Clemenceau, le premier journaliste

OLIVIER CABANEL — Qui connaît vraiment Georges Clemenceau, auquel notre président a rendu hommage lors de sa prise de fonction ?

Zola, comme chacun sait a pris la défense de Dreyfuss dans le journal L’Aurore, et a même été emprisonné pour cela, mais saviez-vous que le directeur de ce journal s’appelait Georges Clemenceau ?

C’est lui d’ailleurs qui trouva le titre J’accuse pour la lettre ouverte à Felix Faure, président de la République de l’époque.

Sa carrière journalistique a commencé très tôt : en 1861, il a 20 ans, il fonde le journal Le Travail alors qu’il est étudiant en médecine.

Il écrit des articles hostiles au régime de « Napoléon le petit », ce qui l’amène a passer soixante-treize jours en prison. Il est considéré par beaucoup d’intellectuels comme « l’anti-Napoléon ».

Avant d’embrasser la carrière médicale, puis politique, il est journaliste dans l’âme.

Puis, devenu médecin, il part aux Etats-Unis pour, dit-il, « voir fonctionner la démocratie », mais il est aussi correspondant de presse pour le journal Le Temps.

Il écrit jusqu’à dix articles par semaine (six cent soixante-cinq en tout). Puis il fonde avec Camille Pelletan La Justice, et devient enfin directeur de L’Aurore.

Il engage Georges Mandel, à qui il donne ce conseil pour la rédaction d’un article :

« Un sujet, un verbe, un complément, et si vous avez besoin de complément indirect, vous viendrez me voir ».

Dès les débuts du conflit de 14-18, Clémenceau a pris quotidiennement la plume. Dans son journal L’Homme libre, qu’il a rebaptisé L’Homme enchaîné à cause de la censure, il n’a cessé de critiquer les mollesses gouvernementales et les désordres de l’administration civile et militaire.

Léon Blum disait de lui : « Nous avons suivi dans La Justice les premiers articles de M. Clemenceau… Il a le don d’écrivain, il trouve le mot juste, le mot frappant, sa phrase sèche reste toujours solide et d’aplomb ».

Il est en effet considéré de son temps comme un grand journaliste, auteur de féroces coups de plume.

A la mort de Felix Faure, il écrit : « Cela ne fait pas un homme de moins en France ».

A propos de Raymond Poincarré, il dit de cet ancien avocat devenu président de la République : « Il ne veut pas savoir, il ne sait pas vouloir ».

Parlant de Napoléon, il dira : « Cet homme qui est parti à Moscou en oubliant qu’il pouvait y neiger en hiver… Cet homme qui réclame un Chambellan lorsqu’il se trouve à Sainte-Hélène, alors qu’il aurait pu y goûter les joies de la vie simple au grand air ».

On peut s’interroger sur le sens de l’hommage qu’a voulu lui rendre notre président le jour de sa prise de fonction, en se rendant au pied de sa statue, au rond-point des Champs-Elysées.

Car avec qui Nicolas Sarkosy a-t-il le plus de convergences ? Avec Clemenceau ou avec Napoléon ?

Pour se faire une opinion, relisons le texte écrit en 1931 par Jacques Bainville, à propos de Napoléon :

« Il avait rencontré naturellement les désirs de la masse, trouvé le point de conciliation sans chercher à construire pour l’éternité. C’était une œuvre d’actualité. Elle mettait fin à l’anarchie matérielle la plus voyante… Système très simple et même sommaire, une poigne, l’ordre dans la rue, le droit à l’héritage, la propriété intangible, les fonctions ouvertes à tous, la permission d’aller à la messe pour ceux qui en ont envie, pas de gouvernement des nobles ni des curés. Bref, en fait de contre-révolution, le strict minimum, une contrefaçon de la monarchie capétienne, un simple jacobinisme blanc qui deviendra plus conservateur plus tard ».

N’est-ce pas ce que nous appelons du populisme ?

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