Orchestration des pénuries économiques et de l’inflation spéculative en Occident (2/2)

Par Khider Mesloub.

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28.09.2022-Mesloub-Inflation-English-Italiano-Spanish

La première partie de ce texte est disponible ici:
Orchestration des pénuries économiques et de l’inflation spéculative en Occident (1/2) – les 7 du quebec

Nous sommes en guerre, ne cessent de marteler les gouvernants des pays européens. En période de guerre, la règle demeure la mobilisation générale pour assurer la souveraineté économique du pays, en vue de renforcer sa puissance et assurer avec succès sa croissance. Or, les pays européens, notamment la France, semblent organiser, à des fins stratégiques à la fois économiques et militaristes, délibérément leur « sabordage économique spéculatif ».

 

Le parc nucléaire français curieusement à l’arrêt

Le cas de la France est, à cet égard, exemplaire. Alors qu’elle est censée être confrontée à une crise énergétique nécessitant la mobilisation générale de l’ensemble des structures étatiques et privées pour augmenter la production de l’énergie électrique en vue de renforcer les capacités productives du pays, d’assurer la pérennité de l’approvisionnement et la stabilité des tarifs, on apprend que, sur les 56 réacteurs nucléaires que compte la France, 32 sont curieusement à l’arrêt depuis plusieurs mois. Autrement dit, la majorité du parc nucléaire français est délibérément mis à l’arrêt, sous prétexte de maintenance, entraînant par voie de conséquence la chute de la production d’électricité. Et, par effet mécanique, l’augmentation exponentielle des prix. De sorte que le prix de gros pour l’électricité est passé en un an de 85 euros le MWh à plus de 1100 euros aujourd’hui.

Ainsi, l’État français orchestre délibérément des pénuries dans de nombreux secteurs économiques vitaux, sources d’inflation spéculative. Notamment dans le secteur du nucléaire, comme le reconnaît le PDG d’EDF (dont l’État est actionnaire à 84 %, et qui sera nationalisé très prochainement), Jean-Bernard Lévy, qui, dans une déclaration du 29 août 2022, avait dénoncé un manque de main d’œuvre et avait accusé l’État, nommément le président Macron, d’être responsable de la crise énergétique actuelle, c’est-à-dire de la pénurie d’électricité. Macron est accusé d’avoir bradé la filière nucléaire française, à Bercy d’abord, lorsqu’il était ministre de l’Économie, à l’Élysée ensuite. « Pourquoi on n’a pas assez d’équipes formées ? Parce qu’on nous a dit  » S’il vous plaît, préparez-vous à fermer des centrales ». On a d’ailleurs déjà fermé les deux premières. Ce sont d’ailleurs les textes en vigueur au moment où l’on se parle. On nous a dit : « Préparez-vous à fermer les douze suivantes ». Nous, avec la filière, nous n’avons pas embauché de gens pour construire douze centrales, nous en avons embauchés pour en fermer douze », avait ainsi affirmé Jean-Bernard Lévy le 29 août. Déjà, les premières conséquences sur les entreprises se font sentir. Du fait de l’envolée des prix de l’électricité et du gaz, des entreprises, qui ne peuvent plus répercuter la hausse sur la facture de leurs clients, arrêtent de produire. Donc ferment leur entreprise.

Ce sabordage nucléaire, à l’instar du sabotage sanitaire matérialisé par la destruction de millions de masques et l’orchestration de la pénurie des respirateurs et produits désinfectants et matériel d’hygiène professionnel (gels hydroalcooliques, gants, blouses) au début de la pandémie, servira-il de prétexte pour instaurer un « confinement énergétique », couplé à un rationnement et des coupures de courant, voire un pass climatique ?

Cette perspective de « confinement énergétique » fut déjà, officiellement, évoquée par le gouvernement irlandais, comme l’avait rapporté, début juin 2022, le journal Irish Independent. Ce quotidien avait indiqué qu’un « exercice de planification de haut niveau » a été arrêté, avec « trois scénarios possibles pour faire face au déficit d’approvisionnement en carburant ». Cet exercice aurait mobilisé « toutes les principales agences de l’État et le gouvernement ». Une série de mesures possibles avait fuité, notamment celle rapportant que « tous les travailleurs non essentiels recevront l’ordre de travailler à domicile », ainsi que la mise en place d’une limitation pour « tous les déplacements en voiture non essentiels », mais aussi un contrôle strict « de la quantité de carburant que les automobilistes peuvent acheter à tout moment ». Tout cela sur fond d’un « confinement énergétique » généralisé.

Par ailleurs, depuis le début de la pandémie, à plus forte raison depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, du fait des multiples mesures restrictives et des successifs confinements imposés par les gouvernements, et en raison de l’hyperinflation induisant une érosion du pouvoir d’achat,  la production dans les services subit une très forte baisse, notamment dans les secteurs de la culture (arts, spectacles et activités récréatives, en proie à une très forte baisse de fréquentation), les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration, avec un recul particulièrement prononcé dans l’hébergement. Sans oublier le secteur du tourisme. Tout porte à croire que, dans ce contexte d’économie de guerre, ces secteurs du tertiaire « parasitaires » sont délibérément sacrifiés pour axer la production sur l’économie de la défense nationale. Rappelons que l’économie de guerre induit l’instauration de mesures de réduction de la consommation énergétique, la mise en place de mesures de réduction de la consommation privée, qui peuvent inclure le rationnement de l’industrie et des familles, l’augmentation de la production de l’industrie lourde et militaire. En résumé : l’économie de guerre c’est la dissuasion de la consommation privée (de là s’explique l’orchestration des pénuries) et le contrôle de l’économie par l’État (de là s’explique la militarisation de la société et la caporalisation des mentalités). Mussolini a résumé le fascisme en trois strophes : TOUT pour l’ÉTAT ; TOUT par l’ÉTAT ; TOUT dans l’ÉTAT. Voilà la véritable définition politique et sociologique du fascisme, amplement illustrée ces deux dernières années à la faveur du déclenchement de la pandémie politiquement instrumentalisée et de la crise énergétique provoquée par les machiavéliques sanctions économiques prises contre la Russie à la suite de l’invasion de l’Ukraine.

De manière générale, toute l’élite bourgeoise, depuis les politiciens jusqu’aux économistes en passant par les médecins et autres prétendus experts scientifiques, avaient incriminé le coronavirus d’être responsable de la crise économique. Actuellement, c’est la lointaine guerre locale d’Ukraine qui est incriminée. Le Covid-19 a bon dos. En vérité, le coronavirus constitue un simple symptôme visible du capitalisme occidental en déclin. Et nullement la cause de la crise du capitalisme moribond. En effet, depuis des années, sur le fondement de rapports alarmistes, les scientifiques alertaient sans cesse les pouvoirs publics sur la menace d’une pandémie provoquée par les coronavirus. Les gouvernants occidentaux ignorèrent délibérément les alertes des scientifiques.  Pour quel motif ?  Car, du point de vue du capital, hors de question pour l’État d’investir dans les politiques de prévoyance et de logistiques anticipatoires (notamment dans l’achat des canadairs, pour parler d’un thème d’une brulante actualité : les feux de forêt qui ravagent plusieurs pays).  Pour le capitalisme, la prévention est une dépense superflue, inutile. Surtout elle ne rapporte aucun profit. Aussi, la prévention n’est jamais intégrée dans la logique comptable capitalistique. Mais elle est amplement intégrée dans sa stratégie d’instrumentalisation politique (notamment, avec l’embrasement des forêts, en vrai provoqué par manque de matériels contre les incendies, cela permet aux gouvernements d’alimenter l’incendiaire débat idéologique relatif au réchauffement et dérèglement climatiques).

Certes la pandémie du coronavirus aura contribué à l’éclatement foudroyant du système économique occidental. Mais la chute avait entamé sa dégringolade depuis des années. En réalité le coronavirus n’aura joué qu’un rôle d’accélérateur d’une tendance économique récessive à l’œuvre depuis plusieurs années. Déjà, les premiers signes alarmants éclatèrent lors de la crise 2007-2008, devant laquelle la crise actuelle est autrement plus foudroyante et dévastatrice. Si la crise de 2007-2008 affecta principalement le secteur financier, illustrée par l’effondrement de plusieurs banques, la crise présente est protéiforme. Elle frappe le poumon de l’économie occidentale, en l’espèce la production. L’effondrement est général.

Au-delà du ralentissement de l’économie, de la chute du secteur touristique, des compagnies aériennes, se profile la débâcle du commerce des pays occidentaux, et surtout la chute de la production. Dans la majorité des pays occidentaux les usines tournent au ralenti en raison de la déstabilisation des chaînes d’approvisionnement, des pénuries des composants électroniques, des matières premières. Et surtout du renchérissement du prix des matières énergétiques.

Aucun pays du bloc atlantiste n’échappe à l’effondrement de son économie. C’est tout le système capitaliste occidental qui menace de s’écrouler. En dépit de l’injection de milliers de milliards de dollars et de l’étatisation de l’économie, le déclassement des pays occidentaux est inéluctable. L’économie du bloc occidental est au bord de l’implosion, accentuée par les sanctions économiques instaurées contre la Russie, sous l’instigation des États-Unis.

Assurément, la pandémie du coronavirus se manifesta-elle à point nommé pour servir de couverture politique et d’argumentation explicative à l’effondrement de l’économie occidentale depuis longtemps prévisible. De même, la guerre en Ukraine arrive-t-elle à point nommé pour occulter les véritables mobiles économiques de la récession actuelle, mais également de paravent pour justifier le déclenchement de la Troisième Guerre mondiale.

Ces explications idéologiques incriminant, d’abord un microscopique virus, puis la guerre locale ukrainienne, d’être responsables de la débâcle de l’économie occidentale (mondiale) est aberrante. Elles visent à exonérer le capitalisme. La bourgeoisie occidentale ne peut admettre son incapacité notoire à faire fonctionner son système capitaliste devenu chaotique et irrationnel.

 

La débâcle du système capitaliste

Face à chaque catastrophe économique générée par les contradictions du capital (surproduction, baisse du taux de profit, saturation des marchés, exacerbation des tensions commerciales), la bourgeoisie occidentale brandit chaque fois des explications fantaisistes aux fins de disculper sa responsabilité dans la débâcle de son système capitaliste. Déjà, lors de la crise de 1973, responsable de la flambée du chômage endémique et de l’inflation galopante, la bourgeoisie occidentale avait invoqué la hausse du prix du pétrole pour expliquer ces deux phénomènes, inhérents en vrai au mode de production capitaliste. Tout se passe comme si la hausse du pétrole serait extérieure au système, et non constitutive du fonctionnement normatif du commerce capitaliste marqué par les oscillations des prix, les fluctuations de la conjoncture économique soumise en permanence aux pressions et tensions de la concurrence.

Actuellement, la bourgeoisie occidentale, en proie au déclassement économique, invoque la guerre en Ukraine pour expliquer l’effondrement de son économie. Mieux : elle accuse la Russie d’être responsable de la récession. La guerre en Ukraine devient « la faute de la Russie autocratique », et non pas du capitalisme en récession. Comme si la Russie n’était pas partie intégrante du capitalisme mondial, aujourd’hui en plein déclin.

Aussi, la bourgeoisie occidentale, pour justifier l’austérité économique imposée aux prolétaires, ces sacrifices présentés comme de regrettables dommages collatéraux induits par les nécessaires mesures de rétorsion économique contre la « totalitaire » Russie qu’il convient impérativement d’affaiblir, recommande-t-elle (pour ne pas dire exige-t-elle), sous couvert de solidarité avec le peuple ukrainien et de défense des libertés (qu’elles piétinent allègrement depuis trois ans, à la faveur du mouvement des Gilets jaunes réprimé dans le sang,  et de la pandémie de Covid-19, la pire époque liberticide depuis les années 1930), la réduction de la consommation des produits essentiels, notamment des matières énergétiques, matérialisée par la diminution de la consommation du chauffage.

Pour autant, les sanctions pénalisent principalement les pays européens. À preuve. Les mesures de rétorsion économique contre la Russie qui entraînent des pénuries de matières premières dans tous les pays européens. De même, ces sanctions induisent la perte de marchés en Russie pour les entreprises européennes. Les prix des matières premières flambent, impactant celui de nombreuses marchandises.

Aujourd’hui, les peuples européens, toujours tétanisés par la gestion criminelle de la pandémie, assistent, impuissants, à l’amplification de la crise économique, à l’aggravation de leur misère, à l’accentuation de l’exploitation de la classe ouvrière. Le grand capital occidental fait payer l’effondrement économique de son système aux classes populaires, aux classes moyennes et petites couches entrepreneuriales devenues économiquement « inutiles », réduites au chômage et précipitées dans la paupérisation absolue.

Globalement, le monde entier assiste à la déconfiture du système économique occidental.  À la débâcle de l’ordre social occidental dominant. À l’échec historique de la classe bourgeoise occidentale sénile. À la militarisation de la société occidentale impulsée par les classes dominantes apeurées, aux fins de tenter de sauver leur système en pleine décomposition. À la fuite en avant belliciste et guerrière de pays occidentaux en putréfaction morale et politique.

Khider MESLOUB

 

Robert Bibeau

Auteur et éditeur

2 réflexions sur “Orchestration des pénuries économiques et de l’inflation spéculative en Occident (2/2)

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