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Football: «La formation est-elle menacée par la mondialisation?»

RENÉ NABA — Ce texte est publié en partenariat avec www.madaniya.info.

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Les entraîneurs étrangers sont-ils la clé du succès des clubs anglais de football sur la scène européenne ?

Par Michel Pautot, avocat au barreau de Marseille et contributeur

EDITORIAL de la revue LEGISPORT du numéro 140 de novembre – décembre 2019

L’un des traits les plus saisissants de l’expansion du sport ces dernières années est le formidable mouvement des joueurs et aussi de capitaux qu’il occasionne. Ne parle-t-on pas aujourd’hui de la mondialisation du sport?

Cette mondialisation au sens de la liberté de circulation des joueurs a été bénéfique au mouvement sportif. Acquise en grande partie par la «législation» européenne et la suppression des quotas, elle a favorisé, grâce à l’expatriation, la composition d’équipes nationales performantes. De même, les grands clubs européens, les plus riches, ont recruté les plus grands joueurs, leur ouvrant le chemin de la victoire avec les gains qui en résultent. Tout le monde est gagnant, sans oublier que la mondialisation permet d’offrir un spectacle plus grand, compétitif et donc plus attractif. Le meilleur exemple est celui de la Premier League anglaise.

Mais un autre sujet est également prioritaire, celui de la formation des joueurs. La section du Contentieux du Conseil d’État a, dans un arrêt du 1er Avril 2019 (n°419623), validé le dispositif «Joueurs issus des filières de formation» de la Ligue Nationale de Rugby.

La formation est donc renforcée d’autant plus que, déjà les 27 et 28 Novembre 2008 à Biarritz, les Ministres des sports de l’Union européenne avaient considéré que «la participation d’un nombre minimum de joueurs issus des structures de formation agréées par les fédérations ou les autorités nationales dans les équipes de clubs engagées dans les compétitions européennes est une des approches qui pourraient renforcer la formation des jeunes joueurs dans les clubs».

La question est posée: la formation est-elle menacée par la mondialisation? Les avis divergent. Si certains estiment que la mondialisation est un frein au développement des talents nationaux, d’autres pensent que la formation et la mondialisation sont complémentaires.

Opposer les deux notions est une erreur car il convient de tirer profit des deux. Un grand club, quelle que soit la discipline, a intérêt à développer la formation (pour préparer les joueurs de demain) et aussi la mondialisation (pour gagner). C’est pareil pour les sélections. L’équipe de France est reconnue comme étant formatrice d’excellents footballeurs et ses footballeurs s’expatrient. De même les sélections belge de football, espagnole de basket et serbe de volley. Récemment, l’Espagne remportait le Mondial de basket (septembre 2019) mais dans le paysage espagnol de la balle orange, la gronde est importante concernant la présence des joueurs étrangers dans le championnat. La formation et l’expatriation sont les clés de ce succès.

LEGISPORT continue sa mission d’information en publiant et tirant ses propres conclusions de sa 17ème étude « Sport et Nationalités».

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Les entraîneurs étrangers sont-ils la clé du succès des clubs anglais de football sur la scène européenne?

Rayonnants économiquement depuis plusieurs saisons, avec des droits TV fort importants, l’année 2019 a été exceptionnelle pour les clubs de la Premier League qui ont disputé les finales des Coupes européennes (Liverpool FC, Tottenham Hotspurs, Chelsea et Arsenal), bénéficiant certes des éliminations du Réal Madrid en 8ème de finale et du FC Barcelone, en demi-finale. Sans oublier la très belle saison de Manchester City qui a tout «raflé» sur la scène anglaise… Le Brexit n’a pas eu d’influence malgré les prédictions d’effondrement des clubs.

Alors, quelles explications peut-on donner à ce triomphe anglais? La Premier League (qui figure parmi les marques anglaises les plus connues à l’international)[1] repose sur des grands clubs: Manchester City, Manchester United, Liverpool FC, Chelsea FC, Arsenal, Tottenham Hotspurs. D’ailleurs, au moment du lancement du Championnat 2019-2020, le quotidien «The Times» posait le 10 Août 2019 la question: «who could break the dominance of the big-six cartel» («Qui pourrait briser la domination du grand six-cartel?»).

Ce «big-six» n’existe pas dans les autres Championnats, même si en 2020, il faudra compter avec les géants espagnols Réal Madrid et FC Barcelone, ou encore Juventus, Bayern, PSG et autres…. L’Angleterre a su faire de la mondialisation une force et non une faiblesse. Tout un art…L’île la plus célèbre du monde a misé sur l’internationalisation… Pari tenté et réussi. Les clubs anglais qui se sont imposés lors de la saison 2018-2019 ou qui ont brillé sur la scène européenne étaient coachés par des entraîneurs non nationaux.

Le jour de la finale Tottenham-Liverpool le 1er Juin 2019, le Daily Mail titrait en dernière page «Final Thriller» avec les entraîneurs étrangers Mauricio Pochettino et Jurgen Klopp des deux clubs anglais Tottenham et Liverpool.

Club

Entraîneur

MANCHESTER CITY, vainqueur du Championnat, de la Cup et de la Coupe de la League

Pep Guardiola (Espagne)

LIVERPOOL FC, vainqueur de la Champions League

Jurgen Klopp (Allemagne)

TOTTENHAM HOTSPURS, finaliste de la Champions League

Mauricio Pochettino (Argentine)

CHELSEA, vainqueur de l’Europa League

Maurizio Sarri (Italie)

ARSENAL, finaliste de l’Europa League

Unaï Emery (Espagne)

A la fin des années 1970-1980, les managers anglais gagnaient les Coupes d’Europe (Nottingham, Liverpool….). C’était il y a longtemps !

Ligue des Champions

Europa League

Coupe des coupes

Brian Clough – Nottingham Forest (1979, 1980)

Bobby Robson – Ipswich (1981)

Howard Kendall – Everton (1985)

Bob Paisley – Liverpool (1981)

Keith Burkin-shaw – Totten-ham (1984)

Tony Barton – Aston Villa (1982)

Joe Fagan – Liverpool (1984)

1991 marque un «tournant» avec l’emblématique Alex Ferguson (Écosse) et sa première victoire en Coupe d’Europe avec Manchester United (Coupe des vainqueurs de coupe).

D’ailleurs, l’écossais avait été recruté par Manchester United pour concurrencer Liverpool FC (avec Aberdeen, il avait remporté le Championnat d’Écosse et la Coupe des vainqueurs de Coupe contre le Réal Madrid…). A lire: Mon autobiographie, Alex Ferguson, en collaboration avec Paul Hayward, Ed. Talent Sport.

Et George Graham (Écosse), Gianluca Vialli (Italie) ont remporté la même Coupe d’Europe avec Arsenal (1994) et Chelsea (1998). Après ces succès, plusieurs autres victoires en Coupe d’Europe pour les managers étrangers :

  • Ligue des Champions : Alex Ferguson (Écosse) – Manchester United 1999 et 2008; Rafael Benitez (Espagne) –Liverpool 2005, Roberto di Matteo (Italie) – Chelsea 2012;
  • Europa League : Gérard Houllier (France) – Liverpool 2001, Rafael Benitez (Espagne) – Chelsea 2013, Jose Mourinho (Portugal) – Manchester United 2017.

Marcel Desailly, Champion du Monde et d’Europe de football et ancien joueur de Chelsea FC, n’a pas hésité à déclarer lors du Colloque LEGISPORT consacré à «Sport et nationalités» que l’internationalisation a apporté la «lumière» à la Premier League anglaise.

En effet, lors de ce Colloque, nous avions expliqué l’importance des joueurs et des managers étrangers en Angleterre de l’époque, dont l’écossais « Sir » Alex Ferguson avec Manchester United, mais également Kenny Dalglish (Écosse), Arsene Wenger (France), Claudio Ranieri (Italie), José Mourinho (Portugal), Rafael Benitez (Espagne)…

Bien que n’ayant pas remporté de Coupe d’Europe avec Arsenal, finaliste de l’Europa League en 2000 et de la Ligue des Champions en 2006, Arsène Wenger qui est resté plus de vingt ans, a participé à la transformation des «Gunners». Il a été un des pionniers de la mondialisation de la Premier League.

Rencontre au centre d’entraînement d’Arsenal avec Arsène Wenger et Dominique Cionci, ex-directeur technique de la Fédération togolaise de football, pour évoquer la problématique des transferts des jeunes joueurs de football (cf. LEGISPORT n°81).

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Peu de joueurs anglais lors des finales!

A l’occasion des finales européennes de 2019, les joueurs anglais étaient peu nombreux sauf pour les Spurs (cinq).

  • Un seul joueur anglais au coup d’envoi de la finale d’Europa League Chelsea – Arsenal (Mai 2019) !

Pour Chelsea, vainqueur, Maurizio Sarri (Italie) a aligné au coup d’envoi une équipe 100% étrangère avec:

  • trois joueurs espagnols: Kepa Arrizabalaga, Cesar Azpilicueta, Pedro,
  • deux joueurs français: N’Golo Kanté, Olivier Giroud,
  • deux joueurs italiens: Emerson Palmieri, Jorginho,
  • un danois: Andreas Christensen, -un croate: Mateo Kovacic,
  • un belge: Eden Hazard,
  • un brésilien David Luiz qui est le seul non-européen.

Le seul anglais au coup d’envoi de la finale Chelsea – Arsenal était Ainsley Maitland-Niles, aligné par Unai Emery (Espagne) à Arsenal qui a fait appel à dix joueurs non nationaux:

    • un joueur tchèque: Petr Cech,
  • un joueur grec: Sokratis,
  • deux joueurs français: Laurent Koscielsny, Alexandre Lacazette,
  • un joueur espagnol: Nacho Monreal,
  • un suisse: Granit Xhaka,
  • un joueur bosnien: Sead Kolasinac,
  • un allemand: Mesut Ozil,
  • deux non-européens: le gabonais Pierre-Emerick Aubameyang et l’uruguayen Lucas Torreira.
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Le vainqueur Liverpool plus international que Tottenham (Juin 2019)

Jurgen Klopp (Allemagne) a aligné au coup d’envoi pour Liverpool deux joueurs anglais seulement: Trent Alexender-Arnold et Jordan Henderson. Les autres joueurs provenaient de six pays et des continents européen, africain et sud-américain:

  • Brésil (3): Alisson, Fabinho, Roberto Firmino,
  • Allemagne (1): Joël Matip,
  • Pays-Bas (2): Virgil Van Dijk, Georginio Wijnaldum,
  • Ecosse (1): Andrew Roberston,
  • Egypte (1) : Mohamed Salah,
  • Sénégal (1) : Sadio Mané.

Pour Tottenham, Mauricio Pocchettino (Argentine) a opté au coup d’envoi pour cinq joueurs anglais. Il s’agit de Kieran Trippier, Danny Rose, Harry Winks, Dele Alli, Harry Kane. Les étrangers étaient donc au nombre de six: deux français (Hugo Lloris, Moussa Sissoko), deux belges (Toby Alderweireld, Jan Vertonghen), un danois (Christian Eriksen), un sud-coréen (Son Heung-Min).

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«Vu de l’Angleterre»

Nicolas SCELLES,
Senior Lecturer, Manchester Metropolitan University Business School

Qu’ont apporté les coaches étrangers aux clubs anglais?

Les coaches étrangers ont apporté une ouverture sur les connaissances les plus avancées au niveau de la préparation physique, de l’organisation tactique, du perfectionnement technique et du marché international des joueurs. L’accès à ces connaissances leur était rendu difficile par leur localisation insulaire imparfaitement connectée au reste du continent européen (le tunnel sous la Manche n’a été ouvert qu’en 1994) ainsi que les restrictions sur la mobilité des joueurs avant l’arrêt Bosman de 1995 puis l’arrêt Malaja (2002).

Qui est le précurseur?

Arsène Wenger a été en quelque sorte le précurseur en 1996 d’un mouvement qui s’est ensuite généralisé et a permis aux clubs anglais d’améliorer leurs standards physiques, tactiques et techniques ainsi que leur accès aux meilleurs joueurs mondiaux, contribuant au succès de la Premier League.

La mondialisation est–elle un frein au développement des talents anglais?

La mondialisation a deux effets opposés. D’un côté, l’afflux de joueurs étrangers rend plus difficile l’accès à un statut de titulaire dans un club de Premier League et limite le temps de jeu des joueurs anglais au plus haut niveau. De l’autre, le fait de se confronter à des coaches et joueurs parmi les meilleurs mondiaux, ne serait-ce que sur la base des entraînements quotidiens, contribue à leurs perfectionnements physique, tactique et technique. C’est plus le succès de la Premier League connecté à la mondialisation qui est un frein au développement des talents anglais car ils ont une incitation économique limitée à aller voir ailleurs (ils peuvent gagner plus d’argent sans jouer en Angleterre qu’en jouant ailleurs) et tirer parti de la mondialisation pour enrichir leur connaissance du foot.

  1. [1] Publication SportEco, Impact du Brexit sur les principaux Championnats européens: fantasme ou réalité?

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