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La stratégie de prise de pouvoir de Mélenchon est presque parfaite!

Par Brigitte Bouzonnie.

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Je viens d’écouter le politologue Jérôme Jaffré sur France Inter (replay : 08 mai 2022, 6 heures 55) dresser un portrait de Mélenchon.

En particulier, à la question : “On présente Mélenchon comme le patron de la gauche radicale. Mais si on l’écoute bien : celui auquel il se réfère sans cesse c’est François Mitterrand. Est-ce qu’on peut être radical et mitterrandiste à la fois ? Cela parait assez paradoxal…?(sic).

Réponse de Jérôme Jaffré : “Oui, ç’est possible (d’être à la fois radical et mitterrandiste) : car radicales, ce sont les propositions verbales. Et le mitterrandisme au pouvoir, c’est le talent d’être opportuniste. Il faut se souvenir que Mitterrand, quand il a conquis le pouvoir au sein du PS en 1971, proposait un programme de rupture avec le capitalisme. Au fond, l’idée, c’est que si vous voulez intéresser les classes populaires, et qu’elles votent pour vous, il faut proposer des changements radicaux. Quitte, au Gouvernement, à devoir tenir compte des difficultés à changer les choses. Mais si vous commencez par des accommodements, compromis, vous n’arrivez pas à intéresser l’électorat de gauche. En cela, il y a une grande ressemblance entre Mitterrand et Mélenchon”(sic).

Entre les lignes, on comprend assez bien la stratégie de prise de pouvoir de Mélenchon.

1°)-Dans un premier temps, on défend nuit et jour un programme de réformes économiques et sociales volontairement très à gauche: par exemple, le programme “L’Humain d’abord” du Front de gauche, PG +PCF. Le lecteur l’a peut être oublié, mais dans ce programme 2012, il y avait une excellente proposition, rédigée par le syndicaliste Claude Debons, animateur du mouvement social de 1995, proposant de donner un droit de véto aux salariés, permettant de contre carrer les plans de licenciement des employeurs (1).

2°)-Puis, lorsqu’on se rapproche de la prise de pouvoir effective, on opère un aggiornamento du programme, comme la bascule opérée en 2017, transformant la FI en PS bis. Le très bon droit de véto donné aux salariés est remplacé par l’insipide planification écologique, simple morceau de papier techno, ne mangeant pas de pain. La preuve (?)  Macron est prêt à la mettre en oeuvre !

Autre exemple : la possibilité de sortir de la zone euro, prévue dans le programme 2017, ce qui était une concession majeure faite aux eurosceptiques, est remplacée dans le programme 2022 par des “désobéissances ponctuelles aux traités”. Soit une sottise absolue sur le plan juridique. Prévoir en toutes lettre, comme mesure juridique, une “désobéissance” aux traités est du pur foutage de gueule. Et je fais du droit depuis l’âge de 18 ans.

De son côté, le PS prévoit une “dérogation” aux traités européens. PS et FI réinventent une Europe de contes de fées, où il serait possible de “désobéir”, “déroger”, comme on achète sa baguette de pain. Où il serait possible de contrevenir à une dictature bruxelloise, marionnette de l’Etat profond américain. Naturellement, c’est du pur attrape couillons !

Il en résulte plusieurs observations :

1°)-Ce glissement idéologique substantiel, entre d’une part, des proposition social- démocrates de gauche fortes, de nature à donner du pouvoir au Peuple dans l’entreprise (2012). D’autre part, des mesures à peine dignes du parti radical de gauche (2022), préfigure assez bien la gestion droitière de Mélenchon au pouvoir, si d’aventure, il devient Premier Ministre de Macron dans deux mois. Ce sera la “deuxième droite”, comme analyse très bien le camarade Jean-Pierre Garnier.

2°)- Cette stratégie plan A (propositions très à gauche), plan B (virage idéologique à droite et gestion droitière au pouvoir), sur le modèle du parcours idéologique de Mitterrand depuis 1971, était dans la tête de Mélenchon, depuis novembre 2008, date de la création du PG à Asnières. J’étais dans la salle, et le moins que l’on puisse dire, c’est que je n’étais pas convaincue par les propos tonalité PS des différents orateurs qui se sont succédés : Simonet, Corbière…sauf Claude Debons : le seul que j‘ai trouvé lutte des classes. Naturellement, il n’est pas resté au PG, le quittant fin 2009. Ce que voyant, JLM a gauchi sa ligne, mais uniquement sur le plan verbal. Il s‘agissait juste d’hameçonner l’électeur de gôche par de jolies propositions de changement social, qui frappent l’esprit et le regard.

Mais, dès le début, il était clair pour Mélenchon que ce discours de gauche radicale n’était qu’une posture. Pour ne pas dire une imposture. Il s’agissait uniquement de reconquérir l’électorat jeune et ouvrier. Mission accomplie en 2017, puisque 25% des ouvriers et 25% des jeunes ont voté Mélenchon. Et permettre à ces Messieurs-Dames de la direction de la FI (coucou Corbière, coucou Lachaud, coucou Autain, coucou Quatennens….) d’avoir un poste de député, vivre sur un grand train sur nos impôts.

Alors que je lui expliquais que j’avais milité 10 ans au Parti de gauche/ France insoumise, le regretté Claude Karnooh, qui avait longtemps milité au Parti communiste, m’a répondue : “la France insoumise, c’est une plaisanterie” (sic). Il avait raison à 300% ! Je n’ai même pas cherché à défendre la FI. Pour sauver la mise, je lui ai dit que j’étais aussi restée dix ans au PSU, et il m’a dit : “le PSU, c’était un parti sympa” !

3°)- Mélenchon n’est pas le premier fils spirituel de Mitterrand à utiliser cette stratégie à double détente. Souvenons-nous de Laurent Fabius, première manière. Dans son excellente biographie sur Georges Marchais, -”L’inconnu du Comité central”, édition de l’Archipel, 1993, Gaspard Koenig parle des longues négociations sur le Programme commun entre cadres socialistes et cadres communistes. Notamment sur le nombre de nationalisations. Dans la délégation du parti socialiste, on compte un jeune énarque, un certain Laurent Fabius. Acte 1.

Puis, devenu Premier Ministre en 1983, Fabius n’aura de cesse que de fermer les fiefs industriels du nord et de l’est de la France. La misère, jusque là inconnue s‘abat sur des villes comme Lille, Valenciennes, Roubaix, Tourcoing, comme me l’a raconté une amie de la gauche de la CFDT des années 70, corrézienne, partie travailler dans une association à Lille. Du jour au lendemain, de nombreux sans abris sont sur les trottoirs. Acte 2.

Mais ce n’est pas tout. En 2006, Fabius participe à la primaire socialiste, qui désignera le candidat PS de 2007. Il déclare de façon cynique à la télévision (LCI) : “ un parti, un état se conquiert sur la gauche. Il se gère sur la droite” (sic). Autrement dit, il théorise la stratégie de Mitterrand, passé de la rupture avec le capitalisme en 1971 à la politique de rigueur que l’on sait en 1983. Il anticipe la stratégie à venir de Mélenchon, qui est alors son pote en crapuleries politiques.

Pour mémoire, c’est Mélenchon, qui, en 2006-2007, cède sa place de leader de la gauche du PS pour la donner à Fabius, un droitier de première ! Une manoeuvre politicarde très mal perçue par les militants même de cette gauche du PS. Et sur laquelle plane aujourd’hui un silence pesant.

(1)- Cette excellente proposition est reprise et figure en toutes lettres dans le programme en 35 points du Rassemblement “Pouvoir au Peuple”

Robert Bibeau

Auteur et éditeur

6 réflexions sur “La stratégie de prise de pouvoir de Mélenchon est presque parfaite!

  • Cela me rappelle l’aventure d’une amie, qui était au PS tendance Chevênement : il y a une quarantaine d’années elle concourait aux primaires de la législative du côté des Mureaux- Conflans Sainte Honorine, en binôme avec un communiste, et l’autre candidat aux primaires était Michel Rocard, avec une femme. Devant les vieux militants, celui-ci a eu recours au chantage de couper les vivres au parti local, et ceux-ci, très en colère, ont tout de même donné la candidature à Rocard. Une fois l’investiture acquise, Rocard se tourne vers ma copine et lui lance « Tu es jolie, mais nous n’avons pas les mêmes valeurs ». Intéressant, non ?

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  • SOPHOPHILE

    L’énorme handicap du NUPES, c’est Melonchon et toutes les vidéos prouvant son « prétentieux sale caractère » que Renaissance va logiquement diffuser à foison.

    L’intérêt des petits, des sans grade c’est que Macron(20,07%), toutes droites réunies et autres ralliements intéressés après les résultats inclus, n’ait pas sa majorité. Alors que les électeurs RN seront injustement, sinon dangereusement, sous-représentés faute de proportionnelle et alors que la mathématique électorale liée aux dissidents « de gauche » va favoriser les macronphiles peu ou prou égocentriquement intéressés

    Alors que solliciter le renouvellement de son mandat devrait être constitutionnellement impossible pour le bien de tous, une seule attitude responsable pour les non-riches et non-mougeons quelque peu cultivés économiquement et politiquement : utiliser malgré tout, quand c’est mathématiquement gagnable, le bulletin NUPES, quelle que soit la valeur humaine et donc l’altruisme de la candidate ou du candidat.

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  • Journal de guerre N° 31 (J+97) – https://wp.me/p4Im0Q-5zc – 12/05/2022 – Si les PNEUS avaient été montés en 2017 qu’aurions-nous eu ? Va falloir jouer serré pour élire-adouber Mélenchon, roi des PNEUS (réchappés ou non de la 3éme mi-temps). Va-t-on tirer les coups de canons (autres que de bière ou de gros rouge, appartenance oblige) ?

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  • Plus je vieillis et plus je sens s’éloigner le changement de paradigme …
    Les portes de sortie se ferment une à une laissant le monde cadenassé sur son idéologie dominants-dominés …

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