La vraie histoire du droit de manifester en France

Par Brigitte Bouzonnie.

Par Claudio Buttinelli cet article est disponible  en anglais, en italien et en espagnole ici:
Articles du 7 Septembre 2023 (1)

1°)- Les textes juridiques qui fondent le droit de manifester :

Le droit de manifester en France trouve son fondement juridique dans l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. Celui-ci affirme, dans son article 11, que « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.«  Sans que la manifestation soit expressément citée dans cet article, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 4 avril 2019, considère que le « droit d’expression collective des idées et des opinions » découle de cet article 11.

Le droit de manifester trouve aussi sa base juridique dans la loi de 1884, dite loi Waldeck Rousseau, officialisant les organisations syndicales de salariés. A partir du moment, où les acteurs syndicaux sont officiellement reconnus, il parait logique de reconnaitre leurs modes d’action : notamment la manifestation de rue. D’ailleurs, les débats à l’Assemblée Nationale autour de cette loi posent la question du droit de manifester.

-En 1907, Clemenceau refuse le principe d’un droit de manifester mais appelle les organisations syndicales et politiques à mieux les encadrer et à les organiser en lien avec l’autorité publique : « Je ne suis pas bien sûr qu’il y ait un droit de manifestation ; mais je suis d’avis cependant qu’il peut et qu’il doit y avoir une tolérance de manifestation ». Sur le plan juridique, il existe donc une « tolérance » autorisant à manifester : autrement dit une pratique réitérée, que l’on peut qualifier de « coûtume » ou de « jurisprudence de fait », qui s’impose au législateur.

-En ce sens, la thèse monumentale d’étude globale de cette donnée fondamentale de l’histoire politique et sociale de la France, rédigée par Danièle Tartakowsky intitulée : « La manifestation en France, Presses de Sciences Po, 1997, montre qu’il y a eu 15 000 manifestations entre 1918 et 1968, soit une pratique sociale considérable et réitérée. Baromètre de l’opinion publique, miroir théâtral d’aspirations populaires, cette forme de mobilisation correspond à l’ère des masses. Et garde, en dépit de sa banalisation une part de mystère. La prise de possession de la rue, antinomique du système capitalo-parlementaire, est, tout au long du XXème siècle, et en dépit de ses transformations, une de ses modalités de fonctionnement.

Le décret-loi du 23 octobre 1935 fixe, pour la première fois, une réglementation d’ensemble sur l’action de manifester sur la voie publique, en obligeant les organisateurs de manifestations à déclarer leur initiative à la Préfecture. Le décret-Loi de 1935 est désormais intégré au code de la sécurité intérieure.

2°)- L’application libérale du droit de manifester pendant plus de 150 ans, remise en cause par Macron :

La liberté de manifester est appliquée de façon très libérale, entre 1884 et 2015. Notamment au cours des années 1960-1970. Toutes les manifestations sociales sont autorisées, à l’exception des rassemblements devant les ambassades, moins de 1% du volume des mobilisations de rue, histoire de ne pas créer d’incident diplomatique avec l’Etat d’Israël, le Shah d’Iran ou le Roi de Jordanie.

-Avec la proclamation de l’Etat d’urgence en 2015, Hollande interdit certaines manifestations. Il oblige même les organisateurs à tourner en rond, comme lors d’une manifestation anti Khomri de juin 2016. Du jamais vu !

De son coté, Macron interdit à son tour de nombreuses manifestations, dès qu’il y a « atteinte grave à l’ordre public » : argument juridique historiquement non fondé : puisqu’il n’existe pas dans les textes de loi et décrets régissant le droit de manifester. Et Claire Hédon, Défenseuse des Droits s’en indigne sur le plateau de BFMTV de juin 2023. Elle estime que les atteintes aux droits se multiplient : services publics, police, maintien de l’ordre. Et que le droit de manifester est partiellement remis en cause, alors que pendant plus de 150 ans le problème ne se posait pas.

Macron suspend nos libertés publiques. Comme écrit Finian Cunningham, journaliste et écrivain britannique sans un article du 21 juillet 2017: « La France est entrée dans un état d’urgence permanent, marqué par des pouvoirs de police élargis, une militarisation de la société, et par la suspension des droits et libertés démocratiques. On est à quelques pas seulement de la dictature pure et simple (sic).

Mais le pire, c’est que personne ne moufte, du côté des partis de gauche, et des responsables du France Insoumise, Parti communiste français, Parti socialiste, CGT, Sud, etc…Il n’y a que Claire Hédon, Défenseuse des Droits et Amnesty international, pour monter au créneau. Défendre notre droit de manifester, quoique de façon assez peu juridique.

A ce stade, il importe d’expliquer sur des sites internet alternatifs comme « Les 7 du Québec » la réglementation « historique » du droit de manifester. Et comment Macron, avec ses interdictions de manifester de plus en plus nombreuses, remet en cause gravement notre droit plus que centenaire de faire des démonstrations de rue. Droit de manifester, au demeurant assez bien respecté entre 1884 et 2015, par les dirigeants de droite et de gauche.

 

Robert Bibeau

Auteur et éditeur

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