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Quand le Collectif « Me Too » dynamite le champ politique français

Par Brigitte Bouzonnie.

Grâce à Claudio Buttinelli cet article est disponible en anglais, en italien et en espagnole ici:
Articles du 20 juillet[34356]

On est bien d’accord : le Collectif Me Too fait la chasse à l’homme. Il tire à vue sur tel ou tel pédophile : Matzneff, Duhamel, Hulot, PPDA, l’église catholique avec le rapport Servet, etc… Mais il ne fait pas que cela. Il dynamite aussi gravement le champ politique français, chose extrêmement grave. Au-delà de ses « trophées », (Duhamel, Matzneff, Hulot , PPDA, l’Eglise catholique…), il importe donc d’analyser les conséquences du rôle du Collectif Me Too sur tout le reste de la société.

Nous nous appuyons sur le livre rédigé par Lucien Cerise : « Gouverner par Le chaos. Ingénierie sociale et mondialisation », édition max Milo, 2023, notamment sa théorie de la « jeune-fillisation » de la société imposée par les femmes.

1°)-Lorsqu’on parle de « jeune-fillisation » de la société, de quoi parlons-nous exactement ?

Lucien Cerise nous répond :

Désorganiser le collectif ennemi, où l’autorité transcendante assurant la cohésion du groupe est contesté au nom de l’oppression qu’elle fait peser sur les individus : tel est le but poursuivi par le Pouvoir moderne. Le Collectif Tiqqun (ancêtre) du Comité invisible) montre que la figure de la bimbo, la jeune fille sexy et désirable, est la nouvelle figure d’autorité du capitalisme, incarnation par Excellence de la dépolitisation consumériste. Il écrit : « La jeunesse et la féminité hypostasiées, abstraites et recodées en jeunitude et féminitude se trouvent dès lors élevées au rang d’idéaux régulateurs de l’intégration impériale-citoyenne » (sic (cf TIQQUN, Premiers matériaux pour une théorie de la jeune-fille, Mille et une nuits, 2001).

Afin de dépolitiser un groupe, on le fait entrer dans la société du spectacle. Verser le désorganiser, il suffit de le « jeune-filliser » à travers la diffusion d’images caricaturales des femmes et des jeunes. Persuader un groupe d’adopter des valeurs plus féminines, orientées vers l’intime et la sexualité d’abord, permet de dépolitiser le groupe. Faire disparaitre ses idées critiques et sa possible dangerosité »(sic) (Gouverner par la chaos, op cit)..

L’individualisme désoedipianisé, nouvelle figure de la culture libérale/libertaire, s’impose dans nos sociétés occidentales décadentes. Il contribue à dévaluer la politique, survaloriser de la féminité, l’enfant roi et le mépris des « vieux » que nous sommes.

Le plaisir immédiat s’impose comme la seule « quête », la seule « valeur » de La Société Française Actuelle. La sexualité du groupe, la recherche du plaisir, « jouir sans entrave » comme disait le slogan de Mai 68, devient l’alpha et oméga de l’existence. Elle remplace sa politisation des consciences vis-à-vis du Pouvoir.

Nous avons trois cerveaux : le reptilien (le sexe) le limbique (les émotions) et le cortex (l’intelligence). Pendant toute la durée de ce qu’on a appelé « le capitalisme puritain », le choix est fait de privilégier le cortex et donc l’intelligence. L’intellect est une arme nécessaire, rien que pour survivre. Imposer et faire triompher le capitalisme sauvage brutal du XIXème siècle, puis le capitalisme keynésien, judicieusement analysé par l’économiste de la régulation, Robert Boyer dans son ouvrage ; « Croissance crise et accumulation », 1979.

Et puis pratiquement du jour au lendemain, avec la survenue de la culture libérale/libertaire à compter des années soixante-dix, on observe un renversement de valeurs. La Raison cartésienne, raisonnante (un + un = 2) disparait des priorités du moment. Pratiquement du jour au lendemain, l’hédonisme immédiat, une soif de plaisir inextinguible s’empare de nos sociétés occidentales décadentes. (???)

La recherche du plaisir sexuel devient la grande affaire de nos vies. Nos idées visant à changer le monde disparaissent de nos têtes.

L’enfant-roi, tout puissant, devient le seul « devenir » possible. La figure centrale de cette nouvelle période historique et de notre vie personnelle. Il ne peut connaître aucune limite. La dimension politique et intellectuelle de l’humain est déniée.

Jean-Claude Paye écrit : « Michel Onfray oppose une humanité hédoniste, uniquement habitée par la pulsion de vie, orchestrée par un dieu païen prônant une jouissance sans limite. Si on n’est pas aveuglé par cette notion d’un dieu solaire, on retrouve là la spécificité des valeurs de la post modernité »(sic) ( De quoi Michel Onfray est-il le nom ? », article rédigé le 22 juillet 2022 sur le site Réseau Voltaire d).

Le triomphe de la philosophie hédoniste pré-oedipienne, c’est la revanche du “ça” sur le “surmoi”. La revanche de la pulsion sexuelle sur la pulsion intellectuelle et politique, hier encore hégémonique.

Le triomphe de la philosophie hédoniste pré-oedipienne dans les têtes et dans les coeurs, c’est l’acceptation du présent comme unique champ d’investigation. Les hédonistes ont abandonné toute idée de “futur” différent du capitalisme mondialisé occidental actuel. Une vision qui fait mentir le mot de Victor Hugo : “le roi a le jour, le peuple tous les lendemains”. Aujourd’hui, en appui des catégories de pensée de cette petite bourgeoisie hédoniste, le Capitalisme mondialisé occidental confisque le jour et tous les lendemains subversifs.

La décomposition sociale prend la place de la dure construction sociale de nos parents et ancêtres, fondé sur le travail et la raison cartésienne. Vladimir Poutine traite les occidentaux de « décadents », pour qui « la pédophilie est devenue la norme ». Hélas, son analyse est vraie,  sonnant juste dans ce nouveau monde occidental, dans lequel nous sommes entrés de plein pied depuis les années 1970/1980.

2°)—Me Too désintellectualise le groupe
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Arrive le Collectif Me Too. Or ce dernier, loin de remettre le cortex et l’effort intellectuel au premier rang de notre action humaine, poursuit, ni plus ni moins les « valeurs » de plaisir et de dépolitisation du groupe initiés par la culture libérale/libertaire. Me Too est comme un poisson dans l’eau dans ce nouveau monde hédoniste, prônant une jouissance sans limite, dont il fait partie à part entière. A supposer que l’on mette sur la touche tel ou tel homme, accusé par Me Too d’être une « brebis galeuse »(sic), le cirque pédophile peut parfaitement continuer à s’imposer dans nos vies d’occidentaux, comme « la seule pratique sexuelle et sociale possible ».

Résultat : le groupe abandonne toute préoccupation intellectuelle jugée trop « contraignante ». Le groupe s’appauvrit donc sur le plan intellectuel. La réflexion intellectuelle et politique, les livres deviennent « une perte de temps »(sic), « Quantité négligeable » , comme on me disait au PSU.

Le secteur femmes du PSU dynamite le PSU intellectuel première manière

Le Collectif Me Too, de par son fonctionnement visant à dynamiter le champ politique et intellectuel me fait penser à la pagaille permanente, l’activité désorganisatrice opérée par le secteur femme PSU dans les années 1970. Au départ, Le PSU se vit comme un « intellectuel collectif », un « laboratoire d’idées »(sic). Quand les militants du PSU reproche aux dirigeants PS de Mitterrand « d’avoir la cinquantaine bedonnante et peu imaginative »(sic) (citation de Roland Cayrol trouvé dans le livre de Bernard Ravenel, intitulé : « Quand la gauche se réinventait. Histoire d’un parti visionnaire », (Édition La Découverte, 2016). Une remarque qui signifie à contrario, que les militants du PSU, ont de « l’imagination politique », qualité portée comme une légion d’honneur.

Force est de reconnaitre que le premier PSU comprend des militants, qui ont beaucoup de capital culturel/capital scolaire pour parler comme Pierre Bourdieu. Pierre Mendès-France, qu’on ne présente plus, Président du Conseil en 1955. Edouard Depreux, Ministre de l’intérieur sous la IVème République et premier responsable du PSU. Raymond Badiou, fondateur du PSU agrégé de mathématiques, diplômé de Normale Sup. Claude Bourdet ingénieur et fondateur de France Observateur. Dans ses mémoires, Henry Frenay fait l’éloge de son ami, -Bourdet-, fondateur du groupe de résistance Combat avec lui. Ce qui lui plait d’emblée chez lui explique Frenay, c’est : « son côté intellectuel, son bagage intellectuel que lui, ne possède pas »(sic) (cf son livre de souvenirs, La nuit finira). Pierre Naville, écrivain, surréaliste, sociologue du travail, directeur au CNRS sur les questions sociologie du travail. Henri Lefèbvre urbaniste marxiste, ce qui à l’époque ne va pas de soi. Aujourd’hui, l’urbaniste Jean-Pierre Garnier poursuit les travaux de Henri Lefebvre. Henri Benoit, porteur de valises au profit du FLN, -qui se fait enguirlander par Pierre Mendès-France venu le chercher dans un commissariat où il s’est fait arrêter avec d’autres militants du PSU-, rédige des dictionnaires. Bernard Ravenel, responsable du secteur international, est agrégé d’histoire. Alain Badiou diplômé de L’Ecole Normale Supérieure, agrégé de philosophie, sorti premier au concours de l’agrégation. Roland Cayrol, diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris. Alain Joxe, Directeur d’études à l’Ecole pratique des Hautes Etudes en Sciences Sociales (comme Jacques Sapir), professeur de géopolitique. Serge Depaquit, membre du Bureau Politique du PSU, ancien responsable des jeunesses communistes, très brillant sur le plan intellectuel. Maurice Najman, journaliste au premier LibérationMichel Rocard, énarque. Michel Mousel, responsable du secteur économie, énarque, le seul que compte le PSU après le départ de Rocard…

On le voit : le PSU est un microcosme d’intellectuels de la politique. Malheureusement avec la prise de pouvoir du secteur femme du PSU dans les années 1970, tout change.

Le secteur femmes du PSU commence à faire parler de lui dans les années 1970. Sa responsable, c’est Huguette Bouchardeau, traumatisée d’être une fille d’ouvriers de Saint-Etienne. Professeur de français, puis professeur de sciences de l’éducation dans la même ville. Elle rédige un livre intitulé : « Pas d’histoire, les femmes », qui se veut un anti livre d’histoire sur les femmes. Son grand combat, son grand oeuvre ? Décaniller le secteur économie du PSU et donc Michel Mousel, qui a rédigé le programme du PSU : « L’utopie réaliste : une autre logique. économique pour la gauche », édition Christian Bourgois éditeur, 1977 : programme qu’elle juge « inutile », « incompréhensible »(sic).

Dans un parti d’intellectuels, Bouchardeau réussit le tour de force de devenir Secrétaire nationale du PSU, grâce à son anti-intellectualisme foncier. Puant. Effrayant. Transformant sa béquille en canne de golf.

Du jour au lendemain, l’analyse politique et intellectuelle de la situation devient un sujet « inutile »(sic). Sinon, on se fait traiter de « Stalinien(ne) » (sic). « Rocardien(ne) »(sic). Et on parle d’expérience, pour avoir reçu tous ces noms d’oiseau à la figure. Comme j’ai 20 ans, et que j’aime les livres, Bouchardeau me dit que « je ne suis pas une femme »(sic). Dans ses critères à elle, « une femme se devait de ne pas être intellectuelleune qualité de mec »(sic). Par la suite, toutes les féministes, dont le Collectif Me Too, partageront  le même anti intellectualisme.

Naturellement, « grâce » à Bourchardeau, nos deux programmes, L’utopie réaliste et Vivre, produire, travailler autrement, 1978, sont mis au rancart. Bouchardeau se présente aux élections présidentielles de 1981, où elle obtient à peine 1,1% des suffrages : à peine 600 000 voix. Nos programmes ne jouent aucun rôle. Bouchardeau improvise (mal) devant les caméras. Ce qu’elle dit est tellement mauvais, bête, inintéressant, qu’on rase les murs. On n’ose plus dire qu’on est militants au PSU, alors que hier c’était notre grande fierté. Le PSU devient un parti comme les autres, uniquement intéressé par les élections et les places à prendre.

Voilà comment le secteur femme du PSU, par ses coups de bélier répétés contre le PSU intellectuel première manière, en imposant ses valeurs de « femme (anti intellectuelle) », dynamite l’ADN intellectuel du PSU. Du jour au lendemain le parti devient méconnaissable. Beaucoup de militants quittent le parti à cette époque, car il n’est plus que l’ombre de lui-même. C’est le cas notamment de Alain Joxe, très respecté au PSU, qui déchire sa carte, suite à un déjeuner avec Bouchardeau et à cause de cette dernière. Pierre Naville nous écrit, à nous, gauche du PSU opposé à Bourchardeau, pour nous dire qu’il nous soutient « contre la Bouchardeau » (sic).

Le Collectif Me Too dynamite le champ politique français

A ce stade, nous faisons l’hypothèse que le Collectif Me Too, par son happening permanent contre tel ou tel « pédophile », véhicule de profondes valeurs anti intellectuelles. Exactement comme le secteur femme du PSU de ma jeunesse. Cet anti intellectualisme dynamite de l’intérieur le champ politique. Avec le Collectif Me Too, plus question de parler de sujets politiques importants : il n’y a place que pour le sexe-roi.

Il va se passer la même chose qu’au PSU avec le secteur femmes : le Collectif Me Too va prendre le pouvoir dans le champ politique. Vous verrez : dans dix ans elles seront toutes ministres, députés, voire Présidente de la République. Toute la journée, elles nous imposeront leur discours à deux neurones : Monsieur Un tel a commis des violences sur Madame Truc. Une façon habile de renvoyer dans le cimetière de l’impensé les vrais problèmes du moment : chômage et pauvreté de masse avec 15 millions de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté, selon mes calculs. Difficulté à finir ses fins de mois pour 80% des français (cf Sud Ouest du 1er mai 2010). Salaires jamais relevés à hauteur de l’inflation à deux chiffres que nous subissons, à cause de la suppression de l’échelle mobile. Effets secondaires des vaccins anti-Covid tueurs, qui font que les gens meurent dans l’indifférence générale, comme analyse Christine Cotton, biostatisticienne dans sa vidéo de juillet 2023. Hégémonie des Etats-Unis sur tous les pays européens, dont la France devenue sa petite colonie dérisoire. Appareil productif français hélas vendu à la criée deux euros cinquante, comme Alsthom, l’aéroport de Blagnac, les vignobles bordelais. Appareil productif où de nombreuses entreprises sont supprimées, grâce au confinement et à l’inflation à deux chiffres ; Kookaï, Gap, Promod, etc…Après le confinement, mon amie Monika Karbowska prend des photos de la Tour Montparnasse : malheureusement, toutes le enseignes sont en “dépôt de bilan”. Le prix de l’énergie est multiplié par dix, sans que le Gouvernement ne bloque son prix, comme après 1945, par tous les gouvernements de la IVème République et du début de la Cinquième République.

Toutes ces questions graves, touchant la vie de millions de français, de françaises, d’esclaves salariées sont et seront mises au rancart, tandis que nous pataugerons toute la journée, dans la gadoue anti intellectuelle du discours féministe de Me Too, véritable rideau de fumée pour occulter les vrais problèmes.

Robert Bibeau

Auteur et éditeur

3 réflexions sur “Quand le Collectif « Me Too » dynamite le champ politique français

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