Les voleurs de paysage

OLIVIER CABANEL — Où que se porte notre regard, il est arrêté aujourd’hui, non pas à la ligne bleue des Vosges, ou au sommet du Mont Blanc, mais à une myriade de panneaux tous aussi géants les uns que les autres : la publicité.

Ces affiches géantes, censées nous pousser à consommer, se sont tant multipliées qu’il devient difficile aujourd’hui d’apercevoir le paysage.

Nous avons sous les yeux des messages accrocheurs qui veulent nous faire rêver mais les appartements avec « vue sur la mer » sont devenus « vue sur l’amer ».

C’est appelé, sans rire, les arbres à pub. http://www.dailymotion.com/video/x1ioak_les-arbres-a-pub

Tout est bon pour convaincre le chaland : une fille à moitié nue pour nous inciter à acheter une voiture ou un fromage blanc.

Coluche l’avait compris avec son sketch sur des lessives qui lavaient plus blanc que blanc.

« Blanc, je connais », disait-il », « moins blanc, c’est gris, mais plus blanc que blanc, je ne vois pas… transparent ? »

Coluche a en même fait des contrepeteries : on se souvient de « mamie écrase les prouts », et dans ces temps là, la pub nous faisait passer à son insu de bons moments.

Mais la pub est devenue insupportable.

On ne peut pas y échapper : elle est présente sur tous les supports, de la radio à la télé, en passant par les journaux, mais aussi internet, les téléphones portables, et même nos propres habits car la plus subtile des publicités, c’est celle que nous faisons involontairement.

De la marque de jean, estampillée sur notre derrière, à celle du polo, nous sommes en quelque sorte des espaces publicitaires bénévoles.

Elle se glisse aussi dans les films et inconsciemment, nous allons enregistrer la présence de telle ou telle marque : voiture, parfum, alcool, et cela nous incitera à l’acheter.

Les publicistes le savent bien et c’est pour cette raison qu’ils financent beaucoup de films.

La pub nous amène aussi à nous poser d’étranges questions.

EDF dépense des sommes folles pour nous convaincre d’acheter son électricité.

A quoi bon, puisqu’elle en a encore le monopole.

Cela va bientôt changer, mais on peut se demander dans quel but elle dépense autant d’argent en espace publicitaire ?

Mettre sur nos boites aux lettres les autocollants « stop pub » est efficace, mais contre le reste, que faire ?

La résistance à la pub commence à s’organiser pour nous redonner nos paysages.

Pour mener une action citoyenne, une association s’est crée : les casseurs de pub.

http://www.casseursdepub.org/

Tous les ans, ils proposent des initiatives : une journée sans achats, une semaine sans télé avec comme mot d’ordre « la télé ou la planète ».

Il y a aussi les « barbouilleurs de pub », qui, pinceau à la main, attaquent la pub manu militari, et barbouillent ou détournent les affiches qui polluent nos murs.

Ces pubs ont une autre conséquence : 180 kg de papier sont consommés par an et par personne en France, et des forêts entières disparaissent chaque jour pour publier des messages racoleurs.

Plus de la moitié de la pâte à papier est importée.

Les Chinois n’en sont encore qu’à 35 kg, mais nul doute qu’ils vont bientôt nous rattraper.

L’utilisation du papier recyclé n’est qu’un pansement provisoire, puisqu’il provient lui-même du papier, et donc auparavant, des arbres.

10 millions d’hectares de foret sont détruits toutes les deux secondes, et le réchauffement planétaire s’accélère pour quelques publicités idiotes.

Alors comme disait un vieil ami africain :

« Celui qui rame dans le sens du courant, fait rire les crocodiles ».

2 réflexions sur “Les voleurs de paysage

  • 26 septembre 2022 à 1 h 18 min
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    Hélas, il va me falloir nuancer ce propos, je le crains.
    Le papier recyclé, on peut le recycler presque indéfiniment, et on peut panacher le nécessaire reboisement : une parcelle « de travail » réservée à la pâte à papier, de même que Colbert avait programmé la forêt de Tronçin pour les grands mâts du XXIe siècle ; et à côté des espace plus vastes de forêt intelligemment mélangée, presque « sauvage » en somme, pour assainir l’air. Pour ce faire, il serait même de bon ton de laisser un peu plus de gaz carbonique dans l’atmosphère, qui en manque un peu selon certains spécialistes, ceux qui ne sont pas esclaves du Giec (qui, rappelons-le, est un organisme politique, et pas du tout scientifique). Rappelons aussi que la quantité de gaz carbonique est une conséquence du réchauffement (avec un décalage de 80 ans environ) et non une cause.
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    Ou, remettons au goût du jour le papier, pour s’écrire, pour faire des vrais livres, et non leurs pâles copies sur écran, des livres qui sentent bon ! Remettons en service les formulaires papier dans les administrations, en place de ces « intelligences artificielles » si bêtes que souvent on renonce. De plus, cela donnera du travail à de vraies personnes avec qui on pourra mieux s’expliquer.
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    Le but de ce qui pourrait sembler un retour en arrière ? Faire d’énormes économies d’énergie. Les smartphones ont un coût, les ordinateurs individuels également, les forêts d’antennes bien entendu, et le pire, ce sont ces fermes de serveurs, dits « data centers », qui sont un gouffre d’énergie, qui chauffent beaucoup. De plus, ce n’est qu’un début, on continue à en construire, car la pire gabegie serait « la voiture autonome », quintessence de « l’intelligence artificielle ».
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    Cela est d’autant plus crucial, que tous ces matériels sont rapidement considérés comme obsolètes (bien que ce soit un choix des constructeurs), que le recyclage est le plus souvent quasi inexistant, et pollue énormément. De quoi provient la matière première ? Presque toujours d’endroits sauvages, où ce sont les autochtones et leurs enfants qui extraient péniblement et dangereusement les minerais en Afrique, en Amérique centrale, en Chine. Un ami chercheur a fait récemment le voyage au Kivu, pour constater cette catastrophe permanente. Son précédent ouvrage, « On achève bien les enfants », était déjà dur ; le second en préparation sera sûrement bien pire.
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    Quelques chiffres, pour donner une idée. Ce sont des associations indépendantes qui s’y sont livrées. Un smartphone de 170 grammes est le fruit de 183 kilogrammes de minerais bruts en moyenne. Combien y a-t-il de smartphones en service, ou qui l’ont été, dans le monde ? Plusieurs milliards, certainement. Ce qui porte le tonnage d’extractions diverses à mille fois plus. Est-ce bien raisonnable ? D’autant que certains éléments sont dans le sol en quantité très limitée.
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    Là encore, il faut imaginer la quantité d’énergie dépensée rien que pour extraire, affiner, construire, utiliser, démolir rien que ces machines éphémères. Revenons aux conversations autour d’un feu, d’autant qu’il y va de notre santé mentale. L’humain est un animal social. Alors, laisser l’électromagnétisme envahir tous les moments de la vie, ou retrouver la chaleur humaine ?
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    Terminons avec ce dessin humoristique, qui résume bien des choses.
    https://i53.servimg.com/u/f53/11/40/28/12/master10.png
    JC

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