Allemagne. De Lieferando à Streikerando: quand les livreurs développent leur organisation

Leonard M. regarde avec inquiétude le ciel nuageux au-dessus de Berlin, dans le grand quartier de Kreuzberg ce jeudi 17 août. «J’espère qu’il ne pleuvra pas aujourd’hui», dit-il. Depuis deux ans, Leonard M. travaille comme livreur pour acheminer des commandes de repas chez Lieferando [filiale en Allemagne du groupe franco-néerlandais Just Eat Takeaway, en 2020 le groupe a racheté Just Eat].

Par Claudio Buttinelli cet article est disponible  en anglais, en italien et en espagnole ici:
Articles du 8 septembre 2023

Au lieu de sa tenue de travail orange, il porte aujourd’hui un gilet de grève noir, au dos duquel le logo orange et blanc de Lieferando – une maison stylisée avec à l’intérieur un couteau et une fourchette – a été transformé en un drapeau de pirate noir et blanc, avec l’inscription «Streikerando» en dessous.

Leo est l’un des organisateurs de la grève d’avertissement (Warnstreik) des livreurs de Lieferando à Berlin, en ce matin du mois d’août. Des coursiers de toute l’Allemagne font spécialement le voyage, la pluie pourrait ne pas favoriser leur participation. Il s’agit déjà du cinquième arrêt de travail en 2023 au niveau national. Cette fois-ci, il est prévu d’organiser une manifestation de plusieurs heures dans l’après-midi devant le siège social de Lieferando. En mars déjà, environ 200 livreurs s’étaient rassemblés à Kreuzberg, pour marquer le début de la campagne salariale et conventionnelle du Syndicat de l’alimentation et de la restauration (NGG-Gewerkschaft Nahrung-Genuss-Gaststätten), l’un des huit grands syndicats [il compte quelque 200’000 membres dans tout le secteur de la restauration et de l’alimentation] de la Confédération syndicale allemande (DGB-Deutschen Gewerkschaftsbund). Le NGG veut obtenir une convention collective chez Lieferando.

En Allemagne, les conventions collectives sont en recul depuis de nombreuses années. Selon le DGB, 76% des salarié·e·s de l’Ouest et 63% de ceux de l’Est bénéficiaient encore d’une convention collective en 1998 – en 2022, ce nombre n’était plus que de 51% au niveau national.

Les conventions collectives dans les entreprises de plateformes comme Lieferando, telles qu’elles sont apparues au cours des 20 dernières années, sont rares. Un militant syndical représentant les travailleurs et travailleuses de ce secteur, souhaitant garder l’anonymat, déclare: «Entre-temps, certaines entreprises acceptent en grinçant des dents des comités d’entreprise (Betriebsrat), mais la plupart du temps les salarié·e·s ne sont pas prêts à adhérer à un syndicat au point de se battre pour une convention collective. La plupart des syndicats reculent devant un tel type de lutte.» Mais les livreurs sont aujourd’hui plus actifs et mieux organisés que de nombreux autres travailleurs du secteur des plateformes. En 2016, une première grève sauvage a eu lieu à Londres. Depuis, les protestations se multiplient, y compris en Allemagne. Dès 2017, la campagne Deliverunion a été lancée, à l’époque sous le patronage de la Freie Arbeiterinnen- und Arbeiter-Union (FAU), un petit syndicat démocratique de base de tradition anarchiste.

Sur le marché des services de livraison lui-même, en raison de la situation concurrentielle dynamique et d’un modèle commercial fragile, il y a des entrées et des retraits de plateformes. Les entreprises lèvent jusqu’à présent des sommes incroyables pour se développer et rivaliser avec d’autres firmes de livraison en vue d’obtenir une position de monopole dans leur segment de marché. Elles restent compétitives grâce, entre autres, à des coûts réduits, obtenus grâce à des salaires bas, peu d’infrastructures, presque pas d’instruments de travail [mise à disposition ou pas de moyens de livraison] et un travail organisé par algorithme.

Au-delà des salaires, bataille pour un contrôle sur les algorithmes
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30 août 2023

Alencontre Allemagne, Syndicats https://alencontre.org/

 

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