Actualite économique

La superpuissance chinoise maraude au Moyen-Orient qui pourrait s’embraser

Par Hicham Mourad (revue de presse : Al-Ahram hebdo – 18 août 2023)*

Alors que les Etats-Unis ont mis le cap sur la région de l’Indo-Pacifique et, de ce fait, se sont progressivement désengagés du Moyen-Orient, la Chine est devenue un acteur incontournable dans ce dernier, remodelant la dynamique régionale grâce à son implication accrue. Les intérêts de la Chine dans la région sont en premier lieu économiques, mais impliquent sur le long terme des considérations géopolitiques et stratégiques, compte tenu de sa concurrence globale avec les Etats-Unis. Ils visent à assurer la libre circulation du pétrole du Golfe, dont la Chine est le premier client mondial, le développement de l’initiative « La Ceinture et la Route », destinée à créer les conditions d’une hégémonie économique mondiale de la Chine, et l’élargissement du marché de l’industrie chinoise de haute technologie, en particulier dans le Golfe.

Les récentes initiatives diplomatiques de la Chine démontrent le profond investissement de Pékin dans le développement de ses relations avec le Moyen-Orient. En décembre 2022, elle a tenu ses premiers sommets Chine-Etats arabes et Chine-Conseil de Coopération du Golfe (CCG, comprenant les six riches pays arabes pétroliers : Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Qatar, Koweït, Bahreïn et Oman), démontrant son engagement à favoriser les partenariats stratégiques dans la région et à promouvoir le développement économique au-delà de ses intérêts énergétiques traditionnels. La Chine a ainsi accru ses échanges commerciaux avec la région et, en 2020, a remplacé l’Union Européenne (UE) en tant que principal partenaire commercial du CCG. Les exportations chinoises vers l’Arabie saoudite, la plus importante économie arabe en termes de PIB, ont atteint en 2022 environ 45 milliards de dollars, soit le double de leur volume pré-Covid. Dans le même temps, les exportations de l’UE et des Etats-Unis sont tombées respectivement à la même année à 33 milliards et 11,5 milliards de dollars. Conséquence de ce bond en avant des échanges commerciaux, la Chine a supplanté l’UE et les Etats-Unis en tant que principal fournisseur de biens industriels à l’Arabie saoudite, notamment les infrastructures de télécommunications, l’énergie solaire, les transports en commun et d’autres articles de haute technologie.

Pékin a également étendu ses investissements au Moyen-Orient grâce à l’initiative « La Ceinture et la Route », qui est devenue un outil essentiel de la politique étrangère chinoise. Le Moyen-Orient est particulièrement important pour l’élément maritime de cette « nouvelle Route de la soie » en raison de la dépendance de la Chine vis-à-vis des importations énergétiques en provenance du Golfe. Selon les chiffres officiels chinois, la majorité des projets d’investissement de cette initiative en 2021 ciblaient le Moyen-Orient. En cette année, l’Iraq a été le principal bénéficiaire du financement pour des projets d’infrastructure, avec 10,5 milliards de dollars de contrats de construction. Toujours en 2021, la Chine a conclu en mars avec l’Iran un accord de « Partenariat stratégique global » d’une valeur de 400 milliards de dollars, correspondant à 10 % du budget total de « La Ceinture et la Route ». L’accord prévoit, entre autres, le développement du port de Chabahar et la création d’un nouveau terminal pétrolier près du port de Jask, au sud du détroit d’Hormuz. En 2022, les pays du Moyen-Orient ont reçu 23 % des engagements financiers chinois prévus dans le cadre de « La Ceinture et la Route », contre 16,5 % l’année précédente.

L’influence de la Chine au Moyen-Orient, notamment dans la région du Golfe, découle de son implication économique croissante, en particulier de son quasi-monopole des technologies critiques dont la région a besoin. A titre d’exemple, la Chine exerce un quasi-monopole sur les produits de l’énergie solaire, une technologie d’un énorme intérêt pour les Etats du Golfe. La Chine produit également une technologie de gestion portuaire ; son port de Tianjin entièrement automatisé a été conçu comme un produit d’exportation. Cette domination du marché dans des technologies-clés crée une dépendance à long terme vis-à-vis de la Chine. Par ailleurs, la guerre en Ukraine a indirectement renforcé l’influence économique de la Chine, car les sanctions américaines contre la Russie — en particulier la saisie sans précédent de centaines de milliards de dollars de ses réserves de change — ont rendu attrayant le yuan chinois en tant que monnaie de réserve et de financement du commerce.

Les pays du Moyen-Orient ont, de leur côté, trouvé que le principe de la non-ingérence appliqué par la Chine était une option attrayante alors qu’ils cherchaient à diversifier leurs liens économiques et sécuritaires. Cette approche s’aligne sur la volonté de ces pays de gagner en autonomie et en flexibilité dans leurs relations extérieures. La position de la Chine en tant qu’acteur neutre dans la région a accordé à Pékin une capacité unique à exercer la diplomatie de médiation, comme ce fut le cas lors de l’accord de réconciliation entre l’Arabie saoudite et l’Iran en mars dernier. Cette victoire diplomatique a eu pour conséquence de rapprocher ces deux puissances régionales de la sphère d’influence de Pékin.

*Source : Al-Ahram hebdo

Source secondaire : France-Irak Actualité


L’Occident doit s’habituer au nouveau rôle de la Chine au Moyen-Orient

Par Nelson Wong (revue de presse : Arrêt sur info – 28 mai 2023)*

La Chine mérite un accueil positif au Moyen-Orient, dans la mesure où son engagement dans la région est plutôt axé sur le développement des exportations et du commerce que sur la recherche d’une domination coloniale

Le rôle de la Chine dans la récente réconciliation entre l’Arabie saoudite et l’Iran, reconnu dans le monde entier, a pourtant été rejeté ou ignoré par les États-Unis et certains de leurs alliés.

Plutôt que d’applaudir une initiative susceptible d’apporter la paix au Moyen-Orient, les principaux médias occidentaux se gardent de mentionner la contribution de la Chine ou rechignent à reconnaître que l’ère de la domination occidentale dans la région MENA est révolue.

Cette détente devrait les inciter à comprendre que l’Arabie saoudite et l’Iran ont accepté de se réconcilier non pas parce que la Chine les a forcés à se rendre à Beijing pour signer un accord, mais parce que les deux pays apprécient les bonnes intentions de la Chine et reconnaissent sa capacité à aider les pays à régler leurs différends de manière raisonnée et sensée.

Des liens qui remontent à plus de 2 000 ans

Dans le monde globalisé d’aujourd’hui, où les économies nationales sont imbriquées et interdépendantes, la coexistence pacifique et le respect des intérêts fondamentaux des autres pays devraient toujours figurer en tête de l’ordre du jour des relations internationales.

L’approche colonialiste ou impérialiste visant à acquérir une domination régionale et mondiale, fondée sur le traditionnel « diviser pour mieux régner », n’a pas sa place dans le monde moderne et doit être dénoncée par la communauté internationale.

De nombreux commentateurs omettent le fait que les liens entre la Chine et le Moyen-Orient remontent à plus de 2 000 ans, de l’époque du Perse Darius le Grand jusqu’à l’Égypte sous l’Empire romain, lorsque le commerce entre la Chine (à l’époque de la dynastie Han) et la région MENA actuelle prospérait le long de l’ancienne route de la soie.

Ces dernières années, alors que la croissance économique de la Chine perdure et que le climat politique dans la région MENA se stabilise, la coopération entre les deux parties se développe rapidement.

Les dernières statistiques en date publiées par le gouvernement chinois font état d’une augmentation de 27,1 % du commerce bilatéral entre la Chine et les dix-huit pays de la région, chiffré à plus de 500 milliards de dollars en 2022.

Alors que l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Qatar et l’Iran chercheraient activement à développer leurs propres capacités de production et à moderniser leur développement urbain ainsi que leurs compétences en matière de technologies numériques et financières, l’expérience et les capacités de la Chine dans des domaines tels que le développement de villes intelligentes en font un partenaire logique et privilégié pour ces pays.

Au début de l’année 2023, l’un des géants chinois des télécommunications a identifié la région MENA comme la nouvelle frontière en matière de croissance

La demande presque insatiable de la Chine en pétrole et en gaz de la région vient renforcer ce lien.

Au début de l’année 2023, l’un des géants chinois des télécommunications a identifié la région MENA comme la nouvelle frontière en matière de croissance, avec des investissements dans l’infrastructure mobile estimés à 70 milliards de dollars sur la période 2019-2025.

La production automobile chinoise au Moyen-Orient se développe également. De plus en plus de voitures fabriquées par des entreprises chinoises, y compris des véhicules électriques, circulent désormais sur les routes en Arabie saoudite, au Koweït, aux Émirats arabes unis, au Qatar, en Irak, à Bahreïn, en Jordanie ou encore au Liban.

Rien que dans la région du Golfe, on rapporte que 200 000 voitures de fabrication chinoise ont été importées au total en 2022, ce qui représente 10 % à 15 % des ventes dans les pays du Conseil de coopération du Golfe.

Des avantages mutuels 

Ce ne sont là que quelques-unes des raisons pour lesquelles la Chine mérite un accueil positif au Moyen-Orient, dans la mesure où les raisons exprimées pour son engagement dans la région sont considérées comme purement commerciales et mutuellement bénéfiques.

Mais surtout, la Chine respecte les cultures des autres et n’a jamais essayé de coloniser d’autres pays.

L’absence d’élément colonialiste dans l’histoire chinoise rassure peut-être, à tel point que la « menace chinoise » souvent proclamée par les États-Unis et leurs alliés est généralement ignorée dans la région MENA.

Quant à l’initiative de nouvelle route de la soie, lancée en 2013 par le président Xi Jinping, il convient d’affirmer que les pays du monde entier qui ont hébergé des projets en collaboration avec la Chine sont peut-être mieux placés pour confirmer que son rôle majeur est d’augmenter la capacité d’exportation de la Chine plutôt que de porter une mission géopolitique visant à dominer la région ou le monde.

Cette initiative regroupe aujourd’hui 151 pays et 32 organisations internationales, dont de nombreux pays de la région MENA, qui ont manifesté leur volonté de participer à plus de 3 000 projets représentant un investissement total de plus de 1 000 milliards de dollars.

Cependant, nous vivons dans un monde en évolution rapide et la paix est une chose que nous ne devrions jamais considérer comme acquise.

Le processus de dédollarisation, déclenché par un nombre croissant de pays désireux de régler leurs échanges bilatéraux en monnaies locales, y compris au Moyen-Orient, constitue un défi manifeste pour le pétrodollar. Ce phénomène a également suscité un débat quant à savoir si le yuan chinois est en passe de concurrencer le dollar américain en tant que monnaie de réserve.

Si le monde est en passe de devenir multipolaire et que cette période de transition est susceptible de durer des années voire des décennies, les conflits entre la puissance montante chinoise et l’actuelle superpuissance américaine sont inévitables

Si, comme on le pense généralement, le monde est en passe de devenir multipolaire et que cette période de transition est susceptible de durer des années voire des décennies, les conflits entre la puissance montante chinoise et l’actuelle superpuissance américaine sont inévitables sur de nombreux fronts.

Ces conflits pourraient notamment porter sur la sécurité nationale et régionale, la protection des réserves financières de chaque pays ou encore les mécanismes qui régissent notre liberté de commerce et la chaîne d’approvisionnement mondiale.

Il reste à voir si l’engagement de la Chine au Moyen-Orient sera durable et comment elle fera face aux défis inévitables provenant de la région MENA comme de l’extérieur, tout en tenant compte de la pression exercée sur l’économie nationale chinoise qui connaît une transformation structurelle.

Nelson Wong est président du Shanghai Centre for RimPac Strategic and International Studies, une institution de recherche non-gouvernementale à but non lucratif basée à Shanghai (Chine), et membre actif du club de discussion Valdaï, un think tank basé à Moscou. À la tête d’ACN Worldwide, une société de conseil en affaires et en investissements, il est également administrateur indépendant et président du comité d’audit de deux sociétés cotées au NASDAQ.

*Source: Arrêt sur info

Version originale : MEE

 

Robert Bibeau

Auteur et éditeur

3 réflexions sur “La superpuissance chinoise maraude au Moyen-Orient qui pourrait s’embraser

  • haha ! et tout va si bien dans le meilleur des mondes ! :)))

    En effet, entre ces dirigeants totalitaires du tiers-monde, des monarchies arabes, de l’Iran et ceux de la Chine, les noces sont cousues de fils d’or et s’eternisent en festivités sans fin, le méga business qui se fait sur le dos d’une main d’oeuvre ou alors immigration surexploitée comme des chiens pour de salaires de misère, et avec des conditions de vie féodales, tout comme la collaboration sécuritaire surtout avec la Chine dont le pricipal attrait est celui-la, depuis que ses caméras de surveillance, celles de reconnaissance de l’Iris et même de la voix, innondent le tiers monde et le moyen-orient, et leur services secrets n’ont jamais été plus heureux, les logiciels interdits par l’occident et par les conventions et traités internationaux y sont monnaie courante, et même la vie privée de chaque citoyen a commencé a être surveillée et cataloguée dans de fichiers immenses qui coûtent aujourd’hui deux sous, et en cas du moindre problème, les services secrets y ontrecours pour exercer toutes ortes de chantages….on raconte d’ailleurs que dans ces pays comme les Émirats, l’Arabie saoudite, le Qatar et le Koweit, pas un seul centimètre carré de tous ces pays les villes et villages et les routes, les sentiers et les frontières n’est désormais négligé ! en plus de l’échange avec la Chine ou ses proxy et alliés de quantité d’indésirables qui subissent la torture et les pires exactions contre les droits de l’hommes pour des histoires d’opinions politiques lorque livrés aux uns et aux autres… pas plus tard que 2021 et 2022, le Maroc aussi a livré comme un cadeau de Noel un pauvre militant des droits de l’homme ouyghur Chinois qui a eu le malheur de faire escale au Maroc, on raconte que la Chine l’a dissout dans l’acide après l’avoir longuement torturé, tout comme de nombreux membres de sa famille et de sa  »cellule » en Chine, en contrepartie, le Maroc espérait que la Chine allait lui livrer un couple de Marocains devenu opposants au régimes presque par accident, mais ces deux tourtereaux l’échapperont belle a la dernière minute, car il avaient déja entamé ue procédure de refuge politique en France, et cette dernière l’a accépté  »provisoirement », c’est en effet, la seule chose qui empêcha la Chine de les livrer ! Bref, tous les autres pays se livrent en effet a ces  »échanges de bons procédés » avec la Chine, et entre eux, la Turquie par exemple, est devenue dans le milieux militants et d’opposants du monde Arabe, le pays a éviter coûte que coûte, car cette dernière utilise encore a ce jour ce levier pour améliorer et hausser le niveau de ses relations diplomatiques avec tout le monde ! elle a livré autant a la Chine qu’a l’Algérie, qu’au Maroc, qu’aux pays du golf qu’a la Chine ou a l’Iran, une quantité phénoménale de pauvres bougres qui ont cru au baratin  »démocratique » d’Erdogan ou a la pseudo neutralité de son pays ! bref …. si la Chine avait le dessus sur l’occident, nous mêmes ici et sur ce site, et quiconque fait preuve de liberté d’expression, serit oit déja mort et entérré, soit croupirait encore en taule et dans les bagnes secrets de son pays d’origine, ou alors verrait sa famille et ses proches livrés aux pires chantages et sévices ! Vive la tech Chinoise sans limites en effet et sans ethique ni garde fous ! et Vive les milliardaires Arabes et Chinois qui se la coulent douce avec les régimes d’un autre âge !

    la lutte conntinue en tout cas, même si le peu d »espace de libre expression qui reste est lui aussi policé aujourd’hui par Poutine et ses sbires, qui ne diffèrend guerre des agents et tortionnaires chinois ! ….bref

    Sur le plan économique cette fois, il faut en effet féliciter la Chine qui a su niquer et tirer avantage de la situatio géopolitique des pays du Golf et de la destabilisation de leurs régimes pour combler le vide laissé par l’occident ou les etats-unis qui ne les endossent pas sur toute la ligne, même s’ils continuet de considérer cette région comme leur étant acquise et elle l’est bien plus profondèment que ne l’est l Chine malgrès les gro contrats de ces dernières années ! car il faut savoir que les USA ont accès ux hydrocarbures et aux marchés de cette région a prix défiant toute concurrence, comme ils ont pratiquement une cellule de surveillance qui surveille ces pays et leurs dirigeants comme on surveillerait une chambre de bébé par caméra et son, et pratiquement tout y est scrupuleusement noté et enregistré ! il y a même des montants d’argent enormes qui sont prélevés sur ces rentes energétiques de ces pays pour être dirigées vers des banques et des milieux en Amérique comme un rituel depuis toujours …. allez savoir ce que c’est et par rpport a quoi !

    Pour l’instant, laissons tout ce beau monde célébrer et poser pour les belles photos officielles, et épater les ploucs, ou les supporters de Poutine, ou de Xi Jinping…, ou encore les informateurs des régimes vendu des pays arabes et du tiers-monde…., et continuons de hausser les épaules sur le sort de millions de gens qui subisset le joug de ces salopards et vendus…. et rira bien qui rira le dernier…. l’histoire n’a pas dit son dernier mot… loin de la !

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  • attendez que les BRICS s’alignent même si pour certains, on les appelait « non-alignés ». Il faut du temps et de la patience pour que l’alignement soit parfait (ou presque (et comme on dit, « à la guerre comme à la guerre », il n’est pas nécessaire d’attendre et d’atteindre la perfection, géopolitique mondiale oblige).

    Raison de plus pour s’habituer à cette idée « BRICS vs G7 et OTAN (on exporte le vent)
    https://wp.me/p4Im0Q-61r S’un-briquer de toute pièce dans l’échiquier mondial moderne, en somme un « new Deal » 2024 et ses suites à venir

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