est mercenaire, mais il n’est pas pour autant un
    travailleur productif. »
    – Contre-thèse : le travail productif c’est celui qui produit un bien tangible, un objet
    concret.
    Thèse : Pour qu’il y ait marchandise, il n’est pas nécessaire qu’il y ait un objet
    matériel concret. Un service peut-être une marchandise, dans ce cas le consommateur
    achète, par exemple du temps. Les fameux « services à la personne », dont on nous
    rebat les oreilles et qui ne sont que le témoignage de la façon dont la société capitaliste
    abandonne ses faibles (les malades, les vieux, les infirmes…), deviennent un secteur
    productif dès lors qu’il existe une demande solvable suffisante pour inciter des
    investisseurs de capitaux à créer des entreprises dédiées à produire cette marchandise et
    qui avancent leur capital sous forme de salaire pour recruter leur personnel. A la fin de la
    journée, le consommateur n’a entre les mains aucune marchandise concrète, mais il a
    été lavé, soigné, nourri.
    « Lorsque nous parlons de la marchandise comme matérialisation où s’investit le
    travail – au sens de sa valeur d’échange – nous n’avons en vue qu’une existence
    imaginaire de la marchandise, existence uniquement sociale, qui n’a rien à voir
    avec sa réalité physique ; on se la représentera comme quantité déterminée de
    travail social ou d’argent. Il peut arriver que le travail concret dont elle est le
    résultat n’ait laissé sur elle aucune trace. » (Marx, Théories sur la plus-value,
    Editions Sociales, Tome I, p. 185)

    – Contre-thèse : le travail productif c’est celui qui est socialement utile, et le travail
    improductif correspond à des tâches inutiles ou nuisibles.

    Thèse : Le langage employé par la théorie révolutionnaire se doit d’être et de
    rester scientifique. Il n’y a rien de pire que lorsqu’on transforme ce qui est des concepts,
    bien définis, clairement déterminés, à partir d’une interprétation des mêmes termes dans
    leur usage courant. C’est pourtant ce que font nos adversaires lorsqu’ils assimilent,
    implicitement, productif à « utile » et improductif à « inutile ».
    Il y a donc une tendance à « moraliser » les termes « productif » et « improductif » et à
    en faire des catégories de jugement. Or, le mode de production capitaliste contribue,
    notamment à travers les phénomènes du fétichisme de la marchandise et de la
    réification, à voiler les rapports sociaux, à travestir la réalité, à tout mettre sans dessus
    5
    6
    dessous. C’est le moins pour des communistes que de chercher à sortir des catégories
    imposées par la pensée bourgeoise et à de ne pas bazarder NOS propres catégories
    lorsque celles-ci permettent de faire œuvre démystificatrice. Le seul critère d’application,
    qui correspond strictement à la définition que nous avons rappelée du travail productif,
    est de prendre en compte la production de plus-value.
    « Le produit spécifique du procès de production capitaliste – la plus-value – est créé
    uniquement par l’échange avec le travail productif. Ce qui en constitue la valeur
    d’usage spécifique pour le capital, ce n’est pas l’utilité particulière du travail ou du
    produit dans lequel il s’objective, mais la faculté du travail de créer, la valeur
    d’échange (plus-value). » (Marx. Un chapitre inédit du capital, p.392).
    Il nous faut distinguer ici entre ce qui est utile à l’espèce dans le cadre de sa
    reproduction et ce qui est productif pour le capital.
    Par rapport à un besoin humain comme le fait de se déplacer par exemple, le secteur
    automobile est productif du point de vue du capital, tout en créant un cortège
    d’absurdités et de nuisances (centaines de milliers de morts et de blessés, gaspillage des
    ressources, pollution atmosphérique, temps perdu, individualisme forcené, etc.). Le MPC
    peut nous inonder de gadgets tous plus inutiles les uns que les autres, ces secteurs sont
    productifs du point de vue de la valorisation du capital. A l’inverse, des pans entiers de
    l’activité humaine qui seraient utiles d’un point de vue social, ou de nouvelles activités
    techniques par exemple, ne sont ni introduites ni développées parce qu’elles ne
    représentent aucun intérêt pour la valorisation du capital. Au mieux elles sont confiées
    dans certains cas à l’état (donc ce sont des dépenses improductives), au pire elles ne
    sont pas développées du tout. On peut voir par exemple dans le cas de l’écologie
    comment des activités se développent effectivement dès lors qu’elles peuvent devenir
    productives de plus-value (voir les investissements dans les énergies renouvelables par
    exemple ; ce ne sont pas des considérations abstraitement humanistes qui pousseront
    par exemple tel entrepreneur à prendre une concession d’éoliennes – à supposer qu’il
    s’agisse là d’un bon choix technologique -, mais le fait que cela puisse rapporter un
    profit).
    Rappelons donc que le travail productif et improductif doit être jugé comme tel du point
    de vue du capital et non pas d’un point de vue moral i. Un travail peut être nuisible vis-à-
    vis du développement humain et totalement productif vis-à-vis du capital. A l’inverse un
    travail peut-être utile socialement et improductif comme le travail des pompiers par
    exemple.
    « De ce qui précède, il résulte que le fait, pour le travail, d’être productif n’a
    absolument rien à voir avec le contenu déterminé du travail, son utilité particulière
    ou la valeur particulière dans laquelle il se matérialise.
    Par conséquent du travail dont le contenu reste inchangé peut-être à la fois
    productif et improductif. » (Ibid. p. 393)
    – Contre-thèse : en parlant du travailleur collectif, Marx a montré que le produit ne
    dépendait plus de la seule dépense de travail individuel, mais faisait appel à la
    coopération de travailleurs nombreux, donc l’immense majorité des travailleurs salariés
    sont des travailleurs productifs.
    Thèse : Le travail productif n’est pas totalement mesurable individuellement et
    c’est une erreur méthodologique que de chercher à identifier, prolétaire par
    prolétaire,lequel est plus ou moins productif et à quel moment. Nous avons déjà évoqué
    le cas du jardinier qui rend des services le samedi. Marx parle du travailleur collectif dans
    l’atelier ou l’usine (pour ce qui concerne le procès de production), alors que nos
    adversaires le situent au niveau de la société ii.
    6
    7
    « Avec le développement de la soumission réelle du travail au capital ou mode
    de production spécifiquement capitaliste, le véritable agent du procès de
    travail total n’est plus le travailleur individuel, mais une force de travail se
    combinant toujours plus socialement. Dans ces conditions, les nombreuses
    forces de travail, qui coopèrent et forment la machine productive totale,
    participent de la manière la plus diverse au procès immédiat de création des
    marchandises ou, mieux, des produits- les uns travaillant intellectuellement,
    les autres manuellement, les uns comme directeur, ingénieur, technicien ou
    comme surveillant, les autres, enfin, comme ouvrier manuel, voire simple
    auxiliaire. Un nombre croissant de fonctions de la force de travail prennent le
    caractère immédiat de travail productif, ceux qui les exécutent étant des
    ouvriers productifs directement exploités par le capital et soumis à son procès
    de production et de valorisation.
    Si l’on considère le travailleur collectif qui forme l’atelier, son activité
    combinée s’exprime matériellement et directement dans un produit global,
    c’est-à-dire une masse totale de marchandises. Dès lors, il est parfaitement
    indifférent de déterminer si la fonction du travailleur individuel – simple
    maillon du travailleur collectif – consiste plus ou moins en travail manuel
    simple. L’activité de cette force de travail globale est directement consommée
    de manière. productive par le capital dans le procès d’autovalorisation du
    capital: elle produit donc immédiatement de la plus-value ou mieux, comme
    nous le verrons par la suite, elle se transforme directement elle-même en
    capital. » (Idem – Voir également la traduction différente de ce passage dans
    Pléiade t.2 p.388)
    En lisant attentivement le passage de Marx ci-dessus, on voit que ce dont il est question
    c’est de considérer la nature du travail productif en évitant de l’assimiler à la pure et
    simple dépense physique de travail manuel. Là encore, il s’agit de dévoiler la
    mystification et de comprendre un rapport social au-delà des apparences. De même que
    le travail productif ne se réduit pas à la fabrication d’objets concrets, il ne concerne pas
    seulement, parmi l’ensemble de ceux qui opèrent le procès de travail, les individus qui
    sont en contact direct, physique, tangible, avec la matière transformée et produite. Nous
    nous situons ici dans la subordination réelle du travail au capital, où la science est
    incorporée à la production. Par conséquent, les résultats des travaux antérieurs, les
    théories, les méthodes, bref tout le fruit d’un travail passé et d’un travail collectif sont les
    conditions pour que s’exerce l’activité immédiate du travail productif. C’est en ce sens
    que Marx évoque le travailleur collectif qui, dans l’atelier ou l’usine, peut dès lors intégrer
    le contremaître, l’ingénieur, le technicien, (lesquels font, en ce sens, bien partie du
    prolétariat, même si la statistique bourgeoise les assimile aux classes moyennes, dont ils
    ont tendance d’ailleurs à épouser le mode de vie et l’idéologie iii). Il convient, en même
    temps de ne pas assimiler la totalité du travail fourni par ces catégories à du travail
    productif ; comme nous l’avons déjà dit il existe une relative interpénétration entre
    travail productif et improductif. La valeur créée est une fonction de cette force de travail
    collective, qui est à la fois productive et improductive (par exemple le dirigeant de
    l’entreprise, dans sa fonction spécifiquement capitaliste est improductif).
    Mais passer du niveau de l’atelier au niveau de la société aboutit à des erreurs : le
    chercheur du Cnrs ne fait pas partie du travailleur collectif et n’est, à ce titre, pas un
    travailleur productif, pas plus que l’enseignant du supérieur qui forme les futurs
    ingénieurs, ni le journaliste qui écrit dans les revues techniques ou de vulgarisation. Il
    est difficile, sauf à tomber dans la litanie des métiers et dans l’examen infini de chaque
    situation particulière, de distinguer nettement les catégories en fonction de leur caractère
    productif ou improductif. Ce serait verser dans la métaphysique et, d’une certaine
    manière remettre en cause ce qui a été dit plus haut sur le fait que les deux aspects
    étaient souvent interpénétrés. Au sein même du travail improductif, certains travaux se
    révèlent indirectement productifs, notamment ceux qui relèvent de la production et de la
    reproduction de la science. Mais élargir le statut de tous les « travailleurs intellectuels » à
    celui de prolétaire au prétexte qu’ils feraient partie d’un « travailleur collectif » serait
    7
    8
    abusif. La citation ci-dessus montre bien que Marx rattache la notion de travailleur
    collectif à l’atelier et pour une part à l’usine, et ne l’étend pas à la société toute entière iv.
    – Contre-thèse : seul le travail des ouvriers est productif.
    Thèse : Il s’agit là toujours de la même erreur consistant à analyser la question du
    travail productif et improductif à partir des formes du travail et non du rapport social qui
    le sous-tend. Si tout le travail ouvrier, soumis directement au capital, est productif, tout
    travail productif n’est pas ouvrier. Si au 19° siècle les deux niveaux avaient tendance à
    se confondre, l’évolution du mode de production capitaliste a introduit un brouillage de
    ces catégories. Nous l’avons vu ci-dessus avec les techniciens et les catégories chargées
    de relayer l’intégration des résultats scientifiques à la production (ingénieurs, etc.). Nous
    l’avons vu également en considérant le secteur des services, qui ne produit pas de biens
    matériels tangibles. De même, on peut observer, – encore manque-t-on de statistiques
    fiables- une relative porosité entre les travailleurs productifs et improductifs comme nous
    l’avons montré dans notre texte sur le Cpe, étudiants travaillant chez McDonald’s, jeunes
    prolétaires enchaînant des travaux intérimaires dans diverses branches, ouvrières
    licenciées devenant nourrices ou gardes d’enfants, etc.
    – Contre-thèse : seul le travail de l’industrie est productif.
    Thèse : les catégories de secteur primaire (agriculture), secondaire (industrie) et
    services (tertiaire) sont des catégories forgées de toutes pièces par l’économie politique,
    qui envisage de plus cette catégorisation comme une succession historique, l’industrie
    prenant le relais de l’agriculture, avant d’être supplantée elle-même par les services v. Or,
    le prolétariat existe dans tous ces secteurs, à commencer par le prolétariat agricole.
    Quant aux services, ils constituent aussi un secteur dans lequel le prolétariat et donc le
    travail productif sont nécessairement présents (par exemple le transport, la réparation, la
    maintenance…). D’un autre côté, tant dans l’industrie que dans les services ou
    l’agriculture, nous avons également le développement d’un travail improductif,
    notamment dans toutes les tâches liées à la circulation du capital (banque, assurance,
    marketing, publicité…). Une des erreurs théoriques importantes qu’engendre cette vision
    consiste à se concentrer sur la production industrielle comme seule mesure du
    développement de l’économie capitaliste et de son cycle, alors que la valeur et la plus-
    value sont produites, à des degrés différents, dans tous les secteurs.
    3. Travail productif, travail improductif et classes sociales.
    Bien évidemment, la distinction entre travail productif et improductif n’est pas seulement
    utile d’un point de vue scientifique, elle est aussi importante en termes d’action politique
    et de tactique, notamment parce que c’est aussi autour de cette distinction que se
    distribue la répartition de la population en classes sociales distinctes, dont les intérêts
    sont différents, et, dans le cas du prolétariat et de la bourgeoisie, irréductiblement
    opposés. Ci-dessus, nous avons pu voir aussi comment les formes modernes du salariat
    contribuent, dans certains cas à brouiller les frontières et comment certains pans du
    prolétariat et/ou des classes moyennes oscillent entre les deux catégories.
    Nous avons vu les différences entre le travail productif et le travail improductif. Marx
    explique que, historiquement, les deux formes sont appelées à croître : augmentation du
    nombre de travailleurs productifs et parallèlement augmentation (encore plus rapide) du
    nombre de travailleurs improductifs.
    La tendance générale de ce mouvement aboutit donc à un accroissement relatif de la
    classe moyenne par rapport au prolétariat, lequel augmente également mais seulement
    en termes absolus. Traçant la perspective du développement capitaliste sous l’effet d’une
    croissance de la productivité du travail vi, Marx écrit :
    « Supposons que, grâce à la productivité de l’industrie, on en soit arrivé à ce que
    1/3 de la population seulement, au lieu de 2/3 auparavant, participe désormais
    directement à la production matérielle. Un tiers fournit désormais les subsistances
    pour les 3/3, alors qu’avant 2/3 les fournissaient pour 3/3. Avant 1/3 était du
    revenu net (distinct du revenu de l’ouvrier) maintenant 2/3. En faisant abstraction
    de l’opposition entre les classes, la nation aurait besoin maintenant non plus de 2/3
    comme auparavant, mais de 1/3 de son temps pour la production directe. Avec une
    répartition équitable tout le monde aurait 2/3 de temps à consacrer aux travaux
    improductifs, aux loisirs. Mais dans la production capitaliste tout paraît
    contradictoire, tout l’est. L’hypothèse n’implique pas que la population reste
    stationnaire. S’il y a accroissement des 2/3, il y a également accroissement de 1/3.
    A considérer la masse, un nombre de plus en plus grand pourrait donc être occupé
    dans le travail productif. Mais relativement, par rapport à la population totale, il y
    aurait toujours 50 pour cent de moins que précédemment. Ces 2/3 se
    composeraient alors en partie des détenteurs du profit et de la rente, en partie des
    ouvriers improductifs (mal payés à cause de la concurrence également), qui aident
    les premiers à manger leur revenu, mais leur donnent en échange un équivalent en
    services, à moins qu’ils ne le leur imposent, tels les travailleurs politiques
    improductifs. On pourrait supposer que – à l’exception des larbins, soldats,
    matelots, agents de police, fonctionnaires subalternes, etc., maîtresses, garçons
    d’écurie, clowns, jongleurs – ces travailleurs improductifs seraient dans l’ensemble
    plus cultivés que ne l’étaient précédemment les travailleurs improductifs et que
    notamment le nombre des artistes, musiciens, avocats, médecins, savants, maîtres
    d’école, inventeurs, etc. mal payés se serait accru aussi.
    Au sein de la classe productive elle-même aurait augmenté le nombre des
    intermédiaires commerciaux, mais surtout celui des personnes employées à la
    construction de machines, de chemins de fer, dans les mines ; en outre les
    travailleurs agricoles occupés à l’élevage, les travailleurs employés à la production
    de matières chimiques minérales pour les engrais ; aussi le nombre des cultivateurs
    qui cultivent des matières premières pour l’industrie augmente par rapport à ceux
    qui produisent des vivres et celui de ceux qui produisent des aliments pour le bétail
    augmente par rapport à ceux qui produisent des aliments pour les hommes (…) le
    nombre des ouvriers agricoles diminuera par rapport aux ouvriers de manufacture.
    Les ouvriers de luxe augmenteront enfin, parce que le revenu, devenu plus grand,
    consommera plus de produits de luxe. » (Marx, Théories sur la plus-value, Editions
    Sociales, Tome 1, p. 243-244)
    Mais pourquoi le capital développerait-il le travail improductif puisque celui-ci, par
    définition, ne lui rapporte rien et même lui coûte en faux-frais ?
    En premier lieu, il y est obligé car une partie de ces fonctions improductives lui sont
    nécessaires pour sa gestion, et dans la sphère de circulation du capital, pour réaliser le
    capital et la plus-value. Au sein des entreprises (l’entreprise étant la forme juridique
    moderne de l’unité au sein de laquelle s’effectue la production et la reproduction de la
    société), nous constatons le développement constant des fonctions liées à l’encadrement,
    à la surveillance, et à l’accomplissement des fonctions utiles pour le capital comme le
    marketing, la publicité, la gestion, etc. Ces fonctions sont plus ou moins parasitaires. Le
    capital avancé dans ces activités participe à l’établissement du taux de profit moyen et ici
    comme ailleurs, il cherche à rationaliser l’action des travailleurs employés de façon
    improductive.
    D’autre part, l’hypertrophie de l’appareil d’état nécessaire pour administrer et encadrer le
    développement de la société, pèse en même temps lourdement sur la rentabilité globale
    du capital – d’où les discours récurrents sur la nécessité de dégraisser l’appareil d’état.
    (La France constitue un bon exemple, les fonctionnaires y représentent 25% des
    travailleurs salariés, voir la célèbre analyse de Marx sur le développement de l’état en
    France dans « Le 18 Brumaire de Louis-Napoléon Bonaparte »).
    Il faut également citer le développement du capital fictif et de la rente foncière qui
    favorise le développement d’intermédiaires improductifs (courtiers, agents immobiliers,
    experts en placement…)
    Au fond du développement de toutes ces catégories réside leur rôle économique qui est
    de consommer, gaspiller, dilapider la plus-value, fonction que la classe capitaliste ne peut
    accomplir pleinement, d’une part car elle reste physiquement limitée par le nombre, et

    TRAVAIL PRODUCTIF ET IMPRODUCTIF : DE QUOI PARLE-T-ON ? (suite après)

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  • 17 janvier 2021 à 0 h 27 min
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    TRAVAIL PRODUCTIF ET IMPRODUCTIF : DE QUOI PARLE-T-ON ? (suite) 9
    10
    d’autre part car elle est partagée entre la passion de l’accumulation et la passion de la
    dépense. Le développement effréné de la force productive du travail la conduit à
    développer en même temps que la plus-value la masse des marchandises dans des
    proportions considérables (conflit valorisation/dévalorisation). Il convient donc de freiner
    cette tendance inhérente à l’accumulation, résultat obtenu grâce au développement des
    classes moyennes dont le rôle social est de consommer cette plus-value et par là-même
    limiter les effets de l’accumulation. Le développement de ces classes est en plus un
    formidable rempart économique et social entre le capital et le travail.
    Citations
    Le capital, au cours de son développement, libère une puissance énorme qu’il est
    incapable de canaliser, puissance considérable qu’il faut dissiper car sinon elle fait
    exploser la société. Il doit donc la dilapider en développant le parasitisme, les travaux
    inutiles. La classe moyenne moderne, salariée a pour fonction sociale, entre autres, de
    jouer ce rôle de dilapidation de la plus-value. Ainsi, un avantage que retire le capital de
    cette croissance du travail improductif, c’est de développer une classe moyenne qui d’une
    part lui permet d’éponger le surplus social en étant axée sur la consommation, et d’autre
    part lui sert d’amortisseur social dans la lutte des classes. L’existence et le
    développement de cette classe intermédiaire d’un nouveau type, distincte des anciennes
    classes moyennes productives ont été anticipés par Marx, même s’il y a peu d’éléments
    dans son œuvre.
    Pour Marx, la production capitaliste, avec le développement de la productivité du travail
    et de la plus-value relative, (forme de la plus-value caractéristique de la subordination
    réelle du travail au capital), tend à accroître, relativement, le travail improductif par
    rapport au travail productif, la masse de ceux qui vivent du surtravail, du « produit net »,
    par rapport à ceux qui vivent du travail nécessaire.

    « L’idéal suprême de la production capitaliste est – en même temps qu’elle
    augmente de manière relative le produit net – de diminuer autant que possible le
    nombre de ceux qui vivent du salaire et d’augmenter le plus possible le nombre de
    ceux qui vivent du produit net. » (Marx, Chapitre inédit du Capital, 10/18, p. 245)
    Tout ceci montre également l’énorme pression qui pèse sur les épaules du prolétariat. On
    voit aussi du même coup là où sont possibles de formidables gains de productivité dans
    la société future – tout en abaissant sensiblement le temps de travail – , ne serait-ce par
    exemple qu’en centralisant la production en faisant sauter le carcan de l’entreprise
    propriétaire, et en généralisant le travail productif à l’ensemble des membres de la
    société.
    Ce développement de la force productive du travail, dans la perspective d’obtenir le
    maximum de plus-value, a pour effet d’accroître le taux et la masse de la plus-value
    produite par ouvrier (toutes choses égales par ailleurs), tandis que la quantité des
    marchandises fabriquées augmente également et ce, relativement plus rapidement. Par
    la même occasion est rendue possible, corrélativement à la hausse de l’exploitation,
    l’existence d’une classe moyenne qui vivra du surtravail.
    4 – Conséquences théoriques et pratiques pour le camp révolutionnaire.
    Nos adversaires n’ont en général qu’un goût modéré pour le travail théorique et nous
    renvoient volontiers une image de théoriciens en chambre. Pour eux, l’étude du caractère
    productif ou improductif du travail ou de telle ou telle catégorie de travailleur s’apparente
    à la discussion sur le sexe des anges 1. Or, la question du travail productif et improductif
    a été soulevée une nouvelle fois à propos de la définition du caractère de classe d’un
    mouvement (lors de la discussion sur le mouvement étudiant dit « anti-cpe » du
    printemps 2006). C’est dire à quel point ce que l’on cherche à nier d’un côté revient en
    1
    Adam Buick s’était même indigné il y a quelques années que nous revenions sur le sujet qu’il avait déclaré lui- même (on ne sait au nom de quoi) « clos » (voir texte cité de Juillet 2003).

    force de l’autre ; ces questions sont en fait cruciales pour déterminer l’attitude du parti
    du prolétariat, notamment vis-à-vis des classes moyennes.
    Cependant la distinction travail productif / travail improductif ne recoupe pas,
    historiquement, totalement la distinction prolétariat/classes moyennes anciennes
    (artisans, paysans, qui ne naissent pas sur la base du mode de production capitaliste
    développé).
    Lorsque prédomine la subordination formelle du travail au capital, la société est encore
    largement composée de paysans, d’artisans, dont le travail est créateur de valeur, mais
    que la théorie communiste considère comme des classes moyennes, au sens où elles
    sont placées entre la bourgeoisie et le prolétariat. Les classes moyennes anciennes
    produisaient de la valeur mais pas de plus-value. Elles diminuent constamment, à l’instar
    des boutiquiers ou des petits paysans propriétaires. Les modernes ne produisent rien.
    Elles augmentent, en faisant pression sur le prolétariat, comme nous l’avons montré plus
    haut, à la suite de Marx.
    De même que la tactique vis-à-vis de ces classes (notamment la paysannerie) a
    constitué un enjeu théorique et pratique fondamental pour tout le mouvement
    communiste au 19° et 20° siècle, de même, les communistes aujourd’hui ne peuvent
    faire l’impasse sur cette question, ni se réfugier derrière le mythe du caractère productif
    de la totalité du salariat, car cette position amène à de graves déviations, comme nous
    allons le montrer ci-dessous.
    Dans la tactique défendue historiquement par le parti communiste, le prolétariat devait
    procéder à la conquête et au ralliement d’une partie de ces classes moyennes, comme on
    a pu le voir concernant la paysannerie, avec la révolution russe. Mais ces classes sont
    vouées à diminuer considérablement avec l’expansion du mode de production capitaliste,
    ce que la théorie prévoyait et qui s’est avéré (on a moins de 3% de la population active
    employée dans l’agriculture aujourd’hui en France par exemple – mais la part du salariat
    y est croissante – et ce phénomène était largement anticipé dans des pays de
    développement capitaliste plus moderne comme l’Angleterre ou l’Allemagne). Le déclin
    de ces anciennes classes moyennes, facteur de conservatisme dans la société pouvait
    être vu comme un fait positif par les révolutionnaires. C’est ainsi que Trotski par
    exemple, dans « Terrorisme et communisme », voyait dans ces classes sociales un des
    fondements de l’idéologie démocratique et expliquait ainsi ce qu’il voyait comme le déclin
    historique de la démocratie.
    D’un autre côté, le capitalisme moderne, avec la prédominance de la subordination réelle
    du travail au capital voit croître considérablement, parallèlement au prolétariat, des
    classes moyennes salariées, qui œuvrent dans la sphère de la distribution, de
    l’administration, publique ou privée, quand il ne s’agit pas de purs et simples parasites.
    Ainsi, lorsqu’on parle des classes moyennes dans le passé, on y inclut aussi bien des
    éléments improductifs (bureaucrates, employés de commerce) que productifs (paysans,
    artisans…)
    C’est pourquoi, dans cette partie, nous aborderons les conséquences auxquelles aboutit
    forcément l’adoption du point de vue de nos adversaires selon lequel l’immense masse de
    la population au travail est composée de travailleurs productifs.
    Il ne semble même pas que nos contradicteurs soient conscients de l’énormité des
    conséquences théoriques et politiques de leur position. Pour eux, au départ, il est tout
    simplement devenu inutile de parler de ces vieilleries, de ces concepts obsolètes, la
    discussion n’a plus de raison d’être. Or, s’ils dressent malgré tout l’oreille lorsqu’elle leur
    revient par le biais d’un mouvement de contestation sociale, il serait intéressant de les
    alerter sur les conséquences auxquelles les mène tout droit leur abandon de cette
    distinction (entre travail productif et travail improductif) : rien de moins qu’à l’abandon
    de toute position révolutionnaire.
    Quant à l’enjeu pratique, la question pourrait très pragmatiquement se résumer à cette
    interrogation : où est l’ennemi ? Si la condition de prolétaire est définie par le montant
    du salaire, par les « conditions de vie », si la distinction entre travail productif et
    improductif n’existe pas, alors ce que le prolétariat aura à abattre c’est une toute petite
    minorité de privilégiés, solidement appuyés par leur police et leur armée. Dès lors que
    tout salarié est un prolétaire, c’est 90% de la population des grands pays modernes qui
    forment le corps de la révolution.
    Or, que serait une révolution faite dans ces conditions ?
    a) Elle pourrait être peu violente, un simple basculement du rapport de forces dans un
    moment de crise sociale aiguë. La minorité d’improductifs, ici assimilée à la classe
    capitaliste pure pourrait être rapidement matée ou en tous les cas mise hors d’état de
    nuire. La conséquence politique en est claire : ce point de vue pousse au pacifisme, à la
    conciliation, au rejet de la violence révolutionnaire, à un parti communiste (oh pardon !,
    il n’y a plus, évidemment, besoin de parti), timoré dans son discours et dans ses actions.
    b) Elle serait avant tout un fait de conscience et non pas le résultat d’un processus
    historique matériel produit par les évolutions complexes de la société. L’immense masse
    des « prolétaires » (c’est-à-dire, dans leur conception, des salariés), largement
    majoritaires n’a qu’à devenir consciente de sa force pour prendre le pouvoir. Le principal
    travail des révolutionnaires serait dès lors d’argumenter, sans relâche, pour convaincre le
    prolétariat de la nature de sa tâche vii. Cette vision est totalement en rupture avec la
    théorie de l’aliénation de Marx qui montre que seule la classe productive, dans la mesure
    où elle produit et reproduit matériellement l’ensemble de la société, est capable
    d’élaborer la théorie et de conduire la pratique du renversement de cette société. Dans la
    mesure où seul le travail productif produit son contraire : le capital, il est à la fois le seul
    à être véritablement aliéné et le seul à pouvoir renverser les conditions de cette
    aliénation. Si cette action est humainement révolutionnaire, c’est que : « tout
    l’asservissement de l’homme est impliqué dans le rapport de l’ouvrier à la production et
    que tous les rapports de servitude ne sont que des variantes et des conséquences de ce
    rapport. » (Manuscrits de 1844, Editions sociales, 1968, p.68). Le but historique du
    prolétariat n’est pas d’instaurer une nouvelle société de classes, parce que le
    développement de la base matérielle de la société a atteint le niveau où seule l’abolition
    des classes peut permettre un développement social ultérieur.
    Si, dans son mouvement le prolétariat ne pourra vaincre que s’il est capable d’entraîner
    derrière lui la masse de la classe moyenne, en revanche les révoltes de celles-ci sont
    insuffisantes pour menacer véritablement la puissance du capital, car elles ne possèdent
    pas le levier qui permettrait de le renverser. Mais Marx disait aussi, dans un autre
    contexte, que les classes moyennes délivrent au prolétariat le « ticket d’entrée » sur la
    scène de la révolution.
    c) Mais surtout, au fond, la négation du travail improductif voudrait dire aussi que le
    communisme n’est pas mûr, car on masque ainsi l’énorme progression de la productivité
    du travail, elle-même masquée par la croissance relative du travail improductif. Nos
    « révolutionnaires » en arrivent ainsi à masquer et à nier l’ampleur de l’exploitation dont
    est victime le prolétariat. L’énorme croissance des taux de productivité depuis la
    deuxième guerre mondiale n’ont évidemment pas la même signification si on les ramène
    à 90% de la population active, considérée comme productive, ou au prolétariat réel.
    Dans un cas, on a une constance relative de l’exploitation, dans l’autre cas une preuve
    concrète de l’extraordinaire intensité de l’exploitation qui repose sur les épaules du
    prolétariat. Renoncer à la distinction entre travail productif et improductif, c’est renoncer
    à l’idée même d’exploitation du prolétariat.
    Mais d’où vient la possibilité matérielle même du communisme, sinon de la croissance
    potentiellement infinie de la productivité du travail dans le mode de production
    capitaliste ?
    Si la base productive est celle que décrivent nos adversaires, alors contrairement aux
    apparences, puisqu’elle repose sur une plus grande quantité de travailleurs, c’est une
    base étriquée. Cela signifie que la productivité individuelle n’est pas si forte que cela.
    Cela signifie surtout qu’il existe peu de possibilités d’accroître encore, socialement ces
    marges de productivité.
    Où résiderait alors la possibilité de réduire drastiquement le temps de travail nécessaire,
    condition du développement social de l’individu à travers l’expansion du travail libre ?

    Si tout le travail actuel ou presque, est productif, on ne voit pas bien quelle marge
    existerait pour atteindre l’un des buts fixés, ne serait-ce que pour la période de
    transition, d’une réduction du temps de travail global d’au moins de moitié. Par ailleurs
    cela voudrait dire que la capacité de production de richesse de la société est somme
    toute restée assez faible si cette capacité doit être distribuée sur l’ensemble de la
    population active salariée et pas seulement sur sa partie productive.
    Sur une telle base étriquée, la socialisation des moyens de production et d’échange ne
    serait que le partage de ce qui existe et non pas un saut qualitatif vers une autre société,
    saut ainsi décrit par Marx et Engels dans le « Manifeste du parti communiste » :
    « A la place de l’ancienne société bourgeoise, avec ses classes et ses
    antagonismes de classes, surgit une association où le libre développement de
    chacun est la condition du libre développement de tous. »
    Sur une telle base, le projet révolutionnaire paraît utopique sauf à niveler la société, à
    prôner une sorte de socialisme spartiate qui gérerait la pénurie. Ce n’est d’ailleurs pas un
    hasard si la plupart des membres du réseau sont malthusiens et épousent toutes les
    thèses réactionnaires des écologistes sur la critique du progrès technique, le besoin de
    « décroissance » (l’idée est là, chez Max par exemple, même s’il n’emploie pas le mot).
    Rappelons que Marx considérait Malthus comme un des adversaires bourgeois les plus
    déterminés contre le prolétariat.
    « Un pays est d’autant plus riche que sa population productive est plus réduite par
    rapport au produit total ; tout comme pour le capitaliste individuel, moins il a
    besoin de travailleurs pour produire le même surplus, tant mieux pour lui. Le pays
    est d’autant plus riche que la population productive est réduite par rapport à
    l’improductive, à production égale. Car le chiffre relativement faible de la population
    productive ne serait alors qu’une façon d’exprimer le degré relatif de la productivité
    du travail. » (Marx, Théories sur la plus-value, Editions Sociales, Tome I, p. 254)

    En même temps, le fait de reconnaître qu’il existe des classes moyennes, que ces classes
    moyennes sont improductives ne signifie nullement que les révolutionnaires doivent
    rester indifférents à la vie sociale, au développement et à l’histoire de ces classes qui,
    par définition, ne sont pas, contrairement au prolétariat, des classes révolutionnaires. A
    l’inverse, la question qui se pose est celle de savoir comment, au moins les « petites »
    classes moyennes (employés, travailleurs de la distribution et du commerce, petits
    fonctionnaires…) seront-elles amenées à basculer du côté du prolétariat.
    Cette question doit faire l’objet d’un travail approfondi que nous n’avons même pas
    encore commencé ici. L’important étant d’abord de restituer le cadre théorique dans
    lequel elle peut être étudiée. Quelques questions particulières peuvent être néanmoins
    énoncées.
    On a vu plus haut, conformément à la théorie, que le corps du travail productif

    s’accroît et celui du travail improductif aussi, mais ceci en tendance, et de
    manière relative. Il y a donc une partie du corps social qui est concerné par les
    deux aspects, donc ballottée entre deux représentations, deux modes de vie,
    deux consciences. Il y aurait exploitation en partie et frénésie de la
    consommation de l’autre (ce qui est le rôle social de la classe moyenne).
    D’autre part, on a affaire à un pourrissement de la conscience par la
    marchandise et à une influence de l’idéologie immédiatiste de la classe
    moyenne sur le prolétariat. Ceci serait donc un facteur à la fois négatif et
    positif pour la lutte des classes.
    Quelle devra être la tactique du parti communiste (dont nous notons qu’il est

    le grand absent des débats au sein du réseau) dans l’expression des intérêts
    du prolétariat au-delà de sa défense matérielle immédiate ?
    Le ralliement des classes moyennes (ou du moins d’une partie d’entre elles)

    sera possible dans la fournaise d’un mouvement révolutionnaire, mais cela
    13
    14
    signifiera aussi que dans le mouvement il y aura des éléments hybrides et
    impurs, important leur idéologie. D’où l’importance de la question du parti qui
    seul peut forger un être collectif dépassant les différences de classe en son
    sein, tout en maintenant la force d’une vision historique et de la tradition
    révolutionnaire du prolétariat. Le prolétariat n’existe que lorsqu’il est constitué
    en parti politique.
    Dans quelle mesure l’idéologie socialiste petite-bourgeoise, qui est le niveau

    de conscience le plus élevé que peut atteindre cette classe de par ses seules
    forces, peut-elle l’amener au seuil d’un ralliement à la théorie du prolétariat ?
    Comment, dans la période de transition sera abordée la question de la

    répartition des activités, de l’augmentation de la productivité du travail dans
    les secteurs actuellement improductifs pour le capital, mais socialement utiles
    (dans le but de diminuer le temps de travail) ? Comment se transformeront les
    activités improductives pour le capital en activités « productives » pour la
    société nouvelle ? etc.
    Toutes ces questions, et d’autres, sont cruciales pour l’avenir du mouvement
    révolutionnaire. Elles méritent mieux que des discussions approximatives : un véritable
    travail théorique d’approfondissement et de développement des concepts de la théorie
    révolutionnaire.
    Annexe 1. Commentaire de la citation de la p.10
    « Supposons que, grâce à la productivité de l’industrie, on en soit arrivé à ce que
    1/3 de la population seulement, au lieu de 2/3 auparavant, participe désormais
    directement à la production matérielle. Un tiers fournit désormais les subsistances
    pour les 3/3, alors qu’avant 2/3 les fournissaient pour 3/3. Avant 1/3 était du
    revenu net (distinct du revenu de l’ouvrier) maintenant 2/3. En faisant abstraction
    de l’opposition entre les classes, la nation aurait besoin maintenant non plus de 2/3
    comme auparavant, mais de 1/3 de son temps pour la production directe. Avec une
    répartition équitable tout le monde aurait 2/3 de temps à consacrer aux travaux
    improductifs, aux loisirs. Mais dans la production capitaliste tout paraît
    contradictoire, tout l’est. L’hypothèse n’implique pas que la population reste
    stationnaire. S’il y a accroissement des 2/3, il y a également accroissement de 1/3.
    A considérer la masse, un nombre de plus en plus grand pourrait donc être occupé
    dans le travail productif. Mais relativement, par rapport à la population totale, il y
    aurait toujours 50 pour cent de moins que précédemment. Ces 2/3 se
    composeraient alors en partie des détenteurs du profit et de la rente, en partie des
    ouvriers improductifs (mal payés à cause de la concurrence également), qui aident
    les premiers à manger leur revenu, mais leur donnent en échange un équivalent en
    services, à moins qu’ils ne le leur imposent, tels les travailleurs politiques
    improductifs. On pourrait supposer que – à l’exception des larbins, soldats,
    matelots, agents de police, fonctionnaires subalternes, etc., maîtresses, garçons
    d’écurie, clowns, jongleurs – ces travailleurs improductifs seraient dans l’ensemble
    plus cultivés que ne l’étaient précédemment les travailleurs improductifs et que
    notamment le nombre des artistes, musiciens, avocats, médecins, savants, maîtres
    d’école, inventeurs, etc. mal payés se serait accru aussi.
    Au sein de la classe productive elle-même aurait augmenté le nombre des
    intermédiaires commerciaux, mais surtout celui des personnes employées à la
    construction de machines, de chemins de fer, dans les mines ; en outre les
    travailleurs agricoles occupés à l’élevage, les travailleurs employés à la production
    de matières chimiques minérales pour les engrais ; aussi le nombre des cultivateurs
    qui cultivent des matières premières pour l’industrie augmente par rapport à ceux
    qui produisent des vivres et celui de ceux qui produisent des aliments pour le bétail
    augmente par rapport à ceux qui produisent des aliments pour les hommes (…) le
    nombre des ouvriers agricoles diminuera par rapport aux ouvriers de manufacture. Les ouvriers de luxe augmenteront enfin, parce que le revenu, devenu plus grand, consommera plus de produits de luxe. » (Marx, Théories sur la plus-value, Editions Sociales, Tome 1, p. 243-244)

    Marx, dans la citation ci-dessus, compare la société à deux moments différents . Dans les
    deux cas nous avons affaire à une reproduction simple du capital social, c’est-à-dire que
    l’on suppose que l’ensemble de la plus-value est consommé à des fins individuelles ;
    aucune fraction de la plus-value n’est accumulée.
    Nous pouvons essayer d’illustrer plus précisément l’exemple donné par Marx et les
    rapports entre les classes que cela induit. Admettons qu’au temps 1 le nombre de
    prolétaires soit de 10 millions d’individus. Ils représentent les 2/3 de la population
    employée et donc les autres classes vivant du surtravail sont constituées de 5 millions
    d’individus. Il est, bien sûr, supposé, ce que fait Marx dans la presque totalité de ces
    analyses, que la production capitaliste domine l’ensemble des branches d’activité, nous
    avons affaire à un capitalisme « pur ». Dans ce contexte nous postulons que le salaire
    moyen du prolétariat et le salaire moyen des autres classes sont identiques, hypothèse
    plutôt favorable au prolétariat.
    Comme la plus-value est entièrement consommée, le rapport entre les classes est
    équivalent au taux de plus-value. Donc le taux de plus-value s’élève à 5/10 soit 0,5. La
    plus-value se matérialise exclusivement dans le revenu des autres classes de la société.
    Si chaque prolétaire travaille 2 000 heures par an, la masse du travail vivant est donc de
    2000 x 10 000 000 soit 20 milliards d’heures de travail (20×109). Dans ces 20 milliards
    d’heures, 2/3 servent à la reproduction de la force de travail de la classe productive et le
    tiers restant à l’entretien des autres classes. En supposant que la valeur du capital
    constant (travail mort) soit également de 20 milliards d’heures de travail, la valeur totale
    de la production serait de 40 milliards d’heures (travail mort + travail vivant).
    Quel est le taux de profit ?
    Soit t le taux de plus-value, p le taux de profit, pl la masse de la plus value, c la valeur
    du capital constant, v la valeur du capital variable et n la composition organique du
    capital (n = c/v). Le travail vivant (v + pl) fourni par la classe prolétarienne est reparti
    de la façon suivante : 2/3 pour v (la proportion du prolétariat dans la société), soit 13,3
    milliards d’heures de travail, et 1/3 pour pl (la proportion des classes vivant du
    surtravail), soit 6,7 milliards d’heures de travail. Nous avons donc :
    pl 1
    20 × 10 9 3
    c 1
    t
    pl
    = v = = 2 = = 0,2
    n= = = , donc p =
    c+v c
    v 2 3
    c
    2 5
    × 20 × 10 9 +1 +1 +1
    3 2
    v
    v
    Avec un taux de plus-value de 1/2 et une composition organique de 3/2 le taux de profit
    serait de 20%.
    Marx n’envisage pas, de manière générale, une diminution du nombre absolu de
    prolétaires (ce qui n’empêche pas qu’une telle diminution puisse exister dans telle ou
    telle branche). Par conséquent, les classes moyennes salariées augmentent comme le
    veut la théorie, et cette augmentation se fait, conformément également à la théorie, de
    façon relative par rapport au prolétariat. Cela implique une croissance tendanciellement
    plus rapide des classes moyennes par rapport à celle des travailleurs productifs. On peut
    constater, sur ce point comme sur de nombreux autres la validité intégrale de la
    prévision de la théorie communiste.
    Cela signifie aussi qu’une part croissante de la plus-value est consacrée à l’entretien de
    ces classes (lesquelles vivent donc sur le dos du prolétariat) tandis que la plus-value elle-
    même s’accroît, témoignage de l’accroissement de l’exploitation du prolétariat.
    Supposons qu’au temps 2 le nombre de prolétaires soit de 12 millions d’individus. Ils
    représentent maintenant 1/3 de la population occupée contre 2/3 précédemment ce qui
    suppose que les autres classes comprennent 24 millions d’individus. Tandis que la classe
    productive s’est accrue de 20% (de 10 millions à 12 millions), les classes moyennes ont
    été multipliées par près de 5 (de 5 millions à 24 millions). Le taux de la plus-value est
    désormais de 2, conformément au rapport entre la population improductive et la
    15
    16
    population prolétarienne (soit t = pl / v = (2/3) / (1/3) = 2). Il a donc été multiplié par 4
    (de 0,5 à 2). Dans le même temps, la population occupée a plus que doublé, passant de
    15 à 36 millions d’individus. Dans ce cas particulier, où l’on compare deux états de la
    société basés sur la reproduction simple, la part de la plus-value consommée dans la
    plus-value totale est toujours de 100%. La plus-value supplémentaire obtenue grâce à
    l’accroissement du taux de plus value et grâce à l’augmentation du nombre de prolétaires
    (masse de la plus-value) est toujours consacrée exclusivement à l’entretien des classes
    improductives.
    Nous avons donc, dans le temps 2, un progrès de la production capitaliste « qui implique,
    en même temps qu’une diminution progressive du capital variable par rapport au capital
    constant, une composition organique toujours plus élevée du capital total. La
    conséquence immédiate en est que le taux de plus-value s’exprime dans un taux de
    profit général sans cesse décroissant, que le degré d’exploitation reste inchangé, voire
    qu’il augmente. (…) Ainsi, la tendance croissante du taux de profit général à la baisse est
    simplement une façon, propre au mode de production capitaliste, de traduire le progrès
    de la productivité sociale du travail. » (Marx, Le Capital, III, 3ème Section. Œuvres,
    Pléiade t.2, p. 1002).
    Quel doit être le niveau de la composition organique pour que le taux de profit baisse ?
    Pour que, au temps 2, le taux de profit soit identique à celui du temps 1 (20%) la
    composition organique doit être égale à :
    pl
    t
    t
    pl
    = v = , np + p = t et n = −1 .
    p=
    c+v c n +1 p
    +1
    v
    Nous savons que t = 2 et que p = 0,2. Par conséquent :
    2
    n= −1 = 9 .
    0,2
    Par conséquent, pour que le taux de profit baisse la composition organique doit être
    supérieure à 9. En supposant une composition organique de 10 nous obtenons un taux
    2
    de profit de p = = 2/11 soit 18% environ. La composition organique a donc, dans
    10 + 1
    nos hypothèses, été multipliée par plus de 6 (elle était de 1,5 dans le temps 1).
    Si nous supposons que la durée et l’intensité du travail demeurent constantes ou que
    l’augmentation de l’intensité est compensée par une réduction de la durée du travail,
    nous pouvons en déduire la valeur représentée par le travail vivant. La population
    prolétarienne fournit 24 milliards d’heures de travail direct. Le capital variable représente
    1/3 de cette masse (proportion de la population prolétaire dans la population employée),
    soit 8 milliards d’heures de travail. En conséquence la plus-value représente un total de
    16 milliards d’heures de travail.
    Le rapport du travail vivant au travail mort, correspond chez Marx, dans le cas de la
    reproduction simple, au rapport entre les deux grandes sections du capital productif
    décrites dans le livre II du « Capital », à savoir le secteur des moyens de production et le
    secteur de moyens de consommation individuels. En effet, dans la reproduction simple
    l’échange entre les sections I (moyens de production) et II (moyens de consommation
    individuels) est donné par l’équation : cII = vI + plI, où cII est le capital constant de la
    section II, vI et plI sont, respectivement, le capital variable et la plus-value de la section
    I. Comme le capital de la section II vaut cII + vII + plII, ou vI + plI + vII + plII, il s’ensuit
    que la valeur de la production de la section II est égale à la totalité du travail vivant des
    2 sections. La valeur de la production sociale est égale à la somme des valeurs de la
    production dans les 2 sections. Donc la valeur de la production de la section I est égale à
    cI + cII, c.à.d. à la totalité du travail mort des 2 sections. Il s’ensuit que le rapport entre
    les 2 sections est égal au rapport du travail vivant au travail mort.
    Dans notre exemple, quel est ce rapport ?

    Rappelons que dans le temps 1 la valeur correspondant au travail vivant était de 20
    milliards d’heures de travail et la valeur du capital constant (travail mort) était aussi de
    20 milliards d’heures de travail. Le rapport entre les deux valeurs est donc de 1. Dans le
    temps 2, vivant le travail vivant représente 24 milliards d’heures de travail. La valeur du
    c
    capital constant peut être facilement calculée : n = et c = nv = 10 × 8 × 109, soit 80
    v
    milliards. Le rapport entre travail vivant et travail mort est de 24/80, soit 0,3.
    Comme nous avons vu, dans le temps 2 la part de la classe productive n’est plus que le
    tiers de la valeur créée par le travail vivant (24 milliards d’heures de travail), soit 8
    milliards. Lors de l’étape précédente (temps 1), elle était de 2/3 de cette valeur (20
    milliards d’heures de travail), soit 13,3 milliards. La hausse de l’exploitation a été telle
    que la valeur absolue de la force de travail sociale a diminué malgré l’augmentation du
    nombre de travailleurs productifs.
    Dans cet exemple, qui reproduit strictement les hypothèses posées par Marx dans la
    citation étudiée, toutes les conditions sont favorables au prolétariat (salaire moyen
    identique pour la classe productive et improductive, pas de capital constant viii utilisé par
    les classes improductives – dans ce cas, il faudrait l’ajouter à la plus-value – ). Ces
    éléments, même s’ils sont liés à un exemple particulier de notre cru, montrent que
    l’hypothèse de Marx repose sur des conditions extrêmes ; en effet une diminution
    absolue et structurelle de la masse des salaires, si elle n’est pas, a priori, en
    contradiction avec la théorie générale de Marx est toutefois une hypothèse dont la
    réalisation est soumise à des circonstances que l’on peut qualifier d’exceptionnelles.
    Dans notre exemple, nous avons supposé une composition organique de 10, cela
    entraîne une valeur de 80 milliards pour le capital constant et donc une valeur de la
    production de 104 milliards d’heures de travail (c + v + pl = 80 + 8 + 16 = 104). La
    valeur du capital constant a donc été multipliée par 4 (elle était de 20 milliards
    auparavant), la valeur de la production par 2,6 (elle était de 40 milliards auparavant), et
    la valeur créée par le travail vivant par 1,2 seulement (elle était de 20 milliards
    auparavant). Ces quelques exemples chiffrés suffisent déjà pour illustrer une partie du
    raisonnement de Marx, à savoir l’augmentation du nombre d’ouvriers engagés dans la
    production de capital constant d’où aussi l’orientation plus marquée de l’agriculture
    comme productrice de matières premières, l’augmentation du nombre d’ouvriers
    employés pour la production de moyens de consommation pour les autres classes et donc
    aussi de la production de biens de luxe.
    Dans l’hypothèse de Marx, non seulement le niveau de vie moyen n’est pas abaissé, mais
    il a tendance à s’élever comme en témoignent les perspectives sur l’élevage et donc sur
    la consommation de viande, ainsi que l’augmentation des produits de luxe. Dans ces
    conditions, on peut supposer que le niveau de vie du prolétariat augmente également (la
    hausse du salaire réel, sans pour autant que le taux de plus-value baisse, est également
    une possibilité ouverte par la subordination réelle du travail au capital). Dans cette
    hypothèse, le niveau de la productivité aura donc fait un saut extraordinaire.
    Dans cet exemple, toute la plus-value additionnelle sert à entretenir la population
    improductive, ce qui se traduit par une augmentation considérable de la classe moyenne.
    Il s’agit donc de l’augmentation maximum possible pour une augmentation donnée de la
    plus-value ix. Sinon, pour obtenir un tel rapport entre les classes productives et
    improductives, il faut envisager un accroissement de la plus-value et de la productivité
    du travail encore plus importante que celle qui est supposée ici.
    Ici, au temps 1, la population improductive était de 5 millions d’individus, pendant que
    dans l’état 2 elle est de 24 millions, soit une croissance de 380%. La masse de plus-value
    était d’environ 6,7 milliards d’heures de travail. Au temps 2, elle se monte à 16 milliards
    dans le temps 2, soit une croissance de 140%.

    De ce point de vue les taux de croissance ne sont pas égaux. Si on compare les
    variations des éléments étudiés d’un strict point de vue quantitatif, on peut observer que
    le taux de croissance de la plus-value est identique au taux de croissance de la
    population totale, qui est passé de 15 millions d’individus à 36 millions, soit 140%.
    Cet exemple, quelles que soient les hypothèses restrictives qu’il comporte, est
    particulièrement instructif sur la façon dont Marx prévoit l’évolution sociale : productivité
    accrue du travail qui se traduit par une diminution relative mais non absolue du
    prolétariat. Ici, ce recul relatif peut être tel que le prolétariat, dans cet exemple, ne
    représente plus la majorité de la population employée.
    Par ailleurs, la citation souligne bien que le progrès de la productivité du travail se traduit
    par les faits suivants :
    1/ l’augmentation du nombre des ouvriers employés dans la production de capital
    constant.
    2/ la diminution relative et, la plupart du temps, absolue du nombre d’ouvriers agricoles.
    3/ l’activité de l’agriculture relève toujours plus du département I : le département des
    moyens de production.
    4/ l’élevage se développe.
    5/ idem pour les industries nécessaires à l’agriculture (engrais, etc.)
    6/ idem pour la production de luxe.
    Ces modifications dans la composition de la population productive traduisent un fort
    accroissement des forces productives du travail et la possibilité tout comme la nécessité,
    sur la base de la production capitaliste, d’une classe moyenne dont les composantes les
    plus modernes citées ci-dessus ont trait notamment au développement de la science
    (savant, inventeur, maître d’école) faisant pendant à l’ingénieur, au technicien de la
    population productive dont Marx parle à propos de l’ « atelier collectif », de l’ « ouvrier
    collectif » de la soumission réelle du travail au capital. Marx cite également des
    professions intellectuelles diverses, notamment liées aux loisirs (clowns, jongleurs,
    musiciens, artistes…). Il faudrait y ajouter, elles ne sont pas citées ici, les professions
    liées à la sphère de la circulation du capital dont Marx va faire l’analyse dans le livre III
    du capital. A ces fractions plus modernes s’ajoutent des éléments plus classiques,
    fonctionnaires, armée, domesticité, etc.
    Comme on le voit, la composition sociale des pays capitalistes développés au début du
    21ème siècle s’écarte bien peu de ce qui avait été prévu par Marx dans les années 1860.
    Alors que Bernstein analysait le développement des classes moyennes salariées comme
    un démenti à la théorie de Marx, nous y voyons au contraire un témoignage de plus de la
    puissance et de la validité de la théorie révolutionnaire !

    i
    Cette inversion commune dans l’idéologie ordinaire vient favoriser la confusion consistant à ne concevoir la
    racine de la critique du capitalisme qu’au nom des intérêts généraux de l’humanité (PI par exemple) et non en
    raison de sa nature : un système d’exploitation du travail vivant pour la production de plus-value et sa
    transformation en capital. Ce n’est donc pas de la défense des intérêts du prolétariat mais de celle de tous les
    honnêtes hommes qu’il est, dans ces milieux, de bon ton de se réclamer. Pour cette pensée humaniste, c’est le
    développement maximum de la conscience au sein des êtres humains, éclairés grâce à leur pensée profonde, qui
    permettra le développement de l’action révolutionnaire. D’où leur aversion pour une représentation de la classe
    révolutionnaire fondée sur le travail productif, leur haine viscérale des luttes dites « économiques » et
    globalement de la vie des prolétaire réels et enfin, sur le terrain purement politique, du principe du Parti
    Communiste et celui de la dictature du prolétariat.
    ii
    Voir par exemple, comme illustration typique, ce passage d’un texte d’Adam Buick : « Elle ignore le concept
    de « travailleur collectif » introduit par Marx pour expliquer le fait que le processus de la production elle-même
    n’était plus effectué par des individus isolés mais par une collectivité composée de tous les travailleurs, y
    compris des « cols blancs », d’une unité de production et travaillant comme un tout. Il est vrai que Marx se referait
    à ce phénomène surtout au niveau de l’usine, mais il semble légitime de l’étendre aujourd’hui au niveau de la
    société (souligné par nous RG). Aujourd’hui, presque tous les travailleurs contribuent, soit directement, soit
    indirectement, à la production du produit social, y compris sa partie plus-value; les instituteurs, par exemple, en
    formant la force de travail des futurs producteurs. » (Sur la définition du prolétariat et du travail productif, 7
    Juillet 2003)
    iii
    A l’inverse, il y a des « vraies » classes moyennes, improductives, dont les membres vivent des conditions de
    vie proches de celles du prolétariat, sans toutefois en faire partie.
    18
    19
    iv
    Sans donc commettre cette erreur, il serait malgré tout intéressant de poursuivre l’analyse de Marx en intégrant
    le développement des formes de coopération introduites dans l’entreprise moderne et impliquant la coopération
    de producteurs distants, notamment à l’échelle internationale (lorsqu’une marchandise est le produit de la
    coopération d’ouvriers nombreux disséminés dans plusieurs pays, d’ouvriers du transport, de la logistique, etc.)
    De ce point de vue, la forme technique s’est complexifiée et fragilisée à la fois (toute rupture en un endroit de la
    chaîne entraîne la paralysie de l’ensemble).
    v
    Si l’on en croit les statistiques, en France l’industrie n’aurait jamais été prépondérante. On serait directement
    passé de la domination de l’agriculture à celle des services.
    vi
    Pour ne pas alourdir le texte, nous renvoyons à un commentaire détaillé de cette citation en annexe.
    vii
    Les travaux de Raoul sur la question de la « visibilité du projet révolutionnaire » en sont un exemple.
    viii
    D’un strict point de vue scientifique, les concepts de capital constant, capital variable, etc. ne s’appliquent pas
    au travail improductif. Cela fait partie du développement de la théorie révolutionnaire de forger des concepts ad
    hoc pour rendre compte de ces phénomènes dont les conséquences théoriques et pratiques sont considérables
    (par exemple le « capital constant » utilisé de façon improductive – exemple, l’ordinateur du comptable ou du
    commercial – est défalqué de la plus-value).
    ix
    En effet, nous avons admis une valeur de la force de travail moyenne identique pour les prolétaires et les autres
    classes. Or, même si l’on peut attendre un rapprochement relatif des conditions de vie entre le prolétariat et une
    grande partie de la classe moyenne avec le développement du mode de production capitaliste, le niveau de vie
    moyen des classes supérieures sera plus élevé. Par conséquent, pour une masse de salaire identique, plus
    d’ouvriers seront employés relativement à la classe moyenne.
    D’autre part, l’exemple de Marx repose sur deux moments de la société connaissant la reproduction simple du
    capital. Si la « composition organique » au sein du travail improductif augmente, la part de « capital constant »
    augmente aussi. Nous ne discutons pas ici des modalités de la transition d’un moment à l’autre.

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