Non à la guerre impérialiste! Oui à la guerre révolutionnaire!
Communiqué sur la situation de lutte et de grèves prolétariennes en France
(GIGC-Révolution ou guerre, 16 octobre 2022)
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Par GIGC, le 16 octobre 2022. Sur : Communiqué sur la situation de lutte et de grèves prolétariennes en France (16 (…) – Révolution ou Guerre (igcl.org)
L’expression de la combativité ouvrière et la dynamique de luttes se sont brutalement accélérées en France depuis le 11 octobre, suite à la réquisition des grévistes des raffineries de pétrole par l’État et la pénurie d’essence. Tout l’été, et à l’instar de la Grande-Bretagne, la combativité ouvrière s’y est affirmée dans une multitude de secteurs et d’entreprises contre l’inflation et pour des augmentations de salaires par des grèves diverses[1]. L’inflation explose et se généralise dans tous les pays, réduisant d’autant les salaires. Les conditions pour des réactions prolétariennes de masse à la crise économique capitaliste et la guerre impérialiste en Ukraine afin de défendre les conditions de vie et de travail sont donc objectivement réunies, particulièrement en Europe. Les grèves de l’été pour des augmentations de salaire en Grande-Bretagne en étaient le premier signal.
Si la dynamique de celles-ci s’était développée à partir de grèves sauvages – non officielles, non légales, sans préavis syndical de grève – et avait surpris et débordé les syndicats britanniques, les grèves en France sont restées sous le contrôle général de ces derniers, en ordre dispersé et divisées par secteur et entreprise. Depuis quinze jours donc, la situation s’est accélérée et « radicalisée » semblant ouvrir la possibilité d’une extension et unification des différentes luttes et d’un début de grève en masse.
Les grèves appelées par le syndicat CGT dans les raffineries de pétrole des compagnies Total et Exxon ont petit à petit provoqué une pénurie d’essence aux stations services. Si la direction d’Exxon a rapidement négocié avec les syndicats des augmentations de salaire, permettant aux syndicats d’appeler à l’arrêt de la grève, celle de Total a adopté une ligne « dure », refusant toute négociation dans un premier temps, puis en proposant des augmentations largement en-dessous des 10% d’augmentation des salaires afin de rattraper la perte de pouvoir d’achat que l’inflation a provoqué en 2022 qui sont revendiqués par les travailleurs.
Mais surtout l’annonce par le gouvernement de la réquisition des grévistes, le 11 octobre, a provoqué une « extension » des… appels à la grève dans d’autres raffineries et surtout d’autres secteurs, en vue d’une journée d’action syndicale, de grèves et de manifestations, « de tous les secteurs » mardi 18 octobre.
Que signifient ces appels soudains des syndicats à une grève générale pour ce mardi 18? Répondent-ils à une poussée telle des travailleurs que l’explosion d’un mouvement généralisé est inévitable ? Et donc à la volonté des syndicats de chercher à le chevaucher et le contrôler au mieux et dans une certaine urgence ? Ou bien correspondent-ils à une tentative de contre-feu anticipé, à coup de journées d’action étalées dans le temps et par secteur, afin d’éviter et saboter à l’avance l’émergence d’une dynamique de grève de masse généralisée et unie ? Comme ce fut le cas lors du sabotage syndical des mobilisations de masse de 2003, 2007 et 2010 principalement contre l’attaque sur les retraites, ou encore de 2016 contre la Loi-travail mise en place par le gouvernement de gauche de Hollande, ou encore de l’hiver 2019 de nouveau sur les retraites ?[2] Dans les deux cas et pour le moment, les syndicats contrôlent complètement la dynamique en cours, quelle qu’elle soit. Ils organisent les grèves et leur timing. Ils « négocient », c’est-à-dire qu’ils se concertent en permanence avec le gouvernement, en se partageant les rôles entre syndicats dits réformistes (CFDT) et syndicats plus radicaux (CGT, FO, Sud principalement) afin de gérer au mieux le mécontentement général. Et au cas où un mouvement plus large et décidé se développerait et déborderait les centrales syndicales, d’ores et déjà le syndicalisme dit de base ou radical se prépare à suppléer aux directions syndicales, sur la base de ce qui avait déjà été mis en place en 2013 et 2019, en appelant préventivement à constituer des assemblées interprofessionelles : « Pour la jonction le 18 octobre : construire des AG interprofessionnelles » lance le groupe gauchiste Révolution permanente, scission récente du NPA et relativement implanté en milieu ouvrier, en particulier à la SNCF. Bref, l’ensemble de l’appareil politique de la bourgeoisie, du gouvernement, de ses partis de droite comme de gauche, des syndicats et des gauchistes déploie son dispositif pour garder le contrôle sur tout mouvement de masse prolétarien.
Si le terrain de la lutte est balisé par les syndicats, si la dynamique vers une réaction prolétarienne est pour l’heure maîtrisée par l’ensemble de l’appareil d’État, faut-il en conclure qu’il n’y a rien à faire ? Que les prolétaires doivent éviter de se lancer dans le combat qui leur est imposé par le capital en crise et en guerre ? Bien sûr que non.
Renoncer au combat aujourd’hui serait pire que subir un échec. Contrainte par la crise capitaliste et la guerre impérialiste, la bourgeoisie ne peut que poursuivre et accélérer ses attaques contre le prolétariat. Dans la période de confrontation massive entre les classes qui s’ouvre à son initiative dans tous les pays, sur tous les continents, il est hautement probable, sinon inévitable, que le prolétariat subisse des échecs et que ces derniers lui servent d’expérience et de leçons pour les batailles suivantes. Dans la mobilisation prolétarienne qui s’ouvre en France, le fait que la bourgeoisie ait déjà disposé ses forces, syndicales en particulier, pour la bataille qui s’engage autour de l’inflation et de l’augmentation des salaires, impose à la classe ouvrière en général, aux prolétaires les plus combatifs et à ses minorités politiques – les groupes communistes – en particulier, de mener la bataille et la confrontation aux forces du capital, particulièrement celles en milieu ouvrier, à savoir les syndicats et les gauchistes. Et cela y compris sur le terrain que ces derniers imposent, afin de leur disputer la direction de la lutte. Il en résulte que nous appelons les prolétaires à:
– entrer en grève partout où c’est possible ;
– faire grève lorsque c’est possible le mardi 18 et participer, si possible par délégation, aux manifestations de rue ;
– reconduire la grève le lendemain du 18 ;
– organiser des délégations massives, y compris en manifestant dans les rues, pour essayer de l’étendre aux autres entreprises, à commencer par les plus proches, et secteurs ;
– se regrouper et constituer des comités de lutte pour l’extension et l’unification des grèves ;
– mener le combat dans tout organisme mis en place, y compris par le syndicalisme de base comme les assemblées interpro ou autre s’il est impossible de constituer de véritables comités de lutte, pour l’extension et la généralisation des grèves reconductibles, sans attendre la prochaine journée d’action syndicale.
En soi, ces orientations et mots d’ordre, hormis les deux derniers, ne se distinguent pas de ceux que les groupes gauchistes, Lutte ouvrière ou encore Révolution permanente – groupes trotskistes particulièrement implantés en milieu ouvrier – en particulier, mettent en avant. Il en va de même pour le Courant Communiste International, groupe de la Gauche communiste internationale qui publie Révolution internationale en France. Une fois n’est pas coutume, il a le mérite et le réflexe de prendre position à temps et d’avancer ces mêmes orientations de lutte, que nous partageons en soi et de manière immédiate. En premier lieu, il convient de relever qu’il évite d’appuyer son intervention sur son dogme de la Décomposition et sur la nécessité pour les prolétaires de retrouver leur instinct de classe, ce qu’il avait pour habitude de présenter comme préalable à tout mouvement de classe. Cela permet à son tract mis en ligne hier, le 14 octobre, Grèves dans les raffineries françaises et ailleurs… La solidarité dans la lutte, c’est la force de notre classe !, de chercher à s’inscrire en tant que partie prenante et active du combat qui se profile, contrairement au passé où il s’affichait en tant que conseilleur éclairé et souvent défaitiste des mobilisations précédentes :
« Rappelons-nous de la faiblesse du mouvement social contre la réforme des retraites en 2019 : il y avait une grande sympathie pour les cheminots en grève, mais cette solidarité est demeurée platonique, se limitant à donner de l’argent aux caisses de « solidarité » mises en avant par la CGT dans les cortèges des manifestants. Or, la force de notre classe, ce ne sont pas les encouragements de loin ou la juxtaposition de grèves isolées les unes des autres. Non ! Notre force c’est l’unité, c’est la solidarité dans la lutte ! Il ne s’agit pas de « converger », de se mettre les uns à côté des autres. La lutte des travailleurs est un seul et même mouvement : se mettre en grève et aller en délégation massive à la rencontre des travailleurs les plus proches géographiquement (l’usine, l’hôpital, l’école, le centre administratif…) pour se rencontrer, discuter et gagner à la lutte de plus en plus de travailleurs ; organiser des assemblées pour débattre ; se rejoindre sur des revendications communes. C’est cette prise en main de leurs luttes par les travailleurs eux-mêmes, cette dynamique de solidarité, d’extension et d’unité qui a toujours fait trembler la bourgeoisie à travers l’histoire. En clair, tout le contraire de ce que font les syndicats. »
De manière immédiate, nous partageons cette orientation même si nous l’aurions « aimé » plus précise encore ; par exemple appeler à reconduire la grève le lendemain de la journée d’action du 18 ; ou encore, appeler au regroupement des prolétaires les plus combatifs en comités de lutte. Concrètement cela signifie que, dans les assemblées générales, sur les piquets de grève, nous nous retrouvons du même côté de la barricade de classe. Cela veut dire qu’en soi, nous pourrions nous interroger sur la possibilité de reprendre ce tract à notre compte, malgré certaines de ses faiblesses et des divergences qui sont d’ordre secondaire dans le moment immédiat et dans les assemblées face aux syndicats et aux gauchistes[3].
Nous l’aurions probablement fait… avant la guerre en Ukraine. Car, il est un élément fondamental qui est absent des prises de position du CCI et, bien sûr, des gauchistes : la réalité et l’actualité de la guerre impérialiste en Europe, en Ukraine et surtout de la marche à la guerre impérialiste dans laquelle la bourgeoisie de tous les pays essaie d’entraîner les populations et surtout le prolétariat. Car les attaques économiques contre lesquelles les prolétaires tendent à réagir, un peu partout dans le monde, particulièrement en Europe occidentale, ne sont plus déterminées seulement pour les besoins de la concurrence économique entre capital national, baisser le prix de la force de travail, des salaires, et donc des marchandises produites, et plus largement pour le maintien a minima du profit capitaliste, mais aussi et de manière exponentielle pour les besoins de la guerre. Le 13 juin dernier, le président Macron n’appelait-il pas au développement d’«une économie de guerre dans laquelle (…) nous allons durablement devoir nous organiser» et pour laquelle chaque bourgeoisie nationale va exiger que son prolétariat accepte des sacrifices additionnels et une plus grande exploitation du travail ? L’Allemagne n’a-t-elle pas décidé de se réarmer massivement ? Partout, dans tous les pays, la relance de la production d’armes et de l’industrie militaire est à l’ordre du jour.
Ce sont ces exigences pour la préparation économique, mais aussi politique et idéologique, de la guerre impérialiste généralisée qui déterminent le terrain et les moments des confrontations entre prolétariat et capital. Si le prolétariat, à commencer par ses minorités politiques d’avant-garde, ne prend pas en compte que le capitalisme prépare la guerre impérialiste généralisée et que toutes les attaques que nous allons subir, et que nous subissons déjà, l’inflation et l’explosion des prix de l’énergie, sont un moment de la marche vers celle-ci, alors il ne réussira pas à se hisser au niveau des enjeux réels et à répondre à l’ampleur décuplée des attaques qu’il subit et va subir toujours plus. Car pour la bourgeoisie, toute revendication économique, toute lutte prolétarienne, va représenter un frein, un obstacle, une entrave, une résistance objective – quelle qu’en soit la conscience des prolétaires directement en lutte – à ses desseins guerriers. Le terrain et les conditions des attaques économiques, politiques, idéologiques et l’usage de la répression s’en trouve, et s’en trouvera toujours plus, inévitablement modifié. Concrètement, l’ensemble de l’appareil d’État, à commencer par les syndicats, ne peut plus se contenter d’imposer des sacrifices d’ordre économique. Il va devoir aussi imposer au prolétariat l’adhésion idéologique et politique à la marche vers la guerre généralisée.
Voilà pourquoi le tract du CCI n’est pas à la hauteur de la situation historique même s’il peut sembler à première vue répondre à la situation immédiate. Voilà pourquoi l’initiative de constitution de comités de lutte No War But the Class War [pas de guerre si ce n’est la guerre de classe] appelant les prolétaires à combattre et lutter pour la défense de leur condition de vie et de travail face à la marche à la guerre généralisée correspond à la situation historique, en tant que première réponse et moment de la préparation de la réponse prolétarienne ([4]) à la situation historique dramatique qui s’ouvre brutalement et si rapidement.
Dans l’immédiat, pour notre part et dans la mesure de nos forces, nous diffusons le tract ci-joint – reprenant la première partie de ce communiqué – et appelons tous les camarades ou cercles en accord avec son contenu et ses orientations à le reprendre, l’imprimer, voire à s’en servir comme référence, pour leur propre intervention ou bien encore à rejoindre la nôtre.
Par GIGC, le 16 octobre 2022
NOTES
[1]. Selon le site web rapportsdeforce.fr, des mobilisations, souvent des grèves, se sont développées depuis juin dernier jusqu’à aujourd’hui dans les secteurs de l’énergie, de l’industrie électrique et gazière (entreprises RTE, Storengy, Elengy, Grdf), dans l’agro-alimentaire, dans l’automobile (Stellantis, ex-PSA et ex-Fiat-Chrysler), parmi de nombreux sous-traitants de l’aéronautique ; dernièrement dans les transports urbains, à Metz, à Dijon, à Saint Nazaire. De même, et depuis la rentrée, le mécontentement tend à s’exprimer dans le secteur de l’éducation, en particulier dans l’enseignement professionnel, et des journées de grève ont touché nombre de services sociaux, comme les créches à Paris. Les appels à la grève pour le 18 octobre se sont multipliés ces derniers jours au-delà de ces secteurs et entreprises.
[2]. cf. nos prises de position lors des dernières mobilisations de masse en France : 2016 : http://www.igcl.org/France-Contre-le-gouvernement-et-l ; et 2019 : http://www.igcl.org/2e-communique-sur-les-greves-en.
[3]. Et cela malgré et surtout « au-delà » du fait que cette organisation considère le GIGC comme un groupe parasite, composés de « flics », de « gangsters », de « maître-chanteurs », de « voyous » et de « charognards aux méthodes nazies et staliniennes ».
[4]. En collaboration avec les membres de la TCI en France, nous espèrons bien pouvoir constituer assez rapidement un comité NWBCW prochainement, comme nous l’avons fait à Montréal, ou bien encore comme nous le faisons avec d’autres camarades à Toronto. Pour l’heure et à notre connaissance, des comités NWBCW se sont constitués en Grande-Bretagne, aux États-Unis ou encore en Italie. Nul précipitation ou urgence absolue pour leur constitution : la période de marche à la guerre impérialiste généralisée que la guerre en Ukraine a ouvert, qu’elle finisse pas cesser ou non n’y changera rien, ne fait que commencer et la question de la guerre et ses conséquences sur les prolétaires commencent à peine à se faire sentir.
Versão em Língua Portuguesa:
https://queonossosilencionaomateinocentes.blogspot.com/2022/10/nao-guerra-imperialista-sim-guerra.html