Médias saoudiens 2/2 : La grande irritation d’Abou Dhabi envers Ryad dans l’affaire Jamal Kashoggi
RENÉ NABA — Ce texte est publié en partenariat avec www.madaniya.info.
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05.06.09.2022-EuropeenUnion-Rousset-LizTruss-COVID-Naba-Kashoggi-English-Italiano-Spanish
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La grande irritation d’Abou Dhabi envers Ryad dans l’affaire Jamal Kashoggi
Le Roi Salmane s’est mis en colère contre son fils Mohamad Ben Salmane en apprenant la nouvelle de l’équarrissage du journaliste Jamal Khashoggi au consulat saoudien à Istanbul, en octobre 2018, mesurant à ce moment là l’erreur qu’il avait commise de nommer son propre fils, prince héritier. Il dépêcha alors un émissaire en Turquie pour tenter de calmer le jeu et d’arrondir les angles.
Mais, aux antipodes du comportement de son père, le prince héritier saoudien n’a pas apprécié du tout le comportement des Émirats arabes Unis et de l’Égypte dans cette affaire en ce que MBS s’attendait que ces deux alliés arabes se rangent à ces cotés.
Telles sont les principales révélations contenues dans les documents publiés par le journal libanais Al Akhbar, le 4 Février 2021, confirmant l’attitude critique d’Abou Dhabi face à la gestion de cette crise par les Saoudiens. Le rapport, qui abonde de précisions sur le fonctionnement du régime saoudien, révèle, par contrecoup, le degré d’infiltration des services d’Abou Dhabi dans l’appareil gouvernementale saoudien.
L’alliance apparente entre Abou Dhabi et Ryad ne masque pas pour autant les réelles divergences qui existent entre les deux chefs de file de la contre-révolution arabe tant en ce qui concerne la Guerre du Yémen que le comportement impulsif du prince héritier saoudien Mohamad Ben Salmane, que le traitement du cas du journaliste opposant saoudien Jamal Khashoggi.
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Le «nouvel esprit d’ouverture des pétromonarchies» mis à mal par le comportement impétueux du prince héritier saoudien
Abou Dhabi caressait le projet de développer des relations confiantes avec l’Arabie saoudite afin de présenter à la face du Monde «le nouvel esprit d’ouverture des pétromonarchies» et Mohamad Ben Zayed a mis tout son poids dans la balance pour nouer des relations privilégiées avec MBS afin de faire contrepoids au tandem Qatar Turquie.
L’ambition secrète d’Abou Dhabi, écrit Al Akhbar, était de se poser en tuteur du grand frère saoudien, mais ce projet se heurte aux dimensions de l’Émirat, dont la superficie et la richesse sont minimes comparativement au Royaume d’Arabie saoudite, l’un des plus grands pays arabes par sa superficie de surcroît l’un des grands producteurs de pétrole.
Se référant aux propos d’un diplomate français anciennement en poste à Abou Dhabi tenus à un diplomate libanais, le journal indique que la principauté se heurte avec l’Arabie saoudite au même problème que le Liban envers la Syrie du temps de la présence militaire syrienne au Liban (1976-2005) en ce qu’aucune démarche de portée stratégique d’Abou Dhabi ne peut se réaliser sans l’aval saoudien et si l’Émirat se hasardait à prendre une initiative sans solliciter la caution de Ryad, les murs du palais royal saoudien pesteraient de colère contre Abou Dhabi. Or, les dirigeants de la pétromonarchie répugnent à contrarier le grand frère saoudien. Le plus embarrassé par cette situation n’est autre que le Gouverneur de Doubai, Mohamad Rached al Maktoum, ligoté entre la volonté de MBS de s’ingérer dans les juteuses affaires de sa riche principauté et la passivité de Mohamad Ben Zayed, prince héritier d’Abou Dhabi, qui évite toute confrontation avec son collègue saoudien.
Se référant à un diplomate occidental, le journal Al Akhbar a expliqué que MBS a brusquement modifie son comportement envers Mohamad Ben Zayed dès qu’il a achevé sa mainmise sur les rouages du Royaume à la suite de sa nomination comme prince héritier.
Abou Dhabi a alors renoncé à son «attitude attentiste et suiviste» à l’égard de l’Arabie saoudite.
Les documents publiés par Al Akhbar révèlent l’étendue de l’infiltration d’Abou Dhabi dans l’appareil gouvernemental saoudien, particulièrement le souci des membres de la dynastie de se confier à leurs interlocuteurs d’Abou Dhabi.
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Le contenu de deux câbles diplomatiques.
Anouar Qarquache, ministre d’état des Affaires étrangères des Émirats Arabes Unis, a centralisé les missives diplomatiques en provenance d’Arabie saoudite concernant la gestion de l’assassinat du journaliste saoudien, les répercutant à ses supérieurs hiérarchiques: Abdallah Ben Zayed, ministre des Affaires étrangères et Mohamad Ben Zayed, prince héritier.
Al Akhbar publie le contenu de deux missives rédigées en octobre 2018, avec la mention «Top Secret», concernant cette affaire.
Ci joint la dépêche du 11 octobre 2018 intitulé «Rapport spécial sur la position du prince héritier et la dangereuse évolution de l’affaire Jamal Khashoggi».
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A- La colère du Roi Salmane:
«Le Roi Salmane n’a jamais été animé d’un colère aussi violente depuis une décennie, selon des informations recueillies dans les milieux très proches du palais royal. Le choc est d’autant plus violent que le Roi est personnellement impliqué dans la nomination de son fils comme prince héritier et considère que cet assassinat porte atteinte au prestige du Royaume sur le plan international.
«Déçu et en colère, le Roi s’est rendu compte un peu tard de l’erreur d’avoir nommé son fils prince héritier. Il a alors décidé de s’impliquer directement dans la conduite des affaires du Royaume. Il a alors pris contact avec le président russe pour s’assurer du soutien de Vladimir Poutine, multipliant les contacts avec les États Unis et la Turquie pour réduire la tension avec ces deux pays.
«Pour la première fois, le Roi a autorisé le retour au pays de princes de l’opposition, qui s’était exilé à l’étranger, en leur accordant des garanties. Plus ferme avec son fils MBS, il a même autorisé le retour du prince Ahmad Ben Abdel Aziz, son propre frère, et, sur intervention du prince Khaled Ben Faysal, il a consenti au retour de Khaled Ben Saoud Ben Khaled, qui avait fui en France. Khaled Ben Saoud Ben Khaled est le neveu de l’ancien chef des services de renseignements saoudiens et fils du Roi Faysal.
«Mieux, le Roi Salmane a entrepris une tournée dans les provinces du royaume, multipliant les projets d’investissement, en vue de consolider la légitimité du pouvoir royal. Commencée à Al Qassim, le 8 novembre 2018, la tournée s’est prolongée à la province de Haël puis la région d’Al Jauf, enfin la zone frontalière septentrionale du pays.
«Le Roi a en outre réformé le fonctionnement de la Cour Royale et interdit les ordres oraux, notamment par What’s up, pour éviter la répétition du scenario qui a prévalu lors de l’assassinat du journal saoudien. Ce jour-là, le consul saoudien à Istanbul avait été convoqué par what’s up pour rencontrer Jamal Kashoggi sans être informé ni de sa présence ni de l’objet de sa visite, ni de la teneur de l’entretien.
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B- Le rôle du Prince Turki Ben Faysal
«L’affaire Jamal Khashoggi a propulsé sur le devant de la scène médiatique et politique le prince Turki Al Faysal en ce que le fils du Roi Faysal était le supérieur hiérarchique de Jamal Khashoggi à l’époque de la guerre d’Afghanistan (1979-1989), en sa qualité de chef des services de renseignements saoudiens et le journaliste, son porteur de valise et indic auprès des «arabes afghans».
«Le prince Turki a réussi à réduire la tension entre l’Arabie saoudite et la Turquie et à trouver un arrangement financier avec les fils du défunt.
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C- Le pragmatisme du prince Walid Ben Talal
«En dépit de sa solide relation avec Jamal Khashoggi, qui fut le Directeur Général de son médiatique médiatique, notamment de la chaîne TV «Al Arab», Walid Ben Talal a qualifié le prince héritier saoudien de «progressiste», s’insurgeant contre les attaques injustifiées dont le Royaume était l’objet, passant complètement sou silence l’assassinat de son ancien collaborateur.
«Un mois après l’assassinat du journaliste saoudien, Walid Ben Talal accordait une interview à la chaîne ultra conservatrice américaine «Fox News», le 4 novembre 2018, dans laquelle le prince millionnaire prenait la défense du Prince héritier, le qualifiant de «progressiste»… le prince héritier, celui-là même qui avait séquestré Walid Ben Talal au Ritz Carlton et l’avait délesté d’une part de sa fortune.
La logique des affaires a une logique qui échappe à l’entendement.
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POUR LE LOCUTEUR ARABOPHONE, LE RAPPORT D’ABOU DHABI SUR CES LIENS:
- 1 er volet 4 Février 2021
- 2me volet
Versão em Língua Portuguesa:
https://queonossosilencionaomateinocentes.blogspot.com/2022/09/media-saudita-22-grande-irritacao-de.html
Le Roi Salman n’a plus aucun contrôle sur quoi que ce soit bien avant l’affaire Kashoggi, et il n’a fait qu’intervenir en faveur de son fils afin de calmer Turques et Américains au lendemain de ce scandale, pour retourner a sa prison dorée aménagée par son fils et »prince héritier »… car ce dernier le maintient sous séquestre depuis 2017 au moins, interdit la majorité des demandes de membres de la famille royale de lui rendre visite ou vouloir le consulter, et exerce une véritable résidence surveillée sur son propre père, comme il a fait d’ailleurs avec sa propre mère depuis sa nomination comme prince héritier car connaissant le haut degré de dérangement mental de son fils, elle fut la première a s’y opposer vivement auprès du Roi Salmane !
Depuis cette affaire Kashoggi, le prince héritier Mohamed Ben Salman ou MBS, a totalement transformé le protocole et la sécurité royale et bousculé les mœurs et toutes les traditions de la famille régnante allant jusqu’à interdire la communication et les visites entre ses cousins et princes de haut rang, et leurs rencontres traditionnelles mutuelles de présentation des vœux a l’occasion de fêtes religieuses et autres visites familiales…et a fait de même envers le fameux Walid ibn Talal et bien d’autres de même rang ! ce qui corrobore le climat de terreur et de surveillance accru depuis l’épisode de leurs enfermement dans le Ritz Carlton de Ryad, et les maltraitances physiques et morales qu’ils ont subi, en plus de leur soutirer près de 105 milliards de dollars en guise de »lutte contre la corruption »…
Sur le plan intérieur et de son image auprès des Saoudiens, MBS tire grand profit d’ailleurs de cette histoire de campagne »de lutte contre la corruption » du Ritz Carlton depuis cette date a ce jour, conjuguée a une autre campagne médiatique en faveur de »l’emploi de jeunes Saoudiens », lutte contre le chômage des jeunes et »lutte contre les inégalités et pour l’égalité des chances »… A ce titre, même des médias étrangers et occidentaux se sont étonné de la montée fulgurante de son prestige et son image auprès des jeunes saoudiens, car se foutant éperdument de la fin de Kashoggi, lui préférant leur revanche enfin envers les princes de haut rang depuis si longtemps et l’annonce de la lutte contre leur corruption endémique qui s’appropriait toute l’activité économique dans le Royaume ! … bien entendu, MBS a annoncé avoir retourné le 105 milliards de dollars collectés a l’état Saoudien, mais personne ne peut le confirmer, et de toute façon, le trésor du Royaume appartient de facto a lui et a tout monarque Saoudien pour en faire ce qu’il veut depuis toujours !
MBS vit depuis cette date entre ses différents Palais et son Yacht (a un demi milliard de dollars) surtout amarré dans le Port de Jeddah et faisant des tours dans la mer rouge, entouré d’une armée de garde du corps latinos, russes et autres équipés comme des commandos et disposant des dernières technologies et équipements pour assurer sa surveillance et l’espionage des autres corps de police et de l’armée 24 sur 24… c’est que MBS vit aussi dans la paranoia et craint a tout moment que ses cousins ou que la CIA ou le Mossad intentent a sa vie pour le compte de ses ennemis intérieurs…ses propres cousins a qui il a aussi interdit tout contacts avec la maison blanche ou leur anciens copains occidentaux !
Et pour finir, je dirais que comme le destin embellit tout le temps la vie des meurtriers et des assassins comme MBS, cette année l’Arabie Saoudite a cumulé des recettes records par la vente de pétrole juste au premier et deuxième trimestre jamais égalés dans l’Histoire… Aramco qu’il a pourtant voulu »brader » et privatiser lors du sommet qu’il a organisé pour cette cause et espérait tirer deux trilliards de dollars de sa privatisation qui n’a jamais eu lieu a cause justement de l’affaire Kashoggi et la fuite des investisseurs au lendemain de ce scandale, Aramco donc semble avoir renoué avec les profits mirobolants et inespérés que MBS vient tout juste de saisir l’importance, et réaliser que toute privatisation de cette société ne ferait que brader un fleuron économique qui est a la base de la stabilité de la monarchie…. tout le monde pense donc que ce prince fou soit entrain de s’assagir et se calmer et renouer avec les traditions plus sages de sa famille…celle de fonctionner plus paisiblement grâce a cette rente et celle du pèlerinage a la Mecque de millions de pèlerins musulmans… rente tout aussi stratosphérique… qui consiste a tourner en rond autour de la Mecque 7 fois, dépenser sans compter dans les commerces du Royaume et s’y faire arnaquer avant de retourner chez soi »lavé de ses péchés »… :)))
Comme quoi… et comme dit le vieux proverbe ironique chez nous : »Allah donne les fèves a ceux qui n’ont pas de dents »…:)))
Bien entendu, j’ai omis de citer qu’en plus de la campagne de lutte contre la corruption, et celle de la lutte contre le chômage, MBS a pu définitivement sceller son image auprès de la jeunesse de son pays grâce a »l’ouverture » des mœurs aussi sur le model occidental…. il a aura marqué son pré-regne par une multitude de mesures qui resteront gravés dans l’esprit de la jeunesse de son pays : d’abord l’interdiction de la police religieuse qu’il a banni pour la première fois dans le royaume…. ainsi les saoudiens et saoudiennes ne sont plus tenu aux règles strictes de jadis, ou aux femmes de se couvrir totalement dans les endroits publics, comme il a permit aux femmes de conduire pour la première fois…. et pour couronner le tout, il a permis la tenue de concerts de musique, l’ouverture de boîtes de nuits et autorisé la mixité en public et dans les cafés et autres lieu de rencontres des jeunes ! une véritable révolution capable de faire oublier toutes ses erreurs… au détriment de ses cousins spoliés qui assistent stupéfaits et cette fois totalement impuissants a revendiquer quoi que ce soit ! d’autant plus qu’il a réussit a les discréditer devant le peuple et les traiter de voleurs avec presque raison !
Entretemps, les dissidents intérieurs dont plusieurs femmes croupissent dans les prisons et subissent les mauvais traitements et la torture, a chaque mois, des militantes Saoudiennes et des hommes aussi sont coffré par dizaines lorsque piégés sur la plateforme Twitter et autres réseaux sociaux et prit en flagrant délit de critique du Royaume et de ses hauts responsables ou politiques ! rien que cette semaine, deux autres femmes dont une universitaire ont écopé de peine approchant le 30 ans…. injustement et pour propos tenus sur les réseaux sociaux et jugés hautement subversifs par les services de MBS !
Quant au médecin anesthésiste qui a supervisé le découpage de Kashoggi au consulat Saoudien de Turquie, le Dr Salah Mohammed Tubaigy, et qui fut condamné a mort par la justice saoudienne pour se tenter de se disculper du meurtre au lendemain du scandale…. il serait mort très récemment mais de maladie, gravement malade et rongé par les remords…. il aurait communiqué avec ses ex collègues et amis dans ses derniers jours, en leur assurant qu’il a reçu des ordres sous la menace pour joindre l’équipe qui a exécuté Kashoggi, et que jamais il ne se serait associé a pareille aventure…. c’est que le pauvre type, jouissait d’une bonne réputation en tant que médecin légiste qui présidait sa profession, était bardé de diplômes de reconnaissance dans cette filière médico légale, et jouissant d’un grand respect dans la communauté universitaire ou il enseignait avant de se faire recruter de force dans cette histoire qui tourné au cauchemar … c’est le destin de milliers de gens valeureux qui ont le malheur de se retrouver au service de dictatures…. tout comme le régie Assad a sacrifié des milliers de cadres, de médecins et autres ingénieurs ou officiers supérieurs de qualité pour ses sales besognes !
l’histoire de kashoggi poursuivra MBS tout sa vie quoiqu’il fasse…, même si a l’instant tout semble rouler en sa faveur… et je crois que dès que l’occasionse présentera, les américains qui le voient flirter de trop près avec Poutine et la Chine, finiront par trouver le moyen de le zigouiller ou l’éloigner du trône tôt ou tard ! je crois d’ailleurs que les services de Poutine doivent le conseiller sur sa propre sécurité et lui fournir de précieux renseignements sur ce que mijotent les américains a son encontre !