Actualite économique

CAPITAL FICTIF, INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL FIXE, LE SERPENT SE MORD LA QUEUE

Par Gérard Bad 2023.

Cet article est aussi disponible en anglais, en italien et en espagnole ici:
Articles du 26 et 27 mars[25296]

Titre original: -LE CAPITAL FICTIF, L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET LE CAPITAL FIXE, LE SERPENT SE MORD LA QUEUE.

 Voila un sujet qui va faire couler beaucoup d’ encre, en effet si jusqu’à présent l’outil était dans le prolongement de la main et la je pense aux premiers tailleurs et sculpteurs de pierre qui nous ont laissé leurs œuvres il y a plus de 3000 ans avant JC. Depuis, l’instrument de travail ne cessera de se perfectionner pour aboutir au système de la machinerie.

L’ émergence du système des machines.

Voici ci dessous ce que Marx explique en mettant l’ accent sur le fait que la valeur d’usage et sa nature physique vont muter de capital variable à capital fixe. Aussi cette évolution fait que la domination du capital qui n’ était que formelle devient réelle.

 « Étant ainsi accueilli dans le procès de production du capital, l’instrument de travail subit encore de nombreuses métamorphoses, dont l’ultime est la machine, ou mieux le système automatique des machines, mû par un automate qui est la force motrice se mettant elle-même en mouvement. (Le système de la machinerie : ce n’ est qu’en devenant automatique que la machinerie trouve sa forme la plus achevée et la plus adéquate, et qu’ elle se transforme en système) (312).

Cet automate se compose de nombreux organes mécaniques et intellectuels, ce qui détermine les ouvriers à n’ en être plus que des accessoires conscients.

Dans la machine – et davantage encore dans le système de la machinerie automatique– le moyen de travail est transformé, jusque dans sa valeur d’usage et sa nature physique, en un mode d’ existence correspondant au capital fixe et au capital en général. La forme revêtue par l’ instrument de travail immédiat, au moment où il a été recueilli dans le procès de production capitaliste, est abolie elle est désormais conforme au capital lui-même, et son produit. La machine n’ a plus rien de commun avec l’ instrument du travailleur individuel . Elle se distingue tout à fait de l’ outil qui transmet l’ activité du travailleur à l’objet. En effet, l’activité se manifeste bien plutôt comme le seul fait de la machine,l’ouvrier surveillant l’ action transmise par la machine aux matières premières et la protégeant contre les dérèglements. » (Marx « Grundrisse » 3, Chapitre du Capital ,ed.10/18, p.326)

 Aussi la grande révolution industrielle va t’ elle par strates successives et dans de nombreux secteurs remplacer la force physique des hommes par celle des machines. A partir de ce moment il sera possible de faire travailler femmes et enfants1. Le « système des machines » va se perfectionner en permanence donnant naissance à des types d’ exploitation de plus en plus productif sous le nom de taylorisme, fordisme, toyotisme…2tous dans le prolongement de la main. Puis va poindre une nouvelle invention , l’ ordinateur, un grand calculateur qui ne semblait pas véritablement dangereux, il était même devenu la cible première des grévistes en cas d’occupation des locaux. Il faudra attendre la dite révolution informatique des années 1970 pour que la micro-informatique vienne bouleverser le travail du tertiaire et apparaître comme une machinerie dans le prolongement du cerveau humain.

 L’intelligence artificielle (IA) ou le cerveau humain assisté par ordinateur.

 Il s’ agit maintenant d’un outil dans le prolongement du cerveau humain, nous pouvons certainement trouver des traces historiques de cette volonté humaine de suppléer aux limites du cerveau. Par exemple l’ écriture fut à ce niveau une tentative de mémoriser l’histoire. Puis l’économie se développant l’homme se devait de tenir une comptabilité d’où des systèmes de calculs qui au final vont donner la calculette et les ordinateurs (les premiers assistants du cerveau humain). Dés lors ce n’ est plus seulement la classe prolétaire qui va se trouver potentiellement hors jeu, mais une grande partie du secteur tertiaire et de travailleurs indépendants…Ce que l’on appelle la classe moyenne.

Le monde du précariat et des surnuméraires allait dorénavant s’étendre à ces classes moyennes comme nous le verrons plus loin. A ce stade il semble qu’il ne sera plus possible au capitalisme de trouver une porte de sortie productiviste, le serpent se mort la queue les forces productives ne sont plus que des forces destructives (les guerres comme débouché) . Sur ce point nous sommes d’ accord avec N Trenkle qui fait cette distinction.

« Cette crise se distingue de toutes les grandes crises capitalistes précédentes en ce qu’elle ne peut, cette fois, être surmontée par une expansion accélérée de la base industrielle : le niveau de productivité actuel, qui continue d’augmenter constamment, fait que même l’ouverture de nouveaux secteurs de production (téléviseurs à écran plat, téléphones mobiles etc.) ne crée aucun besoin supplémentaire de force de travail, mais permet tout au plus de freiner quelque peu l’expulsion massive du travail vivant hors de la production. » (Norbert Trenkle, Le travail à l’ ère du capital fictif.)

 C’ est ce que le premier State Of The World Forum,constatera en 1995. Sa conclusion était que 80% des producteurs n’était plus nécessaire pour faire tourner l’ économie monde , Z. Brzezinski à San Francisco.3 et son tititainement.

Ce n’est certes pas une nouveauté de constater que la machinerie exclue la force de travail des usines. Dés le début de son œuvre critique du capitalisme Marx se prononce pour dire que la machinerie est l’ ennemi de la classe ouvrière. Alors que durant toute la période de la manufacture le travailleur se trouve sous la domination formelle du capital, avec l’ ère de la grande industrie, il va subir la domination réelle de celui-ci. De ce fait il va voir sa force de travail qui n’ est qu’une marchandise se dévaloriser car en concurrence permanente avec la machinerie, l’ homme n’ est plus rien il n’ est plus que la carcasse du temps écrira Marx. A ce stade il déclare :

« Le travail ne semble plus vraiment faire partie du processus de production ; au contraire, l’être humain devient davantage un surveillant et un régulateur de ce processus. (…) Il se retire du processus de production au lieu d’en être l’acteur principal. Dans cette transformation, ce n’est ni le travail humain direct qu’il réalise lui-même, ni le temps pendant lequel il travaille, mais plutôt l’appropriation de son propre pouvoir productif en général, sa compréhension de la nature et de sa maîtrise par lui-même comme un ensemble social – c’est, en un mot, le développement de l’individu social qui apparaît alors comme la pierre angulaire de la production et de la richesse. Le vol du temps de travail de l’autre, sur quoi la richesse actuelle est basée, apparaît comme une base misérable comparée à cette nouvelle fondation, crée par la grande industrie elle-même. (Marx « Grundrisse » 3, Chapitre du Capital ,ed.10/18, p.342)

Le temps de travail ne servirait plus à mesurer la richesse, et la production de richesse ne serait plus créée en premier lieu par le travail humain direct, le processus de production dominé par le travail vivant s’effondre et le travail mort le remplace :

 « L’accumulation du savoir, de l’habileté ainsi que toutes les forces productives générales du cerveau social sont alors absorbées dans le capital qui s’oppose au travail : elles apparaissent désormais comme une propriété du capital, ou plus exactement du capital fixe, dans la mesure où il entre dans le procès de travail comme un moyen de production effectif. La machinerie apparaît donc comme la forme la plus adéquate du capital fixe… » Grundrisse

 Ce qui veut dire que la part du travail humain qui se cristallisait dans la production d’ objets devient de plus en plus petite voir inexistante,de plus en plus d’ entreprises sont entièrement non seulement automatisées mais incluses dans une globalité mondiale ( exemple l’entreprise Lego). A ce stade le capitalisme est face à lui même et ne peut valoriser son capital qu’en détruisant ses concurrents, la dite course aux parts de marché.

 « Dès lors que le travail sous sa forme immédiate a cessé d’être la grande source de la richesse, le temps de travail cesse et doit nécessairement cesser d’être sa mesure et, par suite, la valeur d’échange d’être la mesure de la valeur d’usage. Le surtravail de la masse a cessé d’être la condition du développement de la richesse générale, de même que le non-travail de quelques-uns a cessé d’être la condition du développement des puissances universelles du cerveau humain.

Cela signifie l’écroulement de la production reposant sur la valeur d’échange, et le processus de production matériel immédiat perd lui-même la forme de la pénurie et de la contradiction. C’est le libre développement des individualités, où l’on ne réduit donc pas le temps de travail nécessaire pour poser du surtravail, mais où l’on réduit le travail nécessaire de la société jusqu’à un minimum, à quoi correspond la formation artistique, scientifique, etc., des individus grâce au temps libéré et aux moyens créés pour eux tous.(Grundrisse, Fragment sur les machines Karl Marx,  Manuscrits de 1857-1858 (« Grundrisse ») Les Éditions sociales, Paris, 2011, p. 660-662 Traduction de Jean-Pierre Lefebvre (modifiée)

Depuis la parution des « Adieux au prolétariat » d’ André Gorz de nombreux débats se font autour de la loi de la valeur et de la disparition à court et moyen terme du prolétariat. Cependant force est de constater que depuis Marx, la classe prolétarienne n’ a cessée de se développer. Actuellement la classe prolétarienne est en expansion relative dans le monde. Mais son amenuisement et sa disparition en tant que classe productrice de valeur d’ échange (marchandises et services) est inscrite sur les tables de la loi du capitalisme et l’ IA qui est notre sujet n’ est qu’un clou de plus au cercueil du prolétariat et du capitalisme qui sans extraction de plus-value cesse d’ être du capital.

 Comme le soulignait la Gazette des mines, en 2015, tant au niveau du capital global qu’ au niveau de la France, il n’est pas constaté une chute du salariat.

« Le travail “à la tâche” est aujourd’hui de plus en plus visible :livraison, prestations intellectuelles, services à la personne, etc. L’essor des plateformes, dont la plupart font appel au travail non-salarié, conduit d’ailleurs certains à parler d’ ubérisation de l’économie. Pourtant, le salariat est loin de disparaître. Il n’a même presque jamais été aussi majoritaire : il représentait 6 % de l’emploi total en 1900, 65 % en 1950, 85 % en 1989 et 89,65 % au 31 décembre 2015. Durant les vingt-cinq dernières années, la proportion des non-salariés dans l’emploi total n’a pas évolué de manière significative, même si, après 2009, on peut observer un très léger regain (8,79 % de l’emploi total, point bas historique, en 2001, contre 10,35 % en 2015) . Si on considère les pourcentages par secteurs d’activité, on observe que ce faible mouvement est essentiellement lié à la contribution du secteur tertiaire à l’emploi non-salarié : 5,30 % de l’emploi total en 2001, 7,11 % en 2015. » (La Gazette des mines N°94-Novembre 2017)

Voyons si depuis 2015 la part des non salariés et auto-entrepreneurs se développe, selon

L ‘observatoire des auto-entrepreneurs

« Les statistiques de l’INSEE en ce début d’année montrent l’intérêt toujours croissant des créateurs pour ce régime, caractérisé par sa simplicité et son accessibilité. Les chiffres, arrêtés à la fin du 2e trimestre 2022, montrent tous les indicateurs au vert, et à l’échelle de toute la France métropolitaine. Si nombre d’entre vous dégagent de leur entreprise un revenu modeste, en baisse d’après notre sondage de fin d’année 2022, la croissance du chiffre d’affaires moyen des microentreprises grimpe pourtant, d’après l’INSEE, à un niveau encore jamais atteint dans l’histoire du régime ! »

Ces 2,5 millions de microentrepreneurs actifs recensés par l’INSEE fin juin 2022 représentent sur un an :

  • 12,2 % d’entreprises actives supplémentaires (272 000) ;
  • 692 000 immatriculations.
  • Immatriculations en hausse

Le nombre de nouvelles immatriculations représente 34,1 % de plus qu’à la même période en 2019, avant la crise sanitaire de la Covid-19.

Même si cette croissance est ralentie de 4,4 % par comparaison avec l’année précédente, marquée par le fort rebond engendré par la sortie de la crise sanitaire.

Si l’on en juge par l’ INSEE https://www.insee.fr/fr/statistiques/2424696

 

stats

 

Note : pour chaque année, l’emploi est mesuré en fin d’année, c’est-à-dire lors de la dernière semaine de décembre.

  • Lecture : fin 2021, 26 583 500 personnes occupent un emploi salarié et 3 282 100 personnes occupent un emploi non salarié.
  • Champ : France hors Mayotte, au lieu de travail ; données brutes.
  • Source : Insee, estimations d’emploi.

Nous voyons, rien qu’ avec le tableau ci dessus que la fin du salariat n’ est pas pour demain, mais ce qui change c’ est la nature des emplois,la démultiplication des contrats de travail en CDI précaires comme le zéro heure.

Les branches économiques qui seront touchées par l’ IA.

 Jusqu’à présent le capitalisme a surmonté ses crises par des « destruction créatrice » et les pertes d’emplois ont été tant bien que mal compensées par la création de nouveaux métiers. Les « dégâts du progrès »4 se sont de ce fait limités à la composition organique des emplois, par exemple dans les assurances, les services archives, central dactylos5 et mécanographique ont disparu après avoir généré des grèves importantes. De nouveaux métiers sont venus compensés ces disparitions d’ emplois, alors que le rapport Nora Minc (dec 1977) sur l’informatisation de la société prévoyait une baisse des effectifs de 30% , des années après les effectifs dans les assurances sont restés stables, seules les banques accusent un repli.

  « Avec la télématique, le secteur des services va connaître dans les années à venir un saut de productivité comparable à celui qu’on vécu depuis vingt ans l’ agriculture et l’industrie » (Rapport Nora Minc,Mai 1978,page 35)

 Si nous nous référons à l’observatoire des emplois de la banque et celui de l’ assurance, seuls les organismes financiers ont depuis 2007 amorcés une chute des effectifs. Voir le tableau ci-dessous :

 

Evolution des effectifs Banques Assurances 1980 -2020
Année Assurances Banques Année Assurances Banques
1980 140 000 427 000 2005 143 700
1985 155 000 462 000 2010 147 500 371 400
1990 160 000 461 000 2015 147 100 371 600
1995 156 000 446 000 2020 149 100 354 000
2000 354 000 2021 153 000
Les effectifs de la Banque de France ont été réduits de plus de 12% sur les dix dernières années. En 2005, elle comptait près de 14.000 salariés.(avec AFP)

 

Le tableau révèle une baisse nette des effectifs dans les banques de 118 000 salarié depuis 1985, dans les assurances les effectifs restent stables sur la même période. Ce qui a changé c’est la structure des emplois dans les assurances et la banque, tous les emplois de petites catégories ont été supprimés ou externalisés, la proportion de cadres est devenue majoritaire. Confrontées aux taux bas qui rognent leurs marges, à l’émergence de nouveaux acteurs, à l’essor du numérique et à la pression réglementaire, plusieurs banques se restructurent, dont Société Générale, Natixis ou HSBC France.La fusion (interne au groupe Société Générale) entre les réseaux Société Générale et Crédit du Nord va se solder par la suppression de 600 agences. Et les syndicats redoutent jusqu’à 5.000 suppressions de postes à horizon 2025.

 Les banques étrangères ne sont pas en reste.

 En Allemagne, entre fin 2010 et 2019 , le plus important secteur bancaire de l’ UE a perdu

78,500 emplois (657.100 en 2010 contre 578,596 en 2019) selon la Fédération bancaire européenne (EBF)

Aux Pays-Bas, c’est plus de 61.000 emplois qui seront supprimés entre 2010 et 2019, soit près d’un sur deux.

En Espagne Le contexte est aussi très perturbé en Espagne où se multiplient les fusions entre banques, mais aussi les suppressions de postes. Dans ce pays touché de plein fouet par les deux crises de 2007 et 2011, la réduction a été de 90.268 emplois, faisant tomber l’effectif total à 173.447 personnes à fin 2019.

En Italie, Selon ces mêmes données, celle-ci a perdu 38.730 emplois sur la période.

Dans les assurances

Les effectifs du secteur ont crû d’un peu plus de 2 % entre 2020 et 2021, à 153.000 salariés, malgré l’augmentation du nombre de départs sur la période.

Le CDI est devenu lui même un contrat précaire.

Comme nous l’ avions mentionné dans Salariat et contractants de « la nouvelle économie ».

du 17 août 2020, le Contrat à Durée Indéterminé CDI est devenu lui même un contrat précaire. Actuellement 40% des CDI durent moins d’une année, c’ est de plus en plus l’ exploitation flexible, sans temps mort, voir à la tâche. Les jeunes de 15-25 ans, vivent directement les mutations en cours : ils ne sont plus que 45 % à avoir un CDI, alors qu’ils étaient plus de 77 % dans les années 1980. Ils enchaînent les petits jobs précaires moins de trois mois en CDD ou intérim qui représentent actuellement neuf embauches sur dix.

L’INSEE confirme d’ailleurs que le taux de conversion de CDD en CDI est passé de 62 % en 1982 à 25 % en 2011 : alors qu’en 1982, plus d’un salarié en CDD sur deux se voyait proposer une embauche en CDI, ils n’étaient plus qu’un sur cinq en 2011.

La part des travailleurs CDI à temps partiel a également progressé . En 2015, 18,8 % des travailleurs sont à temps partiel alors qu’ils n’étaient qu’à peine 8 % en 1975. Même si le CDI est toujours prédominant, celui-ci prend de plus en plus un virage de contrat précaire ; CDD d’usage, CDD senior, CDI intermittent, portage salarial, groupements d’employeurs, temps partagé, prêt de personnel, détachement de salariés…via le travail à la petite semaine et le fameux Zéro heure, et le développement de la pluriactivité pour survivre..

La pluriactivité se développe.

Selon les statistiques de la (DARES) le nombre de travailleurs qui déclarent travailler pour plusieurs employeurs ou exercent plusieurs professions était de 1,4 million en 2014. Parmi eux, 1,2 million sont salariés dans leur profession principale et 200 000 se déclarent pluriactifs en exerçant une activité non-salariée à titre principal. Cette pluriactivité est majoritaire chez les temps partiels.

L’ embauche exclusivement à temps partiel, contraint les salariés à se trouver un job complémentaire pour avoir de quoi vivre. Le secteur de l’ agriculture et ses emplois saisonniers, comptait fin 2018, 43 000 travailleurs à temps partiel pluriactifs.

La précarité et la loi El Khomri dite loi travail.

Un important mouvement social contre la loi Travail, va se manifester en mars 2016 contre la dite loi El Khomry du nom de la ministre du travail. Cette loi va malgré de nombreuses manifestations6 passer en force. Elle sera adoptée le 21 juillet, après que Manuel Valls Premier ministre, ait eu recours pour la troisième fois, à l’ article 49,3 de la Constitution, il permet l’ adoption d’une loi sans vote parlementaire. Cette loi qui précarise les contrats de travail a été publiée au Journal Officiel le 9 août 2016.

L’ adoption en force de la loi travail, engendre une scission parmi les socialistes, une partie qui sera qualifiée de « frondeurs », s’oppose à cette loi .

Les Républicains et l’UDI déposent une motion de censure, rejetée. Quand aux « frondeurs »ils ne parviendront pas à déposer leur propre motion de censure, ne réunissant que 56 signatures sur les 58 nécessaires. La loi El Khomri sera définitivement adoptée le 20 juillet 2016.

Les actions dorénavant se poursuivront pour le retrait de la loi travail 7, nous assistons au même scénario aujourd’hui avec la loi pour la retraite à 64 ans.

La loi Travail, fait suite aux directives européennes, qui veulent une dérégulation du monde du travail, une désinflation salariale. La loi El Khomri, va soulager les entreprises de leurs charges fiscales, fera chuter le coût du travail (diminution du paiement des heures supplémentaires et du travail nocturne et réduction du coût des licenciements). Cette offensive du capital se poursuit actuellement avec la retraite à 64 ans.

DE LA LOI EL KHOMRI AU RAPPORT BADINTER VIA LES ORDONNANCES MACRON ET LA LOI SUR LE TÉLÉTRAVAIL

Destruction créatrice : l’IA va-t-elle créer de l’emploi ?

De nombreuses interrogations font débat sur ce sujet, bien qu’il soit évident que l’ IA va créer des emplois la question est bien plutôt de savoir si elle va en créer plus qu’ elle ne va en détruire.

Selon les experts d’Accenture et McKynsey, l’IA va engendrer une création massive de nouveaux métiers. Ceci étant ces nouveaux métier se payent, un ingénieur en intelligence artificielle8 peut prétendre toucher un salaire mensuel brut de 3300 euros à 4200 euros en début de carrière. Il est peu probable que les prévisions d’embauche du World Economic Forum se réalisent selon un rapport , l’IA serait créatrice de 97 millions d’ emplois d’ici 2025. Il ne faut pas perdre de vue que les nouvelles technologies agissent principalement dans la sphère de circulation du capital, celle de sa dévalorisation et de ses faux frais, que l’ IA pense pouvoir réduire.

Selon Pascal Bianchi de Télécom Paristech, «  l’IA est une lame de fond qui provoque une mutation très profonde des métiers et des compétences » . Tous les secteurs auront besoin de spécialistes de l’intelligence artificielle : transport, santé, énergie, banques, assurances…Seulement il y a un nouveau concurrent qui fait son apparition, le consommateur.

Le travail du consommateur ou économie collaborative.

Dans une brochure « la sphère de circulation du capital » publié en l’ an deux mille nous avons mis en garde d’une tendance nouvelle qui devrait s’ accentuer avec les nouvelles technologies.

 « La société self service à le pouvoir de déguiser la soumission, l’exploitation et même la servitude en liberté. Le libre-service, ce système a, à première vue, un immense avantage, il supprime les domestiques ( illustration le poinçonneur des lilas). Plus besoin de serveurs, de vendeurs, de contrôleurs. Le problème ( sans charges sociales) est reporté sur le consommateur qui devient un domestique, « libre » et « payant » qui va effectuer un travail gratuit  et même qu’il devra payer pour ce travail les accès au Minitel, internet…. Nous devenons des serveurs, des vendeurs, des banquiers, des assureurs, des pompistes, des poinçonneurs, des téléphonistes, des portiers, des assembleurs Kilt, des hôteliers…plus le travail devient simple, plus il est possible de l’externaliser sur l’utilisateur. »

Dans le même temps Marie-Anne-Dujarier élaborait sa thése sur le « travail du consommateur » puis son livre du même nom en  2014.

« Nous assistons à l’essor d’une deuxième configuration de coproduction. Il s’agit d’un modèle collaboratif dans lequel l’entreprise procède à une captation d’activités à valeur ajoutée, que

le consommateur consent, éventuellement avec enthousiasme, à fournir gratuitement. Il travaille ici volontairement et bénévolement à créer de la valeur pour l’entreprise en lui offrant des informations,comportements, inventions, productions personnelles et même des œuvres. Ici, hors cas de captation extorquée, le consommateur coproduit pour vivre l’expérience du travail comme occasion de développement pratique, social et subjectif.

Les technologies numériques et en réseau ont permis l’invention et la mise en œuvre du « crowdsourcing ». Ce néologisme inspiré de « outsourcing » (la sous-traitance) signifie littéralement « approvisionnement par la foule ». Le procédé a été ainsi baptisé par Jeff owe en 2006 dans la revue californienne Wired [20]. Alors que le premier modèle de coproduction consistait à «repousser » vers le consommateur des tâches standardisées et répétitives, le crowdsourcing,à l’inverse, consiste à « aspirer » dans la foule de consommateurs des informations et productions à forte valeur ajoutée. Comme le précise J. Howe, cette « main-d’œuvre » non rémunérée (ou très modestement) coûte moins cher que le moins bien payé des salariés,« qu’il soit indien ou chinois ». Les talents servent à inventer des biens, tester des idées d’entreprises ou de produits, faire de la recherche ou créer des bases d’images libres de droits…Nous connaissions déjà ce type de coproduction avec les « biens conviviaux » traditionnels. Pour certains loisirs (vacances en groupe, clubs thématiques.…), comme dans l’usage des transports publics,typiquement, les consommateurs contribuent à produire le service qu’ils achètent. Ce modèle de coproduction connaît un développement exponentiel depuis qu’il est soutenu et organisé par les technologies en réseau et le marketing collaboratif. Il est émergent et encore tout à fait instable. Tentons néanmoins d’en examiner la forme organisationnelle et sociale. (P 87-88 Dujarier)

Afin de poursuivre le débat sur ce nouveau type d’exploitation, il faut absolument lire le livre de Marie Anne Dujarier.


En conclusion : Nous ne partons pas de rien sur le plan tant théorique que pratique. Des 1981 Loren Goldner dans son Précis d’analyse marxiste du mode de production va s’ en prendre au marxisme ricardien, il expliquera comment lire et étudier le Kapital. Nous avons aussi tout le monumental travail de Lewis Mumford sur le développement de la machinerie à mettre en rapport avec les nouvelles technologies aujourd’hui. Toute l’ étude de Chris Harman « Une histoire populaire de l’ humanité » une base solide pour le matérialisme dialectique. Voir l’ apport de joao Bernardo sur le prolétariat « Classe ouvrière…ou travailleurs fragmentés ? »  « Transnationalisation du capital et fragmentation du prolétariat (chapitre 1) ». Le monumental travail de Moishe Postone « Temps de travail et domination sociale ».

Aussi celui de Anne Marie Dujarier sur le travail du consommateur, c’est à dire le travail gratuit. Celui de Tom Thomas, bien qu’il reste attaché au « marxisme léninisme maoiste ». Nous avons un nouveau venu le groupe Orage très perspicace dans ses études, mais que nous critiquons par ailleurs. Pour le moment nous continuons à considérer que le capitalisme se trouve dans la situation ou chaque progrès technique appliqué dans une branche d’industrie, visant à augmenter la plus-value relative a pour conséquences de dévaloriser toute une partie de capital fixe rendu de facto obsolète, c’est à cela que nous assistons à grande échelle actuellement avec le « capitalisme dit de plateforme et l’IA ». Celui-ci se présente comme un sauveur qui est en mesure de liquider les faux frais du capital en s’ attaquant à la sphère de circulation, celle de la dévalorisation permanente du capital.

Gérard Bad 2023


NOTES

1Voir le livre premier du Kapital ed. De Moscou, p.38 , l’ appropriation des forces de travail supplémentaires. Le travail des femmes et des enfants.

2Actuellement certains parlent de Teslisme.Modèle organisation industrielle inspiré par l’organisation mise en place par Elon Musk au sein de l’entreprise Tesla, caractérisé par une forte hybridation entre le monde numérique et le monde industriel.

3Du 27 septembre au 1er octobre 1995 , à l’hôtel Fairmont de San Francisco se tient le premier State Of The World Forum, l’objectif de la rencontre étant de déterminer l’état du monde, de suggérer des objectifs désirables, proposer des principes d’activité pour les atteindre et d’établir des politiques globales .

4En référence au livre de la CFDT « les dégâts du progrès » éditions Points, à l’ époque où la CFDT avait des velléités révolutionnaires

5L’année 1975: la grève des dactylos des AGP

En novembre 1975,la Compagnie d’assurance « les AGP » est aux prises avec une importante grève des dactylos qui va durer plus de six semaines. Un comité de grève très actif édite jour après jour une feuille sur les événements qui portait le titre de « En Lutte ». Après 5 semaines de grève, les employés des AGP se voient donner pour toute réponse l’intervention des CRS. Ceux ci envahissent l’entreprise, immédiatement, de nombreux employés descendent dans le hall pour manifester leur soutien aux grévistes. Très rapidement une manifestation s’organise à laquelle se joignent des travailleurs d’autres compagnies. Le lendemain la Direction se déclare prête à recevoir les grévistes. Le jeudi 15 novembre 1975 comme prévu la réunion va se tenir, comme elle traîne en longueur, les grévistes pénètrent en force dans la salle et une bagarre éclate à coups de pieds et de poings avec la direction et ses chiens de garde. Le lendemain la police occupe de nouveau l’entreprise et chasse tout le personnel (gréviste et non gréviste). Spontanément une nouvelle manifestation est organisée dans tout le quartier pour protester contre l’intervention policière et le Look out.

Le 17 novembre,  5000 personnes sont dans la rue et tout au long de la semaine des actions diverses seront entreprises.

 6A partir du début mars 2016, les syndicats organisent plusieurs journées d’action nationales. Ainsi le 9 mars à Paris et dans les grandes villes entre 224 000 personnes selon la police et 500 000 personnes selon les organisateurs défilent contre le projet de loi Travail. La mobilisation culmine le 31 mars 2016 : de 390 000 à 1,2 million de personnes manifestent dans toute la France.

7Plusieurs journées d’action nationales seront organisées pour obtenir le retrait du projet de loi. Le 26 mai 2016, 153 000 à 500 000 manifestants défilent, le 14 juin de 125 000 à 1,3 million et le 28 juin de 64 000 à 200 000. Un mouvement de grève débute également à partir du 19 mai 2016, touchant en particulier les raffineries et les dépôts de carburants qui sont bloqués pendant dix-huit jours. Les incidents violents se multiplient par ailleurs en marge des manifestations : des individus s’en prennent, parfois très violemment, aux forces de l’ordre.

8En 2018, Airbus a recruté 250 personnes dans les métiers du digital dont des rôles d’ingénieurs en intelligence artificielle ou d’experts en Machine Learning. La digitalisation et l’intelligence artificielle impactent en profondeur la robotique, la maintenance, l’architecture industrielle ou l’automatisation.

Robert Bibeau

Auteur et éditeur

2 réflexions sur “CAPITAL FICTIF, INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL FIXE, LE SERPENT SE MORD LA QUEUE

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