7 au Front

La France de Macron: système militaro-policier construit sur la rente néocoloniale

Par Khider Mesloub.

This article is available in 5 languages on this webmagazine:
8.11.2021-Mesloub-English-Italiano-Spanish
This article is available in Portuguese :
https://queonossosilencionaomateinocentes.blogspot.com/

France : de la répression militarisée à la militarisation de l’État 

  

Depuis quelques années, à la faveur de l’enracinement de la France dans la crise économique et sociale systémique, corrélativement émaillée du soulèvement des Gilets jaunes (momentanément interrompu durant la pandémie de Covid-19), l’unique réponse apportée par le gouvernement Macron aux manifestants revendiquant leur droit de vivre dignement est la répression.  https://les7duquebec.net/archives/253109

Sans conteste, dans une France en proie à de permanentes révoltes sociales, l’État ne cesse de muscler son bras armé, affirmer sa puissance, affermir son autorité, manifester sa force écrasante, dresser des remparts de plexiglas pour défendre l’ordre établi, celui de la gouvernance des riches déterminés à défendre leurs privilèges, leur domination, leurs aspirations à valoriser leur capital pour assurer la survie du système. Aux multiples revendications socioéconomiques ou politiques des manifestants, le gouvernement Macron répond, avec toujours plus de férocité, par la répression. Quand la répression policière ne suffit pas à tempérer les ardeurs revendicatives des protestataires en lutte, l’État déploie l’armée pour procéder à la pacification du pays, parfois par l’usage des LBD (les lanceurs de balle de défense).

De fait, en France, en particulier depuis l’intronisation de l’employé de banque de Rothschild à l’Élysée, les répressions policières prennent des formes brutales, aveuglantes à force d’éborgnement des manifestants. Qui plus est, les forces de l’ordre usent de moyens coercitifs et répressifs hautement sophistiqués. La police s’appuie sur un armement toujours plus impressionnant et technologique pour défendre l’ordre établi élyséen. Outre l’exhibition effrayante de bataillons redoutablement équipés d’un arsenal répressif à la technologie militaire meurtrière effroyablement développée (les fameux Robocop), le gouvernement Macron n’hésite pas à déployer des milliers de policiers lors d’une simple manifestation pacifique (notamment à chaque manifestation anti-pass encadrée par une escouade de CRS escortée de blindés ; parfois le nombre des forces répressives dépasse celui des manifestants. C’est ce qu’on pourrait appeler la démocratie militarisée, la liberté caporalisée, en résumé la société garrottée par les cordons policiers). Manière épouvantable d’intimider et de terroriser les manifestants. La militarisation des fonctions policières, autrement dit l’application des techniques d’entraînement et d’intervention répressive militarisées, induit inéluctablement une logique de violence.

 

Militarisation de la société française 

 

Sans conteste, en France, il existe une corrélation entre l’introduction de la force paramilitaire comme technique de maintien de l’ordre, notamment par l’adoption d’équipements militaires (casques, boucliers, genouillères, armes létales, etc.) et l’augmentation du degré de violence employée dans les opérations de maintien de l’ordre. Les forces de police militarisées, matérialisées par le déploiement inégalé de techniques et d’équipements militaires, induisent une véritable logique de guerre.

Ces dernières années, particulièrement depuis l’élection de Macron, jamais depuis la Commune de Paris de 1871 (la Semaine sanglante : ce massacre fit 30 000 morts, fusillées sans jugement du 22 au 29 mai 1871, 46 000 prisonniers, des milliers de proscrits et de déportés) et la guerre de Libération de l’Algérie (où la barbarie des forces de l’ordre françaises se déchaîna quotidiennement contre le peuple algérien durant sept ans, même en pleine capitale de la « démocratie » où sévissaient les ratonnades contre les résidents algériens, dont la plus célèbre fut perpétrée lors de la manifestation pacifique d’octobre 1961 à Paris, réprimée dans le sang par le régime républicain et laïque gaulliste, faisant près de 300 morts) on avait assisté à un tel déchaînement de violence étatique contre la population civile. Le point d’orgue de cette dynamique répressive fut atteint lors du mouvement des Gilets jaunes.     https://les7duquebec.net/archives/241840 Gilets jaunes, un an déjà: quel bilan? – les 7 du quebec.

Avec les manifestations des Gilets jaunes, les violences policières furent effroyablement sanglantes, à tel enseigne que l’ONU s’alarma et dut intervenir pour sermonner la France. Dans son rapport, Michelle Bachelet, haut-commissaire aux droits de l’Homme, rappela à l’ordre, tel un vulgaire pays dictatorial, les autorités françaises et réclama l’ouverture d’une enquête approfondie sur les violences policières recensées lors des manifestations des Gilets jaunes.

Force est de relever qu’à chacune des manifestations organisées par les Gilets jaunes le samedi, on dénombrait des dizaines de blessés graves causés par la répression policière (au total on déplora plus de 4000 blessés). Des centaines de manifestants furent éborgnés ou estropiés par les tirs des flash-ball et de grenades de désencerclement. Plus d’une dizaine de personnes furent tuées.

Contre les manifestants, la police utilisait régulièrement des armes de guerre. À chaque manifestation des Gilets jaunes, les forces répressives vidaient leurs réserves de gaz lacrymogène et de grenades, preuve de l’acharnement de ces forces de l’ordre à charger et à mater violemment les manifestants. En outre, les charges sans sommation, les tirs de balles en caoutchouc et de grenades se multipliaient notablement.

 

Guerre permanente et globale à l’intérieur et à l’extérieur des frontières 

 

Une chose est sûre, en France, cette barbarie policière n’est nullement contingente mais structurelle, systémique. Elle reflète la banalisation des répressions policières, sources d’accroissement des tensions entre les « citoyens » excédés et l’État discrédité, disqualifié.

À cet égard, il est utile de relever que, pour l’État français impérialiste, la gestion du maintien de l’ordre à l’intérieur de son espace public, avec comme mission l’opération de contention des foules et de neutralisation d’éléments turbulents des classes populaires, s’inscrit dans le même esprit que ses interventions militaires à l’extérieur des frontières. C’est la même logique dominatrice et répressive à l’œuvre. En effet, l’État français a objectivé le concept de guerre permanente et globale à l’intérieur et à l’extérieur des frontières. Pour les dirigeants français pétris de cynisme, à la personnalité psychopathique, lancer des LBD ou des grenades de désencerclement contre les manifestants et lâcher des bombes contre les populations en Syrie ou en Afghanistan, avec tous les dommages collatéraux inhérents à ce genre d’interventions militaires, relèvent de la même technique de gouvernance despotique, de la même logique de guerre. En particulier, en période de crise économique et sociale, propice aux turbulences sociales, où l’amenuisement de l’État providentiel s’accompagne d’un durcissement autoritaire du pouvoir.

Désormais, en France, les frontières entre gestion policière et militaire du maintien de l’ordre ont éclaté. La distinction entre militaires et policiers s’estompe. Ces deux corps constitués armés remplissent les mêmes missions guerrières de combat indifféremment contre l’ennemi extérieur et/ou intérieur. Assurément, en France la distinction entre police et armée tend à s’amenuiser, particulièrement vrai dans ce contexte contemporain où les frontières entre l’ennemi intérieur et extérieur se volatilisent. Par ailleurs, pour l’État impérialiste français, les interventions militaires à l’extérieur, notamment en Afrique, constituent un terrain inégalé d’expérimentation. Car ces interventions jouissent de conditions d’entraînement et d’aguerrissement sans égal dans l’hexagone. À ce titre, l’opération Sentinelle offre une préfiguration grandeur nature de la mission de l’armée dans le maintien de l’ordre en France. Au reste, depuis le Conseil de défense du 29 avril 2015 tenu sous la présidence de François Hollande, l’armée a étendu ses fonctions d’opérations directes de maintien de l’ordre à l’hexagone. Depuis l’apparition de la pandémie instrumentalisée par le gouvernement Macron, les 7000 soldats de l’opération Sentinelle sont régulièrement mis à contribution, notamment lors des confinements totalitaires, pour se substituer aux policiers et gendarmes appelés à contrôler les restrictions de circulation et à verbaliser les citoyens imprudents, dépourvus de l’attestation dérogatoire de déplacement.

 

La culture répressive légendaire de l’État français : « Enfumez-les à entrance »

 

Quoi qu’il en soit, en cas de tensions sociales graves, l’armée, armature de l’État, chargée de la défense contre les ennemis extérieurs, peut assurer également le maintien de l’ordre contre les menaces provenant de l’intérieur du pays. Comme l’histoire de France l’a régulièrement démontré, le recours à l’armée est systématique dès lors que les tensions sociales s’exacerbent. Force est de constater que ces dernières années, en France les budgets militaires et sécuritaires ont progressé plus significativement que les budgets à finalité sociale. L’investissement est observable dans l’augmentation des effectifs policiers et l’accroissement des équipements sécuritaires, fréquemment et massivement mobilisés ces dernières années, en particulier sous la présidence répressive de Macron. Comme on l’avait relevé lors du mouvement des Gilets jaunes, victime d’une impitoyable répression policière.

En effet, au cours de ces opérations de répression contre les Gilets jaunes, outre l’usage inattendu de blindés militaires pour réprimer les manifestants, le gouvernement Macron appela en renfort l’armée pour suppléer les forces policières dans le maintien de l’ordre. Nul doute, le 8 décembre 2018, à Paris, la répression fut exceptionnellement violente. Selon le journal Le Monde daté du 7 décembre 2019, lors de cette manifestation, le commandement des CRS s’adressa à ses troupes en ces termes : « Si vous vous demandez pourquoi vous êtes entrés dans la police, c’est pour un jour comme celui-ci ! Vous pouvez y aller franchement, allez-y franchement, n’hésitez pas à percuter ceux qui sont à votre contact, à proximité… Ça fera réfléchir les suivants ». Cette sinistre philippique fait écho à celle de l’écrivain Edmond de Goncourt proférée lors de l’écrasement des Communards : « les saignées comme celle-ci, en tuant la partie bataillante d’une population, ajournent d’une conscription la nouvelle révolution. C’est vingt ans de repos que l’ancienne société a devant elle. » Cette philippique sentencieusement assassine fait également écho à celle du président Charles de Gaulle (et non au lampiste Maurice Papon) prononcée probablement lors de la réunion ministérielle tenue à la veille de la Manifestation du 17 octobre 1961, le jour où les policiers, assurés de l’impunité, massacrèrent des centaines d’Algériens, blessèrent des milliers d’autres. Soit dit au passage, selon les deux historiens anglais, Jim House et Neil Mac Master, les massacres commis le 17 octobre 1961, sous la présidence de Gaulle, constituent « dans toute l’histoire contemporaine de l’Europe occidentale, la répression la plus violente et la plus meurtrière qu’ait jamais subi une manifestation de rue désarmée ». Cela expliquerait pourquoi les successifs gouvernants français (de gauche comme de droite) s’appliquèrent, jusqu’à une date récente, par une omerta institutionnelle doublée d’une censure historiographique et pédagogique, à occulter des mémoires cette sombre page de l’histoire de la France, ce monumental crime d’État.

 

Quoi qu’il en soit, la répression meurtrière du 17 octobre 1962, comme celle du 8 février 1962 du métro Charonne, s’inscrivit dans le prolongement de la politique répressive sanguinaire décrétée sous le gouvernement socialiste des Guy Mollet et François Mitterrand, qui avaient octroyé les pleins pouvoirs aux autorités militaires stationnées en Algérie, notamment au général Massu, responsables des actes de torture systématiques et des milliers d’exécutions. Et dans le prolongement du massacre de masse perpétré le 8 mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata. Et dans le prolongement de l’écrasement sanguinaire de la révolte d’El Mokrani de 1871. Et dans le prolongement des enfumades (guerre d’extermination par enfumades – ancêtres  des chambres à gaz – des années 1840, cette invention française d’asphyxie massive des populations algériennes réfugiées dans les grottes pour fuir les militaires français venus conquérir l’Algérie, employée notamment par le maréchal Bugeaud qui aimait répéter cette maxime philosophique à ses soldats : « Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, imitez Cavaignac : fumez-les à outrance. », autrement dit, « Enfumez-les à outrance comme des renards« . Son frère d’arme tout aussi pétri d’esprit pacifique, le maréchal Saint Arnaud écrira dans une lettre adressée à son frère : « Je fais boucher hermétiquement toutes les issues et je fais un vaste cimetière. La terre couvrira à jamais les cadavres de ces fanatiques. Personne n’est descendu dans les cavernes. Personne que moi ne sait ce qu’il y a dessous. Un rapport confidentiel a tout dit au maréchal (Bugeaud). Ma conscience ne me reproche rien. J’ai fait mon devoir. »

Voilà comment la France des Lumières coloniales et impérialistes remplit son devoir civilisationnel : par les enfumades ! Non pas en apportant l’oxygène du développement économique et scientifique, de l’instruction scolaire et culturelle, mais en employant l’asphyxie létale comme méthode de civilisation. Cette mission civilisatrice s’inscrit dans la philosophie impérialiste de la bourgeoisie française, comme la résume son porte-parole intellectuel Ernest Renan, grand humaniste français, qui légitime le colonialisme par un racisme décomplexé que ne renierait pas Zemmour, cet autre contemporain représentant de la bourgeoisie française décadente : « La colonisation en grand est une nécessité politique tout à fait de premier ordre. Une nation qui ne colonise pas est irrévocablement vouée au socialisme, à la guerre du riche du pauvre. La conquête d’un pays de race inférieure, par une race supérieure, qui s’y établit pour le gouverner, n’a rien de choquant… Autant les conquêtes entre races égales doivent être blâmées, autant la régénération des races inférieures par les races supérieures est dans l’ordre providentiel de l’humanité. L’homme du peuple est presque toujours chez nous un noble déclassé ; sa lourde main est mieux faite pour manier l’épée que l’outil servile… Versez cette dévorante activité sur des pays qui comme la Chine, appellent la conquête étrangère… Chacun sera dans son rôle. La nature a fait une race d’ouvriers ; c’est la race chinoise, d’une dextérité de main merveilleuse sans presque aucun sentiment de l’honneur… Gouvernez-la avec justice… Elle sera satisfaite ; – une race de travailleurs de la terre, c’est le nègre, soyez bon pour lui et humain et tout sera dans l’ordre ; – une race de maîtres et de soldats, c’est la race européenne. ».

 

La violence raciste est tellement ancrée dans les mœurs gouvernementales de la France impérialiste que le général Aussaresses se vantait, de manière éhontée, d’avoir torturé et assassiné lors de la guerre d’Algérie (1954/1962) les militants nationalistes algériens. Aujourd’hui encore, des hommes politiques français, sans vergogne, glorifie les mérites de la colonisation de l’Algérie. En février 2005, une loi a été même adoptée, selon laquelle « les programmes scolaires reconnaissent le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord».

Il est utile de souligner que les méthodes sanguinaires employés par l’Etat français révèlent le véritable visage de la classe dominante française, l’imposture de la démocratie bourgeoise, l’hypocrisie de l’idéologie des droits de l’Homme au nom desquels la bourgeoisie française massacre démocratiquement des peuples, ses citoyens récalcitrants.

Par ailleurs, pour revenir à notre époque toujours autant marquée par la répression et le despotisme activement prospères sous le gouvernement Macron, on pourrait ajouter cette observation : les confinements pénitentiaires meurtriers et la militarisation de la société sur fond de restrictions des libertés individuelles et collectives, décrétés par Macron contre les populations délibérément infantilisées et criminalisées, avaient pour dessein de vacciner ces populations de leurs ataviques prédispositions subversives virales, pour des décennies, notamment par la terreur inoculée dans le corps social ordinairement rebelle. Mais cette tentative d’éradication du virus de la révolte est vaine. Le mouvement des Gilets jaunes, à la faveur de l’aggravation de la crise actuelle matérialisée par l’augmentation des prix des matières énergétiques et des produits de première nécessité, ne vient-il pas de reprendre la lutte le samedi 16 octobre par l’occupation des ronds-points et plusieurs manifestations régionales.

 

Usage massif des LBD, armes létales, contre les manifestants 

 

De manière générale, ces récentes années, au pays des droits de l’Homme, lors des manifestations, systématiquement les forces de l’ordre utilisent des LBD (les lanceurs de balle de défense), véritables armes de guerre. En effet, dans la France « démocratique », cette arme létale de maintien de l’ordre fut adoptée par la police en 1995 pour éviter les traditionnelles interactions physiques, symbolisés par les confrontations (le corps à corps) entre forces de l’ordre et manifestants, aux fins d’épargner les policiers des risques de blessures graves ou létales liés aux opérations de neutralisation directes.    

C’est d’ailleurs l’argument avancé par l’État pour légitimer la généralisation de cette arme (létale), permettant aux policiers d’attaquer les manifestants à distance, au moyen de ces lanceurs de « balles létales » et des « grenades de désencerclement », sans encourir aucun risque au cours de leurs opérations répressives.

Le LBD, ressemblant à un fusil, possède la précision d’une arme de guerre. L’usage de cette arme peut présenter à courte distance des effets traumatiques pouvant entraîner des lésions graves irréversibles, voire létales.   À l’origine, le LBD était initialement employé par les policiers de la BAC (Brigade anticriminalité) patrouillant dans les quartiers populaires de banlieue, ces cités dortoirs où sont parquées les classes populaires assimilées aux classes dangereuses. Après expérimentation sur les populations paupérisées souvent issues de l’immigration postcoloniale, notamment algérienne, l’usage de cette arme de guerre fut généralisé, banalisée, « démocratisée », puisqu’elle fut ensuite massivement utilisée lors des répressions policières contre les manifestants pour pacifier leurs ardeurs revendicatives, leur apprendre la docilité, l’obéissance, la soumission.

Désormais, dans la France de Macron, aussi bien dans les manifestations que dans les quartiers populaires, la police n’hésite plus à utiliser cette arme de guerre contre la foule dans ses opérations de contention ou de neutralisation. Car les LBD ont pour caractéristique d’induire une véritable logique de guerre. Cet arsenal a pour vocation de mutiler et de terroriser la population turbulente ou révoltée.

Ces dernières décennies, en France les répressions policières se sont étendues des marges de la société turbulente et insurgée à la population civile pacifique. Particulièrement vrai lors des mobilisations populaires revendicatives, toujours en pleine expansion du fait de l’accentuation de la crise économique, du durcissement autoritaire du gouvernement Macron. Cependant, même en temps ordinaire, les exactions et brutalités policières sont devenues fréquentes, notamment lors des récurrentes interpellations musclées, illustrées par les techniques de neutralisation militaires extrêmement violentes, symbolisée par la technique dite de la clé d’étranglement respiratoire ou sanguin et le plaquage ventral, employée ordinairement par les policiers et les gendarmes.

Ces techniques d’arrestation sont régulièrement responsables de centaines de « bavures policières », ces crimes institutionnalisés couverts par la Police des polices (institution policière opaque en charge de la protection de leurs frères d’arme) et la Justice, cette autre institution de classe au service des classes possédantes. Au printemps dernier, pour garantir une totale impunité policière, en France le gouvernement Macron a fait adopter par le Parlement une loi dite « sécurité globale » visant à interdire la diffusion d’images de policiers dans l’exercice de leurs « pacifiques fonctions de maintien de l’ordre », assurée, comme tout le monde le sait, dans le respect des citoyens et des manifestants. Au vrai, cette Loi « sécurité globale » vise à couvrir les violences et bavures policières par l’interdiction faite aux journalistes comme à tout « citoyen » de filmer les visages des policiers tabasseurs. Selon ce texte de loi machiavélique, ces films et ces photos pourraient mettre en danger les policiers accomplissant humainement leur « devoir » de répression. Et tout contrevenant sera condamné à 45 000 euros et un an de prison. Dans la « France démocratique » de Macron, cette loi constitue désormais un véritable blanc-seing accordé aux policiers, leur permettant par conséquent de réprimer en toute invisibilité et impunité.

 

La banalisation de la répression policière 

 

Aussi, en France, assistons-nous à la banalisation de la répression, à la généralisation des violences policières. Ces exactions et brutalités policières ne sont en rien une exception. En France, les contrôles et interpellations de la police « démocratique », notamment contre les jeunes ou les immigrés, s’effectuent quotidiennement avec des méthodes vexatoires et avilissantes, dans le mépris de la loi et de la personne, assorties des coutumières insultes racistes et propos humiliants.

Certes, initialement, les répressions policières violentes s’étaient exercées, en guise d’expérimentation et d’entraînement, uniquement contre les marges de la société, les couches pauvres des cités populaires, notamment contre les jeunes livrés à eux-mêmes, sans emploi ni perspective d’insertion professionnelle, horizon devenu, aujourd’hui, en France la norme. Mais, avec l’aggravation de la crise économique et sociale sur fond de précarisation et de paupérisation des classes moyennes désormais en pleine prolétarisation mais, également, régulièrement en pleine agitation sociale, ces répressions se sont étendues de plus en plus à l’ensemble de la population laborieuse fréquemment mobilisée pour protester contre la dégradation de ses conditions de vie et de travail.

Par suite, en France, après avoir sévi longtemps contre les manifestations politiques et les quartiers populaires en ébullition, les répressions policières se sont généralisées à toute la « société civile » mobilisée dans les mouvements sociaux. Elles s’abattent désormais sans distinction sur tous les rassemblements et manifestations, quel que soit le but des revendications.

Ainsi va la société sécuritaire française, fondée sur une insécurité sociale et économique généralisée. Incapable de nourrir sa population paupérisée, le gouvernement Macron est réduit à la nourrir de terreur, de matraques et de LBD, de restrictions de ses libertés et de répressions généralisées.

Quoi qu’il en soit, le renforcement de l’usage de la force contre les manifestants est un aveu de faiblesse de la bourgeoisie française sénile, incapable de perpétuer le règne de sa domination sans répression systématique. Le témoignage d’un affolement gouvernemental. La confession d’une confusion mentale civilisationnelle, d’une contusion politique. D’une fission sociale.

Avec l’approfondissement de la crise économique et sociale doublée de son lot de chômage et de misère, le gouvernement Macron n’ignore pas que les prolétaires ne demeurent jamais inactifs. Leur imminente riposte sera à la hauteur de leur détresse sociale : radicale. Dans un récent article publié par l’hebdomadaire Challenges, ce média rapporte la terreur qu’inspire au président Macron la crise multidimensionnelle actuelle : « L’exécutif est tétanisé par le risque d’explosion sociale », écrit Challenges. De là s’explique le durcissement autoritaire du pouvoir, le récent « tournant répressif » du gouvernement Macron.

 

Au reste, le régime macronien a profité de la pandémie de Covid-19 pour accentuer son volet répressif dans les quartiers, les espaces publics, les transports et contre les manifestations. À cet égard, il est important de rappeler qu’entre 2015 et 2021, la population française a été soumise au régime de l’état d’urgence plus de la moitié de ces six années. Preuve de la militarisation de la société française, illustrée avec la gestion sécuritaire de la crise sanitaire : dès l’apparition de la pandémie, Macron a érigé le Conseil de défense (où siègent des généraux) en organe de direction politique de la gestion de la crise, transformant le Conseil des ministres en simple instance de figuration, et l’Assemblée nationale en simple chambre d’enregistrement.

Avec la loi « sécurité globale », les institutions étatiques disposent désormais d’instruments technologiques sophistiqués pour intensifier le contrôle de la population française, dignes des pays totalitaires comme la Chine. Cette loi « sécurité globale » va permettre la généralisation de technologies de surveillance, notamment par la densification du quadrillage des populations grâce à la mobilisation de drones, l’usage massif de caméras et de technologies de reconnaissance faciale. Symptomatique de la tournure despotique du régime français, même l’ONU, ordinairement chargée à se prononcer sur les violations des droits humains dans les pays dictatoriaux, a déclaré que la Loi globale est « incompatible avec le droit international des droits de l’Homme ».

De toute évidence, les mois de confinement avaient constitué un terrain d’expérimentation idéal à la militarisation de la société française. En effet, les périodes de confinement totalitaire ont été accompagnées d’un durcissement autoritaire du comportement de la police. Ces multiples confinements pénitentiaires dessinent les prémices de la future société spartiate fondée sur le triptyque « boulot, métro/auto, dodo », sur fond de limitation stricte des droits de circulation, de manifestation et de réunion des personnes, voués à se généraliser et pérenniser en France.

 

Système militaro-sécuritaire construit sur la rente néocoloniale  

 

Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire et la proposition de loi sécurité globale, la dérive autoritaire du gouvernement Macron devient flagrante. Le gouvernement français ne dissimule plus ses projets liberticides : trois décrets ont été publiés en décembre 2020 permettant le fichage des personnes en raison de leurs « opinions politiques, des convictions philosophiques, religieuses ou une appartenance syndicale », décrets entérinés par le Conseil d’État le 4 janvier 2021. Par conséquent, la police et la gendarmerie pourront ficher les opinions politiques, les convictions philosophiques, religieuses, l’appartenance syndicale et données de santé au nom de la « sûreté de l’État ». Le spectre de Big Brother est ressuscité, symbole de l’État totalitaire et du contrôle drastique des libertés et de la vie privée, dont la devise est « Big Brother is watching you » (« Big Brother vous regarde »). Bienvenue dans la France despotique de Macron. Le scénario du futur drame de la France pourrait s’intituler : Silence, on vous surveille ! Motus, on vous réprime !

En tout état de cause, la crise sanitaire tout comme le confinement constituent, plus qu’un révélateur, un aggravateur des clivages sociaux. Et la loi sur le séparatisme, intervenue dans une période de crise économique et sociale aiguë, n’est pas innocente : elle permet de diviser le front des exploités (du prolétariat de France d’origine et d’obédience diverse), de jeter à la vindicte populeuse raciste les « citoyens » d’origine étrangère, les populations de confession musulmane.

Et l’entrée en scène du clown Zemmour dans le cirque électoral, opération de diversion politique orchestrée dans les coulisses du pouvoir macronien par les metteurs en scène du capital (propriétaires notamment des médias, ces organes de conditionnement mental et de fécondation in vitro de candidats présidentiels, autrement dit de procréation médiatiquement assistée – PMA – de chefs d’État artificiels, ces créatures étatiques conçues à l’aide de laboratoires de sondage, véritables fabriques d’opinions chloroformées, douées du pouvoir d’emporter l’adhésion des électeurs aliénés crédules), vise à divertir la population française anomique et, surtout, anémique en l’alimentant, en lieu et place de forces économiques et sociales énergétiquement nourricières en cette période de glaciation des conditions de vie, d’énergies haineuses, de combustibles xénophobes, pour affermir ses forces patriotiques racistes susceptibles de rallumer sa sombre existence économiquement éteinte, redémarrer le moteur de sa vie socialement en panne, revivifier sa cadavérique « civilisation » en putréfaction.

Force est de constater que la militarisation de l’État français s’explique par sa crainte d’une explosion sociale, et non par les menaces (fantasmagoriques) terroristes (par ailleurs politiquement instrumentalisées par le pouvoir). Actuellement, en France, la militarisation de la société se manifeste par l’armement des polices municipales (véritables milices), le suréquipement des forces de l’ordre, la multiplication des caméras de vidéos surveillance dans les lieux publics, la modernisation de tout l’arsenal répressif : armes, blindés, renseignements. En l’espèce, pour la bourgeoisie française décadente apeurée, dans un contexte de tensions sociales accrues, il s’agit de procéder à l’adaptation de son appareil répressif aux futures imminentes luttes sociales.

De toute évidence, avec l’aggravation de la crise économique, l’augmentation exponentielle de la misère et du chômage, le prolétariat et ses jeunes générations sacrifiées n’auront pas d’autre choix que de s’engager dans la lutte pour défendre leurs conditions de vie et de travail dramatiquement dégradées, comme on vient de le constater avec la relance du mouvement des Gilets jaunes. Immanquablement, ces prolétaires se heurteront, lors des futures manifestations et protestations, aux forces de l’ordre de l’État.

C’est dans cette perspective d’affrontements de classe qu’il faut inscrire l’appel d’offre lancé au mois de mars dernier par le gouvernement Macron, en pleine pandémie marquée par la défaillance d’équipements sanitaires et de lits de réanimation, pour une commande exceptionnelle d’armes de répression, notamment 170 000 munitions létales supplémentaires de LBD destinées à équiper ses milices assermentées. En termes officiels, le ministère de l’Intérieur envisage d’acquérir des « fournitures de munitions cinétiques de défense unique de calibre 40mm au profit des forces de la sécurité intérieure ». Innovation : l’administration cherche également à disposer d’une version marquante temporaire visible de l’objectif de cette munition cinétique de défense unique de calibre 40 mm (MDU) au profit des unités de la gendarmerie nationale et de la police nationale ». Ces armes sont certainement destinées à endiguer « létalement » le virus des futures contestations sociales du peuple français d’en bas.

Après la phase de militarisation de la répression exécutée avec des instruments de neutralisation technologiques rudimentaires, l’État français rentre désormais dans la phase de la répression militaire opérée avec des moyens matériels et humains exceptionnellement sophistiqués et meurtriers.

 

La démocratie respectueuse transfère ses pleins pouvoirs aux mitrailleuses

 

Pour conclure, s’il fallait une preuve de la nature foncièrement antisociale et dictatoriale du régime macronien, ce système militaro-sécuritaire construit sur la rente impérialiste, elle nous est administrée par sa politique de terreur sociale et policière exercée contre « son » peuple, sa bellicosité envers les peuples anciennement colonisés par la France. La démocratie française est la feuille de vigne derrière laquelle s’est toujours dissimulée la dictature du capital, la tyrannie des puissants. La dictature sanitaro-sécuritaire illustre cette imposture démocratique : la métamorphose de la démocratie formelle en dictature réelle.

Si en période de “paix sociale” et de « croissance économique » (toujours illusoires et éphémères sous le capitalisme), la bourgeoisie française arbore le masque hypocrite de la respectabilité “démocratique”, en période d’agitations sociales radicalement revendicatives et de récession économique doublée d’une crise de gouvernance, la même classe bourgeoise vile et veule dévoile, avec bellicosité et perversité, son véritable visage hideux et haineux. Toute sa coutumière phraséologie libérale sur le droit de grève, de manifestation, de circulation, la liberté d’expression, de publication et de réunion, en un mot le respect des « droits de l’Homme » se métamorphose en son contraire, autrement dit la répression devient son mode de gouvernement.  Sa rhétorique mielleuse cède devant la parole fielleuse. Et ses méthodes « démocratiques » de gouvernance respectueuse transfèrent leurs pleins pouvoirs aux mitrailleuses.

 

L’intimidation devient sa méthode de gestion barbouzienne, employée également l’égard des pays souverains. La calomnie, son moyen de communication médiatique, y compris au plan diplomatique. L’incarcération, sa technique de bannissement politique. L’arbitraire, sa conduite procédurale judiciaire. Le mépris, son expression naturelle. La manipulation, sa stratégie étatique machiavélique. L’agressivité, son programme politique. L’arrogance, sa posture dominante. Le racisme, sa religion innée républicaine séculaire, le fascisme, sa planche de salut, la guerre, son moyen de rédemption économique, de restauration de ses profits, de régénération d’un nouveau cycle de production rentable.

 

La bourgeoisie française dévoile son véritable visage hideux et haineux 

Le mouvement des Gilets Jaunes illustre dramatiquement cette sinistre réalité. Devant la radicalisation de ses revendications, le pouvoir de Macron avait révélé toute sa cruelle brutalité, son cynisme arrogant. En vrai, sa véritable nature belliqueuse et massacreuse, son caractère politique inné versaillais.

 

En effet, dès lors que la France légitime, celle du peuple prolétarien, s’était réveillée de sa longue léthargie sociale pour s’affirmer politiquement sur son terrain de lutte authentique, la France légale, celle du scrutin financier, avait dévoilé son essence foncièrement élitaire, son appartenance sociale bourgeoise, son caractère de classe, sa fonction dominatrice, ses instincts répressifs. La France légale financière n’admet jamais que la France légitime populaire puisse revendiquer son droit à se gouverner librement au nom de ses intérêts socioéconomiques supérieurs.

Khider Mesloub   

 

Robert Bibeau

Auteur et éditeur

3 réflexions sur “La France de Macron: système militaro-policier construit sur la rente néocoloniale

  • Trafalgar

    Le peuple n’ayant à priori d’armes de guerre , il peut utiliser les liquides inflammables (et les allumettes) ; le feu est le meilleur purifiant possible !

    Répondre
  • Raoul

    Le capital en domination formelle, domine la planète, destruction des cultures et des sociétés qui le précédaient (Rosa Luxemburg) introduction à la critique de l’économie politique.
    A partir de 1914 le capital entre en domination réelle et avec le marché mondial, la domination réelle achevée.
    Toutes ces terribles descriptions, sont l’émanation d’un capitalisme malade de son économie.
    Si jusque dans les années 90 le capital pouvait concéder en négotiant avec son aile gauche, les partis socialistes ou dits commnunistes (partis de la contre révolution d’inspiration Proudhonistes), le capitalisme en phase de sénilité, n’est plus aujourd’hui en mesure de concéder ce qu’il pourrait récupérer en six mois.
    La crise spéctaculaire coronavirale, la surveillance globale, la consomation forcée, par l’illusion Co2,
    sont une tentavive de relancer le processus de valorisation, d’une masse de capitaux qui ne trouve pas à se valoriser suffisamment.
    Les économistes de surface, voient l’économie entre les choses, production, consomation, PIB, etc.
    Or nous savons que le capitalisme n’est pas un rapport entre les choses, mais un rapport entre les hommes qui produisent sur lesquel le capital extorque la plus value.
    (Il ne peut y avoir une décorellation complète entre ce processus et les actifs boursiers car
    nous savons que plus un actif est cher moins il est rentable.)
    Un exemple qui n’est peut être pas à généraliser car secteur particulier, c’est que les bénéfices d’Amazon ou Google, ont augmentés et ceux ci ont augmentés également le nombre de salariés grosso modo de 450%, ces sociétés sont en expension, car elles se situent sur un marché assez peu concurentiels, mais arrivée à leur limite, la plus value relative augmentera de plus en plus, et le taux de profit baissera, car c’est la destination de tout capitaux en mouvement, toutefois il demeure pas moins, que plus il y a de capital vivant (CV), plus il y a accumulation de valeur.
    Plus le CV diminue et plus le taux de profit baisse.
    La baisse tendentielle du taux de profit est ce qui détermine la limite absolue du capitalisme.
    Et ce que nous observons au travers, de la production de son spectacle mystifictoire, c’est d’essayer de trouver un nouvel équilibre capable de surmonter toutes ces contradictions.
    Souhaitons lui et souhaitons nous, bonne chance ! Car le capitalisme c’est thanatos en mouvement.

    Répondre
    • Raoul

      Le taux de profit : Si un capital de 100 à 10 % rapporte 10
      et qu’un capital de 1000 à 2 % me rapporte 20, nous voyons que le profit est supérieur.
      Mais le taux de profit 1000 est moindre que celui de 100. pour une masse plus grande j’ai un rendement plus faible.

      Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

En savoir plus sur les 7 du quebec

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture