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Crise américaine & crise financière mondiale…quel est l’avenir des BRICS? (Delawarde)

Par Dominique Delawarde.

Cet article est aussi disponible en anglais, en italien et en espagnole ici:
Articles du 14 et 15 avril[26247]

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Quand l’Américain Georges Friedman, fondateur et patron de Stratfor, dite « la CIA de l’ombre » et le Français Jacques Attali écrivent chacun un court article, à un jour d’intervalle, sur un même sujet, et aboutissent à des conclusions très voisines, il n’est pas inutile de les lire surtout lorsque le sujet en question tourne autour de la grande crise économique et financière, déjà à ses débuts aux USA et dont nous voyons aussi les prémices en Europe.


1. The American Crisis Intensifies, by George Friedman – Geopolitical Futures – 11 avril 2023

 The American crisis intensifies

La crise américaine s’intensifie

Alors que je reprends conscience après que la COVID-19 m’ait emprise au cours des dernières semaines, il m’est venu à l’esprit que la véritable histoire qui se déroule dans le monde se trouve aux États-Unis. La Chine et la Russie comptent beaucoup, tout comme d’autres pays. Mais aucun d’entre eux ne fait pivoter le monde. Les États-Unis ont la plus grande économie, ainsi que la force militaire la plus puissante, y compris sa marine. Les États-Unis demeurent un innovateur technologique de premier plan.

C’est pourquoi les États-Unis sont une puissance décisive, mais aussi dangereuse. La concentration du pouvoir et des capacités, et le degré auquel ils sont interconnectés à l’échelle mondiale, signifie qu’un échec américain aurait probablement des conséquences désastreuses à l’échelle mondiale.

Ce n’est pas une nouvelle vulnérabilité mondiale, mais elle coïncide maintenant avec la crise systémique à laquelle les États-Unis sont confrontés, comme je l’ai exposé dans mon livre « La tempête avant le calme ». Ce livre prédisait une crise sociale au début de cette décennie, suivie d’une crise économique massive. Parallèlement à cela, il y aurait une crise politique et une crise institutionnelle majeure, une fois tous les 80 ans, au sein du gouvernement fédéral. Enfin, il prédisait un profond changement de gouvernement vers la fin de la décennie, sous l’impulsion de forces politiques et économiques.

En regardant l’histoire, ce qui est frappant, c’est que dans les cycles précédents, les problèmes sociaux avaient tendance à s’atténuer un peu avant que les problèmes économiques terminaux ne prennent le dessus. En 1980, alors que les questions économiques dominaient, les problèmes sociaux intenses de la race et de la culture sexuelle dans les années 1970 s’étaient quelque peu atténués. En 1932, les aspects sociaux s’estompent avec la mort de Huey Long et le début de la Grande Dépression. La force du Ku Klux Klan s’est atténuée et les questions sociales liées à l’immigration ont cédé la place aux préoccupations économiques.

L’intensité des problèmes sociaux actuels est frappante. Des questions morales, religieuses et culturelles déchirent encore le système américain. Les faillites bancaires, et la réalité qui les a causées, s’aggravent au lieu de dépasser ces vieux événements. Le cycle institutionnel de 80 ans complique considérablement la situation. La synchronisation de la fin de ce cycle et du cycle socio-économique est une première dans l’histoire des États-Unis. Les questions sur les relations entre les institutions fédérales comme la Cour suprême et le Congrès aggravent la méfiance normale entre le public et les institutions.

Rien dans ce processus n’est mécaniste, mais il y a des modèles dans la façon dont nous vivons et nous gouvernons. L’échec des problèmes sociaux à diminuer, l’intensification des problèmes économiques et l’extrême intensité des frictions entre les institutions fédérales sont nettement différents des modèles du 20e siècle avec l’élection de Franklin Roosevelt et de Ronald Reagan. Tous deux ont réussi à sortir de crises sociales et économiques distinctes. Mais la rage et le dégoût mutuel d’aujourd’hui – et leur incapacité à reculer – sont étranges, en particulier lorsque la question institutionnelle, que ni Roosevelt ni Reagan n’ont eu à traiter, est incluse. Le degré et le type de rage et de mépris que le public américain d’aujourd’hui a pour les autres membres du public sont différents.

Cela m’amène à conclure que le modèle que j’ai utilisé dans « The Storm Before the Calm » doit être légèrement modifié. Les points de transition dans la vie politique avaient, depuis la fondation de l’Amérique, été des cycles de 50 ans et de 80 ans pour les changements institutionnels. Le moment charnière a été l’élection d’un président. J’ai supposé que ce cycle serait le même et, par conséquent, que la dernière élection présidentielle avant la fin de la décennie serait le point pivot.

Je dois souligner que si les présidents sont importants, ils ne sont pas la force motrice de l’histoire. La force motrice réside dans les modèles de division construits autour de questions sociales, économiques et institutionnelles. C’est la division majeure et le dysfonctionnement massif qui forcent un changement fondamental à tous les niveaux. Un président préside à ce changement, laissant au nouveau président le crédit.

Je ne crois pas que la situation se maintiendra au-delà des prochaines élections. Les problèmes sociaux brutaux, de la race au sexe en passant par les armes à feu, créent une division publique qui affecte le fonctionnement du gouvernement. Les relations au sein du système politique à tous les niveaux sont de plus en plus venimeuses. Le système financier a laissé une crise économique. Comme prévu, le système technologique deviendra de plus en plus inefficace et l’appétit du public pour ses produits diminuera. Le système financier laisse présager un déclin économique qui engendrera des solutions de plus en plus désespérées et simplistes, tirant davantage de capitaux hors du système financier. Pour la première fois dans l’histoire, le cycle institutionnel et le cycle social coïncident. Bien que les guerres aient tendance à ne pas influencer les cycles nationaux, l’impact de la guerre en Ukraine sera probablement amplifié.

Le système politique actuel ne peut pas gérer cette situation. Une solution doit émerger maintenant, qui sera présidée par le prochain président. Il est impossible d’expliquer tous les détails d’une défaillance du système ou la nécessité d’un nouvel ordre politique. À ce stade, la seule chose que l’on peut dire, c’est que nous nous dirigeons vers l’échec et qu’un nouveau président, remplissant tout le monde d’un espoir joyeux, supervisera ce qui doit être fait. Mais ce qui doit être fait reste obscur, ne prenant son influence que par l’ampleur et la gravité de l’échec.


2. Une immense crise financière menace.

Par Jacques Attali – 12 avril 2023

 Une immense crise financière menace

Une immense crise financière menace. A moins d’agir vite, elle frappera, probablement au cours de l’été 2023. Et si, par procrastination générale, elle est reportée, elle n’en sera, plus tard, que plus sévère. Nous avons encore tout pour la dominer vraiment, à condition de comprendre que c’est tout notre modèle de développement qui est en cause.

La situation mondiale ne tient aujourd’hui que par la force du dollar, lui-même légitimé par la puissance économique, militaire et politique des Etats-Unis, qui restent le premier refuge des capitaux du monde. Or ils sont aujourd’hui menacés par une très grave crise budgétaire, financière, climatique et politique :

La dette publique américaine atteint 120% du PIB, sans tenir compte des garanties données par l’administration fédérale aux divers systèmes de retraites des agents fédéraux ni du financement nécessaire des futures catastrophes climatiques. Or, depuis la mi-janvier 2023 le Trésor américain a atteint la limite de ce qu’il a le droit d’emprunter ($31.4Tr) ; les salaires des fonctionnaires et de l’armée ne sont plus payés que par des expédients (que la Secrétaire au Trésor dit ne pas pouvoir prolonger au-delà de début juillet 2023). Les Républicains, qui contrôlent la Chambre des représentants, se préparent à proposer ce que la Maison Blanche dénonce déjà comme des « coupes dévastatrices qui affaibliraient la sécurité nationale tout en accablant les familles de travailleurs et de la classe moyenne ». Et le projet des Démocrates, qui vise à une réduction du déficit en 10 ans, par une hausse massive des impôts des plus riches, n’a pas plus de chance d’être adopté par le Congrès. Les Américains pourraient une fois de plus s’en tirer par une nouvelle hausse du plafond de la dette, dont personne ne veut. Et qui ne résoudrait rien.

La dette privée n’est pas dans un meilleur état : elle atteint 16 900 milliards de dollars soit 2 750 milliards de plus qu’avant la crise du Covid-19 ; soit 58 000 dollars par adulte américain ; ou encore 89% du revenu disponible des ménages américains. Une bonne partie ne finance que des dépenses de consommation et l’achat de logements ; en particulier, la dette immobilière atteint 44% du revenu disponible des ménages américains, soit le plus haut niveau historique, supérieur à celui de 2007, quand elle a déclenché la crise précédente. Et les Américains les plus pauvres continuent d’emprunter, avec la garantie de la Federal Housing Administration, pour acheter des logements avec un apport personnel limité à 5% mais des mensualités pouvant aller jusqu’à 50% de leurs revenus ! Système intenable. 13% de ces emprunts sont déjà en défaut et ce ratio augmente tous les jours ; de plus, la remontée des taux va augmenter la pression sur ces emprunteurs pauvres, trompés par les préteurs. A cela s’ajoute encore l’endettement des promoteurs immobiliers, qui atteint, lui aussi, des niveaux inédits ; 1 500 milliards d’emprunts d’immobilier commercial doivent être remboursés ou refinancés avant la fin de 2025, à des taux très supérieurs aux taux des emprunts en cours. Tout cela avec des banques très fragilisées par ce qui s’est passé récemment et qui ne pourront pas participer à ces refinancements.

A cela s’ajoute un climat révolutionnaire, où plus personne n’exclut une crise constitutionnelle, pouvant même conduire, selon certains, à la sécession de certains Etats.

Le reste du monde souffrirait terriblement d’une telle crise ; l’Europe, elle-même terriblement endettée, plongerait dans une récession, perdant des marchés d’exportation sans que sa demande intérieure ne puisse prendre le relais. De même pour la Chine. Seule la Russie, qui n’a plus rien à perdre, aurait à y gagner ; et elle va sans doute y contribuer par des cyberattaques, comme elle l’a sans doute fait il y a un mois quand les banques californiennes ont été attaquées.

On ne peut pas penser que la croissance actuelle suffira à avaler cette dette, comme ce fut le cas en 1950 : le rapport du FMI, pour son Assemblée annuelle de cette semaine, est sur ce point lucide, même s’il est incroyablement discret sur les risques financiers systémiques qui rongent l’économie de son principal actionnaire, américain.

Quelques trop rares experts murmurent maintenant qu’une grande crise financière se déclenchera, comme beaucoup d’autres avant elle, dans la deuxième quinzaine d’un mois d’août : comme en 1857, en 1971, en 1982 et en 1993. Mais de quelle année ? Peut-être août 2023.

Comment l’éviter ?

Il y a à cela quatre solutions : des économies radicales, dans le même mode de développement, (qui ne feront que créer de la misère et de la violence) ; une relance budgétaire et monétaire (qui ne fera que reporter l’échéance) ; la guerre (qui conduira au pire, avant peut-être d’ouvrir des opportunités pour les très rares survivants). Et enfin une réorientation radicale de l’économie mondiale vers un mode de développement nouveau, avec un tout autre rapport à la propriété des biens de consommation et du logement, réduisant à la fois l’endettement et l’empreinte climatique.

Naturellement, rien n’est préparé pour le mettre en œuvre ; et, si on le fait peut-être un jour, ce ne sera vraisemblablement pas à la place de la catastrophe, encore parfaitement évitable, mais après qu’elle aura eu lieu.

j@attali.com


Je ne peux m’empêcher de vous adresser ci après le commentaire d’un ami qui sait de quoi il parle compte tenu de sa fonction passée de Directeur de City Group New York. Je partage totalement son point de vue.

« Crise américaine & crise financière mondiale »

Quand George Friedman annonce une crise américaine d’ampleur, et Jacques Attali une crise financière mondiale, il y a tout lieu de s’inquiéter !… Cependant, ni l’une ni l’autre de ces annonces ne sont des « news ». L’état de l’Amérique est connu et le marché des produits dérivés est une bombe à retardement.

Pourquoi allumer la mèche ? Ou pourquoi jeter Donald Trump en prison ?

Parce que les politiques néolibérales et néoconservatrices auxquels Friedman et Attali ont contribué, sont des échecs patents. Il n’y aura pas d’hégémonie mondiale américaine. Il n’y aura pas non plus de dictateurs aux États-Unis. Alors plutôt le chaos que la défaite.

Friedman et Attali n’annoncent rien, sinon la faillite de leurs rêves insensées. »

JLB

Dominique Delawarde

Robert Bibeau

Auteur et éditeur

3 réflexions sur “Crise américaine & crise financière mondiale…quel est l’avenir des BRICS? (Delawarde)

  • Et c’est uniquement aujourd’hui que Notre Général en prend conscience et tente cette fois de rattraper son retard de conscience pathétique sur la guerre qu’il encourageait de toutes ses forces, en méprisant depuis toujours d’aborder les questions sociales en France qui est son pays, et mener tambour battant des propagandes infectes en faveur de puissances étrangères suspectes ou contre elles, et aujourd’hui, a peine réveillé de sa longue et opulente retraite, il réalise que l’effondrement de l’économie Yankee ne présage rien de bon pour la stabilité de sa situation a lui tout d’abord ! :)))

    Prolétaires de tout horizons, passez votre chemin, circulez et allez vous informer ailleurs ! Savez-vous quel est le salaire d’un général a la retraite en France en dehors des avantages qu’il a pu accumuler durant sa carrière, ses biens et ses acquisitions et le reste ? eh bien c’est entre 7376 Euros Brut (5600 Euro Net) par mois, et 9147 Euro Brut par mois (plus de 7000 euros net) ! et détrompez-vous, même s’ils ne sont pas aussi riches que ça, en plus de ça, très souvent, vos hauts gradés gardent des accès privilégiés a plusieurs mannes et rentes le plus souvent ! et Ne me demandez pas a moi lesquelles ! :)))

    Ces discours du genre  »la crise a venir sera encore plus terrible » lorsqu’ils émanent de gens puissants et riches, signifient le plus souvent qu’ils ne sont même pas conscients ou affectés par celles du passé et du présent qui affectent tout le monde et le reste de la population sans exception ! et signifie aussi que eux sont assez riches pour prendre de dispositions avec leur banquier, assureur et gestionnaires et de rentes et de patrimoines… avant de poser sur cul flasque devant leur ordinateur et commencer a poster leurs vues  »intellectuelles » deux sous !

    Bon, sans rancune tout de même mon général, oui c’est vrai il y a nettement plu riche que vous…. mais vous nous permettrez cette fois de douter que vous soyez dans le même rang que nous ! :)))… et y a de quoi non ?!

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  • Le capitalisme anglo-saxon entraîne toute l’économie capitaliste dans le chaos social actuel . Le papier monnaie dollar ne ressemble à rien car sa planche à billets l’a dévalué par sa quantité pour payer les fonctionnaires, les militaires et les retraites. Le marasme économique est entrain d’advenir avec plus de 8 milliards d’êtres humains à nourrir en permanence avec une crise climatique à venir qui va causer de grands dommages à l’agriculture. Les progressistes et révolutionnaires communistes vont avoir beaucoup de travail pour remplacer cette économie capitaliste en fin de vie avec les nouvelles générations des moins de 50 ans à l’échelle de la planète. Ils vont avoir en face d’eux les 2 milliards de retraités conservateurs plus ou moins hostiles à la révolution communiste pour résoudre tous les problèmes de l’humanité. Ce combat peut être gagné en écartant tous les idéologues du type Friedmann et Attali qui ont contribué à masquer aux peuples leur devoir d’émancipation et de rébellion face à l’exploitation capitaliste. L’humanité doit faire ce choix révolutionnaire d’en finir avec la société capitaliste, cause de tous ses maux. La Chine communiste montre la voie avec d’autres dans la construction de la société future qui demande plusieurs générations de révolutionnaires pour aboutir à la société communiste du bonheur nécessaire après tant de siècles d’exploitation et de guerres. L’histoire humaine n’aura pas de fin sauf disparition de la planète un jour lointain .

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