Quand les Ivoiriens voient clair

OLIVIER CABANEL —  En 1990 le premier Ministre de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara a redressé spectaculairement l’état de son pays. Un exemple dont le gouvernement français devrait s’inspirer.

Cet article est disponible en anglais, en italien et en espagnole ici:
Articles du 17 avril[26990]

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Cet ex-directeur du Fond Monétaire International a été engagé par Houphouët Boigny pour redresser les finances de son pays.
Alassane Ouattara, appelé ADO par ses fans, n’est pas n’importe qui.
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Né en 1942, à Dimbokro, près de Yamoussoukro, capitale de la Côte D’Ivoire, après de brillantes études, à obtenu un doctorat d’état en sciences économiques.
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Il devient le directeur du département Afrique et conseiller du directeur du FMI, puis gouverneur de la BCEAO (Banque Centrale de l’Afrique de l’Ouest), avant d’être appelé par le Président Ouphouet Boigny pour redresser le pays plongé dans une crise tragique.
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Comment s’y est-il pris ?
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Il a mené une politique de rigueur budgétaire draconienne en réduisant les salaires de tous les membres du gouvernement.
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Une certaine anarchie régnait dans le pays, car il était courant que des membres de l’administration ou du gouvernement perçoivent plusieurs salaires, et autres avantages.
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Il a aussi déclenché des audits pour plusieurs sociétés d’état.
Le salaire des Ministres a été baissé de 50%. Le prix du Gasoil a baissé de 100 fr cfa et la prime de transport des fonctionnaires a été réévaluée pour aller jusqu’à 7000 fr cfa suivant les zones.
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(Pour avoir une idée de l’importance de ces sommes : le smig était alors de 35,000 fr cfa)
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Ce plan d’austérité a été décidé en mars 1990 avec l’accord de la Banque Mondiale et du FMI prévoyant notamment la baisse des salaires du service public et le prélèvement d’une contribution de solidarité dans le secteur privé.
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A titre d’exemple, Il a privé de leurs belles voitures des collaborateurs qui avaient tendance à abuser des privilèges que leur permettait l’exercice du pouvoir.
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Il a organisé la vente des voitures de services à leurs principaux utilisateurs, provoquant une économie des frais d’entretien et la disparition des bons d’essence.
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La détermination d’Ouattara permit aussi de récupérer des arrièrés d’impots au grand dam des commerçants de la communauté libanaise.
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A lire, « la Côte d’Ivoire : de la déstabilisation à la refondation » (Marie-France Jarret et Francois Régis Mahieu, éditions de l’Harmattan, janvier 2002).
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On est loin des discours, des promesses et des actes de notre actuel Président, qui propose aux Français de se serrer la ceinture mais qui garde l’augmentation de 206% de salaire qu’il s’est généreusement octroyé.
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Sarkozy ne se choque pas de voir le budget du gouvernement passer de 32 millions d’euros à près de 130 millions en 2008.
La présidence sarkozienne emploie 957 personnes.
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Sous Chirac les dépenses en déplacements à l’étranger ou en province étaient de 10 millions d’euros par an : elles viennent de passer à 15 millions.
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Savez vous qu’un sénateur coûte à l’état 2557 € par jour, et un député 2384 € par jour (lorsque l’on ajoute tous les avantages prévus aux salaires) ?
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Quant aux ministres, si l’on prend l’exemple de Rachida Dati, son budget se montait à 200 000 € depuis mai 2007, et elle a du demander une rallonge de 70 000 € pour « finir l’année ».
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Revenons à Alassane.
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Il finit par assainir en quelques mois les finances publiques et sera ensuite écarté de l’élection présidentielle par la cour suprème ivoirienne. Certains y voient le fruit d’un arrangement politique entre l’actuel Président et le général Robert Guéi.
Aujourd’hui un certain désordre règne de nouveau en Côte d’Ivoire.
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Le Président au pouvoir sait qu’il pourrait bien perdre sa place, au profit de Ouattara très populaire dans les sondages.
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Il a tenté de l’empêcher de se présenter, prétextant qu’il n’est pas ivoirien, lançant une campagne de calomnie, mettant des doutes sur l’origine de la fortune de celui-çi et maintenant il repousse régulièrement l’échéance électorale malgré les pressions mondiales.
Car comme disait un vieil ami africain :
« Il est plus facile de trouver le mensonge que la vérité ».
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5 réflexions sur “Quand les Ivoiriens voient clair

  • 17 avril 2023 à 0 h 12 min
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    J’ai un ami ivoirien qui n’est pas du tout, pas du tout d’accord avec vous, Monsieur Cabanel. Je vous assure qu’il ne porte pas Ouattara dans son cœur. Pour quelles raisons ? Ce serait à lui de le dire. Je ne suis pas ivoirien.

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  • 17 avril 2023 à 5 h 21 min
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    « …/… Ce plan d’austérité a été décidé en mars 1990 avec l’accord de la Banque Mondiale et du FMI…/… ».

    Chaque fois que le FMI et/ou la Banque Mondiale sont impliqués dans un assainissement ou une restauration, quel que soit l’Etat concerné, il y a anguille sous roche.
    Donc, que Ouattara ait eu recours à
    « l’accord » de ces deux organisations pose question quant aux tenants et aboutissants desdites interventions.
    Leur soutien aux politiques économiques via une coopération financière qui « va assurer le bien-être économique » est leur credo et l’indispensable rideau de fumée qui masque une tout autre réalité.

    De par ses fonctions, Mr. Ouattara est rompu à ce genre de méthodes. Quant au peuple, il reste l’habituel dindon de la farce.

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  • 17 avril 2023 à 9 h 56 min
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    @ Nadine

    En effet, il y a anguille sous roche…et voici l’anguille.

    La mondialisation de l’économie capitaliste – c’est-à-dire l’extension du mode de production capitaliste à la Terre entière – entraîne une nouvelle division du travail salarié et de l’exploitation des ressources par ce travail salarié…au bénéfice du Grand capital mondial.

    Ainsi, par exemple, l’extraction des ressources premières se concentre davantage en pays de la périphérie (pays du tiers monde) de même que le travail de transformation de ces ressources (délocalisation industrielle disent les économistes bourgeois)…et voici qu’apparaissent un peu partout dans le tiers-monde des pays dit industriellement ÉMERGENTS.

    En fait, des pays qui sont transmutés de l’état de pourvoyeurs de travail primaire et de matières premières brutes-non-ouvrées, en pays industriels secondaires mécanisés producteurs de plus value – tandis que les anciennes puissances industrielles – coloniales – se transforment en pays du tertiaire parasitaire et financier- spéculateur et non producteurs de plus value et consommateurs de dividendes à outrance…cherchant à maintenir leur taux de profit moyen…

    La Côte d’Ivoire est un exemple caractéristique de cette nouvelle division internationale du travail sous le mode de production capitaliste à son stade impérialiste décadent.

    Tous auront compris que cette mutation économique et financière d’ex-pays sous développé – coloniaux arriérés en nouveaux Phénix industriels mécanisés entraîne la nécessité de transformer l’ensemble de l’État colonial spoliateur et répressif – dont le gros du budget était stipendié par les colonels locaux du capital et leurs familles – en un État exploiteur moderne assurant un minimum de services sociaux à une main d’oeuvre plus nombreuse, mieux formée et donc plus cher à entretenir et à manager… d’ou les largesses offertes par Outarra aux apparatchiks et aux employés de l’État – l’ordre rétabli parmi le fonction publique, le développement de filières scolaires requises par les industriels exploiteurs, les services sanitaires élémentaires afin de protéger et soigner cette main d’oeuvre salarié qualifié et donc couteuse à produire et à entretenir…Ne pas oublier que sous le capitalisme la main-d’oeuvre aussi est une marchandise ayant un prix moyen qui dépend de son coût de production.

    Bref, au cours des vingt dernières années nous venons d’assisté à la transformation d’un pays du tiers monde sous développé en un pays du tiers monde industrialisé et « émergent », à la transformation d’un pays de ressources primaires et de serfs paysans en un pays de production et de transformation de matières ouvrées et d’exploitation de travailleurs salariés avec sa couche de bourgeoisie locale primaire-foncier-secondaire-industriel-tertiaire-de service…y compris financier parasitaire et spéculatif.

    Cette bourgeoisie locale en expansion se bat aujourd’hui pour devenir l’intermédiaire indispensable pour l’exploitation locale de la main d’oeuvre locale. C’est ce qui explique son rejet des anciennes puissances coloniales traditionnelles (Britannique-France-Allemagne-Belgique-USA) et leur appétence pour les nouvelles puissances impériales (Chine-Russie-Inde-Iran)…dont ils seront inmencablement déçus.

    Outarra est le guignole qui ordonne cette mutation ivoirienne… y voyez-vous plus clair maintenant ???
    Rappelez-vous qu’il y a un Outarra dans chaque pays du tiers monde…en Afrique, en Amérique latine et en Asie.

    Robert Bibeau

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    • 18 avril 2023 à 15 h 36 min
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      Ouattara et consorts ne font que reproduire les schémas inqualifiables sinon répugnants qui ont traversé l’Afrique et les siècles.

      Si le colonialisme n’a pas su être à la hauteur – c’est le moins qu’on puisse penser – il n’est pas non plus seul reponsable et/ou coupable de toutes les abominations qu’il est de bon ton de lui coller sur le dos. Loin s’en faut.
      Le colonialisme a/avait su apporter à l’Afrique des aménagements dont les peuples africains ont pu bénéficier en leur temps (notamment ports, aéroports, voies ferrées, réseaux routiers, écoles, universités, stades sportifs, hôpitaux, pharmacies, cinémas et bien d’autres choses). Si je ne les avais ni vus ni connus, je n’en parlerais pas.

      Je ne conteste pas la réalité des crimes commis par des coloniaux (personnels gouvernementaux occidentaux) et autres colons, mais les Africains ont aussi été trahis par les leurs, entre autres lors des trafics d’êtres humains qui ont couru et ravagé l’Afrique depuis le XIVéme siècle. La corruption généralisée a toujours su faire oeuvre de « bontés » …

      Il faut pouvoir relativiser mais aujourd’hui c’est interdit …

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