7 au Front

La laïcité devenue un instrument de stigmatisation et de criminalisation des musulmans

Par Khider Mesloub.

Par Claudio Buttinelli cet article est disponible  en anglais, en italien et en espagnole ici:
Articles du 30 septembre 2023

Sous la domination contemporaine de la bourgeoisie xénophobe et belliciste française, la laïcité, originellement fondée sur la neutralité vis-à-vis des religions, est aujourd’hui convertie en instrument de stigmatisation et de criminalisation des adeptes de la religion musulmane.

Historiquement, aux yeux des républicains français de la fin du XIXème siècle, la laïcité constituait un instrument politique brandi pour soustraire à l’Église catholique son emprise sur l’éducation des enfants en vue de la transférer à l’État, mais jamais une arme de guerre contre la religion. Au reste, tel était le « programme pédagogique » de Jules Ferry pour qui « l’enseignant avait pour mission de ne pas s’opposer aux croyances religieuses des parents d’élèves ».

Certes, la revendication de la séparation de l’Église et de l’État, tout comme la liberté individuelle du culte, a longtemps figuré dans le programme du mouvement ouvrier révolutionnaire du XIXème siècle. Cependant, au XXème siècle, une fois cette revendication satisfaite par l’ensemble des États capitalistes sécularisés, autrement dit une fois le pouvoir institutionnel et l’empire éducative de l’Église anéantis, la laïcité est, depuis lors, en particulier en France, instrumentalisée par les classes dirigeantes à des fins de dévoiement politique.  La laïcité, « religion civique » de la bourgeoisie, est devenue une arme de mystification idéologique, destinée à semer la division parmi les prolétaires « d’origines ethniques et religieuses » diverses.

Globalement, selon le point de vue des organisations socialistes du XIXème siècle, dans une société européenne à peine sortie du féodalisme, la religion devait être certes critiquée et combattue. Mais cette critique et ce combat devaient s’inscrire dans la lutte révolutionnaire globale menée contre la société et l’État bourgeois en vue de l’émancipation humaine universelle. Non comme fin en soi, animée par un esprit bourgeois anticlérical, avec, comme unique dessein, l’institutionnalisation de la laïcité dans le cadre du maintien de la société capitaliste.

Le mouvement ouvrier a toujours refusé de s’associer à l’hystérie anticléricale déchaînée par la bourgeoisie, en particulier en France. Dans un contexte marqué par une virulente offensive menée contre la religion par les anticléricaux, le premier Congrès de l’Association internationale des travailleurs (AIT) dut se résoudre à se démarquer de cette hystérie antireligieuse orchestrée par les élites bourgeoises.

En effet, le premier Congrès de l’AIT tenu à Genève en septembre 1866 rédigea une déclaration de principe affirmant que la religion « est une des manifestations de la conscience humaine, respectable comme toutes les autres, tant qu’elle reste chose intérieure, individuelle, intime (…) chacun pensera sur ce point, ce qu’il jugera convenable, à la condition de ne point faire intervenir “son Dieu” dans les rapports sociaux et de pratiquer la justice et la morale ». Le combat n’était pas orienté contre la religion en soi mais contre les pouvoirs théocratiques et institutions confessionnelles dominantes.

En Europe, le développement des forces productives, autrement dit, l’industrialisation et l’urbanisation conjuguées à la scolarisation massive des populations, avait déjà permis un net recul du sentiment religieux au sein de la classe ouvrière. Les marxistes considéraient qu’une propagande antireligieuse s’avérerait stérile et laisserait courir un risque de division au sein de la classe ouvrière. C’est à dessein qu’ils s’opposèrent aux blanquistes et aux anarchistes (ancêtres des laïcards hystériques contemporains) désireux d’inscrire le principe d’athéisme dans le programme des organisations révolutionnaires.

Dès cette période d’expansion du capitalisme, les socialistes tracèrent une trajectoire claire en ce qui concerne la question religieuse. La séparation de l’Église et de l’État et la conception de la religion comme une affaire privée, non seulement ne furent pas intégrées au centre du combat, mais elles furent rejetées pour leur dévoiement politique, leur puissance de nuisance sur le prolétariat. Et surtout de division.

Le discours anticlérical bourgeois a vocation de faire de la laïcité une fin en soi, autrement dit, il s’agit de détourner la classe ouvrière de son véritable objectif : la lutte contre le capitalisme. La révolutionnaire allemande, Rosa Luxemburg, dénonçait déjà en son temps l’instrumentalisation de la laïcité par la bourgeoisie française : « L’incessante guérilla menée depuis des dizaines d’années contre la prêtraille est, pour les républicains bourgeois français, un des moyens les plus efficaces de détourner l’attention des classes laborieuses des questions sociales et d’énerver la lutte des classes, L’anticléricalisme est, en outre, restée la seule raison d’être du parti radical; l’évolution de ces dernières trente années, l’essor pris par le socialisme a rendu vain tout son ancien programme. (…) Pour les partis bourgeois, la lutte contre l’Église n’est donc pas un moyen, mais une fin en soi ; on la mène de façon à n’atteindre jamais le but ; on compte l’éterniser et en faire une institution permanente ».

Un siècle plus tard, la bourgeoisie sénile et décadente française continue toujours à instrumentaliser la laïcité, à mener « sa guérilla incessante », aujourd’hui contre les musulmans et l’islam !

Entre les mains des classes dirigeantes et élites culturelles françaises contemporaines en plein ensauvagement et radicalisation, ces dernières décennies la laïcité est devenue en effet un instrument de stigmatisation et de criminalisation de la religion musulmane, actionnée pour diviser les classes populaires de France, affaiblir leur unité sociale par les fausses divisions religieuses délibérément accentuées pour acculer les Français de confession musulmane à se dissocier de leurs « frères de classe » du fait de leurs supposés particularismes confessionnels incompatibles avec les valeurs républicaines de la France (sic). Et les « Français de souche » à anathématiser, ostraciser et ségréguer leurs frères de classe d’obédience islamique.

Pour rappel, en France l’islam est non seulement la deuxième religion du pays, mais surtout la religion de la grande partie de la fraction immigrée du prolétariat, la partie la plus exploitée, la plus opprimée, la plus ostracisée. Un prolétariat immigré que la classe dominante française s’applique à maintenir, à l’instar de ses ancêtres indigènes des colonies, dans la soumission et la paupérisation.

Comment attiser et entretenir la division entre prolétaires français et immigrés, blancs et arabes et noirs, sinon par la dévalorisation et le dénigrement de ces derniers, décrits systématiquement de manière péjorative, caractérisés comme étant des populations dangereuses, voire barbares, dont il faut se méfier du fait de leurs « mœurs étranges et de leur religion étrangère », de leur « inassimilabilité congénitale » (sic). L’instillation de stéréotypes épouvantables sur les immigrés favorisent le racisme. C’est ce climat délétère qui provoque également des réactions virulentes, des attitudes d’hostilité systématique contre toute expression et exposition publique de la religion musulmane, notamment la construction d’une mosquée ou le port de tout signe islamique. Selon un récent rapport européen, la France a été désignée comme l’un des pays les plus islamophobes en Europe durant l’année 2022.

Y compris aux États-Unis, à la faveur de l’interdiction du port de l’abaya à l’école, une commission consultative mandatée par le Congrès américain a estimé que le gouvernement Macron avait « empiété sur la liberté religieuse ». En effet, elle a fustigé la décision du gouvernement d’interdire le port de l’abaya dans les écoles françaises, parlant d’une mesure d’« intimidation » visant les musulmans de France. « Dans un effort malavisé pour promouvoir la valeur française de laïcité, le gouvernement empiète sur la liberté religieuse », écrit Abraham Cooper, qui préside la Commission américaine sur la liberté religieuse internationale (USCIRF), un organisme gouvernemental consultatif mandaté par le Congrès américain. « La France continue d’utiliser une interprétation spécifique de la laïcité pour cibler et intimider les groupes religieux, en particulier les musulmans », souligne la commission, en jugeant « condamnable de restreindre la pratique pacifique des croyances religieuses des individus pour promouvoir la laïcité ». « La communauté internationale doit continuer à s’élever contre les lois qui menacent la liberté religieuse de tous en France », a ajouté Nury Turkel de la Commission américaine sur la liberté religieuse internationale.

Certes, Marx, père fondateur du socialisme scientifique, a écrit que la première critique à entreprendre est la critique de la religion. Mais il n’a jamais professé que le principal combat à mener est celui de la lutte contre la religion ou ses symboles, notamment vestimentaires. La différence est importante. Les pseudos marxistes ou laïcards fanatiques contemporains, érigeant, au nom de la laïcité, le combat contre la religion en priorité principale, se trompent de cible. Par leur fourvoiement, ils placent la religion au-dessus des classes et des contradictions sociales.

La loi de 1905 sur la laïcité est ainsi devenue un moyen de division entre les classes sociales. Comme l’écrit la sociologue Monique Pinçon-Charlot : « Que représente exactement la laïcité pour les plus riches qui ne subissent aucune contrainte dans leurs choix, qu’il s’agisse des quartiers où ils vivent ou de l’école où ils mettent leurs enfants ? La laïcité est instrumentalisée pour dédouaner les responsables, banquiers et autres spéculateurs financiers, des inégalités économiques devenues abyssales. La division entre les dominés selon leurs appartenances religieuses interdit la convergence des revendications et des luttes contre des élites profondément solidaires dans la défense de leurs intérêts de classe. L’hostilité populaire envers des familles affichant une religion autre que le christianisme soulage les inquiétudes des possédants. Les inégalités économiques sont un facteur de tensions sociales dangereuses qu’il est préférable de voir dévoyer en des luttes internes aux classes dominées ».

De nos jours, en France la laïcité est le pendant de l’Union sacrée. Les campagnes pour la laïcité sont destinées à agréger les prolétaires dans une union interclassiste pour défendre les « valeurs républicaines » françaises, censées incarnées la civilisation par excellence, au même titre que la démocratie bourgeoise symbolise, selon l’idéologie occidentaliste capitaliste, la forme de gouvernance humaine la plus accomplie (sic). Ces valeurs, laïcité et démocratie, devraient donc unir le patron et l’ouvrier, le SDF et le milliardaire, la femme prolétaire des banlieues et la bourgeoise des quartiers huppés, pour défendre la nation, la « civilisation occidentale ».

Certes, il faut combattre l’emprise réactionnaire religieuse, notamment islamique, mais non au moyen de mesures coercitives étatiques stigmatisantes et intimidantes, comme l’applique insidieusement l’hystérique gouvernement Macron qui jette en pâture les Français et immigrés de confession musulmane à la vindicte populeuse, afin de dévoyer les griefs et la colère de la population française exprimés contre sa politique antisociale, la flambée des prix, la dégradation de ses conditions de vie.

Or, Macron tente de focaliser l’attention du prolétariat sur la « question vestimentaire » pour éluder la Question sociale et les problématiques de la nutrition. Et surtout pour affaiblir et neutraliser une riposte de classe à la hauteur des exigences historiques actuelles marquées par une dégradation dramatique des conditions de vie de l’ensemble de la population laborieuse de France, toutes origines et confessions confondues.

Au vrai, dans cette période de marche forcée vers la guerre généralisée, d’exaltation hystérique du patriotisme et d’apologie du militarisme belliciste, la campagne tapageuse laïcarde s’inscrit dans cette politique d’Union nationale qui a pour dessein, entre autres, de dévoyer l’opposition naissante entre internationalistes et militaristes vers le clivage stérile entre laïques et religieux (islamiques). À suivre la propagande étatique et médiatique française, ce seraient les musulmans qui menaceraient la paix et la « civilisation », et non pas la bourgeoisie française belliciste qui, par son programme de réarmement outrancier et l’instauration de l’économie de guerre, mène le pays droit vers la conflagration militaire mondialisée, donc vers des massacres de masse, la barbarie guerrière, l’anéantissement nucléaire, non seulement des Français, mais également de l’humanité.

De nos jours, la laïcité est le paravent idéologique instrumentalisé par la classe dominante française pour défendre sa République bourgeoise ségrégationniste, c’est-à-dire son système d’exploitation et d’oppression capitaliste. Aussi, toute alliance avec la classe dominante française, sous prétexte de la défense de la laïcité, ce cache-sexe antimusulman, est un crime politique.

 

Khider MESLOUB

 

Robert Bibeau

Auteur et éditeur

2 réflexions sur “La laïcité devenue un instrument de stigmatisation et de criminalisation des musulmans

  • Jacques Abel

    Ouais, ben, il peut nous raconter ce qu’il veut, les musulmans de France comme les juifs de France, doivent baisser pavillon et vont baisser pavillon.

    Ici, t’es Français ou tu l’es pas, auquel cas t’es en France et potentiellement sur un départ prématuré.
    C’est à l’appréciation générale de la communauté française, celle loyale au pays, il y en marre de ces conneries, nous sommes un ensemble patriotique prêt à défendre ce pays jusqu’à la mort, ou pas?

    Celles et ceux qui ont la préséance religieuse quant à leur identité nationale, c’est hors d’ici que ça se passe, ce sont des invités et, comme ils doivent le savoir, ce sont les maîtres des lieux qui décident quand prend fin, la réception.

    C’est allé trop loin c’est conneries de guéguerre religieuse entre les musulmans et les juifs en France, chacun des extrémismes de ces camps ont favorisé la situation actuelle du pays, en faisant de la laïcité la religion d’Etat à laquelle on adhère ou qu’on combat, par conséquent, à comportements particuliers, traitements particuliers, car ce sont des combats intellectifs menés par les tenants de sociétés intellectuelles incapables de s’adapter aux temps présents.

    Des gens dans l’attente que le ciel s’ouvre et qu’y descende on ne sait quoi, des cerveaux malades.

    Rien à fiche de l’opinion des Américains vis-à-vis de nous, on va pas leur faire la leçon chez eux quant à l’application archaïque la peine de mort, la prolifération d’armes dans leur population, la charactère meurtrier et discriminatoire de leur pays, leur population chroniquement obèse, droguée et porteuse toutes sortes de pathologies qui se paupérise… etc.

    Alors, qu’ils s’occupent de leurs fondements et nous des nôtres.

    C’est quand même bizarre qu’on les cite en exemple là, quand par ailleurs ce sont les pires vermines qui soient sur les sujets internationaux.
    C’est presque de la manipulation prosélyte pour l’islam ça, les références communistes, prolétariennes ou autres sont de l’apparat non inapproprié.

    La reprise en main du pays, justifierait, restauration d’uniformes du primaire à la terminale pour tout le monde, chaque région a sa couleur vestimentaire stricte, l’Etat fournit les uniformes qui devront être soigneusement entretenus par les familles et le jeune.
    On s’en fout des opinions religieuses et pratiques sexuelles des uns et des autres dans des lieux censés délivrer des principes d’instruction et non un dressage éducatif.

    C’est la France ici, si les choses en sont arrivées où elles sont dedans, c’est à dire que ce soient les communautés aux esprits délabrés qui en sont les maîtres, c’est principalement, pour ne pas dire exclusivement, que l’inadaptabilité sociale intrinsèque à certains groupes communautaires a été mal appréciée par nos citoyens qui ont favorisé en 1981 l’élection d’une gauche apatride, traître et manipulatrice, les Français se sont eux-mêmes fusillés à ce moment-là.

    La France a basculée là, et c’est un vrai régal aujourd’hui de voir ces vieux traîtres qui ont cooptés leurs rejetons lubriques, aux têtes plus vides que les leurs et aux veines aussi chargées, pour les remplacer en créant au passage une soi-disant petite élite collabo pour justifier à nos yeux les mérites de l’ascenseur social, contempler la venue à grands pas de la destruction de tout ce pourquoi ils ont consacré leurs existences, ils n’y croyaient même pas même si on s’égosillait à leur crier.
    Tout était en mode combustion lente, les attiseurs n’avaient rien faire, ça s’faisait tout seul, on voit le résultat aujourd’hui, et ça n’est rien par rapport à ce que ça sera prochainement.

    Ce ne sont pas les pèquenauds annoncés par les faillis qui vont reprendre la main et les affaires du pays, pas les dédiabolisés et autres vendus, c’est le chauvinisme, les coups lattes dans leurs gueules aux doctrines à la con et aux équilibres sur une jambe, qui va se vendre aux Français.

    Un pays fort a une identité forte, ici, c’est chrétien à majorité catholique, plus de faiblesses, on détruira plus nos églises pendant qu’on construit des synagogues et des mosquées, comme il se dit:

    Charité bien ordonnée commence par soi.

    On refera des prêtres avec des couilles, mais pas pour qu’ils les mettent aux culs de leurs frères, d’enfants ou de quiconque, des hommes dévoués.

    Nous ne sommes pas en marche forcée vers la guerre, non, cette marche est espérée par l’humanité qui doit être régénérée, là, nous sommes allés trop bas, plus encore et les animaux nous supplanteront avec juste raison.
    Si nous ne la voulions pas les occasions de manifester ce refus, n’ont pas manquées, c’est donc un acte manqué généralisé qui s’est réalisé, un fantasme mondial, on nous vendait une réalité virtuelle du plaisir et nous n’avons pas voulu saisir l’évitement du déplaisir, voilà nos manipulateurs… manipulés par nous.

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